es Là Fra si d + 1 re # "à met >> Ve . NUE RE Ÿ TER des PE CANTINE EN N Ven at « Le cet, D REA AL 1 RU tee va AU UNE PL RE les HAN ma rise HUE 1 MoN eue uns AE £ si Hu COUAICUS En 4 4 ARLON 4 Avht Q ile 1 Hour out MA Te on Ad olou à d'Al e (AN HAN TRDMALEER 11 h ( + sa PA ANACS ENS En 4 . HR ' ‘, 21 D'LA 'HEue n À (opheu ti WE M7 VE a ant 4" care ANNE } RULES TE CARE RE sr, à. TU sit S jo part 1 AU 14 io Vie 4e Fo AL à LAN T PL Av, Te eu Pret ANR MARS "H N NA PEN 0 db H'A] IA 1e DT EN HN ii A PEUT ; He HR NE l Ju cn Ft ai Lie p'A va EM te AU Ka Liu vent MAANTTE CRT dits TE) À Di 4) » san, tu [1 Mo HEALTH HE 4 FPE NATU A ME A es ren ru TA GNid ALL ON CAC UE RUE L Le ci MRUTUR a {gl ! 3 ne SE LOC ie # GIAG CRES EN CEE k } DU UTS NAT Lisa, ) AGE vr D à ET M « Hague EME À n,.15 AN A 0 Qt , doit ÿ Bi 7 AA al > AU Le ) AT + #22 RACE H >; vie 4 MS os. . in? Ce ; ‘ APRIFU " \ dy En # « AT l e ur re ! 2 ee | re 4 ; ar LE] ’ ‘# 7, 4 À rt, à ta CL IRINIE nl Ont 4“. à Heu Lit : 4 a ER F 1 CAR EN tes AE Lee fi ! D * 9 ble de He 4 y red 2. x LHNEN AE Hur » € a] de ne PANNE pis # 1 in a sin ï st R, #0 M, # |A L AE LE û cé éait VE LS LE AN sen HN pi Lil H (rt af Ra arens ie a è dl ‘ J LENT ” (sf vit HER ( te si CNP Rae NE ie ‘ ni: lu TEA N Ru on pliée 4 qe A OOEUTE ŒSRNT E x d [A ae KE 4 HE se PES } ral Eu Ra 44 . «el ! e RTMEUTEANCNCENAUTEUNE \ettul At Qt LAN rater ss SEX LT A : ; t | Ltet2e st MR REPARTI A D ñ N. ON K} 46 Le CRE ê ‘ t CAD EE DR CONS L ER PTE AERE RL TS | Fat Hi LUE FR no AA EL Fais % qe prit fe sien “4 je A De Ne ne x Eu pesr HAS #91. a qe He) A A: EYE RATE fi AURUTE “e, #1 pue ste Vi 44 41 M4 de ne Ein qui ni | We DEVRONT 14 NA DUT . , Gi it LECTURE en RARES à in Ft 16 ARE NE AA 4 4! LA lu pl ÿ & AE HA ie ENS LA ES ds UE Ti GENS a CL + L EST Fo | 4 dd ol L'ES | Leu } M L | ÿ > ANNALES DES SCIENCES NATURELLES SEPTIÈME SÉRIE , ZLOOLOGTIE | hs ÉREL : LA JAHAUTLY SHIME —— —— D CORREIL. 2 naine cnéré. Da, 2: PE OF CHROME ANNALES DÉS SCIENCES NATURELLES ZOOLOGIE ET PALÉONTOLOGIE COMPRENANT L’'ANATOMIE, LA PHYSIOLOGIE, LA CLASSIFICATION ET L'HISTOIRE NATURELLE DES ANIMAUX PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE M. À. MILNE-EDWARDS TOME XVIII PARIS G. MASSON. ÉDITEUR LIBRAIRE DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE 120, Boulevard Saint-Germain 1895 pk 4 L a ea, Î TA AH Lori ' » J ça" f “1 | à 19010080 | | Fe. | AMEL ES MOOIOÔTLOALLI ty Fr se TRE RIUM MA | LR EURE £ TNA RPC : a NpOeRsS Vu Ai di ; LA | REX HU HER we Los. ere | | “1 Ah 41H24 DO A ADN 100 4 À * LSÉAA FTIERTELS #4 HEMATNIE À, au À Lrddaev 1 ETUDES SUR LE DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS Par M. LOUIS ROULE Professeur à la Faculté des Sciences de Toulouse. INTRODUCTION GÉNÉRALE L. PRÉLIMINAIRES. — A. — Les recherches effectuées jus- qu'ici sur le développement des Arthropodes ont été fort nombreuses; elles ont porté, de préférence, sur les Crusta- cés et les Insectes. Autant qu'il est permis de le concevoir d’après les résultats obtenus, l’évolution embryonnaire de ces êlres s’accomplit suivant des procédés spéciaux qui n'existent point ailleurs. Les plus accentuées de ces particu- larités tiennent au faconnement du blastoderme et des feuillets qui dérivent de lui. Aussi, voulant poursuivre mes éludes sur l’origine des feuillets blastodermiques chez les principaux groupes naturels des animaux, et sur les pre- mières dispositions acquises, aux dépens de ces assises ini- tiales, par les ébauches organiques, me suis-je occupé des Arthropodes. Les affinités, dont beaucoup de naturalistes admetteni encore la réalité entre ces derniers et les Vers annelés, me créaient, du reste, l'obligation de ces éludes : dans le but de voir s’il y a vraiment ressemblance entre ces deux groupes, sous le rapport des états primordiaux du dé- veloppement. — J'ai déjà exposé mes recherches, et les ré- sultats qui me paraissent en découler, sur les Annélides ; il reste à agir de même pour les Arthropodes. ANN. SC. NAT. ZOOL. XVI, À 2 LOUIS ROULE. Les investigations faites par les auteurs ont abouti à des notions fort contradictoires, parmi lesquelles il est souvent impossible de décider. Il est à remarquer, cependant, que ces divergences ne liennent pas tout à fait aux phénomènes constatés, à peu près identiques dans leur ensemble, maïs à l'interprétation que l’on en donne. A cel égard, les opinions forment un vrai fouillis, car chaque auteur a la sienne, qu'il érige souvent en système, et dont il ne veut rien abandonner, pour accepter au moins une partie des sentiments des autres. Les causes de tels conflits sont assez nombreuses, mais il en est deux principales : l'absence fréquente de renseignements circonstanciés sur les premières phases du développement du blastoderme et de ses feuillets; et la préoccupation cons- tante de retrouver, dans les faits observés, soit une gastru- lation véritable, soit les traces d’un état gastrulaire. Il y a donc place pour une étude détaillée de l’origine du blastoderme, chez les Arthropodes, et de celle des ébau- ches organiques, conduite sans êlre guidée par une idée préconçue, dans le seul objet de constater les phénomènes et d’élablir les conclusions immédiates qui découlent d’eux. C’est à cette étude que je me suis appliqué. — Je n'ai pas la prétention de croire que les choses sont désormais fixées d’une manière définitive, n1 que j'ai résolu le conflit. En bien des cas, mon rôle se résume à confirmer ou à préciser les assertions de mes devanciers. Je me borne à décrire ce que j'ai vu, et à exposer ma pensée à cet égard; la princi- pale des parts, vraiment neuves, de ce travail, est de mon- trer dans quelle mesure les faits que j'ai constatés se rac- cordent à la théorie du blastoderme et de ses feuillets, telle que je l’ai donnée dans mon £mbryologie générale. J'avais commencé par examiner, d’une façon parallèle, les Crustacés et les Insectes. Je me suis aperçu, en ce qui con- cerne ces derniers, que mes recherches concordaient exacte- ment avec celles de la plupart des auteursrécents, notamment de Wheeler et de Tikomirof. J'ai restreint, en conséquence, mes recherches aux premiers de ces animaux, en lâchant, DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 3 dans la limite où cela m'est possible, de me faire une opinion sur les questions en litige. Il suffira ensuite de montrer avec quelle justesse cetle même opinion s'applique aux Insectes et, sans doute, à tous les Arthropodes. Les résullats auxquels je suis parvenu sont exposés, en leurs traits essentiels, dans mon Æmbryologie comparée. Les études, que je publie en ce moment, sont destinées à mon- trer, en tous leurs détails, sur quelles bases je me suis appuyé pour émettre de telles assertions. Celles-ci sont résumées, du reste, dans les pages qui suivent, afin de préciser les don- nées principales et de permettre au lecteur de s'orienter parmi les faits, de natures diverses, dont les descriptions composent cetle suile de mémoires. - B. — La segmentation ovulaire des Arthropodes aboutit, dans l'immense majorilé des cas, à la constitution d’une pla- nule. Celle-ci appartient au type dit des planules centroléci- thes. Elle est formée par une assise épithéliale simple, qui correspond au blastoderme el enveloppe un amas de deulo- lécithe ; ce dernier est une substance nutritive, privée de tout rôle dans le faconnement direct des cellules de l'économie. Ces éléments proviennent tous, et sans aucune exception, du blastoderme. Le deutolécithe est simplement chargé de leur fournir les matériaux alimentaires indispensables pour per- mettre leur multiplication ; aussi se résorbe-t-il au fur et à mesure des progrès du développement. Il est, en somme, une vésicule vitelline interne, placée dans le corps de l’embryon, dont la disparition commence vers la face ventrale de l’orga- nisme, pour s'achever dans la région dorsale. Ce résultat de la segmentation est constant, ou peu s’en faut. Dans le cas où l’œuf entier se divise, où la scission est totale, les parts internes des blastomères, composées seule- ment de vitellus nutritif, s'unissent entre elles pour donner la vésicule vitelline, et Les parts extérieures, nucléées, consti- tuées par du blastolécithe, fournissent le blastoderme. Lors- que l’œuf, pourvu d’une cicalricule, se trouve soumis, de ce 4 LOUIS ROULE. fait, à une segmentation partielle, le deutolécithe ne se scinde point et se laisse envelopper par les éléments issus de la cicatricule, au moyen de la prolifération de cette der- nière; ceux-ci forment le blastoderme, et celui-là représente, comme dansle premier cas, une vésicule vitelline interne. Les procédés diffèrent, mais le but atteint est toujours le même. Le blastoderme, ainsi façonné et placé autour de la vési- cule vitelline, est embryonnaire tout entier, c'est-à-dire est occupé à engendrer l’économie de l'embryon, sans qu'aucune de ses parties soit employée à fournir des annexes destinées à tomber et à disparaître sans passer à l'organisme adulte. Il n'existe d’exceplions à cet égard que pour l’amnios des In- sectes, et pour les membres provisoires de certaines larves d’Insectes et de Crustacés; et encore, les zones blastoder- miques, consacrées à l'édification de ces appendices tempo- raires, sont-elles d’une étendue relativement restreinte. C. — Le blastoderme produit, tout d’abord, après s'être constitué aux dépens du blastolécithe de l’ovule, les deux feuillets primordiaux, le protectoderme et le protendoderme. À cet effet, il engendre et sépare de lui des cellules, qui pé- nètrent dans les zones superficielles, et sous-jacentes à lui- même, de la vésicule vitelline. Ses éléments se divisent tan- gentiellement à la surface de l'embryon, et se scindent en deux portions : l’une, extérieure, continue à faire partie de la couche blastodermique ; l’autre, intérieure, se détache de la précédente et entre dans la région périphérique du deuto- lécithe. Ce phénomène s'effectue sur toute l'étendue du blas- toderme. Les cellules internes sont, d’après leur mode de for- mation, distinctes les unes des autres et ne s’accolent point en un tout cohérent; elles émeltent des expansions pseudo- podiques, se déplacent dans le vilellus au sein duquel elles sont plongées, el se nourrissent de lui, en agissant comme de vrais phagocytes. Elles offrent, en définitive, tous les ca-* ractères d'éléments mésenchymaleux. Seulement, ce mé- senchyme offre ceci de particulier, que la gangue unissante DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 5 n'est point une substance fondamentale, exsudée par les cel- lules, mais un deutolécithe préélabli et déposé dans l’ovule par l'ovaire du générateur. La première phase de la genèse des feuillets primordiaux consiste donc en la production, par le blastoderme, d’un _ mésenchyme; celui-ci pénètre dans le deutolécithe sous-ja- cent, dans les zones superficielles de la vésicule vilelline, et se nourrit du vitellus, se l’assimile en le faisant disparaître à mesure. Ce tissu mésenchymateux est façonné par Le blasto- derme entier; mais deux régions sont, en cela, plus actives; ces dernières, symétriques et parallèles à l’axe longitudinal du corps, se trouvent placées de part et d’autre, et non loin, de la ligne médiane ventrale. — Ce mésenchyme n’est autre que le protendoderme, c’est-à-dire le feuillet primordial in- terne, qui va se subdiviser en mésoderme et endoderme. Après avoir subvenu à sa genèse, le blastoderme persiste lui- même, à la surface de l'embryon, comme protecloderme, comme feuillet primordial extérieur. Ce faisant, il ne subit aucune scission en feuillets secondaires, et se borne à de- meurer en qualité d’ectoderme définitif; aussi, ce dernier nom peul-il lui être accordé d'emblée. Plusieurs auteurs, donnant par avance, à cause de sa si- tualion extérieure, la valeur d’ectoderme à la couche blasto- dermique, admettent que le mésenchyme interne, soit le protendoderme, est de provenance ectodermique. L'examen délaillé des premiers états du développement empêche d’ac- cepter une telle opinion. Les phénomènes accomplis se rapportent à une délimitalion, consécutive à la fécondation, du blastolécithe répandu dans l'œuf, puis à une extension de ce vitellus évolutif autour du deutolécithe, accompagnée de sa résolution en cellules. Le blastoderme se constitue de cette façon, et se partage ensuite en ses deux feuillets primordiaux. Les procédés employés diffèrent de ceux des auires animaux, mais leur signification réelle n’en estpas moinsindisculable. Une telle évolution est la règle, en ce qui concerne les Crustacés ; elle se retrouve, chez les Insectes, avec ses mêmes 6 LOUIS ROULE. qualités d'aspect el de relations. Cependant les auteurs sont loin de s'entendre à son égard ; la confusion porte même sur les termes qu'ils emploient. Cette divergence d'opinions est pourtant apparente, du moins en majeure partie; sauf quel- ques erreurs d'observation, bien excusables en un moment où la technique n'était pas aussi précise qu’elle ne l’est main- tenant, elle touche plutôt à l'interprétation des faits qu'aux faits eux-mêmes. Les Insectes présentent, en effet, dans la genèse de leurs feuillets, diverses particularités, qu'il suffit de mentionner pour évaluer leurs conséquences ; ces der- nières existent bien chez plusieurs Crustacés, mais elles n’y sont pas aussi prononcées. Le blastoderme de ces animaux est donné par une migra- lion, vers la périphérie, de cellules produites dans l’inté- rieur de l’ovule, aux dépens du blastolécithe mélangé au vitellus nutritif. Ces éléments se dirigent vers la surface de l’œuf et s’y élalent ; ils composent une couche continue, soit par leur propre multiplication, soit par l'apport cons- tant venu du dedans. Celte assise, simple, n’est autre chose que le blastoderme. Mais d'habitude le nombre des cellules, engendrées dans la masse ovulaire, est supérieur à celui qui suffit pour occuper la surface de l'œuf; aussi, plusieurs d’entre elies, les dernières formées, ne trouvent-elles point place dans la rangée superficielle, et sont-elles obligées de demeurer internes. Le blastoderme entier se trouve, de ce fait, composé de deux parties: la première, le b/astoderme externe, est une couche continue, cohérente el extérieure, d'éléments placés les uns à côté des autres; la seconde, le blastoderme interne, est constituée par des éléments épars, dislincis, n'ayant pu s’intercaler aux précédents, el qui res- tent plongés dans le deutolécithe. Ces derniers, les cellules viellines, pour employer l'expression consacrée, existent également chez les Crustacés, mais ils y sont moins nom- breux. Leur valeur essentielle est celle d'éléments blasto- dermiques, et cette valeur est entière ; seulement, à cause de leur situation profonde, ils ne jouent aucun rôle dans la DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 7 genèse de l’ectoderme, puisque celui-ci est la persistance directe du blastoderme extérieur, et se bornent à engen- drer une part du protendoderme. Dans ce but, ils se mélangent aux cellules qui proviennent, comme il est dit plus haut, du blastoderme périphérique, et se comportent, en Lout, de la même manière qu’elles. Une telle altération est une simple conséquence, semble- t-1l, de la migration des éléments du blastoderme vers l’ex- lérieur, et du surcroît de leur production. On concoit cependant qu'elle ait été la source de nombreuses divergen- ces d'appréciation; car il suffit de ne point considérer les cel- lules retardaires comme formant une zone blastodermique demeurée interne, de les prendre pour autonomes et indé- pendantes, et de regarder le blastoderme extérieur comme un ectoderme, pour envisager d’une manière toute diffé- rente la façon dont les choses se passent. D. — Les deux feuillets blastodermiques primordiaux, s'étant délimités aux dépens du blastoderme, engendrent les feuillets définitifs. Le protectoderme se borne en cela à per- sister comme ectoderme, et demeure en la même situation ; il donne naissance aux centres nerveux, aux organes des sens, et aux téguments. Le protendoderme se scinde en mé- soderme et endoderme. I] se divise, à cet effet, en deux parts, dont l’une conserve la disposition mésenchyma- teuse, et dont l’autre acquiert une structure épithéliale. La première, externe par rapport à celle-ci, reste éparse dans le corps entier. La seconde se compose de deux plaques cel- lulaires, symétriques, placées de part et d'autre de la ligne médiane, qui grandissent l’une vers l’autre jusqu’à se ren- contrer et s'unir. En pénétrant plus avant dans les détails des phénomènes, on voit plusieurs des cellules protendodermiques se rassem- bler et se grouper en deux files, confuses d’abord, régu- lières ensuite. Ces deux amas, situés en dedans de l’ecto- derme, dans la région antérieure et sur la face ventrale de 8 LOUIS ROULE. l'embryon, sont les ébauches de l’endoderme. Séparés l’un de l’autre dès leur origine, et destinés seulement à se joindre par la suile, ilsse trouvent symétriquement disposés de part et d'autre de la ligne médiane. En somme, ces deux groupes endodermiques se dégagent des zones du protendoderme déjà signalées, où la multiplication cellulaire est le plus ac- tive. Ils grandissent et prennent l’aspect de deux cuvettes, de deux calottes semblables, placées vis-à-vis l’une de l’autre: et se regardant par leur concavité. Tout en s’amplifiant, ils s’enfoncent dans la masse vitelline, qu'ils découpent comme à l’emporte-pièce; après quoi, ils s'affrontent par leurs bords, se réunissent et se soudent en une seule vésicule, impaire et médiane d’après son mode de formation. — Ces deux ébauches endodermiques, ainsi jointes, entourent toute la partie centrale du deutolécithe, et délimitent un espace clos, rempli par celte dernière. Le vitellus nutritif disparaît ensuite, par résorption, car les cellules de l’endoderme l’ab- sorbent comme aliment; 1l laisse, en sa place, un espace vide, que ces éléments circonscrivent. Cet espace est l’en- Leron ;. comme il est seulement destiné à devenir l'intestin moyen, plusieurs auteurs le désignent par un nom spécial : celui de mésenteron. Les autres cellules protendodermiques, situées entre l’en- teron et le protectoderme, et nullement engagées dans la genèse des deux ébauches de l’endoderme, conservent leur disposition mésenchymateuse ; elles sont éparses dans la ré- gion périphérique de l’amas vitellin, plongées dans le deuto- lécithe qui la compose, et donnent naissance au mésoderme. Elles ne perdent point leur nature spéciale, et ne se grou- pent pas en rangées régulières ; elles émettent des expan- sions pseudopodiques et absorbent, grâce à elles, par une véritable phagocytose, le vitellus nutrilif qui les entoure. Ce faisant, elles se multiplient avec rapidité, et augmentent en nombre. Bientôt le deutolécithe disparaît ; à sa place se trouve un plasma liquide, exsudé par les éléments du méso- derme. Ceux-cise rassemblent en travées, d'aspect irrégulier, DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 9 qui s’entre-croisent et traversent en tous sens l’espace occupé par le plasma, de manière à le cloisonner en lacunes commu- niquant entre elles. Ces dernières représentent les premières indications du cœlome, de l’appareil irrigateur des Arthro- podes. Les cellules des travées se convertissent en fibres musculaires; d’autres éléments demeurent plongés dans le plasma, ne subissent aucune modification particulière et deviennent les globules de l'hémo-lymphe (ou sang) de ces animaux. Le feuillet moyen s'organise ainsi, en conservant, d’une façon essentielle, sa structure spongieuse et diffuse, et garde, sans jamais les perdre, tous les caractères d’un mé- senchyme réel. E. — En résumé, le blastoderme des Arthropodes com- mence par s’étaler, en une couche continue, à la surface de l’œuf, et enveloppe un amas de deutolécithe ; celui-ci, privé de tout noyau, incapable de genèse cellulaire par ses pro- pres forces, n’a d'autre rôle que de servir d’aliment. Le blastoderme engendre ensuite, sur sa face interne et adhé- rente au vitellus nutritif qu'il entoure, un tissu mésenchy- maleux: le protendoderme. — Tantôt, chez les Crustacés, le blastoderme presque entier consiste seulement en l’assise extérieure ; les éléments de cette dernière sont alors obligés de se diviser d’une manière effective, pour subvenir à la production du feuillet primordial interne. Tantôt, chez les Insectes, et sans doute chez les Arachnides, le blastoderme se compose d’une assise externe, et d'éléments intérieurs ; dans ce cas, le feuillet interne dérive en majeure part de ces derniers, la rangée externe se bornant à fournir un ap- point. Ces divergences n'ont aucune importance fondamen- tale ; elles découlent des différences établies entre les procé- dés de segmentation de l’œuf, et n'ont pas d'autre cause. Le blastoderme s’esl scindé, par ce moyen, en ses deux feuillets primordiaux. Le mésenchyme interne est le proten- doderme. Il se divise à son tour et hâtivement : en deux ébauches endodermiques, régulières et épithéliales, séparées 10: LOUIS ROULE. l’une de l’autre au moment de leur naissance, mais destinées à s'unir en une seule vésicule entérique ; et en un mésoderme mésenchymateux, épars et diffus. De son côté, l’assise exté- rieure demeure comme protectoderme : celui-ci se différen- cie moins que son congénère, el restreint son aclion à per- sister comme ectoderme définitif. La vésicule entérique, issue des calottes endodermiques, ne donne que l'intestin moyen. Pendant qu’elle s’ébauche, l'intestin antérieur et l'intestin poslérieur se façconnent, soit en même temps, soit à peu d'intervalle, le second précédant le premier: lous deux dérivent de dépressions ectodermi- ques. Ils s’enfoncent dans le corps de l'embryon et vont à la rencontre de l’enteron, avec qui ils s’abouchent. Ils corres- pondent au stomeon et au procteon des autres animaux, mais prennent ici, chez les Arlhropodes, une extension con- sidérable, qu'ils n’ont pas ailleurs. Au lieu de fournir simple- ment, la bouche et le rectum, ils produisent à eux seuls la majeure partie du canal intestinal, et même, en ce qui con- cerne les Crustacés, presque tout ce conduit. F. — Il suit de là, et il semble que ce soit un fait constant chez les Arthropodes, que l’enteron et l'endoderme ne sont point engendrés au moyen d’une gastrulalion, puisqu'ils sont produits sur place, dans l'intérieur même de l'embryon, aux dépens d’un protendoderme d'abord mésenchymateux. La gastrulation réelle manque à ces êtres. Cependant plusieurs auteurs disent l'avoir rencontrée: tels sont Grobben pour divers Entomostracés (Moïna, Cetochilus) ; Giard et Bonnier pour plusieurs [sopodes parasites, appartenant au groupe des Entonisciens; Reichenbach, Brooks et Bobrelzky pour cer- tains Décapodes (A s{acus, Lucifer, Palemon), elc. — Autant qu'il m'est permis de conclure d’après mes recherches, ces observateurs ont confondu la genèse du stomeon, si précoce à apparaître et si étendu, avec une invagination gastrulaire. La gastrulation, chez tous les animaux, a pour but, lors- qu’elle existe vraiment, la production de l’enteron, c’est-à- DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 11 dire de la zone médiane, plus ou moins vaste et ample, du tube digestif. Or, cette région movyenne,.cel enteron, est, chez les Arlhropodes, d’origine interne; elle ne découle en rien d'une dépression gastrulaire. Le stomeon dérive de l’ec- toderme ; et, du resle, comme ïl n'existe pas seul, étant accompagné du procteon, dont l’origine est identique, sa signification précise est indisculable. La hâte d'apparition de ces deux zones intestinales et leur développement excessif, joints, dans certains cas, à la contiguité de leurs premiers vestiges au fond d’un petit ph du corps, sont les causes qui ont amené une telle confusion. D’autres embryologistes ont voulu retrouver, dans la pro- gression des deux calottes endodermiques au sein de l’amas vitellin, les traces d'une gastrulalion: tels sont les frères Herlwig, en ce qui concerne plus spécialement les Insectes. En comparant les faits, offerts par les vraies gastrules, à ceux que présentent les Arthropodes, on saisit le défaut de con- cordance à cet égard. L’ébauche d’une invagination gastru- laire est simple; elle répond à une dépression dirigée de dehors en dedans, qui se creuse dans le blastoderme et s'enfonce toujours davantage dans le corps de l’embryon. Les Arthropodes ne montrent rien de pareil. Leur endo- derme consiste, à son début, en un choix de cellules effectué dans un protendoderme mésenchymateux, produit lui-même sur la face interne du blastoderme; ses ébauches sont au nombre de deux et séparées l’une de l’autre au moment de leur genèse. Les phénomènes sont loin d’être comparabies, et ne se ressemblent nullement. Du reste, il suffit de recourir aux données de l’embryologie générale pour aboutir à de telles conclusions. Toutes les fois où les ovules des animaux contiennent une certaine quantité de matériaux nutritifs, la gastrulation cède Le pas à la pla- nulation, c’est-à-dire à un procédé tel que les feuillets se façonnent directement, sur place, aux dépens des cellules du -blastoderme. A priori, comme les œufs des Arthropodes contiennent d'ordinaire un abondant deutolécithe, lesnotions 12 LOUIS ROULE. précédentes autorisent à penser que leurs feuillets sont engen- drés suivant le mode planulaire, et à suspecler toute appa- rence gastrulaire. L'observation conduit aux mêmes résultats. G. — Telles sont les données essentielles auxquelles mes recherches me paraissent aboutir; leur exposé préliminaire permettra de mieux suivre les détails des observations. Les Arthropodes façonnent leur blastoderme, et le blastoderme façonne lui-même ses feuillets, d’après des procédés qui leur sont propres et qui procurent à leur embranchement, parmi les autres groupes d'animaux, une autonomie indiscutable. Cette particularité est plus importante, plus fondamentale, que le caractère Liré de la possession de membres articulés, car elle s'adresse à des phénomènes plus précoces et plus constants. Cependant une telle originalité ne s’applique qu'aux procédés génétiques des feuillets, et non à leur dis- position mutuelle. Ceux-ci sont au nombre de trois, comme leurs correspondants des autres Métazoaires, et rangés dans le même ordre : l’ectoderme en dehors, le mésoderme au milieu, el l’endoderme en dedans. L'ectoderme revêt la surface du corps. Il engendre les centres nerveux, les organes des sens, se recouvre fréquem- ment d’une carapace, et produit au surplus, au moyen d’un stomeon et d’un procteon fort allongés, l’intestin antérieur et l'intestin postérieur. L’endoderme est le feuillet le moins étendu; il se borne à circonscrire la cavité de l'intestin moyen, dont l'importance, toujours restreinte, est pourtant variable suivant les classes. L’enteron des Crustacés, et, par suite, l'endoderme qui le limite, se borne à donner le foie de ces êtres, avec la courte zone du canal intestinal où débouche cet organe ; à cause de sa provenance et de ses fonctions, plutôt de digestion et d’assimilation que d’excrétion seule, cet appareil serait mieux nommé l'appendice entérique. Chez les Insectes, les Myria- podes et les Arachnides, l’enteron fait partie du canal di- geslif, sur une assez grande longueur ; tantôt il demeure DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 13 simple, et tantôt 1l émet des expansions plus ou moins nombreuses et développées, dont l’ensemble est également désigné par le terme de foie. Les considérations précédentes sont applicables à ces diverticules. — Il suit de là une cer- taine dissemblance, entre les groupes d’Arthropodes, au sujet de l'édification de leur canal intestinal. Ce dernier, chez les Crustacés, est composé presque en entier par l'intestin antérieur et l'intestin postérieur; ceux-ci s’allongent extrê- mement dans le corps de l'embryon, viennent presque au contact l’un de l’autre, et s'unissent directement entre eux, ou peu s’en faut; l'intestin moyen n’est employé qu’à fournir les appendices entériques. Tel n’est pas le cas des autres classes de l’embranchement; l'intestin postérieur et l’anté- rieur, tout en élant fort étendus, le sont moins que leurs homologues des Crustacés ; ils restent séparés par une dis- tance assez forte, et l'intestin moyen comble cet espace in- termédiaire. Celui-e1 fait donc vraiment partie du conduit intestinal, alors que pareille chose n'existe pas chez les Crustacés. L’endoderme et l’ectoderme conservent toujours une dis- position épithéliale ; leur amplification, jamais massive, s’ac- complit, soit par un agrandissement direct de leur surface, soit par une émission de diverticules, soit par plissement ; leur volume est, par suite, relativement restreint. Il n’en est pas ainsi pour le mésoderme, qui occupe, dans l’économie, la plus grande place, et dont l'accroissement, à cause de sa nature mésenchymateuse, est (toujours massif; ses éléments, tout en se multipliant et en exsudant de la substance fonda- mentale, se tassent les uns à côté des autres suivant les trois dimensions. Parmi ces cellules, les unes donnent un plasma liquide, dans lequel elles se trouvent plongées et où elles jouent le rôle de globules hémo-lymphatiques; les autres constituent des bandes qui limitent les lacunes où circule cette hémo-lymphe. Parmi ces derniers, la plupart deviennent des fibres musculaires, et composent souvent, par leur assem- blage, des muscles volumineux, aux contours précis et à la 14 LOUIS ROULE. direction déterminée; certains ne subissent, par contre, aucune différencialion parliculière, et se groupent en deux cordons, situés de part et d'autre des ébauches digestives. Ces cordons répondent aux premiers rudiments des glandes sexuelles. — En définitive, le mésoderme fournit : la mus- culature du corps, l'appareil irrigateur et toutes ses dépen- dances, et les glandes de la reproduction, avec les zones proximales des conduits vecteurs qui leur sont annexés; les régions distales des mêmes canaux proviennent de l’ecto- derme, et non du feuillet moyen. IT. Méruope. — A. — Cette série de recherches sur le développement des Crustacés sera divisée en quatre parties. La première, dont la plus longue étude fait l’objet du présent mémoire, traite des Edriophthalmes, en choisissant les Iso- podes comme types. La seconde portera sur les Podophthal- mes, et plus spécialement sur les Décapodes; la troisième sur les Entomostracés, et nolamment sur les Copépodes et les Branchiopodes ; la quatrième donnera les conclusions. Les Edriophthalmes, groupe intermédiaire aux deux sui- vants, sont exposés les premiers, car, tout en n'ayant pas une embryogénie beaucoup plus condensée que les Crustacés inférieurs, ils offrent le début d'altérations parliculières, plus accentuées chez divers Podophthalmes, et dont la signi- ficalion a été méconnue. J'ai porté tous mes soins à observer, de la façon la plus détaillée possible, les premières phases du développement : dans le bul de préciser l’exacle provenance des éléments cellulaires de l'œuf. Ce résultat ne peut être atteint, dans les limites de la certitude permise par la lechnique moderne, qu’en examinant un grand nombre d’élals, très voisins les uns des autres, et régulièrement sériés en allant du simple au complexe. On assisle ainsi à la naissance des éléments, à leur progression, à leur accroissement, et l’on sait d'où ils viennent, chose que l’on ne saurait affirmer, si l’on se bor- nait à l’élude de phases trop éloignées les unes des autres. DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 19 Dans ce dernier cas, on est souvent porté à considérer des rapports de conliguité comme des relations de provenance, alors que les premiers, à cause des déplacements effectués par les éléments, ne sont pas de toute nécessité une consé- quence des secondes. C’est là, du reste, une source fréquente d'erreurs en embryologie, que l'examen d'états trop éloignés dans le temps, dont on iâche de reconsliluer, par le rai- sonnement, les intermédiaires. Bien que, de nos jours, les lois générales de la science embryologique permettent, en beaucoup de cas, d’appliquer le raisonnement presque à coup sûr, il n’en est pas moins vrai que, dans un certain nombre de phénomènes délicats, les inductions, trop vastes pour leur base insuffisante, deviennent fautives. Je me suis attaché à reconnaître, dans tous leurs délails, l'origine du blastoderme, celle des feuillets, et celle des or- ganes aux dépens de ces derniers. La suite el la fin du dé- veloppement des appareils de l’économie m'ont relativement moins préoccupé, non seulement parce qu'elles sont loin d’avoir l'importance fondamentale des phénomènes primor- diaux de l’évolution embryonnaire, mais encore parce qu'elles ont été plus observées à cause de leur accessibilité plus grande, et que les résultats essentiels concordent, du moins dans la plupart des cas. B.— La méthode suivie, en tant que procédés techniques, comprend trois opérations convergentes. La première con- siste en l’observalion des contours extérieurs des embryons: la seconde en l’étude, dans les limites où elle est praticable par transparence, de l’intérieur de l'organisme ; la troisième répond à l'examen de coupes réelles, pratiquées en série complète sur toute l'étendue du corps, suivant au moins deux plans perpendiculaires l’un à l’autre. Ces trois moyens sont également indispensables. La première opération est des plus simples à effectuer. Il suffit de prendre l'embryon et de le regarder dans tous les sens, partie par partie, à des grossissements variables sui- 16 LOUIS ROULE. vant la taille de ce que l’on examine. Il est souvent utile d'employer deux fois ce moyen. Tout d'abord, l'individu est examiné à l’étal frais ; les différences d'aspect et de colora- tion des organes superficiels permettent déjà de se rendre compte des dispositions générales de ces derniers. Ensuite, une nouvelle observation doit être faite sur des individus conservés dans un liquide capable de coaguler les substances albuminoïdes, et l’alcool fort peut être considéré comme le type de ces véhicules. L'animal est alors devenu opaque, et souvent son corps est contracté d’une façon anormale ; mais il est aisé d’obvier à ces inconvénients par le recours aux études précédentes, etl’avantage consiste en ce que certains appareils sont rendus plus précis de contours et mieux discernables. L'examen par transparence complète les résultats obtenus par la première opération, en permettant de distinguer cer- taines des modifications qui se passent dans l’économie. Les coupes virtuelles, que l'œil pratique ainsi, donnent déjà des indications, souvent assez circonstanciées, sur les principaux des phénomènes de l’évolution. Cet examen doit être poussé aussi loin que possible, sur des individus frais, non sur des exemplaires conservés et rendus transparents par des moyens arlificiels; les déformations qui résultent de l’action des réactifs entraînent en effet, comme conséquences trop fréquentes, à des erreurs dans l'appréciation des rapports établis entre les diverses parties du corps. — Souvent, cette opération est facilitée par l’emploi de la liqueur de Ripart et Petit, additionnée d’une faible quantité de vert de méthyle, suivant la méthode usitée dans l’élude des cellules. Les em- bryons vivants sont plongés, au préalable, dans ce liquide, et yséjournent pendant quelques minutes ; ce même véhicule sert également de milieu d'inclusion pour l'observation au microscope. Les contractions subies par le corps sont très minimes, presque nulles ; ilest du reste loisible de les cor- riger par la comparaison avec les données que fournit le procédé précédent, et la transparence est devenue beaucoup plus grande. DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. F Je me suis servi, dans la pralique des coupes, des moyens déjà employés lors de mes études antérieures. Les embryons vivants, dès que leur âge a été précisé par une constatation rapide, sont immergés dans une liqueur au sublimé acétique dont jai donné la formule à diverses reprises (solution aqueuse saturée de sublimé corrosif, additionnée d'un quart en volume d'acide acétique cristallisable). Ce réactif est un fixateur énergique, doué d’une grande puissance de pénétra- tion. Ses inconvénients sont pourtant assez nombreux et tiennent à la grande contraction qu'il détermine : les élé- ments diminuent de volume, et leurs noyaux se condensent à l’excès, en faisant disparaître, d'habitude, la plupart des détails de leur structure. Ces désavantages sont cependant palliés par le réactif lui-même, à cause de la rapidité de la fixation, qui immobilise la cellule dans sa forme, et de l’éga- lité de la contraction tolale; les rapports de contiguïlé ne sont pas, ou presque pas allérés. De plus, il est possible de remé- dier encore à ces inconvénients en ne laissant pas séjourner trop longtemps l’animal dans la liqueur, et en le retirant dès que la couleur blanche, due à l’action du sublimé, s’éta- blit ; quelques minutes suffisent pour la fixation. — L'’indi- vidu est alors immergé dans une grande quantité d’alcool faible (40°), renouvelée à trois ou quatre reprises, d'heure en heure, afin de le débarrasser du sublimé qu’il contient en- core. Il séjourne ensuile durant une demi-journée dans de l'alcool à 50°, une autre demi-journée dans de l’alcool à 60°, un jour ou deux dans de l’alcool à 70°, trois ou quatre dans de l’alcool à 80°, puis dans un autre alcool à 90°; il est enfin conservé, d’une manière définitive, dans de l'alcool à 95°. Cette lente préparation à ce dernier état est destinée à dimi- nuer, dans la limite du possible, les contractions qui résul- tent de la perte trop brusque des tissus en leur eau de cons- titution. Le milieu d’inclusion, pour effectuer les coupes, est la paraffine ; les véhicules employés, soit pour permettre la pé- nélration de ce corps, soit pour le dissoudre après les coupes ANN. SC. NAT. ZOOL. XVII, 2 18 LOUIS ROULE. faites, sont le toluol et Ie xylène. Les coupes, pratiquées en séries, sont collées sur le porte-objet suivant la méthode à l’albumine, préconisée par Mathias Duval. Le colorant qui m'a donné les meilleurs résultats, est le carmin chlorhydri- que de Mayer; je m'en suis servi, soit en masse, lorsqu'il s'agissait d’embrvyons de petite taille, soit sur les coupes déjà collées sur la lame, lorsque les individus étaient trop volu- mineux pour permetire la pénétration totale du carmin. — Après quelques tâtonnements, celte méthode m'a semblé réunir en elle le plus d'avantages, non seulement pour l'étude des embryons d’Arthropodes, mais encore pour celle de tous les animaux, ou de tous les organes, qui contiennent peu de tissu conjonctif et qui sont surtout composés de cel- lules cohérentes. L'action particulière de l'acide acétique sur les substances conjonctives fondamentales n’existant point dans ce cas, ou étant peu prononcée, les éléments conservent sans doute, à peu de choses près, et sauf la dimi- nution due à l'emploi de cette technique, la structure et la disposilion qu'ils avaient au moment même de leur fixa- tion. C. — Chacune de ces trois opérations, pratiquée seule, serait impuissante à donner des résultats exacts et précis. L'étude des coupes, effectuées en divers sens, fournit bien des indications détaillées et cerlaines sur la nature des éléments cellulaires, mais non sur les rapports qu'ils affec- tent entre eux. En des organismes aussi délicats que des em- bryons, on ne sait jamais si une relalion de contiguité est exacte, ou si elle est la conséquence d’un déplacement occa- sionné, soit par l’action des réactifs, soit par les contractions anormales que le corps a subies de ce fait, soit par une mau- vaise orientation des coupes, soit enfin par les diverses ma- nipulalions que l’objet a subies. Il est indispensable, pour remédier autant que cela se peut à de tels inconvénients, de comparer ces coupes réelles aux coupes virtuelles que procure l'examen par transparence; car ces dernières seules DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 19 montrent les choses en leur état précis. Il est nécessaire de superposer les premières aux secondes pour se rendre comple de la structure réelle. L'étude de l'animal frais, el non conservé, vu par trans- parence, comme observé dans ses contours extérieurs, rend encore d’autres services importants. Le corps de cet animal occupe un certain espace et se présente suivant trois dimen- sions ; les coupes, à cause de leur minime épaisseur, n’en offrent que deux à considérer. La superposition complète de ces dernières, lorsqu'elles sont pratiquées en séries, permet bien de reconstituer la troisième dimension ; mais cette der- nière est oblenue d’après des coupes, elle est consécutive à l'emploi de réactifs qui altèrent parfois les dispositions, et elle peut ne pas exprimer la réalité des objets. Il est encore indispensable, pour arriver à ce dernier but, de comparer cette édification des coupes en séries aux résultats obtenus par l’examen de l'individu entier, ayant encore toute son intégrité de forme. Ce travail est d’une nécessité absolue en embryologie. Il est indispensable de se rendre compte du relief de l'embryon et de celui de toutes ses parties, pour comprendre le facon- nement de l’organisme entier suivant ses trois dimensions. Les appareils ont un volume, et non pas seulement une sur- face: il faut les suivre dans les modifications de leur masse, se les représenter dans l’espace, afin de concevoir avec nelteté leur origine, leurs progrès de développement et leur agencement définitif. — Ce sont là des notions pre- mières que les observateurs, séduits par le nombre el la va- leur des résultats donnés par la méthode des coupes, sont trop souvent portés à oublier, négligeant l'examen direct, soit par transparence, soit par la dissection, ou lui accor- dant peu d'importance. Tous les procédés sont utiles, quoi- qu’à des degrés divers, et tous sont nécessaires pour conduire à la connaissance complète des choses; le choix exclusif, dans un sens comme dans l’autre, est souvent, surlout en embryologie, une source d'erreurs. | PREMIÈRE PARTIE LE DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS ÉDRIOPHTHALMES DE L'ORDRE DES ISOPODES CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES I. Hisrorique. — Mes études ont seulement porté, parmi les Édriophthalmes, sur les Isopodes. Les recherches faites par divers auteurs sur les Amphipodes, et les quelques observations éparses que j'ai effectuées moi-même, déno- tent la grande ressemblance de ces deux types de Crustacés en ce qui concerne leur développement. Tout porte à le pen- ser, les phases essentielles de l’évolution embryonnaire sont les mêmes chez les Édriophthalmes ; les différences princi- pales entre les divers types tiennent, pour la plupart, à la marche de la segmentation. Les travaux fournis sur le développement général des Isopodes, sont encore nombreux. Le plus ancien est, à ma connaissance, celui de Rathke, publié en 1833, et inséré dans la seconde partie de ses Études générales sur l'embryogénie de l'Homme el des animaux; il ne contient que des ren- seignements fort incomplets sur l’évolution de l’Oniscus mu- rarius. — I faut, depuis cette époque, arriver à l’année 1867 pour trouver un mémoire de Dobrn, relatif à l'Ase/lus aqua- licus. Les observations dues à cet auteur ont été faites par transparence ; elles ne fournissent par suite aucun délail précis sur l’origine des feuillets et des organes; elles suffi- sent cependant pour indiquer, dans leurs grands traits, la DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 21 marche de la segmentation ovulaire, ainsi que les divers aspects offerts par le corps, et par les appendices, dans leur faconnement successif. — Ces recherches ont été reprises, deux années après, par Ed. van Beneden, et poussées plus loin. En outre, les investigations de ce dernier naturaliste ne se sont pas bornées à l'Ase/lus aquaticus ; elles ont touché à d’autres Crustacés, et ont permis, dès ce moment, de se faire une idée suffisante des principales dispositions affectées par lembryon, depuis l’œuf fécondé jusqu'à l'achèvement de l’économie. Mais ces études, étant pratiquées par transpa- rence, du moins pour la plupart, les questions relatives à la provenance des feuillets et des ébauches organiques demeu- raient entières, ou peu s’en faut, après la publication de ces travaux. C’est en 1874 que plusieurs de ces données ont été réso- lues, par Bobretzky, dans un mémoire demeuré classique. ‘Ce dernier est assez court, car il se compose seulement de vingt-cinq pages et de deux planches ; mais la façon dont les recherches ont été conduites par cet auteur, lui a permis d’élucider un bon nombre de faits importants. L'espèce exa- minée a été l'Oniscus murarius. L’œuf de cet animal porte une cicatricule qui se segmente seule, et enveloppe peu à peu, par une progression constante, tout le vitellus nutritif; elle engendre ainsi le blastoderme. De ce dernier se déta- chent des éléments ; ceux-ci pénètrent dans le vitellus sous- Jacent et deviennent des cellules vitellines. Plusieurs de ces dernières se rassemblent en deux groupes, qui fournissent les ébauches du foie ; celles-ci s'’annexent à l'intestin, issu de l'union de deux tubes, l’un antérieur et l’autre postérieur, qui se sont étendus dans l’intérieur du corps en provenant de la surface de l'embryon. En outre, l’ectoderme, qui occupe toute celte surface, estla persistance directe du blastoderme, après que celui-ci a subvenu à la genèse des cellules vilel- lines. Le feuillet externe donne naissance aux centres ner- veux, dont les ébauches sont impaires. — Bien que certains détails des observations effectuées par Bobretzky soient 29 LOUIS ROULE. inexacts en partie, il n’en est pas moins juste de reconnaître que le travail de cet auteur, par la netteté et la valeur des notions acquises, mérite toute l'estime dont il est entouré. En 1878, Büllar a publié les résultats de ses études sur le développement de certains Isopodes parasites, et notamment sur celui des Cymothoa æstroïdes et parallela. Bien que venu après le mémoire de Bobretzky, celui de Büïlar est loin d'avoir la même importance. L'auteur s’est attaché, de pré- férence, à suivre les changements subis par l'embryon dans ses contours extérieurs, et n’a que peu employé la méthode des coupes. Les descriptions suffisent, cependant, pour mon- irer la grande ressemblance établie entre les Cymothoa et les Oniscus au sujet de la formation du blastoderme et de ses feuillets, et pour dénoter les connexions étroiles qui existent entre les ébauches du foie et la masse du vitellus nutritif. Puis, en 1883, Huet donne le détail fort circonstancié et très complet de ses recherches sur l’organisation des Isopo- des. L’adulte seul à été examiné par ce naturaliste, dans toutes les particularités de sa structure ; mais à côté de ces considérations anatomiques, se trouvent des indications sur le développement des appareils et sur les dernières phases évolutives qu'ils subissent, dans le but de mieux comprendre les dispositions définitives. Deux autres auteurs, J. Nüssbaum et Reinhard, ont en- suite fourni quelques notions sur l’'embryogénie des Isopodes, notamment de l'Oniscus murarius et du Porcellio scaber. Is ont complété et précisé en certains points les observations faites par Bobretzky, surtout en ce qui tient à l’origine des cellules vitellines et à la part prise par ces dernières dans le faconnement du foie. À peu près en même temps, en 1887, Giard et Bonnier ont publié un magnifique ouvrage, accompagné de dessins dans le texte, de dix planches fort belles, et consacré à l'étude des plus remarquables parmi les Isopodes parasites. Ce travail à pour principal objet de porter à connaître DÉVELOPPEMENT DES: CRUSTACÉS. 23 Fhistoire entière des Entonisciens et des loniens; il est des plus complets. A cet effet, à côlé des indications relatives à l'anatomie et à l'habitat deces êtres, se trouvent des données sur leur développement. Beaucoup de ces dernières ont pour but de signaler les métamorphoses si complexes subies par les femelles de ces animaux, qui transforment leur corps au point de le rendre méconnaissable et de lui faire perdre tout aspect de Crustacé normal. Cependant plusieurs d’entre elles touchent aux premiers états de l’évolution embryon- naire ; elles s'adressent au Cepon elegans (lonien) et à di- verses espèces du genre Portunion (Entoniscien). — Ces Iso- podes sont remarquables par le grand nombre et par la petitesse de leurs œufs; ces deux phénomènes découlent sans doute, par un rapport de cause à effet, du parasitisme de ces êtres. La segmentation est double et s’opère en deux temps, comme celle des Ase/lus; l'œuf entier commence par se scinder, puis, d’une manière très précoce, Le blasto- lécithe s’isole du deutolécithe, et, tout en se résolvant en petites cellules, entoure ce dernier pour composer le blasto- derme. Giard et Bonnier assimilent cette assise périphérique à l’ectoderme, et le deutolécithe à l’endoderme ; ils rappor- tent à une gastrulation épibolique cet enveloppement du second par le premier. Leurs observations à cet égard doi- vent être complétées, car la petitesse des œufs les a obligés à les étudier par transparence, et ils n’ont pu voir la genèse du mésoderme, ni celle du foie. IT. P£an suivi. — Ce rapide historique permet de com- prendre où en sont les données acquises. Les modifications supportées par les embryons dans leur forme extérieure ont été les mieux suivies, et sont élucidées pour beaucoup de ces animaux ; mais il n’en est point de même en ce qui concerne les phénomènes intimes du développement, et sur- iout le rôle exact joué par le blastoderme et ses feuillets dans l’origine des organes. Il faut, au surplus, dans de telles recherches, tenir compte des résultats fournis par les études 94 LOUIS ROULE. entreprises sur d’autres Arthropodes, soit appartenant en- core à la classe des Crustacés, soit compris dans les autres classes. — Mes investigations, en ce qui regarde les Édrioph- thalmes, ont porté sur le Porcello scaber et sur l'Asellus agquaticus. Ces deux espèces peuvent, en effet, servir d’exem- ples pour montrer l’uniformité génétique du blastoderme et de ses feuillets, malgré les différences des modes de la seg- mentation. Les ovules des Asellus sont plus petits et moins riches en vitellus nutrilif que ceux des Porcellio. Aussi sont-ils privés de toule cicatricule, et leur segmentation est-elle totale. Ces œufs sont holoblastiques, pour employer l'expression tech- nique. Ils se divisent, d’une façon à peu près égale, en gros blastomères coniques et juxtaposés. Puis, lorsque cette scission est déjà avancée, le blastolécithe, réparti jusque-là dans toute la masse ovulaire, se sépare du deutolécithe, et se porte progressivement à la surface de ce dernier ; ce fai- sant, il se résout en petites cellules. Comme ce mouvement ne s'effectue pas en même temps dans l’ovule entier, mais commence en une zone qui deviendra la région antérieure del’embryon, pour, de là, s’élendre avec régularité aux autres parties, il s'ensuit que les gros blastomères primordiaux se recouvrent de petites cellules. Au moment où ce phénomène s'achève, ces derniers éléments occupent la superficie de l’œuf, tandis que les premiers se confondent les uns avec les autres en un seul corps; l’ovule est alors converti en une planule façconnée suivant le procédé direct. La couche cellu- laire et périphérique est le blastoderme, qui va engendrer les feuillets, tandis que l’ensemble des gros blastomères fusionnés compose une vésicule vitelline interne. Cette pla- nule appartient au type dit centrolécithe, et elle dérive direc- tement d’une segmentation totale. Il n’en est pas de même pour les Porcellio. Leurs œufs, plus volumineux que les précédents, sont télolécithes; avant toute segmentation, une certaine quantité de leur blastolécithe est déjà isolée, sous la forme d’une petite cica- DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 25 tricule qui recouvre une zone restreinte du vitellus nutritif. Cette séparation s'effectue durant la scission ovulaire chez les Asellus, alors qu’elle se trouve accomplie en partie Chez les Porcellio, avant cette époque ; le résultat en est que la cicatricule se divise seule en cellules, le volumineux amas du vitellus nutritif demeurant indemne à cet égard; le but poursuivi, dans les ovules des Ase/lus, au travers d’une série de modifications successives, est, ici, atteint d'emblée. Puis, la portion de blastolécithe, encore éparse dans l’ovule, se porte à la périphérie de ce dernier ; elle s’adjoint, par une progressionrégulière,aux bords de la cicatricule, et,à mesure, se résout en cellules. La cicatricule paraît alors s'étaler à la surface de l’œuf, en recouvrant peu à peu le deutolécithe, qui compose une vésicule vitelline, eten donnant des cellules ; celles-ci, disposées sur une seule assise, constituent le blas- toderme par leur ensemble. La planule centrolécithe est alors complète et semblable de tous points à celle des Ase/lus; seulement, elle provient d’un œuf télolécithe, qui subit une segmentation partielle, et non d'un œuf panlécithe, suppor- tant une segmentation totale. Le résultat est donc identique dans les deux cas, malgré les dissemblances des procédés suivis dans la scission ovu- laire. Il était nécessaire, cependant, de signaler une telle convergence vers un même but, nonobstant les différences des moyens mis en cause, et d'examiner ces derniers avec détail ; il fallait, au surplus, choisir deux types, fort éloignés l’un de l’autre sous le rapport de la division de leurs œufs, afin de pouvoir conclure du particulier au général. Il suffit ensuite, à partir du moment où la planule se trouve termi- née, de suivre les autres phases de l’évolution dans un seul de ces types, puisque, dès cet instant, tous les phénomènes essentiels concordent. L'espèce, prise pour servir d'exemple dans l’élude du développement total, est le Porcellio scaber; seule, la segmentation ovulaire de l’Ase//us aqualicus sera décrite dans un prochain mémoire, et exposée jusqu’à l’éta- blissement complet de l’état planulaire. 26 LOUIS ROULE. PREMIÈRE ÉTUDE LE DÉVELOPPEMENT DU PORCELLIO SCABER LEACH. CHAPITRE PREMIER LA SÉRIE DES PHASES. [. CoNSiDÉRATIONS GÉNÉRALES. — A. L'évolution em- bryonnaire de ces animaux s'effectue, dans nos pays, vers la fin du printemps et le commencement de l’été. Les premières phases de la segmentation s’accomplissent, du moins chez les individus que j'ai observés, dans la seconde quinzaine de mai et la première de juin; l'éclosion des embryons a lieu vers la fin de ce dernier mois el le début de juillet. — Autant quil est permis de juger en pareil cas, lorsque le moment précis de la fécondation est à peu près ignoré, le développement dure de quatre à cinq semaines. Dans une série de mes recherches, les femelles, venant d’un même lieu, se trouvaient porter des embryons à peu près du même âge; en recueillant chaque jour plu- sieurs d’entre elles, et suivant ainsi les progrès de l’évolu- tion dans les conditions normales et habituelles, le délai précédent me paraît répondre à la moyenne. Les œufs sont conservés par la femelle dans sa cavité incubative. Ils s’y changent en embryons et y parcourent toutes les phases de leur développement. Les premières de celles-ci sont Les plus longues; quinze jours, environ, m'ont paru nécessaires pour la segmentation, le façonnement du blastoderme et de ses feuillets. Ces derniers élant achevés, l'évolution progresse avec plus de rapidité; car trois semaines, au plus, suffisent pour la terminer. B. Les phases sont liées les unes aux autres el se suivent sans interruption. Il est utile, pourtant, de choisir un cer- DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 27 tain nombre de points de repère, dans le but de faciliter la description des phénomènes. La division la plus naturelle est celle qui scinde le développement en trois phases principales. La première comprend la segmentation, la genèse du blastoderme, et celle des deux feuillets primordiaux. Tous ces faits s’'accomplissent en même temps, à cause de la con- densation extrême de l’embryogénie. Les figures qui leur sont consacrées, sont désignées par la leltre A. — La seconde renferme les parlicularités relatives au façonne- ment des trois feuillets définitifs. Ceux-ci se délimitent aux dépens des feuillets primordiaux, et affectent, surtout l’en- doderme, des dispositions souvent complexes. Leurs figures portent la lettre B. — Enfin, la troisième et dernière des phases principales se compose de tous les phénomènes géné- tiques destinés à achever l’économie. Les feuillets définitifs subissent des changements nombreux, des différenciations multiples, afin de donner les ébauches des organes, et ces modifications sont ici visées. Leurs figures sont indiquées par la lettre C. | IT. PREMIÈRE PHASE. — A. Cetle phase comprend tous les élats successifs, disposés depuis le moment de la féconda- tion et de la première division de la cicatricule, jusqu à celui où le blastoderme occupe toute la surface de l’œuf et enveloppe complètement la vésicule vitelline. En cet instant, le blastoderme a déjà fourni les deux feuillets primordiaux, dont l’interne commence même à se parlager en mésoderme et endoderme. De plus, les quatre premières paires d’appen- dices ont fait leur apparilion. Au début de cette phase, l'œuf se compose seulement de son amas vitellin et de sa cicatricule, entourés par la membrane vitelline; à la fin de celte même phase, il est un corps complexe, constitué par une vésicule deutolécithique, qu'enveloppent les feuillets primordiaux. La même nécessité, d'établir des repères, force à distin- 28 LOUIS ROULE. guer ici, comme dans le développement général, un certain nombre d'états successifs. Celle division est toute systéma- lique, car elle n'existe point dans la réalité; mais elle est utile pour faciliter la compréhension des phénomènes. Ces élats secondaires, ainsi délimités au cours de la première phase, et décrits dans tous leurs détails, sont assez proches les uns des autres pour que l'esprit puisse reconstituer les intermédiaires et concevoir leurs liaisons mutuelles. Le chiffre de ces élats est de huit. Dans le premier, la fécondation vient de s’accomplir, et la segmentation com- mence à s'effectuer : la cicatricule se scinde en cellules, tout en s’annexant à mesure le blastolécithe qui se sépare pro- gressivement de la vésicule vitelline; elle est la première ébauche du blastoderme, et n'a plus qu'à grandir pour entourer une surface toujours plus vaste de celte vésicule. Les diverses péripéties de cette amplification composent les autres états. Le huitième est celui où s'achève cet envelop- pement; les autres sont compris entre ce dernier et le précédent. État premier (A!; figures 1, 17, 18). — Dans cet élat, la cicatricule commence à se segmenter. A. L'œuf, au moment où il arrive dans la cavité incuba- trice de la femelle, et où il est fécondé, est un corps globu- leux, ou largement ovalaire. Entouré par une membrane vitelline, 1l comprend un volumineux amas deutolécithique, que recouvrent par places des îlots de blastolécithe ; l’un de ces derniers, plus ample que ses congénères, et situé en une même place dans tous les œufs, est la cicatricule. La membrane vitelline n'offre aucune particularité impor- tante. Elle est mince, homogène, et se plisse avec facilité. L'eau la gonfle et peut la traverser par osmose ; il en est de même pour tous les réactifs liquides, qui agissent sur le vilellus après l'avoir pénétrée. - Le deutolécithe constitue, de beaucoup, la majeure por- DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 29 ion de l’œuf; il ne prend aucune part directe à la produc- tion des cellules de l’économie, qui proviennent exclusive- ment du blastolécithe, et sert seulement de réserve nutritive; sa masse devient la vésicule vitelline interne. Il est transpa- rent sous une faible épaisseur, et de couleur rouge brun. Sa substance est formée d’un réseau de protoplasme, qui contient, dans ses mailles, de nombreuses granulations vitellines, dont les dimensions sont fort inégales. Au fur et à mesure des progrès du développement, une part du pro- toplasme se sépare du deutolécithe, se porte à la périphérie de ce dernier, et s’annexe aux îlots de blastolécithe, pour augmenter leur taille et leur permettre d’entourer peu à peu le vitellus autrilif. Les îlots de blastolécithe sont en nombre variable suivant les œufs; 1l n'existe, à cet égard, aucune règle précise. Tous sont exactement placés à la surface du deutolécithe, séparés les uns des autres par des distances inégales, et recouverts par la membrane vitelline ; leurs formes et leurs dimensions sont des plus diverses. L'un d'eux se fait remarquer par sa taille plus grande et la constance de sa situation; 1l occupe toujours l'extrémité qui deviendra la région antérieure de l'embryon. Cet îlot est la cicatricule; seule, elle contient le noyau fécondé de l’œuf, alors que les autres zones de blastolécithe sont privées d'éléments nucléaires. — Le blastolécithe est opaque à la lumière directe, et moins transparent, à la lumière transmise, que le vitellus nutritif. Il se compose d’un protoplasme finement granuleux, au sein duquel se trouvent parfois, mais en petit nombre, quelques gros grains vitellins, semblables à ceux du deutolécithe ; ces grains ne tardent pas à dispa- raître, absorbés par le vitellus évolutif au cours des progrès du développement. — La limite entre le blastolécithe super- ficiel et le deutolécithe qu'il recouvre, n’est pas nette; le premier passe insensiblement au second, mais sur un espace assez court, par l'apparition de granulations vitellines dans sa substance, et la rapide augmentation de leur quantité. 30 LOUIS ROULE. Parfois, cependant, une ligne assez précise sépare, en cer- tains endroits, le vitellus évolutif de l’autre ; mais sur une faible longueur. B. L'œuf, ainsi construit, se segmente après fécondation. Ce phénomène comporte un certain nombre de faits géné- raux, applicables à toutes les phases. La segmentation, toujours partielle, n’atleint jamais le vitellus nutrilif; celui-ci demeure compact. La cicatricule seule se divise et se résout en cellules; elle s’élargit au fur et à mesure de cette transformation, et s'étend à la surface du deutolécithe. Mais cette amplification ne s'effectue point par ses propres forces, indépendamment du reste de l'œuf; elle s’accomplit par l’adjonction constante el progressive de nouveau blastolécithe à sa propre substance. Ce vitellus évolutif supplémentaire est fourmi, soit par les îlots de blas- tolécithe épars à la surface de l’ovule, soit par le proto- plasme formalif encore disséminé dans le deutolécithe, et qui se sépare de ce dernier en se portant à sa périphérie. Ce nouveau vitellus est privé de noyaux ; mais la cicatri- cule lui en donne et lui permet de se concréter en cellules. Celle-ci contient le noyau fécondé, qui se divise en plusieurs éléments distincts. Certains de ces derniers demeurent dans la cicatricule, où 1ls appartiennent aux cellules fournies par elle; les autres subissent des scissions incessantes, et se rendent, de proche en proche, aux zones blastolécithiques les plus voisines. En partant de la cicatricule, et en suivant son extension, on voit le noyau primordial, par sa prolifé- ration, se distribuer d’abord à cette cicatricule, puis au nouveau blastolécithe qui s'ajoute à celle-ci. De plus, les régions nucléées se concrèlent en cellules, d’une manière parallèle au précédent phénomène. Ces deux mouvements, l’amplification de la cicatricule par l’adjonction de parties nouvelles, et la transformation en cellules de tout le blastolécithe superficiel, se succèdent l’un l’autre. Ils ont pour résultat commun la genèse d’une DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 31 couche cellulaire périphérique, qui s’étale autour de l’amas du vitellus nutritif, et débute aux dépens de la cicatricule, pour occuper une surface toujours plus vaste. L'extension est plus rapide qu'ailleurs dans la région qui deviendra la face venirale de l'embryon; elle diminue sur les côtés, pour être plus lente dans la zone dorsale. Cet accroissement se termine au moment où la superficie entière de l’ovule est composée de cellules; les plus tardives de celles-ci sont situées un peu au-dessus de l'extrémité postérieure de l'œuf. C'est en ce point que le vitellus nutritif cesse d’être à nu, et quecette couche cellulaire s'achève; c’est là que, de suite après cet achèvement, le proctéon prend naissance. — Cette assise périphérique, dont la première ébauche pro- , vient de la cicatricule, et qui enveloppe peu à peu l’œuf entier, est le blastoderme. Le blastoderme est constitué par une rangée simple d’élé- ments cellulaires pourvus de noyaux. Aucun de ces der- niers ne se façonne directement dans le vitellus nutritif ; tous dérivent du noyau fécondé de l'œuf, placé dans la cicatricule. Le blastoderme, dans son extension, est muni de bords dont la substance se compose de protoplasme granu- leux, non encore concrété en cellules ; celui-ci contient plu- sieurs noyaux, répartis irrégulièrement, qui viennent du blastoderme déjà converti en cellules. Ces masses auxiliaires se divisent en un grand nombre de parcelles, dont les unes sont autant de centres autour desquels le protoplasme ac- quiert la disposition cellulaire, et dont les autres se rendent aux nouvelles portions blastolécithiques en voie de se limiter et de se souder au blastoderme, pour en fournir les bords à leur tour. Ces deux phénomènes se succèdent incessamment, et l’assise blastodermique s'accroît, tout en possédant des noyaux issus, sans exception, du noyau primordial de l’ovule. | État deuxième (À; figures 2, 19, 20). — Le premier effel de la fécondation est de déterminer la division de la cica- 32 LOUIS ROULE. tricule en deux parties inégales; cette scission est précédée de celle du noyau. Puis, la cicatricule grandit avec rapidité, en s’annexant sans cesse, sur ses bords, de nouvelles portions de blastolécithe; et, ce faisant, les deux noyaux précédents se segmentent encore, entraînant ainsi la délimitation de cellules supplémentaires. Ces deux mouvements, l’amplifi- cation de la cicatricule et sa résolution en éléments cellu- laires, sont centrifuges et continuent à s'effectuer suivant la même direction. Le blastolécithe cicatriculaire est toujours en contact di- rect avec le vitellus nutritif sur lequel il repose ; il éhet des expansions frangées, qui pénètrent dans ce dernier, et dont les plus larges contiennent souvent des noyaux. Ces divers faits résultent de son accroissement, par l’adjonction d'un. vitellus évolutif supplémentaire, qui se sépare progressive- ment du deutolécithe pour s'unir à la cicatricule. Les cellules ainsi formées, qu'il est permis de nommer déjà des cellules blastodermiques, puisqu'elles doivent faire partie du blastoderme, ne sont encore distincies les unes des autres que par leurs régions extérieures, légèrement bombées. Elles sont confondues par leurs bases en une sorte de syncytium qui s'appuie sur le vitellus nutritif. Leurs dimensions, quelque peu inégales, se trouvent encore assez fortes. État troisième (A*; figures 3, 21 et 22). — La cicatricule. s’amplifie sans cesse, toujours par les mêmes moyens. Non seulement elle s'étale et grandit en surface, mais encore en épaisseur. Plusieurs de ses cellules deviennent distinctes et complètes, car elles se limitent, sur leur pourtour entier, par une membrane. Tous les éléments ne sont pas superficiels : plusieurs sont profonds et placés au-dessous de ceux qui occupent la périphérie. La cicatricule ressemble, dès cet élal, à une calotte cel- lulaire qui recouvrirail l'extrémité antérieure de l'œuf; elle avance davantage sur la face ventrale de cette dernière que DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 33 sur la face dorsale. Ses bords sont obliques, par rapport à l'axe transversal de l’ovule, et sinueux. État quatrième (A; figures 4, 23 et 24). — La calotte, issue de la cicatricule, occupe un plus grand espace que précé- demment ; sa valeur de blastoderme et son accroissement continu apparaissent avec netteté. Toute la moitié anté- rieure de l’ovule est recouverte par elle. Non seulement la calotte blastodermique s’amplifie par l'adjonction de nouvelles cellules, mais encore les éléments qui la composent se segmentent pour accroître leur nombre. Par une conséquence naturelle, leur taille devient plus petite. La plupart d’entre eux sont superficiels ; mais certains, déjà ébauchés lors de l’état précédent, se trouvent situés au- dessous de ceux-là ; ils y sont placés dans un blastolécithe plurinucléé, non encore concrété en cellules. Ces éléments internes sont plus nombreux et presque localisés dans la ré- gion où se tenait la cicatricule primordiale. Le blastoderme, déjà bien caractérisé en lant que feuillet initial, se compose donc d'éléments de deux sortes : les uns externes et les auires intérieurs. La production de ces deux types cellulaires est un résultat de l’amplification de la ci- catricule en surface comme en épaisseur ; elle répond au premier vestige de la division du blastoderme en ses deux feuillets primordiaux, le protectoderme etle protendoderme. Le blastoderme n'attend pas d'être complet et d’avoir enve- loppé tout l’ovule, pour procéder à une telle modification ; 1l laccomplit à mesure qu'il se façonne lui-même, par une condensation extrême du développement. Désormais, 1l va s’amplifier encore et occuper un espace toujours plus grand; ce faisant, 1l séparera de lui de nouvelles cellules internes; les premières formées se mulliplieront en outre; el, par ces deux moyens, l’assise interne augmentera son importance. Dans leurs traits essentiels, la genèse et l’origine de ce feuil- let ont été vues et décrites par Bobretzky. État cinquième (A5 ; figures 3, 25 et 26). — Le blastoderme ANN. SC. NAT. ZOOL. XVII, à 34 LOUIS ROULE. continue son mouvement d'extension, et recouvre plus de la moitié de l’ovule ; 1l avance davantage sur la face ventrale de ce dernier que sur sa face dorsale. La division en protec- toderme et protendoderme, corrélative de l’amplification en surface, ne cesse de s'effectuer. Les éléments superficiels composent une couche simple, qui répond au feuillet pri- mordial extérieur; leur forme est à peu près cubique. Les cellules internes ne sont point juxtaposées, mais se trouvent séparées les unes des autres par des espaces appréciables, emplis d’un blastolécithe granuleux ou de vitellus nutritif ; elles émettent des expansions pseudopodiques, qui leur per- mettent d'absorber, à la manière de phagocyles, le deutolé- cithe placé autour d'elles ; bien que leur nombre soit en- core restreint, elles se disposent par places, et notamment dans l'extrémité antérieure de l’œuf, sur deux rangées. Ces deux sortes d'éléments proviennent également de ce blastolécithe qui se sépare, par une progression régulière, du reste de l'œuf, et auquel la cicatricule a fourni des noyaux de proche en proche. Seulement, tantôt cette origine est directe, et tantôl elle est indirecte. Dans le premier cas, une. portion de blastolécithe se délimite autour d'un noyau par le dépôt d'une membrane sur sa périphérie, el devient une cellule entière. Dans le second cas, les nouveaux éléments. dérivent de la division de ces cellules, ainsi façonnées d’une manière directe aux dépens du vitellus évolutif. : État sirième (AS; figures 6, 27 et 28). — La caloite blas- todermique enveloppe presque les trois quarts de l’ovule. Elle a dépassé la moilié antérieure, qu'elle environne com- plètement, et remonte vers l'extrémité postérieure. Les cel- lules externes sont distinctes les unes des autres et bien reconnaissables, grâce au bombement de leur partie super- ficielle. En même temps que se manifeste cette extension, le blas- toderme continue à se différencier en un feuillet externe et un feuillet interne. Les éléments de ces derniers conservent DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 15 la disposition et la forme qu'ils avaient déjà lors de l’état précédent ; 1ls sont seulement plus nombreux et plus pelits. Les cellules du protendoderme sont plus abondantes qu'ail- leurs, vers les côtés de la région antérieure de l'embryon. Cette particularité ne cesse de s’accentuer par la suite; elle est la base de la scission, en mésoderme et endoderme, du feuillet primordial interne. État septième (AT; figures 7, 29 et 30). — Le blastoderme recouvre alors l’ovule presque entier, el n’en laisse encore à nu qu'une bande restreinte, postérieure et dorsale. Les indi- cations des premiers appendices font leur apparition ; deux paires de petits mamelons surbaissés, suivies des vestiges à peine indiqués d’une troisième paire, se montrent dans la moilié antérieure du corps, non loin de la ligne médio-ven- trale. Les deux éléments de chaque paire sont placés de part et d'autre de celte ligne. Aucune membrane spéciale, com- parable à une cuticule de Nauplius, ne prend naissance en ce moment. Les cellules du protectoderme commencent à perdre leur aspect cubique ; elles s’aplatissent quelque peu, et cessent de faire saillie, en diminuant leur bombement extérieur. D'autre part, elles se multiplient en deux zones; elles arrivent à s'y disposer sur deux assises. La première de ces régions, mé- diane et impaire, occupe la face supérieure de l'extrémité antérieure du corps; elle est le premier rudiment de l’ébauche cérébrale. La seconde, également médiane et im- paire, se trouve située sur la ligne médio-ventrale de l’orga- nisme, où elle forme un cordon dont la saillie est interne ; celle-ci est l'ébauche médullaire. Elle doit donner la moelle nerveuse ventrale ; ses premières indications apparaissent non loin de l'extrémité antérieure du corps, el progressent de là vers l’extrémilé postérieure. La bande de protecto- derme, intercalée à ces deux ébauches nerveuses, offre des traces évidentes de prolifération, tout en s’épaississant moins qu’elles et demeurant simple. Cependant, comme elle doit 96 LOUIS ROULE. se creuser d’une dépression, qui deviendra le stoméon (sto- modæum des auteurs), et comme les bords de cette dernière fournissent le collier œsophagien, il n’en résulte pas moins que les deux ébauches précédentes sont liées par elle dès leur genèse, el ne sont pas indépendantes. Les rudiments des centres nerveux se façonnent ainsi, aux dépens du pro- tectoderme, dans des parties de l'œuf où ce feuillet s’est dif- férencié du protendoderme, mais avant que le blastoderme ne soit complet et n'ait entouré tout le deutolécithe. Le protendoderme accroît la quantité de ses cellules cons- titutives. Celles-ci se dégagent directement du blastolécithe superficiel, ou se multiplient par leurs propres forces, mais gardent leur même allure. Elles émettent des expansions pseudopodiques, et sont plus nombreuses sur les côlés de l'extrémité antérieure du corps que partout ailleurs. État huitième (AS; figures 8, 31 et 32). — Au moment où intervient le dernier état de cette première phase, le blasto- derme, toujours divisé en ses deux feuillets primordiaux, s’est étalé à la surface presque entière de l'embryon; seule, une petite zone de vitellus nutritif, tout à fait postérieure et dorsale, est encore à nu. Une quatrième paire d'appendices se montre en arrière de la troisième, pendant que les deux antérieures s’allongent et régularisent leurs contours en de- venant cylindriques; les membres de la iroisième paire et ceux de la quatrième ressemblent, par contre, à de larges mamelons coniques, aux bases encore confuses et nullement précisées. Les cellules du protectoderme sont toutes aplaties el ne dessinent plus de saillies extérieures; la superficie de l’em- bryon est lisse et demeure désormais ainsi, car les bombe- ments ne reparaissent plus. Ces éléments sont devenus discoïdes, avec un épaississement au niveau de leur noyau; leur seclion, en n'importe quel sens, ressemble à celle que donnerait un fuseau coupé suivant son axe longitudinal. — Les deux ébauches nerveuses sont devenues plus volumineuses ; DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 3 elles croissent en dedans et font hernie dans le vitellus nutri- tif, non à l'extérieur. Leurs cellules constitutives s'unissent les unes aux autres — alors que celles du protectoderme nor- mal restent distincies —, etse confondent en un syncytium où se multiplient leurs noyaux. Leur protoplasme est plus chargé de granulations que ne l’est celui des autres éléments figurés de l'embryon. Ces deux ébauches se relient par leurs bords, à l’aide d’une transition ménagée, au protectoderme non modifié. Les éléments du protendoderme sont plus abondants qu'au moment du précédent état. Situés au-dessous de la couche protectodermique, ils sont plongés dans les zones externes du vitellus nutrilif, contribuent ainsi, pour leur part, à en- velopper ce dernier, et offrent partout la même structure. Munis d’expansions pseudopodiques, ils composent, dans leur ensemble, un tissu mésenchymateux d’une nature spéciale : en effet, la substance fondamentale de ce mésenchyme n’est pas un produit fourni par eux, mais existait avant eux. Cette matière est le deutolécithe, au sein duquel ces cellules sont plongées, et qui constitue de beaucoup la majeure portion de l'œuf; ce deutolécithe est une réserve nutritive que les cellules absorbent au moyen de leurs pseudopodes. — Les éléments du protendoderme sont surtout nombreux sur les côtés de l'extrémité antérieure du corps, à droite et à gauche du cordon médullaire. Un tel fait est l’accentuation des phénomènes déjà indiqués dans les états précédents. Résumé général de la première phase. — Au début de cette phase, l'œuf se composait d’un volumineux amas de deutolé- cithe, portant à sa surface, et par places, la cicatricule avec quelques îlots de vitellus évolutif. Lorsqu'elle se termine, l'organisme embryonnaire est déjà bien ébauché; la masse du deutolécithe est devenue une vésicule vitelline interne, qu’entourent les deux feuillets primordiaux, issus du blasto- derme ; les rudiments des premières pattes, et ceux des centres nerveux, ont même fait leur apparition. Le protecto- 38 LOUIS ROULE. derme est représenté par une assise cellulaire simple, super ficielle, à la disposition épithéliale, dont proviennent les centres nerveux ; le protendoderme, par un ensemble d’élé- ments groupés en un mésenchyme, placés sous le feuillet externe, et plus abondants en deux régions symétriques, siluées sur Les côtés de l'extrémité antérieure du corps. Les phénomènes du développement conduisent à cette fin d’une manière progressive et sans aucun arrêt. La cicatricule contient le noyau fécondé ; elle s'accroît en adjoignant à ses bords, soil les îlots du vitellus évolutif, soit le blastolécithe nouveau qui se sépare peu à peu du reste de l’œuf, en se ren- dant superficiel. Tout en s’amplifiant, son noyau prolifère et des cellules se délimitent autour des parcelles issues de lui. La cicatricule se change ainsi en une calotte cellulaire qui augmente sans cesse de surface, et enveloppe peu à peu le deutolécithe; elle se convertit en un blastoderme, qui ne cesse de s’accroître, de façon à entourer toute la vésicule vitelline. Ce faisant, le blastoderme se différencie en ses deux feuillets primordiaux, le protectoderme et le pro- tendoderme ; le premier est superficiel, le second pro- fond. Dès le moment où cette phase se termine, où tout l’exté- rieur de l’œuf est occupé par des cellules, les feuillets défini- lifs commencent, à leur tour, à se former. C’est en leur façconnement que consiste la deuxième phase. IL. DEUXIÈME PHASE. — B. Au moment où débute cetle phase, l'embryon se compose des seuls feuillets primordiaux. Ceux-ci ont été façonnés par le blastoderme, au fur et à me- sure de l'accroissement de ce dernier ; bien que leur origine soit identique, ils deviennent et demeurent indépendants l'un de l’autre, dès leur délimitation accomplie. Le premier est extérieur par rapport au second ; tous deux affectent des rapports de conliguilé, mais là se bornent leurs relations. Chacun s'accroît et se modifie pour son propre compte, et n'emprunte rien, ne fournit aucun élément à son voisin. DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 39 En résumé, ils sont autonomes, et poursuivent leur évolution côle à côte, sans se confondre. Cette évolution consiste en la genèse des trois feuillets dé- finitifs : l’ectoderme, le mésoderme et l'endoderme. Le pro- tectoderme borne son rôle à persister en qualité d’ectoderme; les centres nerveux qu’il a fournis achèvent de se perfection- ner, et il donne, en sus, la carapace qui revêt le corps. Le protendoderme subit des modifications plus profondes : il est appelé à se scinder en mésoderme et endoderme. Ce sont les états successifs de cette apparition des trois feuillets qui composent la dernière phase. Il faut les conce- voir comme s’effectuant par le moyen d'une multiplication cellulaire incessante, accompagnée d’un groupement en plu- sieurs masses des éléments produits. — Toujours dans le but d'établir des points de repère, il est permis de distinguer cinq de ces états, qui conduisent, par une transition lente, à la troisième phase. Le dernier d’entre eux est celui où les trois feuillets définitifs sont achevés et munis de leurs ca- ractères propres; les intermédiaires établissent un passage du premier au dernier. État premier (B!; figures 9, 33 et 34).— Le deutolécithe est complèlement enveloppé par les feuillets primordiaux du blastoderme, et aucune de ses parties ne demeure à nu; il compose une vésicule vitelline interne, privée de paroi propre, autour de laquelle, et dans faquelle, se faconnent les ébau- ches des organes. Sa substance disparaît à mesure, absorbée par les cellules qu’elle contient el qui agissent vis-à-vis d’elle à la manière de phagocytes. Le nombre des appendices a augmenté; il comprend sept paires. Les quatre premières sont celles déjà fournies lors de l'achèvement de la première phase; les autres prennent naissance avec régularité en arrière de celles-là. Les élé- ments de chacune d'elles sont placés d’une façon symétrique, de part et d'autre de la ligne médiane. Ceux des trois pre- mières paires sont dirigés sensiblement suivant un rayon, 40 LOUIS ROULE. en ramenant à la sphère la forme de l'embryon; les autres. sont obliques et tournés en arrière. — Tous les membres se, ressemblent en ce qui concerne leur structure. Chacun d'eux est une saillie conique de la zone superficielle du corps; sa surface est limitée par une couche cellulaire simple, dépendant du protectoderme ; son axe se compose de vitellus nutritif, dans lequel sont placés de nombreux éléments du protendoderme. Le protectoderme, ou plus simplement l’ectoderme, puis-. que le premier se borne à devenir le second, enveloppe l'embryon entier et en constitue la surface, ne laissant aucune partie à nu. Ses éléments, disposés en une assise simple, sont aplatis. L’ébauche du cerveau et celle de la moelle ventrale, qui proviennent de lui, continuent à s’épaissir, en avançant leur saillie vers l’intérieur de l'embryon. La pre-, mière a l'aspect d’un large mamelon surbaissé, impair el médian, inséré par sa base sur la face interne de l'ecto- derme. La seconde offre la forme d’un cordon longitudinal, également impair et médian, qui parcourt la région ventrale, du corps, depuis son extrémité antérieure jusque non loin de: l'extrémité postérieure ; les appendices sont symétriquement placés de part et d’autre de ses bords. Toutes deux se com- posent d’un protoplasme granuleux, au sein duquel se trou. vent des noyaux en voie de mulliplication. Le protendoderme, situé sous l’ectoderme, entoure, comme: ce dernier, la vésicule vitelline, seulement ses cellules affec- tent, avec le deutolécithe de cette dernière, des relations. bien différentes. Au lieu de l’entourer et de le circonscrire. par une assise épithéliale, ïis sont épars dans sa substance, tout en se tenant localisés dans ses zones superficielles. Leur ensemble peut être divisé en deux parties, en deux moitiés : l’une dorsale et l’autre ventrale. La première se compose d'éléments peu nombreux, disséminés sous l'ectoderme,, dans les régions périphériques du deutolécithe. La seconde comprend une quantité plus considérable de cellules, pres=: que lassées les unes contre les autres, c’est-à-dire séparées: DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 41 par des espaces étroits; ces dernières sont surtout abon- dantes d'un côté et de l’autre de la moelle nerveuse ven- trale. Elles y constituent deux groupes, l’un droit et l’autre gauche, fort épais dans la moitié antérieure du corps, et dimi- nuant peu à peu d'importance vers l'extrémité postérieure. La base de chacun de ces groupes pénètre dans les appendices rangés de son côté, el le sommet s'élève, en dedans de l’ec- loderme, sur les flancs de l'embryon. — Ce premier vestige de la scission du protendoderme en une part dorsale et une part ventrale, et de la subdivision de celle-ci en deux groupes latéraux, dont chacun présente une base et un sommet, est le début de la différenciation de ce feuillet primordial en ses deux feuillets définitifs. Sauf cette dissemblance de réparti- üon, tous les éléments protendodermiques sont identiques: ils émettent des expansions pseudopodiques, et composent un mésenchyme dont la substance fondamentale n’est autre que le deutolécithe. État deuxième (B°; figures 10, 33 et 36). — Durant cet état, les feuiilets primordiaux conservent, à peu de choses près, leur disposition mutuelle ; seulement, l'allure parlicu- lière du protendoderme va en s’accentuant, et, de plus, de _ nouvelles ébauches d'organes prennent naissance. . Le nombre des appendices continue à augmenter ; les nou veaux venus, toujours groupés par paires symétriques, _ apparaissent derrière les anciens, cela avec régularité, la genèse des appendices procédant de la région antérieure vers l'extrémité postérieure du corps, sans aucune intercalation de membres complémentaires. Pendant que les récents se soulèvent et s’'ébauchent, les autres grandissent en s’allon- geant ; le résultat en est que les premiers fournis de ces appareils sont les plus longs, et les derniers venus les plus courts. Une dépression de l’ectoderme se manifeste dans la zone où le blastoderme s’est complété et fermé. Cette invagina- tion, encore peu profonde, est le premier vestige duprocteon, 492 LOUIS ROULE. qui doitse convertir en intestin postérieur ; elle va continuer à s'accroîlre, à la manière d’un tube cylindrique qui péné- trerait de plus en plus profondément dans le corps, en avan- cant dans le deutolécithe. La différenciation du protendoderme en plusieurs parties est plus nette que dans l’état précédent. La part dorsale se maintient dans la même allure générale, mais non les deux groupes de la part ventrale. Leurs deux zones, la base et le sommet acquièrent des caractères bien différents. La base continue à se présenter comme un amas de cellules, péné- trant dans les ébauches des appendices. Le sommet affecte une autre disposition ; ses éléments se rapprochent les uns des autres, en arrivent à se juxtaposer, else rangent sur une ou deux couches ; les contours de cette zone sont encore peu précis, car leur délimitation commence à peine de s’ef- fectuer, mais ils vont en se régularisant sans cesse. Les groupes ventraux du protendoderme n'existent guère que dans la moitié antérieure du corps, où les cellules de ce feuillet sont de beaucoup plus nombreuses qu'ailleurs ; en conséquence, leurs sommets ne se trouvent, avec leurs ca- ractères propres, que dans cette même région de l’écono- mie. Ces portions supérieures des deux groupes venlraux sont chargées de donner, à elles seules, l’endoderme, tous les autres éléments du protendoderme élant destinés à cons- lituer le mésoderme ; leur présence au-dessous de l'ectoderme détermine souvent la production, sur le corps et à leur ni- veau, de deux légères saillies superficielles, qui dénotent leur place. Ces dernières sont symétriques, l’une élant à droite et l’autre à gauche ; assez petites, elles se trouvent situées presque à égale distance de la face ventrale et de la face dorsale de l'embryon; elles seront, lors des états sui- vants, plus grandes et plus nettes. État troisième (B°; figures 11, 37,38, 39, 40, 56, 57, 38, 59). — Cet élat est le plus important de ceux qui constituent la deuxième phase ; en effet, pendant sa durée, l’'endoderme DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 43 s'isole du mésoderme, tous deux provenant à un titre égal du protendoderme. Les deux états précédents sont consacrés à la préparation des phénomènes qui caractérisent celui-ci, et les deux suivants à l'achèvement des dispositions qui s’ac- complissent alors. De nouveaux appendices, toujours disposés par paires symétriques, prennent naissance en arrière de ceux qui se sont façonnés auparavant ; Le chiffre des membres approche de son terme définitif. Le procteon s’est allongé, el davantage enfoncé dans l’intérieur du corps; il ressemble à un tube creux, dont la paroi se compose d’une assise cellulaire sim- ple, dérivée de l'ectoderme, et dont la cavité communique avec le dehors par un large orifice extérieur ; le fond de ce tube est fermé. Les deux saillies extérieures, déterminées par la présence, avec leur disposilion particulière, des som- mets des deux groupes ventraux d'éléments protendodermi- ques, sont un peu plus forles que dans l’élat précédent, et assez netles. La structure du protectoderme n'a pas varié, ni celle des centres nerveux; ces derniers sont seulement devenus plus volumineux, tout en demeurant médians et impairs. Une dépression, peu profonde encore, se manifesle, un peu au- dessous de lextrémité antérieure de l'embryon, entre l’ébauche du cerveau et celle de la moelle ventrale; elle est le premier indice du stomeon {le s‘omodæum des auteurs), chargé de donner l'intestin antérieur. Ceux des éléments ectodermiques, qui circonscrivent cette invaginalion, proli- férent avec activité ; ils fournissent une sorle d’anneau en- tourant la base du stomeon, et reliant le cerveau à la moelle venirale ; cet anneau sera le collier œsophagien. Lors de la phase première, toute la région intermédiaire aux deux centres nerveux subissait une mulliplication assez grande, afin de maintenir l'unité initiale du système nerveux; cette prolifération particulière disparaît dans la zone qui s’inva- gine pour produire le stomeon, et persiste seulement autour d'elle. 4 44 . LOUIS ROULE. Les principaux changements portent sur le protendo- derme, ou du moins sur la part de ce feuillet située dans la moitié antérieure du corps. Le protendoderme dorsal con- serve ses mêmes caraclères, mais non les deux groupes du protendoderme ventral. En chacun de ces derniers, le som- met se sépare de la base et devient indépendant. Il dispose ses cellules sur une seule couche, et prend l'aspect d’un disque incurvé, semblable à une calotte, plongé dans le vi- tellus nutritif, non loin de l’ectoderme; la concavité de cet appareil est tournée en dedans. Par contre, la base garde sa structure déjà acquise; elle comprend un cerlain nombre d'éléments, qui se multiplient avec activité, et dont la plu- part pénètrent dans les appendices placés à leur niveau ; les autres, disséminés et espacés, se disposent au-dessus de la moelle ventrale pour rejoindre ceux de la base ‘située sur l’autre côté, ou s’insinuent entre la calotte précédente et l’ectoderme pour se relier au protendoderme dorsal. Au moment où cette différencialion s'affirme, le proten- doderme est divisé en ses deux feuillets définitifs : le méso- derme et l’endoderme. Celui-ci se compose des deux calottes qui viennent de prendre naissance, et qu'il est permis de nommer, à celte occasion, les calottes endodermiques ; tout ce qui reste du feuillet primordial, ces calottes étant mises à part, constitue le mésoderme. Les calottes endodermiques accentuent leur forme parti- culière. Elles s’accroissent par leurs bords, en s’avançant dans le deutolécithe et le découpant comme à l’emporte- pièce; elles se rendent ainsi de plus en plus profondes, leur concavilé élant toujours tournée en dedans. Leurs cellules se disposent, dans chacune d'elles, sur une seule assise. Toutes deux s’accroissent pour leur propre compte, et sont vraiment autonomes. Elles n’empruntent rien, et ne four- nissent rien au mésoderme, qui est indépendant d'elles, bien que leur origine soit commune. Elles se font face, et se trouvent placées symétriquement de part et d'autre de la ligne médiane. Elles sont semblables et égales, mais sont DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 45 distinctes et séparées ; l’endoderme est un feuillet simple, et cependant son ébauche est double, constituée par deux assises cellulaires, isolées l’une de l’autre, et symétriques par rapport au plan médian longitudinal de l’économie. Le mésoderme conserve la disposition mésenchymateuse que possédait le protendoderme inilial. Il se compose d’élé- ments épars, disséminés dans les zones superficielles du deutolécithe. Les cellules sont plus abondantes qu'ailleurs et plus serrées les unes contre les autres, au niveau des appendices ; chacun de ces derniers répond à une saillie conique, dont l'extérieur est limité par l’ectoderme, et dont la cavité est emplie par les éléments du mésoderme, tassés au point que la quantité du deutolécithe interposé est fort restreinte. Le protendoderme s’est alors scindé en mésoderme et en- doderme. A son début, ce feuillet initial est constitué par des cellules séparées les unes des autres et plongées dans les régions superficielles de la vésicule vitelline, sous l’ecto- derme ; celles-ci sont plus nombreuses qu'ailleurs dans la moitié antérieure du corps, où elles forment deux épais groupes latéraux, placés de part et d'autre de la moelle ner- veuse ventrale. En somme, il répond à un mésenchyme. Puis, les sommets de ces deux groupes précédents acquièrent une disposition spéciale, et se modifient en deux disques cellu- laires incurvés, en deux calottes, qui deviennent indépen- _dantes et autonomes. Ces calottes sont les ébauches de l’en- doderme ; elles perdent leur structure mésenchymateuse, et prennent une allure épithéliale qu’elles vont conserver dé- sormais. Par contre, le reste du protendoderme garde sa nature de mésenchyme, et s'y maintient ; du moment où l'endoderme s’est séparé de lui, ‘il représente seulement le mésoderme. — Ainsi, le protendoderme mésenchymateux s'est divisé, au cours de son évolution, en un endoderme épithélial et un mésoderme mésenchymateux. Celui-ci est disséminé dans le corps entier, au-dessous de l’ectoderme ; A6 LOUIS ROULE. le premier se compose de deux parlies indépendantes l’une de l’autre, semblables et symétriques. État quatrième (B*; figures 12, 41 et 42). — Tous les appendices ont alors pris naissance, les plus récents élant postérieurs par rapport aux autres, et plus petits qu'eux. Les derniers venus occupent l'extrémité postérieure du corps, et les premiers formés l'extrémité antérieure; les inter- médiaires sont situés sur la face ventrale, et vont de ceux-ci à ceux-là. Leur nombre est de dix-neuf paires ; les deux éléments de chaque paire se trouvent symétriquement placés de part et d'autre de la ligne médio-ventrale, et à peu de distance d'elle. — Les deux premières de ces paires (1 et 2 de la série totale) sont disposées sur l'extrémité anté- rieure elle-même, au niveau de l’ébauche du cerveau; elles. doivent devenir les antennes ; les appendices de la seconde paire sont plus longs que ceux de la précédente, et recour- bés sur eux-mêmes. Les trois paires suivantes (3, 4 et 5 de la série totale) se composent de membres plantés normale- ment sur le corps ; elles donneront les mandibules, les pre- mières et les secondes mâchoires. Les huit paires situées en arrière de celles-ci (6 à 13 inclus de la série totale) sont insérées obliquement sur l'embryon et tournées en arrière ; la dernière (13°) est plus pelite que les autres, et à peine indi- quée. Les membres de la première de ces paires (6°) se transforment en maxillipèdes (troisièmes mâchoires), et ceux des sept autres paires se convertissent en patles thoraciques (péréiopodes). Enfin, les appendices des six paires terminales (14 à 19 inclus de la série totale), encore courts et peu déve- loppés, doivent êlre les six paires des pattes abdominales (pléopodes). La région du corps, placée au niveau des six premières paires, deviendra la têle de l’adulle; celle qui est munie des sept paires suivantes sera le thorax; enfin, l'extrémité postérieure, pourvue des six dernières paires, se con- verlira en abdomen. Mais, dans le présent élat, ces ré- DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 47 gions ne sont pas encore distinctes les unes des autres. Le procteon est percé au-dessus des appendices terminaux et postérieurs (19° paire). Son orifice extérieur est large- ment ouvert. Sa forme n'a pas changé ; il offre l’aspect d’un tube dont le fond est un cul-de-sac, et qui s’est avancé, dans le deutolécithe, sur une longueur égale, à peu près, au quart de celle du corps. — Le stomeon, qui commençait à se fa- conner lors du précédent élat, demeure en la même place ; seulement, 1l est devenu plus profond, tout en étant plus court que le procteon. Son orifice extérieur est encadré par les membres de la {roisième, de la quatrième et de la cin- quième paire, c’est-à-dire par ceux qui doivent se changer en mandibules et en mâchoires. Son allure générale est celle d’une poche, au fond quelque peu élargi, qui s’amplifie en s’allongeant dans le vitellus. L'ectoderme conserve la disposition qu'il avait déjà. Il en est de même pour les centres nerveux, sauf le fait de leur accroissement. Ces organes, en effet, augmentent sans cesse de taille et toujours dans la même direction, c’est-à-dire en faisant une saillie de plus en plus forte dans l’intérieur du Corps. Le mésoderme, désormais distinct de l’endoderme et indépendant de lui, continue à mulliplier le nombre de ses éléments, tout en les maintenant dans leur structure mésen- chymateuse. Ses cellules, munies d’expansions pseudopo- diques, sont éparses, au-dessous de l’ectoderme, dans les zones superficielles du deutolécithe ; elles sont plus nom- breuses qu'ailleurs et plus serrées, au niveau de chacun des appendices. Cette disposition conduit à distinguer deux parts dans le feuillet moyen : une latéro-dorsale, et une se- conde ventrale. La première occupe le plus vaste espace ; ses éléments sont disséminés sur les côtés et sur la face dorsale du corps, et séparés par des intervalles assez grands. La se- conde est d'étendue plus restreinte; comme les appendices, groupés par paires, sont rangés en deux files symétriques, elle se compose également de deux cordons correspondanis, 48 LOUIS ROULE. placés en regard des séries de membres. Ces cordons flan- quent la moelle nerveuse ventrale, l’une sur la droite, et l'autre sur la gauche. — Chacun d'eux se compose d’un cer- tain nombre de groupes cellulaires, égal à celui des appen- dices, situés les uns derrière les autres, et séparés par des intervalles très petits, où se trouvent quelques éléments, établissant une continuité dans l’ensemble. Chaque groupe repose sur un appendice et pénètre dans son intérieur ; les cellules mésodermiques, qui le constituent, sont destinées à fournir la trame musculaire de ce membre. Il suit de là que les deux cordons de la part venirale du mésoderme pré- sentent une disposition métamérique liée à la manière d’être des appendices sur le corps, et découlant d’elle. Il convient de ne point oublier, en cette occurrence, que la division du mésoderme en deux parts n’est pas nette ni tranchée. Dans la réalité, les cordons ventraux se relient, par une transition lente, au moyen d'éléments plus espacés, à la part latéro-dorsale. Le mésoderme est, en somme, un feuillet unique, dont la région ventrale, destinée à engen- drer le tissu musculaire des membres, prend, de ce fait. une importance plus grande et une allure particulière, tout en conservant ses connexions générales. Les deux calottes endodermiques se sont, en partie, unies par leurs bords. Au moment de leur genèse, lors de l’état précédent, elles étaient distinctes l’une de l’autre. A dater de leur apparition, elles s’accroissent par leur périphérie, et, comme elles sont symétriques et égales, le résultat de cette amplification est de les accoler par leurs bords, sur le plan médian et longitudinal de l'organisme. Cette liaison s’effec- tue, en premier lieu, par leur région ventrale, un peu au- dessus de la moelle nerveuse. Les deux calottes unies consti- tuent, par leur ensemble, une vésicule encore incomplète el ouverte en haut, une sorte de berceau, qui renferme, dans sa cavité, tout le deutolécithe central de l'embryon. Ce der- nier est privé de cellules, ou n'en contient qu’une très mi- nime quantité. Ce mouvement d'union continue à s’accentuer, DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 49 de telle manière que les deux calottes en viennent à se sou- der d’une façon complète, et à composer une vésicule unique, impaire et médiane : l’enteron. Le deutolécithe commence à disparaître, dans les régions où les cellules mésodermiques sont le plus nombreuses, c'est-à-dire vers la face ventrale du corps. Celte disparition ne se ressemble point d'un embryon à l’autre, car elle dépend de la répartition assez variable des éléments du feuillet moyen; une règle constante est, cependant, qu’elle débute dans la région ventrale, et notamment dans les cor- dons destinés aux appendices, pour progresser de là vers les côtés, et sur la face dorsale de l’économie, où elle s'achève. Le deutolécithe est remplacé par un plasma liquide, trans- parent, dans lequel plusieurs des cellules mésodermiques se trouvent suspendues. Les espaces, ainsi creusés dans [a masse vitelline, ont, à leur début, des contours irréguliers, et nullement précis. État cinquième (B*; figures 13, 43, 44, 45, 46, 47 el 48). — Cet état se caractérise par l’achèvement äe la délimita- tion des feuillets définitifs. Le corps de l’embryon perd de son volume initial, et ne remplit plus l’espace limité par la membrane vitelline. Les appendices commencent à revêlir leur aspect particulier, bien que la division du corps en ses trois parties ne soit pas encore indiquée. Les quatre antennes grandissent, sur- tout celles de la seconde paire, recourbées sur elles-mêmes. Les deux mandibules, les quatre mâchoires, et les deux maxillipèdes, se rapprochent les unes des autres, et enca- drent l’orifice extérieur du stoméon ; cette ouverture sera Îla bouche de l'adulte. Un léger repli de l’ectoderme, où pénè- trent quelques éléments du mésoderme, se dessine au-des- sus de la base d'insertion de chacune des pattes thoraciques ; ce repli, aplati et lamelleux, est le premier rudiment de la coxa. Les péréiopodes de la septième paire sont toujours plus courts que les autres. Enfin, les pattes des six paires ANN. SC. NAT. ZOOL. XVI, À 50 LOUIS ROULE. abdominales se présentent sous l’aspect de mamelons coni- ques, assez allongés, dont les plus petits sont postérieurs par rapport aux autres, et proches de l'orifice extérieur du procléon. Le stoméon s’est enfoncé dans le corps, jusqu’à se placer non loin de la vésicule entérique. Ce faisant, il se divise en deux régions : l’une extérieure, lubuleuse, qui s’ouvre en dehors ; l’autre interne, élargie en poche, fermée du côté du vitellus, et ne communiquant qu'avec la précédente. La pre- mière deviendra l’œsophage, et la seconde l'estomac. — Le proctéon conserve son allure tubuleuse, au calibre égal sur toute son étendue. Il s'avance obliquement dans le deutolé- cithe de l'embryon, de manière à passer au-dessus de la vésicule entérique ; sa longueur est égale, à peu près, à un peu plus du tiers de celle du corps. Son orifice extérieur, toujours béant, sera l’anus de l'individu adulte. L’ectoderme s’épaissit quelque peu. Ses cellules perdent leur forme aplatie, et deviennent cubiques. Sa surface exté- rieure se recouvre d'une mince assise anhyste, homogène, exsudée par lui, et qui est la première indication de la cuti- cule. Cette couche adhère à l’ectoderme, et ne s’en sépare point. — Les centres nerveux, tout en continuant à s’ampli- fier, commencent à acquérir une disposition bilatérale. Jusqu'ici, leurs deux ébauches étaient simples et impaires; celle du cerveau offrait l'aspect d'un mamelon conique, et celle de la moelle ressemblait à un cordon presque cylin- drique, allongé sur la face ventrale du corps; la croissance prépondérante était centrale. Désormais, les choses chan- gent; l’'amplification principale s'effectue sur les côlés des organes, et non en leur milieu. Ces côtés grandissent plus rapidement que la région médiane, et {ous deux croissent d’une facon égale. Le cerveau prend l'aspect d’une masse bilobée, et, de même, la moelle celui d’un cordon bipartite. Les zones intermédiaires sont encore assez fortes; mais, comme elles demeurent presque slalionnaires, comme, par opposilion, les côlés augmentent sans cesse, ceux-ci finissent LA DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. J1 par prédominer de beaucoup. Et, vers la fin de l’évolution embryonnaire, le cerveau se compose de deux ganglions juxtaposés, et la moelle de deux cordons voisins, bien que l’ébauche de l’un et celle de l’autre aient été simples. Une telle croissance dans le sens bilatéral commence à s’indi- quer lorsque se termine la seconde phase, et va en s’accen- tuant. La vésicule entérique s'est fermée d’une manière presque complète. Dès le moment où ses deux ébauches, les calottes endodermiques, se sont accolées par une partie de leurs bords, les zones de soudure deviennent de plus en plus éten- dues, jusqu'à ce que l’union soit entière. Sa paroi est encore ouverte dans une zone restreinte, postérieure et dorsale, par où le deutolécithe, contenu dans la vésicule, communique directement avec celui qui lui est extérieur. — Dans la région où la liaison s’est accomplie tout d’abord, c'est-à-dire vers la face ventrale, un sillon, médian et longitudinal, dirigé de dehors en dedans, se creuse sur la paroi de la vésicule. Ce sillon s’approfondit de plus en plus, et remonte vers la parlie dorsale de l’entéron, divisant ce dernier en deux moiliés latérales et symétriques. Ce phénomène commence à se manifester lors du présent état, et s'achève dans le début de la troisième phase. Le mésoderme conserve ses dispositions déjà acquises, tout en augmentant le nombre de ses éléments. Les appen- dices élant devenus plus volumineux, les cellules mésoder- miques, qu'ils contiennent, sont également plus abondantes et plongées dans un plasma liquide, sans aucune interpo- sition de deutolécithe. Celui-ci, en cette région du corps, est complètement résorbé. Sa résorption progresse même vers les côlés de l'embryon, et commence à entamer la face dorsale. Résumé général. — Durant cette phase, les deux feuillets primordiaux subissent des modifications profondes, plus importantes en ce qui concerne le prolendoderme. — Ce 59 LOUIS ROULE. dernier, d'abord simple et mésenchymateux, se divise en deux parts indépendantes l’une de l’autre, et poursuivant une évolulion différente. L'une d'elles conserve la disposition mésenchymaleuse, demeure en dedans de l’ectoderme, et devient le mésoderme; l’autre se compose de deux disques cellulaires, distincts et symétriques, qui grandissent et s'unissent entre eux, pour donner, par leur soudure, l’en- téron. — Le protectoderme se borne à demeurer comme ectoderme définilif. Il engendre les centres nerveux, qui, tout en s’amplifiant, acquièrent une structure bilatérale; et il donne: naissance, en surplus, au stoméon et au proctéon. Ceux-ci, au lieu de rester petits et courts, s’allongent dans. le corps, et prennent une extension considérable. IV. TROISIÈME PHASE (C). — Au moment où cette phase commence, les trois feuillets se trouvent représentés. Ils sont disposés dans leur ordre d'habitude, et s’emboîtent comme autant de couches concentriques, dont l’interne limite la cavité de l’entéron. Cette assise intérieure est l’en- doderme, l’extérieure l’ectoderme, et l'intermédiaire le mé- soderme. Celle-ci est constituée par un tissu mésenchy- mateux, alors que les deux premières correspondent à autant de rangées cellulaires épithéliales simples. Tout en conser- vant leur arrangement mutuel, en demeurant aulonomes et indépendants les uns des autres, ces trois feuillets vont com- pliquer leur structure pour fournir les ébauches des organes. La couche ectodermique persiste à la surface du corps; elle se recouvre d’une cuticule, dont elle est la seule matrice. Les appareils, façconnés par elle lors de la phase précédente, et qui tirent, par conséquent, leur origine de l’ecloderme, sont le stoméon, le procléon, et les centres nerveux. Ceux-ci sont des organes compacts, dont les éléments se lassent les uns à côlé des autres. Les deux premiers offrent l'aspect de dépressions tubuleuses, produites à leur début par des enfoncements de l’ectoderme, dirigés de dehors en dedans. Chacun de ces conduits, étant donné un tel commencement, DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 59 est creux, et conserve celte nature, leur lumière centrale communiquant avec l'extérieur. L'endoderme borne son rôle à circonscrire l’espace enté- rique encore empli de deutolécithe; il recouvre ce dernier, l'enveloppe de toutes parts, et l’isole du feuillet moyen. Le mésoderme est franchement et entièrement mésen- chymateux ; ses tissus se composent d'éléments figurés plon- gés dans une substance fondamentale. Les cellules qu'il ren- ferme sont nombreuses, et réparties entre l’ectoderme et l’endoderme ; leur quantité est pourtant plus grande dans la région ventrale de l’embryon, où elles se groupent en deux cordons longitudinaux, symétriques, connexes aux deux rangées des membres. À la suite de cette disposition, ces cordons offrent un certain aspect mélamérique et régulier, encore accru par ce fait que les paires de membres sont situées à égale distance les unes des autres. Mais ces bandes appartiennent cependant au mésoderme tolal, se relient à lui par destransitions ménagées, et conliennent également de la substance fondamentale ; il est permis de les assimiler à des amas d’un mésenchyme dense, c’est-à-dire dans lequel les éléments figurés sont plus serrés et plus proches qu'ail- leurs, diminuant d'autant le volume de la gangue où ils sont placés. — Durant la majeure part de la phase précédente, Ja substance fondamentale du mésoderme, ou du proten- doderme dont il est issu, se trouvait être le deutolécithe; ce mésenchyme possédait ainsi une structure spéciale, des plus remarquables. Pourtant, vers la fin de la même phase, cette organisation commençait à disparaître, par la résorption croissante du vitellus nultritif, el le tissu se trouvait acquérir son allure habituelle. Aussi, au début de la présente période du développement, le mésenchyme mésodermique est-il divisé en deux parls, dont la différence unique porte sur la nature de la substance interposée aux éléments figurés. Dans l’une d’elles, cette dernière est encore du deutolécithe ; alors que, dans l’autre, elle est un plasma abondant et hyalin. De plus, en celle-ci, les cellules appartiennent à deux types, car D4 LOUIS ROULE. plusieurs d’entre elles sont tenues en suspension dans ce liquide plasmatique, leurs voisines étant groupées en bandes irrégulières, anastomosées, composant un réseau dont les cavités sont emplies par ce plasma. La distribution de ces deux parts du mésoderme est fort précise; la première, dont la gangue est du deutolécithe, occupe la région supé- rieure du corps de l'embryon; la seconde est confinée dans la zone ventrale. Tel est l’état sous lequel se présentent les feuillets au début de la troisième phase. Puis, durant le cours de cette dernière, ils compliquent davantage leur structure, tout en augmentant, par une multiplication incessante, le nombre de leurs éléments conslitutifs. Le but de ce double mouve- ment d'évolution est la formation des ébauches organiques. L’épithélium ectodermique engendre une cuticule épaisse, qui devient la carapace de l’adulie, et au-dessous de laquelle il persiste en sa place. Les centres nerveux grandissent, en s’allongeant pour suivre l’extension du corps, et en s’épais- sissant; ce faisant, ils se séparent de l’ectoderme, dont ils dérivent, et constituent dès lors un système autonome, auquel s’adjoignent des organes sensoriels, dont les parties importantes sont également de provenance ectodermique. Le stoméon et le proctéon s’amplifient, en pénétrant tou- jours plus avant dans le corps, et finissent par arriver au contact l’un de l’autre: ils s'unissent alors, de manière à ne former qu'un seul tube étendu depuis l’ouverture du stoméon jusqu’à celle du proctéon, et traversant l’économie suivant sa longueur. Ce conduit est le canal digestif ; le premier de ses orifices sera la bouche de l’adulte, et le second l'anus. La vésicule entérique, toujours limitée par l’endoderme, s’adjoint à ce canal, de façon à communiquer avec lui, et à en être une annexe de taille volumineuse. Cependant, le deu- tolécithe qu’elle contient disparaît par résorplion, et laisse sa cavité libre; de plus, elle se divise, d’abord en deux lobes, puis en quatre, et perd ainsi sa simplicité première. Ceux-ci, nommés d'habitude les lobes hépatiques, mériteraient plutôt, DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 55 à cause de leur provenance, d'être désignés par l’expression de lobes entériques ; leur ensemble est rigoureusement l’ho- mologue de l'intestin moyen des Insectes, car ce dernier n’est que la persistante directe, sans aucun changement bien accentué, de la vésicule entérique de l’embryon. Le mésoderme accroît sa masse dans des proportions considérables, et de beaucoup plus grandes que les deux autres feuillets; son importance, sous ce rapport, est pré- pondérante. Le deutolécithe, qu'il contient encore dans sa région dorsale, disparaît par résorption. Les cellules grou- pées en faisceaux se converlissent en fibres musculaires ; les aréoles, qu'elles circonscrivent, deviennent les cavités san- guines, et composent un appareil irrigaieur, auquel s’annexe un cœur, situé au-dessus du proctéon. Enfin, plusieurs de ses éléments donnent naissance aux glandes sexuelles. L'économie arrive ainsi à se façonner et à s'établir aux dépens des trois feuillets, qui, seuls, constituent l’organisme au début de celte phase. Les appareils s’ébauchent et se com- plètent côte à côte. L’individu éclôt ensuite, et n’a plus qu’à grandir encore, tout en perfectionnant et achevant ce qui existe déjà, pour arriver à sa structure finale. Cette phase comprend trois états. Dans le cours du pre- mier, la vésicule entérique se scinde en deux lobes con- tigus. Cette division se termine durant le second, et l’aspect général du corps commence à s'arrêter dans ses traits définitifs. Enfin, pendant le troisième et dernier, qui conduit à l’éclosion de l’animal, les derniers restes du deutolécithe sont résorbés, et, l’économie acquiert, dans son ensemble, son organisation dernière. L’embryogénie peut, dès lors, être considérée comme achevée. État premier (C1; figures 14, 49, 50). — Pendant que cel état s'établit, l’entéron se divise en deux lobes, le stoméon et le proctéon continuent à s'étendre dans l’intérieur du corps, et la majeure part du deutolécithe restant se résorbe. 56 LOUIS ROULE, L L'aspect de l'embryon a changé. Son organisme, au lieu de conserver la forme d’un ovale à peu près régulier, paraît dissymétrique, à cause d’une consiriction qui se manifeste dans sa région dorsale : le corps proprement dit paraît sur- monté d’une sorle de dôme. Cette aisposition est un effet de la disparition du deutolécithe. Partout où ce dernier est résorbé, les tissus différenciés occupent un moindre volume que lui; les autres parties du corps, où il est conservé en- core, demeurent dans leurs dimensions premières. Aussi, la résorption du vitellus nutritif commençant dans la zone ventrale de l’embryon, pour gagner les côtés, et de là la région dorsale, celle-ci garde sa taille primitive, alors que les autres se rélrécissent. Le niveau, où se trouve la cons- triction précédente, est celui où la disparition du deutolé- cithe commence à gagner la face dorsale de l’économie, et le dôme n’est autre que cette face elle-même, possédant encore, dans son intégrilé, tout son vitellus alimentaire. Lors des états suivants, ce dernier diminuera de volume peu à peu, et le dôme perdra son allure particulière pour se confondre progressivement avec le reste du corps. Les membres, déjà au complet vers la fin de la phase pré- cédente, acquièrent leur aspect articulé; celui-ci s’accentue surtout, en ce qui concerne les antennes et les péréiopodes. Chacun de ces appendices s’allonge quelque peu, et s’élargit à tous les niveaux qui correspondent à des articles; il prend ainsi une forme noueuse, assez régulière, qu'il ne possédait pas auparavant. Les zones non élargies, qui apparaissent comme des sillons, assez peu profonds encore, de forme annulaire, deviendront les étranglements articulaires. — Les membres commencent à revêlir, avec nettelé, leurs dis- posilions propres, d'après leur situation sur l’organisme. Tandis que les antennes de la première paire demeurent courtes, celles de la seconde paire s’allongent, tout en se recourbant sur elles-mêmes; celle courbure est ici de nulle importance, car elle répond à l’un des effets de l'inclusion de l'embryon dans une coque : l’appendice ne peut s’étaler, DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 57 car cette coque lui est un obstacle. Les mandibules et les mâchoires (IIL°, IV°, et V° paire de la série totale des mem- bres) s'étendent peu en longueur, et restent courtes; elles se groupent autour de l’orifice stoméal, en se rapprochant plus les unes des autres que ne le font les autres appendices, et s’amplifient surtout dans le sens de leur épaisseur. Les deux maxillipèdes, ou pattes-mâchoires (VI° paire de la série totale), s'’adjoignent à elles, tout en s’allongeant un peu plus, et en présentant ainsi un aspect intermédiaire à celui des mâchoires vraies et à celui des péréiopodes. Les sept paires de ces derniers (VII®-XIIT° paire de la série totale), relative- ment longs et étroits par rapport aux autres membres, net- tement noduleux, offrent déjà leur allure caractéristique, sauf ceux de la dernière paire, toujours petits et fort courts; ils sont tous inclinés quelque peu en arrière, et leurs bases d'insertion se recouvrent de coxas fort nettes. Enfin, les six paires des pléopodes (XIV‘-XIX° de la série totale), quoique plus développés qu'à la fin de la phase précédente (B), ont gardé cependant la forme de petits mamelons coniques, dont les plus réduits sont les postérieurs. Le stoméon et le proctéon conservent, dans leur ensem- ble, l’aspect qu'ils ont déjà acquis, et se bornent à s’ampli- fier; mais chacun d'eux suit, en celà, une direction diffé- rente. Le stoméon, déjà divisé en un œsophage et un estomac, le premier s’ouvrant au dehors par l’orifice stoméal, de- meure ainsi. L'œsophage s’allonge quelque peu, de manière à reporter l'estomac plus profondément dans le corps; et l'estomac s’élargit, tout en persistant dans sa forme de poche discoïdale, au fond aplati. Cette double impulsion a pour résultat de rapprocher de la vésicule entérique la face pro- fonde du stoméon; un très faible espace, où se trouve un plasma contenant des éléments figurés, sépare ces deux organes l’un de l’autre. Cet espace va en se rétrécissant de plus en plus, par la pénétration progressive de l'estomac, au point que, lors de l’état suivant (C*), ce dernier s’applique contre l'extrémité antérieure de la vésicule entérique. — Le 58 LOUIS ROULE. proctéon garde son allure de conduit tubulaire, au calibre égal dans toute son étendue, ouvert au dehors par son extré- mité postérieure, et fermé en avant, dans sa région profonde. 11 grandit, en s’allongeant au-dessus de la vésicule entéri- que, et atteint le milieu du corps. Les centres nerveux approchent de leur période d'état, en tant que structure intime; toute leur évolution générale se borne à l’amplification des parties dans le sens bilatéral, et à leur séparation progressive de l’ectoderme dontils provien- nent. — Le cerveau s'accroît surtout par ses côtés, d'une facon symélrique, et devient nettement bilobé; ce faisant, il commence à s’isoler de la couche ectodermique par son extrémité supérieure, et par sa face interne. La première séparation s'établit aux dépens de l’ectoderme superficiel du corps; la seconde à ceux de l’ectoderme qui compose la paroi antérieure de l'estomac stoméal. — La moelle ventrale grandit également par ses côtés, de manière à se présenter comme constitué par deux cordons symétriques, unis sur la ligne médiane, la zone d'union étant encore fort ample. Ces deux bandes s'isolent aussi de l’ectoderme ventral, et se recourbent quelque peu en haut; cependant, la liaison originelle avec la couche ectodermique se maintient sur une vaste surface, qui comprend toute la zone d'union, et les régions avoisinantes, des cordons. En outre, l’amplification de la moelle, tout en étant plus prononcée sur ses bords afin d'aboutir à une disposition bilatérale, n’est pas égale; elle est plus forte en certaines parties qu’en d’autres. Les premières deviennent naturellement plus épaisses que les secondes, et l'appareil entier prend un aspectnoueux, plus prononcé dans sa moitié antérieure que dans sa moitié postérieure, oùellese montre à peine; l'évolution, en ce sens, procède, comme pour la genèse des paires d’appendices, d'avant en arrière. Les parlies élargies sont les premières indications des futurs ganglions de la moelle ventrale ; il suffit, en effet, d’accen- tuer davantage celte disposilion, par un accroissement cons- tant dans le même sens, pour obtenir la structure finale. DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 29 Chacun de ces ganglions correspond sensiblement à l’un des anneaux du corps placés en arrière de la bouche (ou de l’o- rifice du stoméon, qui sera la bouche de l'adulte), et se trouve placé au même niveau que lui; les étranglements inter-ganglionnaires sont situés à la hauteur des sillons qui séparent ces anneaux les uns des autres. Les premières traces de l’annulation commencent, en effet, à se manifester, lors du présent état, sur la face ventrale de l'embryon, et la moelle ventrale se modifie d'une manière connexe. Au moment de la fin de la phase précédente (B°), un sillon longitudinal se creusait sur la face ventrale de la vésicule entérique, et pénétrait dans l'intérieur de cette dernière. Ce sillon continue son évolution dans ce sens, et, de plus, une dépression similaire se manifeste sur la face dorsale du même entéron. L'un et l’autre se rapprochent mutuellement, par une progression constante. En somme, la vésicule enté- rique, de forme ovalaire, et simple tout d’abord, s’étrangle en son milieu, suivant son axe longitudinal, au moyen de deux plis opposés l’un à l’autre, qui se creusent sur sa paroi; le pli inférieur étant plus profond que le supérieur, et plus précoce comme apparition. Ce phénomène a pour effet de scinder l'unique vésicule, impaire et médiane, en deux parties semblables, symétriques, et placées côte à côte. Une telle division ne fait défaut que dans l’extrémité an- térieure de l’organe; celle-ci demeure entière, et constitue une sorte de pédicule médian, auquel s’attachent également les deux moitiés précédentes. Ce pédoncule servira, vers la fin de l’évolution embryonnaire, à unir avec le canal diges- tif l'ensemble des dérivés de la vésicule entérique. — Pen- dant que ce développement s’effectue, la couche des cellules endodermiques, qui compose la paroi de cet entéron, s’ali- mente aux dépens du deutolécithe enfermé dans l’intérieur de l'appareil. Une part du vitellus nutritif disparaît ainsi, laissant à sa place des espaces emplis par un liquide, privé de toutes propriétés. Ces vides sont très irréguliers de forme 60 LOUIS ROULE. comme de disposition, et varient, à cet égard, d’un em- bryon à l’autre. A la suite de la résorption partielle du deutolécithe inter- posé aux cellules du mésoderme, l'aspect de ce dernier feuil- let diffère de la région ventrale à la région dorsale du corps. Dans celle-là, le vitellus nutritif a complètement disparu ; en son lieu se trouve un plasma liquide transparent, au milieu duquel les éléments figarés sont tenus en suspension. Dans celle-ci, le deutolécithe persiste encore, avec ses caraclères entiers, et constitue la gangue intermédiaire. Mais cette dissemblance s'applique à la substance fondamentale seule, et non pas aux cellules. Ces dernières conservent leur disposi- tion mésenchymateuse; mais avec quelques modifications, qui iront en s’accentuant davantage lors des phases suivantes. Plusieurs d’entre elles se rapprochent en groupes compaels, d'aspect nullement précis, alors que les autres demeurent isolées et éparses. Ces changements ne se manifestent que dans la zone ventrale de l’économie, c’est-à-dire dans cette partie où le deutolécithe fait désormais défaut. Ailleurs, dans la région dorsale, les éléments mésodermiques gardent leur allure initiale. Les appendices, insérés sur le corps, grandissent en s’al- longeant, et en élargissant leurs bases. Ce fait, joint à la résorption du deutolécithe, entraîne une allération notable dans la structure du mésoderme ventral. La plupart des cellules de ce dernier s’élaient tassées, lors de la phase pré- cédente, en groupes, dont chacun se trouvait placé au- dessus d’un membre, et pénétrait dans son intérieur; l’en- semble affeclait ainsi une disposition métamérique assez nette. A la suite de l’amplification des appendices, et de la disparition du vitellus nutritif qu'ils conlenaient, chaque groupe entre dans l’intérieur du membre au-dessus duquel il est situé; la structure segmentaire du mésoderme ventral se détruit ainsi, puisque les segments cessent d’êlre rangés les uns derrière les autres sur deux files, pour s’enfoncer dans les appendices auxquels ils étaient destinés. Ce fait DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 61 montre, d’une manière indiscutable, comment la disposition métamérique du mésoderme ventral est liée à la répartilion des appendices en paires régulières, par un rapport de cause à effet. La première est le résultat de la seconde, et n'a point d'autre valeur. | État deuxième (C?: figures 15, 31 et 52). — L'embryon continue, en cet état, les changements évolutifs qu'il avait ébauchés lors du précédent (C'). Sa forme extérieure com- mence à revêtir ses traits définitifs ; le stoméon et le proc- téon s’approchent très près l’un de l’autre; les centres ner- veux se séparent davantage de l’ectoderme ; les deux moitiés de l’entéron s’isolent complètement, sauf par leur extrémité antérieure; enfin, le mésoderme se modifie de manière à donner les premiers rudiments des faisceaux musculaires et de l'appareil irrigateur. Le deutolécithe, étant presque entièrement résorbé, et ne modifiant plus, par l’appoint de sa masse, la forme de l’or- _ ganisme, celui-ci commence à revêtir son aspect final. Il devient allongé, les dimensions dans le sens antéro-posté- rieur prenant désormais la prédominance, mais conserve encore une épaisseur assez grande. Celle-ci est surtout accentuée vers le milieu du corps, où, dans la région dorsale, se trouvent placés les derniers vestiges du vitellus nu- tritif; ce deutolécithe restant soulève, quelque peu, la zone située à son niveau, en une pelite excroissance, réduction de la volumineuse saillie en dôme de l’état précédent. Les phé- nomènes sont aisés à concevoir, en se représentant ce mamelon dorsal, empli de matériaux alimentaires qui disparaissent d'une manière progressive, comme diminuant sans cesse par l'effet même de celte résorption, se restreignant à la présente excroissance, et, en définitive, s’annihilant d'une manière complète. Le corps acquiert ainsi la disposilion propre à l'adulte. En outre, la plupart des anneaux se délimitent déjà. Leurs premières indications se montrent dès le début de l’état pré- 62 LOUIS ROULE. _ cédent, et se manifestent sur la face ventrale de l’économie ; elles consistent en un certain nombre de plis transversaux, peu profonds, qui se creusent entre les paires de membres, de façon que chacune d’elles soit séparée de sa voisine d'avant et de sa voisine d’arrière par un de ces sillons. Ces derniers correspondent à autant de pelites dépressions ecto- dermiques, où la culicule demeure plus mince qu'ailleurs. Des étranglements similaires s’opèrent sur la face dorsale de l'organisme, à la hauteur des premiers ; tous s'étendent latéralement, de manière à progresser sur les côtés de l’em- bryon; et, finalement, les plis dorsaux, rencontrant les plis ventraux, se joignent à eux. Le corps est alors cerclé par plusieurs sillons annulaires transversaux, disposés avec régu- larité les uns derrière les autres, et dont chacun est placé entre deux des paires d’appendices ; sauf en ce qui concerne l'extrémité antérieure du corps, occupée par les six premières paires de membres (antennes et pièces buccales), où ces étranglements ne se montrent pas. Les régions, situées entre ces sillons, et quelque peu plus épais de façon à figurer autant de bourrelets circulaires, sont les anneaux eux- mêmes ; la présente évolution a pour résultat de donner à chacun d'eux une paire de membres, insérée sur sa zone ventrale. — La structure annelée de l’organisme se mani- feste, en conséquence, à une date postérieure à la produc- tion des appendices. Les plis, placés entre les anneaux, passent rigoureusement entre les paires de ces appendices. La relation de cause à effet paraît évidente. Cette structure est, comme la disposilion mélamérique temporaire d’une parlie du mésoderme, un résultat de la présence de membres sur le corps, et de leur répartition en paires placées avec régularité les unes derrière les autres, à des distances égales ou presque égales. Elle a pour but de faciliter les mouve- ments de l’économie, surtout sa flexion, et n’a pas d’autre importance. Sa valeur morphologique est donc des plus neltes ; elle est secondaire, el non primitive, contrairement à son analogue des Trochozoaires polymériques et des Ver- DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 63 tébrés, et se trouve liée à l'existence et à l’arrangement des paires d’appendices. Dans le cours du présent état, les premiers anneaux du péreion, et ceux du pleon, se délimitent seuls ; les cinq der- niers segments du péreion ne sont encore indiqués que dans leurs régions ventrales. La cause de ce fait paraît due, au- Lant qu’il est permis de juger des choses, au défaut de résorption du deutolécithe dorsal. Celui-ci n’a pas encore disparu en entier ; ses derniers restes sont précisément situés dans la partie dorsale du péreion, au niveau des anneaux postérieurs, qu’ils soulèvent pour former la petite excrois- sance signalée plus haut; les plis dorsaux ne se creusent qu'au moment où tout le deutolécithe a été absorbé, et où l'embryon revêt son allure définitive. — Le premier sillon se manifeste entre la paire des maxillipèdes (V[° paire de la série totale) et la paire des péréiopodes antérieurs (VIT paire de la série totale); quelques étranglements, peu accusés, se tracent bien en avant des maxillipèdes, comme entre les mandibules et les antennes de la seconde paire, mais ils ne se développent point, et s’effacent précocement. Ce premier sillon a pour objet de limiter en arrière une volumineuse extrémilé antérieure, pourvue de six paires d'appendices, les deux des antennes, et les quatre des pièces buccales (mandibules, mâchoires de la première et de la seconde paire, et maxillipèdes ou pattes-mâchoires) ; ces membres sont groupés les uns auprès des autres, et rassemblés sur un espace assez restreint, car toute la face supérieure de cette région est privée d’annexes quelconques. Cette extrémité antérieure, ainsi circonscrite, sera la tête de l'adulte, et peut désormais porter ce nom, car les modifications qu’elle subit ensuite portent seulement sur l’arrangement final des or- ganes supportés par elle. —De même que la tête se délimite du reste du corps, le péreion commence à se distinguer du pleon. Les sept anneaux du premier sont déjà accusés, bien que les cinq postérieurs ne soient discernables que sur la face ventrale de l'embryon ; ces segments sont égaux, pré- 6% LOUIS ROULE. sentent même largeur, et celte largeur est quelque peu supérieure (environ une fois et demie) à celle des anneaux du pleon. Ceux-ci, au nombre de six, sont égaux les uns aux autres, et aussi bien indiqués dans leur région dorsale que dans la ventrale; la plupart d’entre eux, cependant, ne se sont pas encore trop étendus sur les côtés, et leur part supé- rieure n’a pas rejoint l'inférieure. Il n’est guère d’excep- tions à ces données générales qu'au sujet du dernier anneau du pereion et du dernier du pleon. Celui-ci, qui constitue l'extrémité postérieure du corps, est plus trapu que les pré- cédents ; celui-là est un peu plus petit que ses voisins, de façon à se présenter, dans son allure d'ensemble, comme effectuant une transition entre les segments du pereion et ceux du pleon. Il est, pourtant. neltement circonscrit du côté de ce dernier, car le sillon, qui sépare le péreion du pleon, est un des mieux accusés du présent état. Les appendices, en accentuant les dispositions qu’ils pos- sédaient déjà lors de l’état précédent, commencent à revêtir leur aspect final. Leurs six premières paires sont placées sur l'extrémité antérieure et sur la face ventrale de la tête. Les sept paires de péreiopodes viennent ensuite; tournés en arrière, leurs bases d'insertion étant recouvertes par une coxa, ces membres sont les plus longs de tous, sauf en ce qui concerne ceux de la septième paire, petits, et fort courts relativement aux autres. Les pléopodes perdent leur forme de mamelon conique, pour s'élaler en largeur, et s’aplatir. La division en articles, qui atteint surtout les antennes et les péreiopodes, s’accenlue. | Le stoméon et elle proctéon conservent la disposition qu'ils avaient déjà acquise, et se bornent à la rendre plus pro- noncée, tout en l’amplifiant. Le fond de la poche slomacale du stomeon s'applique contre l'extrémité antérieure de la vésicule entérique, et s'adosse à elle. D'autre part, le proc- téon, tout en demeurant tubuleux, pénètre plus profondé- ment dans le corps, s’avance dans la moitié antérieure de l'organisme, et s'approche de la zone d’adossement du DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 65 Stoméon et de l’entéron. Au moment où il atteindra cette région, lors de l’état suivant, ces trois organes s’aboucheront l’un avec l’autre en cet endroit même, qui est une sorte de carrefour vers lequel ils tendent tous les trois, dans leur extension, depuis le moment de leur genèse. Les centres nerveux s’isolent de plus en plus de la couche eclodermique, et accentuent davantage leur disposition bila- térale. Le cerveau est nettement composé de deux lobes, de deux ganglions, unis l’un à l’autre par une large com- missure intermédiaire: il est distinct de l’ectoderme sur presque toute son étendue, sauf en une région médiane et antéro-inférieure. De même, les deux côtés de la moelle ventrale prennent la prédominance sur la zone médiane du même organe, et se recourbent quelque peu en dedans, de manière à se surélever au-dessus de l’ectoderme, dont ils se séparent. L'aspect noueux devient plus prononcé, el s'étend jusqu'à l'extrémité postérieure de l'appareil, où elle est pourtant moins marquée que dans la partie antérieure. Chaque nodosilé correspond à un ganglion, et chaque étran- glement à la bande commissurale qui relie entre eux les ganglions voisins. Dans cette dernière, l'accroissement bila- téral acquierl une grande importance, et aura pour effet prochain, la zone médiane demeurant à peu près indiffé- rente à cet égard et finissant même par disparaître en majorité, d'isoler les deux côtés l’un de l’autre sur un cer- lain parcours: chaque bande est ainsi composée de deux cordons semblables, symétriques, placés côte à côle, qui se joignent par leurs deux bouts avant de s'attacher aux gan- glions qu’ils sont chargés d’'unir. Pareille chose n'existe point dans les ganglions eux-mêmes ; ceux-ci tout en ampli- fiant leurs côtés de préférence, conservent cependant une certaine taille à leur zone médiane, et maintiennent pa chez l’adulle leur unité première. Les deux moitiés de la vésicule entérique, Jes deux Las entériques, ainsi qu'il convient de les désigner désormais, sont enlièrement distincts l’un de l’autre, et possèdent des ANN. SC. NAT. ZOOL. XVII, 5 66 | LOUIS ROULE. parois complètes, de sorte que leurs cavités ne communiquent plus entre elles; sauf dans leur extrémité antérieure, où la scission de la vésicule n'a point pénétré, et où, par suite, les deux lobes s’abouchent ensemble. Cette région de jonction, semblable à un pédoncule d'attache, commun aux deux lobes, court et large, est précisément celle contre laquelle s’adosse le fond de l’estomac du stoméon, et qui établira l’union entre le canal digestif et les lobes entériques eux-mêmes. Partout ailleurs, ces lobes n’ont plus entre eux que des rapports de “contiguité; ces relations sont, au présent état, établies sur un assez vaste espace, et c'est là le dernier indice du phéno- mène de scission qui leur a donné naissance, mais elles ne tarderont pas à s'effacer à leur tour. Actuellement, les zones en contact sont aplaties, par l'effet de leur pression mu- tuelle ; et ce fait procure à chacun des lobes une section transversale dissymélrique, de forme à peu près ovalaire. Les choses se régularisent par la suite, à mesure que ces organes diminuent leurs régions d’accollement, et s’écartent l’un de l'autre ; leur section transversale devient parfaitement cireu- laire, ainsi que le veulent, du reste, les lois de la mécanique. — Le deutolécithe, qui emplissait la cavité de la vésicule entérique, el, par conséquent, celle de chacun des lobes qui dérivent d'elle, a presque entièrement disparu, laissant à sa place un liquide. Cette résorption avait déjà commencé lors de l’état précédent, et, tout en s’effectuant d’une manière irrégulière, et variable suivant les embryons, elle continue pendant la durée du présent étal pour se terminer au cours de l'état suivant. Le mésoderme, en augmentant le nombre de ses cellules, et commençant à différencier ces dernières pour leur fournir leur structure définitive, conserve encore le double aspect qu'il avait déjà. Il est divisé en deux parties, qui diffèrent par la nature de la substance interposée aux éléments figurés; dans l’une, cette gangue est un plasma liquide ; dans l’autre, elle est du deutolécithe. Cette dernière est cependant plus petite qu'autrefois, et DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 67 elle continue à diminuer sans cesse, par l'effet de la résorp- üion constante du vitellus nutritif. Elle est confinée dans la région dorsale de l'embryon, au-dessus du proctéon et des lobes entériques, et n'occupe même pas cette région entière ; elle se trouve à peu près reléguée dans le péréion, et ne parvient pas dans la tête, ni dans le pléon. Elle compose une masse ovalaire, d’étendue restreinte par rapport à celle qu'elle possédait auparavant. Sa résorption s’effectue, de préférence, par sa périphérie, et non dans toule sa masse à la fois ; ce phénomène tient à ce double fail, que ses cellules sont plus nombreuses dans ses zones superficielles que dans sa profondeur, el que les cellules du mésoderme au plasma liquide l’entourent de toutes parts, ou peu s’en faut; ces divers éléments agissent, vis-à-vis d’elle, à la manière de phagocytes, et, en conséquence, l’absorplion du vitellus est plus considérable dans les régions où eux-mêmes sont répartis en plus grande quantité. Les cellules mésodermi- ques, plongées dans ce tissu à deutolécithe, sont à peu près toutes semblables les unes aux autres; elles se bornentl à se multiplier, tout en émettant des expansions pseudo- podiques. Le mésoderme privé de deutolécithe, et qui compose, dès ce moment, la majeure part de ce feuillet, occupe la face ventrale entière et les côlés de l'embryon, empiétant même dans la région dorsale, et entourant presque de tous points les organes internes. Il offre des caractères sembla- bles dans ses diverses parties; la disposition métamérique de sa zone ventrale est devenue beaucoup moins pro- noncée. Ses cellules appartiennent à deux types. Les unes s’accollent entre elles, de manière à dessiner, dans tout l’espace occupé par le mésoderme, un réseau de travées qui s’anastomosent et s’entre-croisent, en circonscrivant des aréoles de forme irrégulière el d’étendue différente; de plus, elles croissent de préférence dans la direction des travées auxquelles elles appartiennent, et se convertissent en fibres musculaires. Les autres demeurent isolées, et 68 LOUIS ROULE. conservent l’aspect amæboïde primitif; elles sont tenues en suspension dans le plasma liquide, laissé en sa place par le deutolécithe résorbé, et y jouent le rôle de globules, que ce milieu est capable de charrier. Le plasma remplit à son tour tous les vides laissés entre les travées précédentes. Ces cavités composent, par leur ensemble, les premières ébauches de l'appareil irrigateur; elles correspondent à autant de lacunes, creusées dans le méscderme, ce dernier ayant une structure mésenchymateuse des plus franches. Le plasma liquide, muni de ses cellules, est le sang, ou plus exactement l'hémolymphe, qui circule dans cet appareil. A mesure que ces lacunes arrêteront leurs contours, et augmenteront en nombre pour suivre l’amplification totale de l'organisme, la quantité de sang s’accroîtra d’une manière connexe pour les remplir, les nouveaux globules dérivant de ceux qui existent déjà, par la multiplicalion constante de ces derniers. — Le cœur commence à prendre naissance vers la fin du présent état, mais il n’acquierl ses caractères spéciaux que dans le cours de l’état suivant. État troisième (C*; figures 16, 53, 54, et 55). — En cet état, l'embryon achève d’engendrer, aux dépens de ses feuillets blastodermiques, les ébauches de ses organes, et donne à ces derniers leur disposition finale, de manière qu'ils n'aient plus, par la suite, qu'à s’amplifier suivant la même direction. Aussi, vers la fin de cet état, l'individu, élant capable de se déplacer, et de s’alimenter par lui- même, se débarrasse-t-il de ses enveloppes, et fait-il son apparition dans les milieux extérieurs; il cesse, dès lors, d’être un embryon, pour devenir un jeune. L'aspect général rappelle celui de l'adulte, et n’en diffère que par une forme un peu plus courte et plus ramassée. Toute trace de deutolécithe a disparu dans la région dorsale du corps, qui, de ce fait, ne porte aucune prolubérance. Les sillons, qui délimitent les anneaux les uns des autres, el les circonscrivent, sont désormais bien marqués, autant DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 69 sur les côtés de l'organisme que sur sa face dorsale et sa face ventrale. Les irois régions principales, à savoir la tête, le thorax ou peréion, et l'abdomen ou pléon, possèdent leurs caractères propres et leur disposition définitive. Il en est de même pour les appendices. La tête se sépare neltement, par un sillon, du premier anneau thoracique. Elle est munie des six premières paires d’appendices, ceux-ci étant convertis, suivant leur rang, en antennes ou en pièces buccales; ces membres sont seulement insérés sur l'extrémité antérieure, ou sur la région ventrale de la tête, et laissent libre la face dorsale. Les deux pelits yeux sessiles commencent à faire leur apparition. — Les antennes de la première paire, qui, dès la fin de la deuxième phase, avaient cessé de grandir, pour rester stationnaires, persistent ainsi; en conséquence, elles sont très courtes, et à peine indiquées, chez l'adulte. Il n’en est pas de même pour la seconde paire. Celles-ci se déploient, car elles ne sont plus gênées par les enveloppes embryonnaires qui tombent, et s'étendent en avant de l'individu; de plus, elles n'ont cessé de s accroître suivant leur axe longitudinal, et constituent des appendices volumineux. Leur division en articles s'achève, le nombre de ces derniers étant de sept pour chacune des antennes ; ce chiffre représente, du reste, le caractère essentiel du genre Porcelho, qui le sépare des genres voisins. — Les pièces buccales sont au nombre de quatre paires, et comprennent deux mandibules, quatre mâchoires, et deux maxillipèdes, ou pattes-mâchoires. Ces huit appendices sont disposés sur un espace restreint, au- tour de la bouche, et rassemblés en un groupe, qui dessine une forte saillie sur la face ventrale de la tête; dans ce groupe, les mandibules sont antérieures et internes, et les maxillipèdes postérieurs et externes. — En somme, les membres des six premières paires ([° — VI° paires de la série totale) qui, lors de la deuxième phase de l’évolution, ne se distinguaient des autres par aucun caractère parlicu- lier, si ce n’est pas leur situation dans l'organisme, et 70 LOUIS ROULE. occupaient un espace assez vaste, se (rouvent resserrés maintenant dans une région plus restreinte, appartiennent en propre à la têle, et ont acquis une structure à eux spéciale, connexe à leurs fonctions. Le péréion, silué entre la têle et l'abdomen, est la plus ample des parties du corps. Il se compose de sept anneaux, à peu près égaux, sauf le dernier, le plus postérieur, un peu plus petit que ceux qui le précèdent. Ces segments pos- sèdent leur entière structure finale; ils sont munis de coxas, et, pour la plupart, recourbés, comme cintrés dans le sens anléro-postérieur. Les premiers, les plus voisins de la tête, sont cintrés en avant, de manière que leurs sillons inter- médiaires soient presque concentriques à l'étranglement placé entre la région céphalique et le péréion lui-même; les derniers, les plus proches du pléon, sont cintrés en arrière, de façon à agir également vis-à-vis de cet abdomen. — Les appendices thoraciques, les péréiopodes, plus longs et plus volumineux que tous les autres, sauf les antennes de la seconde paire, nettement divisés en articles placés bout à bout, ont acquis leur structure finale. [ls sont au nombre de sept paires, chacun des anneaux portant deux d’entre eux sur sa face ventrale. Les premiers, à l’état d'habitude, se tournent en avant pour se porter vers la tête, et les derniers en arrière, pour se porter vers l'abdomen. Leurs tailles sont presque égales, sauf en ce qui concerne les mem- bres de la seplième paire, les plus voisins du pléon; ceux- ci sont fort courts, à peine indiqués, et ne prennent leur accroissement que durant la jeunesse de l'individu. L’abdomen, ou le pléon, termine le corps en arrière. Environ de moitié moins étendu que le péréion, il s’ampli- fiera en outre, durant l'accroissement ultérieur de l’éco- nomie, dans des proportions moindres que ce dernier, de manière à paraître encore plus pelit, chez l’adulle parvenu à sa taille définitive. IL se compose de six anneaux, qui vont en diminuant de dimensions jusqu’au dernier et pos- térieur, plus petit que tous les autres, placés en avant de DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. pa © lui. Chacun des segments porte une paire d'appendices, courts et tournés en arrière, qui deviennent lamelleux, sauf. ceux de la sixième paire; ces derniers, toul en étant courts comme les autres, prennent une forme conique. Le stoméon et le proctéon s’abouchent l’un avec l’autre, de manière à donner, par cetle union, un canal digestif continu, étendu dans le corps entier, suivant son axe longi- tudinal, de l’ouverture extérieure du premier à l’orifice: externe du second. Une telle jonction s'effectue par les extrémilés internes des organes mis en cause, qui, dans leur mouvement d'extension progressive, s’approchent l’une de l’autre, s’adossent, et résorbent leurs parois en contact, de facon à établir une communication directe entre les deux cavités. Au surplus, la région antérieure, et indivise, de la vésicule entérique, se met également en rapport avec cette zone d’accollement. — L'ouverture extérieure du stoméon devient la bouche de ce canal digestif, encadrée par les pièces buccales. Le stoméon lui-même est nettement divisé en deux parts : un œsophage antérieur, et un estomac postérieur ; cette différenciation, qui atteint ici son terme, avait com- mencé à se manifester presque dès le début génétique de l’ébauche stoméale. L’œsophage, tubuleux, conduit de la bouche à l'estomac ; celui-ci, vésiculeux et semblable à une poche élargie, est percé, dans sa région supérieure, d’un. orifice qui le met en relation directe avec le proctéon. — Ce dernier, par l'effet de son allongement constant dans l'intérieur du corps, est parvenu à atteindre le niveau de l'extrémité antérieure de la vésicule entérique, et à toucher ainsi le fond de l'estomac stoméal; il s’ouvre alors dans ce dernier. Mais il conserve toujours sa forme tubuleuse, au calibre presque égal en toute sa longueur, et ne se scinde point en régions d’aspect différent. Son orifice externe, prati- qué dans le dernier anneau abdominal, devient l’anus définitif. Le canal digestif, continu et simple dans l'organisme achevé, dérive cependant de deux ébauches indépendantes, dont Fapparition se manifeste même en deux parts diamé- 78 LOUIS ROULE. tralement opposées du corps de l'embryon. Ces deux appareils grandissent suivant une direction centripèle, pénètrent toujours plus avant dans l’économie, et tendent l’un vers l’autre; ils se rencontrent en définitive, et se réunis- sent pour ne donner qu’un seul conduit. Dans une telle extension, la part la plus grande appartient à l’ébauche postérieure, à celle du proctéon,; le stoméon demeure court, relativement. — Cette double origine laisse des traces dans l’organisme définitif; le procléon, par son aspect tubulaire, se distingue avec netteté de la poche stomacale, qui dérive du stoméon. Le canal digestif est ainsi divisé en deux parts : un intestin antérieur, comprenant l’œæœsophage avec l'estomac, et issu du stoméon; un intestin postérieur, composé de l'intestin proprement dit, terminé par l'anus, et issu du proctéon. Une telle disposition se retrouve chez tous les Crustacés, avec cet appoint constant que la vésicule entérique, munie de ses lobes, s'attache au canal digestif dans la zone d’union de l'intestin antérieur avec l'intestin postérieur. En considérant le tube digestif entier, cet appa- reil, canal et annexes, est donc engendré par trois ébauches, indépendantes tout d’abord les unes des autres, et jointes par la suile en un seul système ; deux d’entre elles, le stoméon et le proctéon, dérivent de l’ectoderme, alors que la troi- sième, l’entéron, provient de l’endoderme. — Pareille struc- ture, et pareille triple origine, existent également chez les autres Arthropodes, mais avec une différence importante. Le procléon s'étend moins dans le corps que celui des Crustacés ; il n'arrive point au niveau du fond de l'estomac stoméal, ni de l'extrémité antérieure de la vésicule entéri- que, et s’arrêle quelque peu en arrière de ceux-ci. Il s’abouche, dès lors, avec la vésicule entérique elle-même, celle-ci agissant d’une façon identique vis-à-vis de l'estomac stoméal. L'entéron s’interpose, de cette manière, à l'intestin antérieur et à l'intestin postérieur. Au lieu d'être un simple annexe de l'appareil digestif, 1l devient un organe intermé- diaire à l'estomac et à l'intestin proprement dit; ïl fait DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 73 parlie du canal digestif, se trouve compris dans son trajet, et compose par là un intestin moyen, dont les Crusiacés sont à peu près privés. Les centres nerveux sont complètement isolés de l’ecto- derme, dont ils proviennent ; cette séparation commençait à s'effectuer lors des précédents états, et s'achève maintenant. Leur laille est encore volumineuse, par rapport à celle de l'organisme entier, et plus grande qu’elle ne le sera chez l'adulte parvenu à ses dimensions finales ; une telle diminu- tion s'opère par un accroissement peu intense, plus restreint à leur égard qu’au sujet du reste du corps. Le cerveau, tout en étant composé de deux masses ganglionnaires principales, conserve sa simplicité, car ses deux ganglions ne se déta- chent point l’un de l’autre, et demeurent unis par une large commissure médiane. — Il en est de même pour les ganglions de la moelle ventrale; ceux-ci gardent leur unilé première, bien que leurs côtés soient plus gros que leur partie médiane. Seuls les conneclifs, qui correspon- dent aux élranglements inter-ganglionnaires de l’ébauche primitive, se scindent en deux bandes parallèles et dis- tincies, séparées par un espace appréciable; ces dernières joignent les ganglions entre eux, et maintiennent l'unité dans le système entier. Ces ganglions sont au nombre de sept, et placés au niveau des sept anneaux thoraciques. La moelle ventrale se prolonge, tout en s’amincissant d’une manière progressive, en arrière d'eux, el constitue un cor- don, qui parcourt l’abdomen jusque vers l’anus. Ce cordon est la zone la plus tardive à se séparer de l’ectoderme; il porte des nodosités ganglionnaires peu marquées, beaucoup moins prononcées que celles du thorax, et qui ne par- viennent point, du reste, à devenir des ganglions aux limites précises. Enfin, il correspond à la région nerveuse dont l’'amplification ultérieure est la moindre ; aussi, paraît-il diminuer de longueur, à mesure que le corps entier s’accroîl durant la jeunesse de l'individu, et finit-il par occuper seu- lement l’extrémilé antérieure de l’abdomen, au lieu de par- 74 LOUIS ROULE. courir ce dernier dans sa tolalhilé. Finalement, il se divise en deux bandes isolées, qui semblent être, et qui sont en réalité, de simples annexes du ganglion thoracique posté- rieur. Une telle réduction, ou plutôt une telle restriction dans l’accroissement final, est liée, sans doute, par un rap- port de cause à effet, à la petitesse de l'abdomen des Porcellio, comme à celle, du reste, de presque tous les Isopodes terrestres. Les deux lobes entériques, unis l’un à l’autre par leur extrémité antérieure, se séparent partout ailleurs, et devien- vent indépendants. Chacun d’eux se scinde en outre, par le procédé déjà employé au sujet de l’entéron primilif, c’est-à- dire au moyen d’un élranglement longitudinal dont les pre- miers vestiges se manifestent dans la région postérieure de l'organe, en deux parts tubuleuses, également jointes en avant. Le nombre des lobes augmente ainsi, et se trouve porté de deux à quatre; ces appareils sont groupés en deux paires symétriques, dont l’une est placée dans le côté gauche de l'individu, et la seconde dans le côté droit. — Ces lobes n'ont entre eux que des différences de situation, et se ressemblent sous tous les autres rapports. Ils sont tubuleux, cylindriques, légèrement amincis vers leurs deux bouts, terminés en cul-de-sac dans leur extrémité postérieure, et ouverts en avant. Les deux lobes d’un même côté s'unissent entre eux par celte extrémité antérieure, et abouchent ensemble leurs cavités, en les faisant communiquer avec celle d’un court pédoncule, persistance de la région laissée indivise. De même, les deux pédoncules, le droil et le gauche, se jettent dans le pédicule commun aux deux lobes primitifs. Celui-ci, au lieu de rester fermé, va rejoindre la zone d’accollement du stoméon et du proctéon, et s'ouvre dans son intérieur. L'appareil entérique, qui n’est ici qu’une annexe du canal digestif, est alors arrêté dans sa disposition définilive. Il se compose de quatre diverticules tubulaires, les /obes hépa- DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 75 hiques des auteurs, les lobes entériques réels, ouverts dans l'intestin. Ce système dérive de la seule vésicule entérique, qui se scinde d’abord en deux parts, puis en quatre par la subdivision des précédentes, celte scission s’effectuant de manière à ménager l'extrémité antérieure de l’organe, des- tinée à fournir les canaux de jonction. Ces lobes n’ont, au sujet de leur origine et de leur provenance, aucun rapport direct avec le canal digestif lui-même; ils découlent de l’entéron, et leurs relations avec le conduit intestinal, issu du stoméon et du proctéon, sont secondaires. Les tissus mésodermiques acquièrent leur structure finale, qui est celle d’un mésenchyme des mieux caracté- risés. Ils composent des travées, de tailles diverses, qui s’entre-croisent dans tous les sens, et délimitent des aréoles, des cavités, remplies par le liquide nourricier, par l’hémo- lymphe de l'appareil irrigaleur. Leur organisation est par- tout semblable à elle-même, car toute trace de deutolécithe disparaît; leurs diverses parties ne diffèrent entre elles que-sous le rapport de la quantité des éléments mis en cause, non de leur qualité. Ces travées sont constituées par des fibres musculaires fort longues, et accolées les unes aux autres. Cependant, la distribution des masses musculaires, comme celle des espaces circulatoires qu'elles circons- crivent, n’est pas irrégulière, n1 indéterminée. Les bandes de fibres sont plus épaisses dans les régions où les efforts à exercer, pour assurer les mouvements de l'organisme, se trouvent les plus considérables; elles se dirigent suivant le sens de ce mouvement. Plusieurs d’entre elles constituent même des muscles aux contours précis, isolables de ce qui les entoure; mais le caractère mésenchymateux se main- tient, car les extrémités de ces appareils se résolvent en un lacis, uni aux réseaux voisins, et, de plus, sur leur trajet, des fibres leur appartenant se détachent d'eux pour aller se joindre aux bandes environnantes. La disposition particu- 76 LOUIS ROULE. lière à ces muscles tient à leur taille seule, qui les isole et les fait se distinguer du reste, mais sans leur ôter leur allure fondamentale; elle est le résultat de leur grosseur relative. La division métamérique de la part ventrale du méso- derme a complètement disparu. Les appendices, surtout ceux du thorax, sont devenus volumineux, et leurs éléments mésodermiques se disposent dans leur intérieur comme dans le reste du corps, avec une franche structure mésen- chymateuse, les faisceaux musculaires ne différant entre eux que par leur taille, et par leur direction. Une certaine disposition métamérique paraît bien résulter de l’arrange- ment régulier des petits muscles, qui font mouvoir les appen- dices sur le corps, ou les anneaux les uns sur les autres ; mais cet état est la conséquence même de l'agencement des parties de l’économie, il est nécessilé par le mécanisme des mouvements que celte économie doit effectuer, est voulu par lui, et se trouve secondaire par suite. Il est le résultat de la division des téguments en anneaux, qui découle elle- même de la répartition régulière des appendices en paires placées à la file, el n’est point primitif dans l’organisme. L'appareil irrigateur se compose, au moment de l'éclosion de l'individu, de cavités anastomosées en un réseau irrégu- lier, et rempli par l’hémolymphe chargée de ses éléments figurés. Le cœur prend alors naissance. Un amas de cellules mésodermiques, semblable à un cordon placé sur le proc- téon, grandit en se creusant d’une cavité axiale, et se con- vertit en un tube ouvert aux deux bouts; cet organe est le cœur, Les cellules de sa paroi, groupées sur une seule rangée, se changent en fibres musculaires minces et plates; ses extrémités se raccordent au réseau lacunaire de l’appa- reil irrigateur, et la structure finale se trouve acquise. Durant la jeunesse de l'individu, la plupart des sinus direc- tement rattachés au cœur, et de leurs lacunes satellites, grandissent plus que leurs similaires, tout en régularisant quelque peu leurs contours, et deviennent autant de vais- seaux, assez bien délimités sur leur trajet, rassemblés en DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 71 un système ramifié, qui se raccorde au cœur. Une telle structure n'existe point encore au moment de l’éclosion ; elle s’accentue el s'affirme durant la jeunesse de l'individu, à mesure que le corps s'accroît, sans doute par une nécessité toujours plus pressante de répartir avec régularité dans l'organisme les matériaux de la nutrition et de la respiration. Résumé général. — L’individu arrête son organisation, aux dépens des feuillets blastodermiques, durant cette phase, la dernière de l’embryogénie. Son corps revêt son aspect général, et se divise en anneaux; ses appendices acquièrent leur forme définitive. Tous les appareils déjà ébauchés achèvent de se compléter, et n’ont plus qu’à gran- dir, pour donner à l’économie sa structure complète. Le canal digestif s'établit en continuilé de la bouche à l’anus, et s’annexe les lobes entériques. Les centres nerveux se séparent de l'ectoderme, dont ils sont issus, et gagnent leur allure finale. Les masses musculaires précisent leurs con- tours. L'appareil irrigateur produit un cœur, et ne va pas tarder à s'achever. Seules, les glandes sexuelles ne sont point présentes encore, et se bornent à deux petites ébauches, à deux petites masses de cellules mésodermiques, placées de part et d’autre de la région antérieure du proc- téon et de celle du cœur. Mais, si les organes de la repro- duction sont réduits à leurs premiers vestiges, il n’en est pas de même pour les autres, pour ceux de la vie somatique, de la nutrition et de la relation, qui, à peu de choses près, ont atteint leur perfection. L'individu est capable de se mouvoir, de se nourrir, par lui-même; son tube digestif fonctionne; son cœur bat, et fait circuler l’hémolymphe dans l’appareil irrigateur. Il se débarrasse de son enveloppe, se trouve libre dans la cavité incubatrice maternelle, quitte ensuite celte dernière, et parvient dans les milieux extérieurs. Il a cessé d’être un embryon, et il n'a plus qu'à grandir, pour arriver à l’état adulte. 78 LOUIS ROULE. CHAPITRE II LE DÉVELOPPEMENT DES ORGANES. Chaque organe, dans ce chapitre, est pris en particulier. Après un certain nombre de notions préliminaires sur l’œuf, le vitellus, et les feuillets, chacun des systèmes de l’éco- nomie esl examiné d'une façon spéciale, non pas dans les phénomènes généraux de son développement, déjà signalés dans les pages précédentes, mais dans les détails des modifications successives, apportées à sa forme et à sa structure intime. À. — OEur Er EMBRYON DANS LEUR ENSEMBLE (figures 1 à 16). A. —Aspect général; diminution de volume. — L'œuf à son début, alors qu'il parvient, après sa fécondation, dans la cavité incubalrice de son générateur malernel, est un corps ovalaire, régulier, dont l'axe longitudinal dépasse de fort peu, comme dimensions, l’axe transversal. Il se compose d'une masse vitelline, non encore concrétée en cellules, qu'entoure une mince membrane, directement appliquée contre sa substance. En nommant cavité ovulaire l'espace limité par cette membrane, l’ovule occupe cette cavité tout entière, et ne laisse libre aucune deses parlies. Les choses changent ensuite. Le vitellus se résout en élé- mens figurés, et les feuillets d’abord, les organes plus tard, commencent à se façonner ; les appendices prennent nais- sance. D'une manière connexe, la surface de l'embryon perd de sa régularité première, puisque les membres la soulèvent par places, et l’ensemble de l’organisme s’aplatit d'une fa- con progressive, car l’axe transversal diminue, alors que l’axe longitudinal demeure le même. La membrane envelop- panle ne suil pas ce mouvement de restriction, el conserve ses dimensions premières. L'embryon, issu de l’ovule, ne remplit plus la cavité ovulaire, et laisse, entre lui-même et son enveloppe, un espace libre, occupé par un liquide trans- DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 79 parent. Cet espace peut être désigné par l'expression de cavité péri-embryonnare ; il est une partie de la cavilé ovu- laire totale, l’autre partie répondant à la place occupée par l'embryon. La cavité péri-embryonnaire ne parvient que peu à peu à sa taille définitive. Elle est virtuelle tout d’abord, puisque le vitellus s'applique exactement contre sa membrane limitante. Ses premiers vesliges s’indiquent dans la région de la cica- tricule ; les cellules, fournies par cetile dernière, ont, dans leurs zones superficielles, la forme de petits mamelons juxta- posés, auxquels l'enveloppe est seulement langente, car elle ne descend pas dans les creux laissés entre ces saillies. Ces vides augmentent de dimensions, s'unissent à ceux qui appa- raissent dans les parties où de nouvelles cellules se façonnent, s’amplifient d’une manière croissante, et finissent ainsi par composer un espace conlinu, assez ample, interposé à l’em- bryon et à sa membrane enveloppante. Les ébauches de la cavité péri-embryonnaire se montrent, en premier lieu, vers l’extrémilé antérieure de l'organisme; de là, cet espace progresse au-dessous de la face ventrale, lorsque les appen- dices sont engendrés, et remonte autour de l’extrémité pos- térieure ; il se creuse, en dernier lieu, au-dessus de la face dorsale. L'embryon est alors suspendu dans le liquide qui em- plit cette cavité; mais, dès cel instant, l’évolution approche de son terme. La membrane périphérique se brise, après s'être quelque peu ratatinée, laisse écouler le liquide, et per- met au petit être de vivre en liberté. L’ampleur de la cavité péri-embryonnaire est sujette à variations, suivant les individus ; cette diversité est toule se- condaire, et découle, à la fois, de la taille première des œufs, et de la taille des embryons au moment de leur éclo- sion. Les œufs d’une même ponte, renfermés dans la cavité incubatrice d’une femelle déterminée, ne se trouvent pas exaclement semblables entre eux ; certains sont plus gros, et plusieurs plus petits, comme les uns sont plutôt sphériques, et les autres plutôt ovalaires. En outre, les embryons, issus 80 LOUIS ROULE. d'œufs aux dimensions pareilles, ne parviennent pas forcé- ment, de ce fait seul, à des tailles identiques ; les uns sont plus volumineux que Îles autres, soit parce que les cavités, dont leur corps se creuse, alteignent une plus grande ampli- tude, soit parce que les matériaux nutritifs, contenus dans leur deutolécithe, étaient capables de suffire à une plus abondante genèse d'éléments figurés. De ces deux ordres de phénomènes, de leur opposition, ou de leur superposition suivant le cas, résullent les dissemblances. — Ces variations, tout en étant assez considérables, n’ont aucune importance réelle, étant donnée leur cause ; elles se retrouvent, du reste, avec des degrés de plus ou de moins, dans la plupart des embryogénies d'animaux. Elles découlent de différences acci- dentelles, tenant à la diversité des conditions de milieux, depuis le moment où l’ovule naît dans l'ovaire, jusqu’à celui où son embryon est achevé; ces conditions ne sont jamais exactement semblables, et, de leurs divergences assez mi- nimes, proviennent celles tenant à l'aspect général des œufs et de leur contenu. Une telle diminution de l’économie en volume, qui abou- tit à l’établissement d’une cavité péri-embryonnaire, est le résultat, au moins pour la plus grande part, de la résorption du deultolécithe. Les éléments, qui remplacent ce dernier, tiennent un espace moins grand que lui-même; le plasma liquide, qu'il laisse, après sa disparition, pour remplir les cavilés des organes façonnés dans les lieux qu'il occupait, est d’un moindre volume que le sien. Les cellules de l’éco- nomie, qui se nourrissent à ses dépens, et absorbent ses gra- nulalions, forment également une masse plus petite que celle de l’ovule à son début. L’embryon, en conséquence, est de dimensions plus restreintes que celles de l’œuf dont il dérive, et il laisse, entre son propre corps et la membrane d’enveloppe, un vide, qui est la cavité péri-embryonnaire. Celle-ci se creuse, d’abord, dans les régions où le vitellus nulrilif est résorbé en premier lieu, pour se terminer dans celles où celte résorption est la plus tardive. DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 81 B. — Membrane enveloppante. — Cette membrane entoure déjà l’ovule, au moment où celui-ci arrive dans lä cavité in- cubatrice. Comme l'organisme maternel ne possède, dans ses conduits sexuels, aucune glande capable de sécréter la substance d’une coque, il est probable que cette enveloppe provient, soit de l’ovule lui-même, soit du follicule qui l’en- toure dans l’intérieur de l'ovaire. Dans un cas comme dans l’autre, il n’est pas permis d'assimiler cette limitante à un chorion, et ce dernier terme, employé d'habitude par les auteurs pour la désigner, se trouve fautif de ce fait. L’expres- sion la plus juste, et la plus précise, serait celle de mem- brane vitelline, car il s’agit ici, sans doute, d’un produit de l'ovule. | EURES 5143 Cette membrane, quoique mince, offre un double con- tour fort discernable. Elle paraît peu extensible, et se plisse, se raftaline, lorsqu'elle commence à se dessécher, sans subir aucune contraction. Elle se gonfle dans l’eau, et sur- tout dans l’eau acidulée, l'augmentation d'épaisseur étant inégale, plus grande par places, et plus petite ailleurs. — A son début, elle est en contact direct avec le vitellus ovulaire ; elle se sépare de lui, à mesure que se creuse l’espace péri- embryonnaire, et que les éléments de l’ectoderme se recou- vrent d’une couche de cuticule. Cet isolement procède, comme il est dit plus haut, d’une manière progressive, et se termine dans la zone dorsale de l'œuf, où le contact mu- tuel de l'embryon et de sa membrane vitelline cesse en der- nier lieu. Les régions, ainsi isolées, sont baignées, sur une de leurs faces par le liquide dont l’espace péri-embryonnaire est empli, et de l’autre par celui contenu dans la majeure part de la cavité incubatrice. Elles subissent, en consé- quence, une sorte de macération, d'autant plus accentuée que l’évolution embryonnaire est plus avancée, et qui la rend plus molle, plus aisée à briser par le jeune individu au moment de son éclosion. Cette macération a souvent un se- cond résultat; soit par places, soit dans sa lotalité, mais en tous cas dans les seules zones séparées de l’ovule, la mem- ANN. SC. NAT. ZOOL. XVI, 6 82 LOUIS ROULE. brane vitelline se clive en un nombre variable de couches concentriques. Ces dernières, se laissant pénétrer par le liquide dont l’ensemble est entouré, se détachent les unes des autres, soil dans leur ensemble, soit en partie, et se trouvent mutuellement séparées par des espaces appré- ciables. L’embryon paraît entouré, dès lors, par plusieurs minces membranes emboîtées les unes dans les autres; un tel aspect a conduit plusieurs auteurs à considérer ces appa- reils comme des enveloppes amniotiques, et à les assimiler en surplus aux organes désignés, chez les Insectes, par le même nom. Cette ressemblance n'existe point. Les enveloppes _ placées autour des embryons des Insectes forment vraiment un amnios réel ; elles dérivent de plis, façonnés sur le corps de ceux-ci et à ses dépens, qui grandissent ensuite Jusqu'à se rencontrer, et à composer un fourreau complet, une gaine entourant l'organisme entier. Par contre, celles dont il est ici question ne proviennent en rien de l’économie embryon- naire ; elles ne sont autres que des couches, délimitées sur place, par un clivage résultant d’une macération, dans la membrane vitelline déposée par l’ovule autour de lui. Alors que les premières ont une répartition constante, ne man- quent jamais, et, sauf quelques exceptions, se présentent avec le même aspect, les secondes varient d'un individu à l’autre, dans leur forme totale comme dans leurs dimen- sions, et parfois même sont absentes. | La membrane vitelline est, tout d’abord, en contact direct avec le vitellus ovulaire. Dès l'instant où celui-ci se concrète, sur sa périphérie, en cellules, ces dernières déposent à leur surface une mince couche cuticulaire, qui les sépare de la membrane. Comme ces cellules superficielles doivent, en dé- finitive, composer l'ectoderme, la culicule s’épaissit avec les progrès de l’évolution, et devient mieux discernable ; mais ses linéaments ne s’en ébauchent pas moins au moment où les éléments blastodermiques prennent naissance, puis- que les premiers apparus de ceux-ci sont tous superficiels. — La cuticule étant, à son début, en contact direct avec la DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 83 membrane vitelline, adhère à elle ; cette contiguïté cesse par le creusement de l’espace péri-embryonnaire, car cette cavilé s'établit entre ces deux enveloppes. L’adhésion ne persiste que dans les régions où l’espace ne s’est pas étendu, el demeure en dernier lieu sur la face dorsale du corps. Au moment où elle exisle encore dans celte zone, celle-ci se compose seulement d’un amas de deutolécithe, contenant des cellules mésodermiques, et recouvert par l’ectoderme. L'aspect particulier de cette région, épaissie en un dôme sail- lant ; sa jonction avec la membrane vitelline, simple en ce point, alors qu'ailleurs elle est souvent clivée en couches con- centriques ; et sa structure relativement peu complexe, ont engagé la plupart des auteurs à s'affirmer dans leur opinion relative à la présence réelle de membranes amniotiques, et à considérer cette zone comme un appareil spécial, nommé par eux l'organe dorsal. Dans la vérité, cette région est stric- temeni la face dorsale de l'embryon, encore bombée parce que son deutolécithe n’est pas résorbé, et au niveau de la- quelle l’espace péri-embryonnaire n’est pas parvenu ; elle ne répond point à un organe spécial, vraiment délimité. C. — Espace péri-embryonnaire. — Cet espace, cir- conscril par la membrane vitelline, contient l'embryon; il est inlerposé, par suite, à cette membrane et à la cuticule, qui recouvre la surface même de l’économie. Il se creuse entre elles, débutant vers l'extrémité antérieure et la face ventrale du corps, pour se compléter dans la région dorsale. Son apparition est la conséquence du rejet, hors de l’orga- nisme, d’un liquide qui ne peut s'écouler, car il est retenu et endigué par la membrane vitelline. Ce liquide remplit l'espace péri-embryonnaire tout entier, et tient l'embryon suspendu dans sa masse ; ilest clair, limpide, et l'action des réactifs n’altère point sa transparence ; aussi paraît-il con- sister surtout en de l’eau, renfermant peut-être quelques sels en dissolution, mais ne contenant point de substances albuminoïdes, et coagulables. Sa quantité diminue vers la fin 94 LOUIS ROULE. du développement, alors que l’éclosion approche, et que la membrane vitelline commence à se ratatiner. La présence de ce liquide, et de l’espace péri-embryon- naire qu'il emplit, est Le résultat de plusieurs causes. La diminution de volume, subie par l'embryon à mesure qu'il avance dans son évolution, est l’une d'elles ; la membrane vitelline, étant d’abord appliquée sur le corps, et ne le sui- vant point dans sarétraclion à cause de sa faible extensibilité, se détache de lui, et s’en trouve séparée par un vide, qui est cet espace lui-même. D'autre part, les appendices se des- sinent en saillie sur l’organisme, et, en grandissant, bien qu'ils se replient sur eux-mêmes ou se recourbent en arrière, soulèvent et repoussent cette membrane ; leur extension a pour effet de contribuer à l’amplification de l’es- pace péri-embryonnaire. — Quant à l’origine du liquide, elle est expliquée par la rétraction de l'économie. Du mo- ment où la cavité limitée par la membrane vitelline, la cavité ovulaire dans son ensemble, conserve le même volume, ce liquide ne peut que provenir de l'embryon; il est exsudé, et rejeté hors du corps, à mesure que celui-ci restreint sa masse. En effet, à son commencement, l'ovule emplit, ou peut s’en faut, la cavité ovulaire dans sa totalité ; il se rapetisse en- suite, pendant qu'il se convertit en embryon ; il est donc obligé d’expulser de quoi occuper l’espace qu'il abandonne : le liquide péri-embryonnaire est ce complément rejelé, des- tiné à tenir la place laissée libre par le corps en diminution. Peut-être, un certain appoint est-il fourni, en ce sens, par la cavilé incubatrice où tous les œufs sont plongés; mais cet apport est sûrement très exigu, eu égard à celui de l’em- bryon lui-même. L'origine de celte sérosité, au milieu de laquelle le petit être est suspendu, est ainsi concevable; mais il est permis de pénétrer plus avant dans le phénomène, et de se deman- der la nature de l’appareil chargé de cette genèse. Sans doute, le liquide provient du deutolécithe. Il est à observer, en effet, que les premières indications de l’espace naissent DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 85 au moment où l’ovule produit à peine les blastomères ini- tiaux; sauf ceux-ci, et le blastolécithe en voie de faconne- ment cellulaire, le vitellus nutritif existe à peu près seul, et c'est à lui, par conséquent, qu'il convient de s'adresser en cette circonstance. D'autre part, malgré la diminution totale de la masse de l'embryon, les tissus, établis dans l’économie à la place du deutolécithe résorbé, sont creusés de cavités et occupent, par conséquent, un espace plus petit que celui de ce deutolécithe. De ces deux faits résulte la conclusion, que le vitellus nutritif possède un volume supérieur à celui des tissus différenciés ; cet excès est dû à la présence, dans lui- même, d’une eau de constitution en quantité relativement considérable ; son hydratation est plus considérable que celle du blastolécithe, et du protoplasme des cellules grou- pées en tissus achevés. À mesure que ces dernières l’absor- bent pour se nourrir, elles prennent en lui les éléments solides et une faible partie de son eau, laissant l'excès de celle-ci pour subvenir à la production du plasma sanguin et du liquide péri-embryonnaire : ceci, en prenant les phéno- mènes dans leur ensemble, ou plutôt dans leurs résultats ultimes. — Les Isopodes terrestres ne sont pas, du reste. les seuls animaux à offrir de telles particularités. Ces con- sidérations sont applicables à tous les œufs riches en deuto- lécithe, soit que la liqueur exsudée demeure, soit qu'elle s’évapore au fur et à mesure de son rejet. En ce qui concerne plus spécialement les Isopodes terres- tres, le liquide péri-embryonnaire n’a pas la valeur stricte d’un simple exsudat; 1l est appelé, par contre, à Jouer un rôle important. Sa fonction est celle d’un coussinet fluide, facile à déplacer, dans lequel l'organisme peut évoluer à l'aise, et étendre progressivement ses appendices, sans être gêné en rien. Cette nécessité est inévitable dans toutes les embryogénies d'animaux terrestres, à moins que les œufs ne soient déposés dans de la terre humide, ou dans l’eau, ou bien qu'ils n’arrêtent leur développement et ne vivent à l’état latent, altendant que des conditions favorables, parmi les- 96 LOUIS ROULE. quelles se trouve une dose suffisante d'humidité, leur per- mettent de le continuer; ce dernier cas est celui de plusieurs Cestodes, et notamment des Téniadés. Partout ailleurs, et à l'aide de procédés variables, l'embryon s’entoure d’enve- loppes, dépose un liquide entre lui-même et ces dernières, et se développe dans le milieu ainsi établi; ce milieu liquide . est, en effet, indispensable à l'embryon pour éviler la des- siccation, et surtout pour modifier ses contours, soil en pro- duisant des appendices qui grandissent, soit en exécutant quelques mouvements de faible amplitude. Les Vertébrés supérieurs établissent, dans ce but, une cavité amniotique, limitée par une enveloppe à double paroi; il en est de même pour les Insectes. Les Isopodes terrestres arrivent à ce résul- tat en conservant leur membrane vitelline jusqu’à la fin de leur évolution embryonnaire, et en exsudant un liquide dans la cavité qu’elle limite. Tout, du reste, dans les phénomènes qui accompagnent le développement de ces animaux, est disposé pour per- mettre le maintien et la persistance de ce milieu, jusqu'au moment où il cesse d’être utile. Les observations effectuées par Huet sont des plus probantes à cet égard, et celles que j'ai faites moi-même ne servent qu'à les corroborer. La cavité incubatrice, chez les femelles des Isopodes aquatiques ou littoraux, se borne à contenir les œufs, sans plus; l'habitat de ces êtres est établi de façon à maintenir, dans cet espace, la dose d'humidité nécessaire et suffisante. Les phénomènes sont plus complexes en ce qui concerne les femelles des Isopodes terrestres; les lamelles, qui ferment en dessous leur cavité incubatrice, sont creusées, dans leur moitié posté- rieure, de glandes, dont le produit se déverse dans cette cavité même. En outre, la voûte de cette dernière, constituée par la face ventrale du thorax, porte, dans les sillons inter- segmentaires, des saillies pendantes, cylindriques, auxquelles les œufs sont attachés. Ces organes, nommés cotylédons par Tréviranus, étudiés ensuite par Lereboullet et par Huet, sont, dans la réalité, des expansions fournies par les tégu- DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 87 ments de cette région ventrale de l'organisme, et contien- nent du sang. Il faut se souvenir, de plus, que ces animaux, tout en étant terrestres, habitent de préférence des lieux humides. Ces diverses dispositions ont, selon toute évidence, un résultat commun : la cavité incubatrice, sans être entiè- rement remplie par du liquide, contient pourtant une dose d'humidité assez grande. Au reste, et comme complément, les glandes et les expansions déjà mentionnées servent peut- être à fournir aux embryons, par diffusion à travers la membrane vitelline et le liquide endigué par elle, des maté- riaux nutritifs, car, dans la moyenne, les œufs des Iso- podes terrestres sont plus petits, et moins riches en deuto- lécithe, par suite, que ceux des autres représentants de l’ordre. Il. VITELLUS ET PHAGOCYTOSE (fig. 17 à 55 et 56 à 62). A. — L’œuf des Porcellio subit une segmentation partielle ; ce fait tient à la nature de son vitellus. Au lieu de compo- ser, dès la fécondation, une masse à peu près homogène, ce dernier est nettement divisé en deux parts, de structure et de réparlitions différentes : le blastolécithe ou vitellus évolutif, et le deutolécithe ou vilellus nutritif. Celui-ci constitue, de beaucoup, la majeure portion de l’ovule; sa masse est relativement considérable. Le premier occupe un espace beaucoup plus restreint, et se borne à recouvrir, à la manière de plaques assez peu épaisses, quelques régions superficielles du second. Ces plaques diffèrent d’un œuf à l’autre, en ce qui regarde leur nombre, leurs dimensions et leur répartition; sauf l’une d'elles, toujours présente etsituée de même. Cette dernière est la cicatricule; placée en cette zone de l’œuf qui deviendra la région antérieure du corps de l’embryon, elle contient le noyau fécondé, et c’est sur elle que s'exerce la segmentation à son début. Comme le blastolécithe est le seul, de ces deux substances ovulaires, à se scinder et à se concréter en cellules, le vitel- lus nutritif bornant son rôle à servir comme aliment et ne 88 LOUIS ROULE. se divisant point, la segmentation se irouve êlre parlielle. La nature spéciale de cette scission est encore rendue plus prononcée, à cause de la grande dissemblance établie, sous le rapport des dimensions, entre les deux vitellus. Celui qui se segmente étant aussi le plus restreint, et de beaucoup, la nature parlielle en est d’autant plus appréciable. — Les Porcellio, comme tous les Isopodes terrestres, diffèrent en cela de la majorité des autres Crustacés. Chez ces derniers, au moment de la fécondation, la substance de l’ovule est homogène, car le blastolécithe et le deutolécithe sont inti- mement mélangés; aussi, la segmentation est-elle totale, c'est-à-dire s’exerce-t-elle à travers la masse entière de l'œuf. C’est seulement pendant la durée de celte scission que le vitellus évolutif se sépare du nutritif, pour se porter à la périphérie de celui-ci, et s’y convertir en cellules du blas- toderme. Ce dernier résultat est atteint d'emblée en ce qui concerne les Isopodes terrestres; dès la fécondation, le blastolécithe est isolé, du moins en assez grande part, du deutolécithe, et recouvre plusieurs régions de sa surface. Il s’y résout en petites cellules blastodermiques, alors que le deutolécithe demeure inerte, etce phénomène, existant seul, apparaît dès lors comme une segmentation partielle. Une phase, fréquente chez la plupart des Crustacés, est omise dans le développement : le mélange préalable du vitellus évolutif avec le nutrilif, annexé à une segmentation totale, destinée à précéder, dans le temps, la conversion du blas- tolécithe en éléments figurés. Malgré cette séparation précoce, chacune des parts de l’ovule n’est pas complètement isolée de l’autre. Le blasto- lécithe recouvre le vitellus nutritif, et tous deux s'unissent, dans leurs zones'de jonction, d’une manière intime. Aucune membrane ne les sépare, et le premier passe au second par une transition graduelle, bien que s’exerçant sur une minime épaisseur de substance. Celui-là est finement granuleux:; celui-ci contient des granules vitellins, d’un aspect particu- lier et de fortes dimensions : la transilion s'opère par la DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 89 distribution de plus en plus grande de granules vitellins de plus en plus gros, dans les portions de l’ovule qui établissent l'union, en allant de dehors en dedans. Les bandes d'union ne sont point planes, en entendant par cette expression le parallélisme à la surface de l’œuf. Les plaques de blastolécithe envoient des expansions, de forme et de dimensions variables, qui pénètrent dans le vitellus nutritif, et s'y perdent en se mélangeant à sa substance; sous ce rapport, les ovules des Porcellio ne s’écartent point des œufs, d’autres animaux, pourvus en deutolécithe. — En superposant l’une à l'autre ces deux dispositions, celle tenant à la transition et celle relative à l’aspect des zones de jonction, on aboutit à la donnée suivante. Le vitellus évolulif et le vitellus nutritif ne sont pas des éléments d'une nature essentiellement différente ; tous deux répondent, par leur structure, à des modifications dissemblables, intro- duites dans une même substance, cette dernière étant le protoplasme de la cellule ovulaire. Ce protoplasme est à l'état pur, s’il est permis de s'exprimer ainsi, dans le blasto- lécithe ; il renferme seulement des granulations très fines, et possède toute sa capacité vitale d'adaptation et d'héré- dité, de conversion en cellules destinées à se grouper en tissus, le tout se disposant pour fournir un organisme complet. Le deutolécithe est, par contre, du proto- plasme bourré de granules vitellins; ceux-ci sont placés dans la masse de celui-là, qui les entoure, et ils y occupent un espace considérable, car, en les totalisant, leur volume est de beaucoup supérieur à celui du protoplasme lui-même. Ce dernier se réduit à une gangue, à une trame, envelop- pant tous les granules, et les maintenant en un ensemble cohérent. La transition, effectuée entre les deux parts de l’ovule, est, dès lors, aisée à concevoir. La base même du deutolé- cithe est un protoplasme semblable à celui du vitellus évolu- tif, et ne différant de lui que par la présence supplémentaire des granules. Il suffit que ces granules apparaissent en ce 90 LOUIS ROULE. protoplasme, pour que le blastolécithe se trouve converti en deutolécithe ; cette présence s’élablit, en effet, dans les zones de transition, et permeltent à l’un de passer à l’autre, d’une facon graduelle. — Cetle communauté fondamentale de structure permet également de comprendre les phénomènes de la phagocytose, décrits plus loin. Ces derniers reviennent, en définitive, aux faits de l'absorption du deutolécithe par le blastolécithe. 11 suffit, pour arriver à ce but, que le proto- plasme détruise les granules qu’il contient, en intégrant à sa propre substance, parmi les produits de cette destruc- tion, les composés capables de l’accroître. B. Du blastolécithe. — Au moment de la fécondation, le blastolécithe déjà isolé est représenté par l’ensemble des plaques éparses à la surface du vitellus nutritif. La plus volumineuse, et en même temps la plus constante de ces dernières, est la cicatricule, semblable à une petite calotte placée sur l’un des pôles de l’ovule, dans la région qui devien- dra l'extrémité antérieure de l'embryon. Seule, elle contient le noyau fécondé; toutes les autres parties de l’œuf sont privées de parcelles nucléaires; en conséquence, les noyaux des cellules du futur organisme devront dériver, sans aucune exception, de la substance nucléaire possédée par la cicatri- cule. — Les autres plaques sont plus petites et fort dissem- blables, les ovules différant beaucoup entre eux sous le rapport de leur répartition. Plusieurs sont encore assez amples, el circonscrites par des contours nettement limi- tés; la plupart offrent l’aspect de traînées aux bords confus, s'unissant avec la trame protoplasmique du deutoléeithe. Ces dernières s’anastomosent, d'habitude, les unes avec les autres, ou avec les bandes mieux localisées. Leurs caractères essentiels consistent en leur privation de tout noyau, et en l'irrégularité de leur présence comme de leur distribution. Leur ensemble se présente comme une sorte de condensation périphérique du protoplasme interposé aux granules du deu- tolécithe, la cicatricule étant l'expression la plus parfaite DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 91 el la plus nette de ces zones protoplasmiques superfi- celles. Le vitellus évolutif est rempli de fines granulations, en nombre considérable. Aussi, paraît-il opaque à la lumière transmise, et blanchâtre à la lumière directe, alors que le deutolécithe, teinté en jaune brunâtre, est toujours assez iransparent. Cette dissemblance d’action des rayons lumi- neux permet de distinguer, avec une assez grande facilité, ces deux sortes de vitellus, et de les reconnaître. Les réactifs fixateurs, et surtout les liqueurs à base de sublimé, rendent cette différence encore plus nette, car ils modifient à peine les caractères optiques du deutolécithe, alors qu'ils coagulent les substances albuminoïdes du vitellus évolutif, et leur don- nent une opacité plus considérable. Le rôle du blastolécithe est des plus importants; lui seul, en effet, est chargé de façonner, aux dépens de sa propre substance, et d’une manière directe, les éléments figurés de l'organisme ; lui seul est mis en cause dans ce phénomène, le deutolécithe, ou plutôt les granules vitellins de ce dernier, servant strictement de matière nutritive. Pour cela, le vitel- lus évolutif, déjà superficiel par rapport au vitellus nutritif, amplifie sa masse, de façon à recouvrir la surface entière de celui-ci, et se résout à mesure en cellules; la couche de ces éléments n’est autre que le blastoderme. Le blastoderme produit, ensuite, les deux feuillets primordiaux, desquels dérivent les trois feuillets définitifs; ceux-ci donnent alors naissance aux tissus et aux organes de l’économie. Dans le premier de ces phénomènes, relatif à la genèse de l’assise blastodermique primordiale, deux faits se passent en même temps, et se complètent pour aboutir au résultat : l’amplifi- cation du blastolécithe, et notamment de la cicatricule, destinée à recouvrir la totalité de la surface ovulaire; et la résolution de ce vitellus en cellules nucléées, les parcelles nucléaires parvenant toutes du noyau fécondé, possédé par la cicatricule. Les modifications établies ensuite dans l’œuf, et destinées à permettre la formation des feuillets et des 99 LOUIS ROULE. organes, se ramènent à une multiplication cellulaire intense, dirigée dans un sens déterminé, et effectuée aux dépens du blastoderme. L'accroissement du blastolécithe s’accomplit à l’aide du protoplasme interposé, dans les zones superticielles du deutolécithe, aux granules vitellins; ceux-ci disparaissent, absorbés par le vilellus évolutif, et leur gangue protoplas- mique s’unit à ce dernier pour augmenter sa masse. Seule- ment, ce phénomène ne s'opère pas en même temps sur toute la périphérie de l'œuf; il procède, d’une manière régu- lière et progressive, en partant des bords de la cicatricule, gagnant peu à peu toutes les autres parties de la surface, et commençant, en ce sens, par la région ventrale, ou plutôt par ce qui deviendra la région ventrale de l'embryon, pour se terminer dans la région dorsale. Les choses se passent comme si la calotte cicatriculaire allait en s’amplifiant sans cesse par ses bords, de façon à occuper un espace toujours plus vaste, jusqu’au moment où, ayant fini par envelopper l'ovule entier, le phénomène cesse de ce fait. En s’avançant ainsi, elle s’annexe les autres plaques éparses de blastolé- cithe, et les ajoute à sa propre masse. Partout où ces plaques n'existent point, elle s’annexe du protoplasme emprunté au deutolécithe, et dont les granules disparaissent par résorp- tion. La nature même de cette progression permet de se représenter plusieurs de ses particularités secondaires : les bords de la bande envahissante ne sont pas exactement limités sur toute leur étendue, mais se confondent, au moins par places, avec les zones superficielles, et non encore différen- ciées, du deutolécithe ; d'autre part, ces bords ne sont point réguliers, mais sinueux au contraire, et parfois profondé- ment découpés. Cependant, quelle que soit sa marche, la calotte de blastolécithe grandit sans cesse, en gagnant de proche en proche par ses bords, jusqu’à ce qu'elle ait recouvert l’ovule entier. Le vitellus évolutif se convertit en cellules, pendant que s'effectue son mouvement d'extension en surface, el ces deux DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 93 phénomènes se complètent mutuellement, le premier sui- vant de près le second. A mesure que les bords s’annexent de la nouvelle substance plasmique, les régions déjà isolées se découpent en cellules placées côte à côte, et se scindent à cet effet. La première segmentation s’accomplit dans la cicatricule, au niveau du noyau fécondé; et, des premiers éléments, ainsi délimités, dérivent les autres, par une série de divisions nouvelles, s’exerçant d'une manière constante, et de proche en proche, sur le protoplasme nouvellement apporté. — La segmentation cellulaire, dont le résultat est la genèse du blastoderme, s'exerce donc suivant la même direction que l'extension du blastolécithe, et l’accompagne de fort près. La conséquence d’une telle suite de ces deux phénomènes est accusée par l'aspect de la cicatricüle en voie de progression; sa région centrale est convertie en cel- lules, alors que ses bords consistent en une masse plasmo- diale, qui s’amplifie d’une manière continue. Chacune des cellules s’entoure d'une fine membrane, et se multiplie; mais ce dernier fait a surtout pour objet de produire des éléments profonds, chargés d’engendrer le protendoderme, et non d'accroître la surface même de l’assise blastoder- mique. L’agrandissement en surface est, à peu de choses près, l'apanage exclusif de la région marginale, et plasmo- diale. — Il est intéressant de remarquer, à cet égard, l'unité des procédés employés par tous les animaux pour arriver à un même bul. Toutes les fois où un corps proto- plasmique grandit en s’adjoignant directement de la subs- tance nouvelle, ce corps est, d'habitude, à l’état plasmodial, qui se trouve, du reste, le plus commode. Il en est ainsi, même chez les embryons des Vertébrés supérieurs : le blas- toderme des embryons de Sauropsidés s'accroît par ses bords, en s’annexant le protoplasme interposé aux gra- nules deutolécithiques voisins, et la zone d’extension est un symplaste plurinucléé ; dans un autre ordre de faits, le pla- centa des Mammifères pénètre dans les tissus de l'utérus maternel, et grandit en prenant leur place, par le moyen / 94 LOUIS ROULE. d’une couche plasmodiale. Ce phénomène paraît donc plutôt la règle qu’une exception. | Ces deux phénomènes conséculifs, l'extension de la cica- {ricule et sa résolution en cellules, se complètent d’un troi- sième : la production de noyaux destinés à chacune de ces cellules. Cette genèse s’accomplit aux dépens de l’unique noyau, placé dans la cicatricule même, et formé par l'union du prénoyau femelle avec le prénoyau mâle. Au moment où la cicatricule commence à se segmenter, son noyau se divise également; des parcelles ainsi façonnées, les unes vont dans les premières cellules établies, les autres dans les bords, constitués par le protoplasme plasmodial. Celles-ci augmentent en nombre par division directe, comme la chose paraît exister, du reste, dans la plupart des sym- plastes ; tout en agissant ainsi, les unes se rendent dans les nouvelles cellules, qui se délimitent autour d'elles, et les autres demeurent dans la zone marginale, où elles conti- nuent à se scinder. Cette zone grandit par l’annexion cons- tante de protoplasme supplémentaire, et la quantité de ses noyaux s'accroît d'une manière connexe, les uns finissant par appartenir aux cellules qui se façconnent, et les autres proliférant toujours afin de parachever la structure des futurs éléments fournis par le blastolécithe. L'unique noyau fécondé, situé dans la cicatricule, donne naissance, par ce grand nombre de divisions successives, à tous les noyaux de l’assise blastodermique ; il est, ainsi, le généra- teur initial de la substance nucléaire répandue dans l’orga- nisme entier. Au début de mes recherches, la présence, dans les bords de la cicatricule, d’un nombre aussi considérable de noyaux distincts, m'avait induit en erreur, car je n’avais pu distin- guer leur commencement. Je supposais, comme plusieurs auteurs l’ont fait pour divers Arthropodes, qu'ils prenaient naissance sur place, par une sorte de condensation d’un nucléoplasme, d’abord épars et diffusé dans le blastolécithe. En continuant mes études, et poursuivant ces investigations, DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 95 à la fois sur des œufs entiers, pris à tous les états, dont J examinais la surface, et sur des coupes, je suis arrivé au résultat indiqué. Les noyaux du blastoderme tirent leur origine du noyau de la cicalricule; ils proviennent de lui, el gagnent de proche en proche, à mesure que la cicatricule s'étend elle-même dans une direction identique, par une multiplication toujours plus abondante, qui s'exerce surtout dans les bords, en voie d'extension, de cette cicatricule. Les trois phénomènes signalés, agrandissement de la cicatricule en surface, conversion de sa substance en cellules, et segmentation de son noyau en parcelles destinées à ces cellules, s’exercent donc d’une façon concomitante, pour en arriver au même résultat : la genèse d’une assise blastodermique, placée autour du deutolécithe ovulaire. C. Du deutolécithe. — Au moment où l'ovule vient d’être fécondé, et où commence l’évolution embryonnaire, le deu- tolécithe est de beaucoup, sous le rapport de Ia masse, la plus grosse partie de l’œuf entier ; il diminue ensuite, d’une manière graduelle, à mesure que le développement pro- gresse,et a complètement disparu lorsque ce dernier est achevé. Mais ces changements portent sur le volume seul du vitellus nutritif, et n’atteignent en rien sa structure propre; celle-ci demeure uniforme durant l’embryogénie entière. La résorption procède, avec régularité, de la zone ventrale du corps vers la face dorsale, et des deux extré- mités vers le milieu de l'organisme ; il suit de là que les der- niers vestiges du deutolécithe sont réunis en un amas médian et dorsal. Le vitellus nutritif n’est point homogène; il se compose d’une gangue protoplasmique, contenant des granules vitellins en très grand nombre, de taille variable, mais tou- jours assez grosse. Ceux-ci sont colorés en jaune brunûtre; aussi l’ensemble se présente-t-il, à cause de leur accumula- tion sur une grande épaisseur, avec une teinte brune des plus nettes, qui, pourtant, n’exclut pas une certaine {rans- 96 LOUIS ROULE. parence. Cet aspect change après l’action des réactifs, et surtout après celle de l'alcool. Les granules contiennent des matières grasses, qui sont entraînées par ce liquide, et dis- soules par lui; de plus, les portions restantes s'unissent au protoplasme de la gangue, et constituent avec lui une subs- tance homogène, aisément colorable. Cette double modifi- cation donne au deutolécithe, sur les coupes, l’apparence d’une masse uniforme, où toule trace de granulations a dis- paru, et creusée de poches sphériques, amples, de dimen- sions diverses (fig. 20); la présence de ces cavités est causée par le départ des malières grasses. De plus, et toujours par l’action des réactifs, la masse homogène est devenue friable, et cassante; cette propriété la fait se résoudre fréquem- ment, soit par places, soit dans sa lotalité, en un certain nombre de fragments polyédriques juxtaposés. Cetle der- nière structure, qui n'est point normale, et résulle de l'emploi des procédés techniques d’histologie, a souvent été figurée par les auteurs ayant traité du développement des Arthropodes. Le deutolécithe a pour fonction unique de servir comme aliment au blastolécithe, celui-ci se convertissant en cellu- les, et façconnant l'organisme de l'embryon. Les phases de cette nutrition du vitellus évolutif correspondent à celles de la résorption du vitellus nutritif; dans ce phénomène, la gangue protoplasmique du second est annexée au premier, et ses granules sont détruits sur place pour permettre à leur substance de remplir leur rôle alimentaire; la majeure part de cette opération s’effectue par phagocytose. — Étant donné cet emploi, du moment où le deutolécithe ne concourt pas à la production directe des cellules de l’économie, cet élément de l’ovule est privé de noyaux. Les parcelles nucléaires, qu'il paraît contenir parfois, appartiennent en réalilé à des pha- gocyles mésodermiques, dont les expansions pseudopodiques sont longues, étroites, et difficiles à apercevoir; mais le deu- tolécithe lui-même, la matière nutritive de l’œuf, ne possède aucun noyau propre. Pourtant, beaucoup d’auteurs, el prin- DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 97 cipalement ceux qui ont étudié par transparence, sur l’ovule entier, les phases du développement des Arthropodes, ont décrit le vitellus nutritif comme formé par des volumineuses cellules arrondies, ou ovalaires, lâchement unies les unes aux autres. Cet aspect existe vraiment, et se trouve surtout prononcé au moment où, la segmentation étant achevée, le blastoderme enveloppe le deutolécithe de son assise cellu- laire; mais 1l est tout d'apparence. Il résulte de deux causes : d’abord, la projection des contours des cellules blastoder- miques sur le vitellus nutritif; ensuite, la présence des pha- gocytes, situés en dedans du blastoderme, et pourvus d’ex- pansions pseudopodiques, qui embrassent une certaine quan- tité de deutolécithe, et paraissent l’isoler de ses voisines. Il suffit de recourir aux coupes, ou même de bien analyser, sur des œufs propices à cause de leur transparence plus grande, un tel aspect, pour se convaincre que toute structure cellulaire réelle manque au vitellus nutritif. Cette importante partie de l’ovule a donc, pour fonction stricte et exclusive, le rôle d’une matière alimentaire, dé- posée par le générateur femelle, alors que l'élément se façonnait dans son ovaire, pour subvenir aux nécessités de la nutrition embryonnaire. Elle compose une véritable vési- cule vitelline, et mérite de porter ce nom, comme sa similaire des autres animaux également pourvus d’une évolution fort condensée. Cette vésicule vitelline est interne; le blasto- derme l'enveloppe de toutes parts, et produit les ébauches organiques, soit autour d'elle, soit dans sa propre masse. Une telle disposition diffère beaucoup de celle établie chez la plupart des autres embryons munis d’une vésicule vitel- line, et notamment chez ceux des Mollusques Céphalopodes et des Vertébrés; dans ce dernier cas, cette annexe est placée hors de l’organisme embryonnaire, qui se façconne à ses côtés sans se confondre avec lui. [ci, en ce qui concerne les Ar- thropodes, vésicule vitelline et organisme embryonnaire ne forment qu’un seul corps, et ne sont point discernables. La cause de cette dissemblance doit être cherchée dans l’évolu- ANN. SC. NAT. ZOOL. XNIH, À 98 LOUIS ROULE. tion du blastoderme. Ce dernier est employé en entier, chez les Arthropodes, à engendrer l’économie, avec ses appareils, sans laisser aucune de ses parties inutilisée. Alors que son correspondant des Céphalopodes et des Vertébrés détache une portion (zone para-embryonnaire, ou zone vitelline) de lui-même pour endiguer le vitellus nutritif, et composer la vésicule; l’autre portion, demeurant à la place de la cicatri- cule, étant seule occupée à produire l'embryon. La vésicule vitelline des Arthropodes est interne, stricte- ment interne, et non pas exclusivement dorsale; par oppo- sition à l'opinion de plusieurs auteurs. Elle est dorsale vers la fin de l’embryogénie, au moment où elle se trouve fort diminuée ; mais, à son début, elle occupe tout l’espace limité par le blastoderme, et n’est pas plus dorsale que ventrale. Il importe de la concevoir comme interne, sans plus, sans la localiser dans aucune région déterminée, sa situation parliculière, à de certaines phases de son existence, étant un résultat de la marche de sa résorption. D. Phagocytose vitelline (figures 56 à 62). — Le fait que la phagocytose joue un grand rôle, dans la destruction et la résorplion des annexes embryonnaires inutiles à l’orga- nisme achevé, est de connaissance récente ; sa découverte, el la démonstration de son importance, sont dues à Elias Metschnikoff. Cet éminent naturaliste observa, tout d’abord, ce phénomène sur les larves des Échinodermes; les appareils propres à l'embryon, et qui ne passent pas dans l’économie de l’adulte, sont entourés, au moment de la métamorphose finale, par des cellules mésodermiques, puis rongés et dé- truits par elles. Ces éléments se nourrissent des substances qu'ils enlèvent ainsi de l'intérieur du corps; ils sont des cellules mangeantes, d’où leur nom de phagocytes. Metschni- koff, poursuivant ses recherches sur d’autres êtres, dénota la haute valeur de ces phagocytes chez plusieurs Cœlentérés, les Spongiaires et les Hydrozoaires notamment, où ils ser- vent à constituer l’un des feuillets blastodermiques. Puis, DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 99 appliquant les notions, ainsi obtenues, à l'organisme des ani- maux supérieurs, il montra comment plusieurs cellules de ce dernier se convertissent en phagocytes pour s'opposer à l'invasion et à la pullulation des micro-organismes, et fonda par là, de toutes pièces, la théorie scientifique de la résis- lance aux microbes, l’une des bases essentielles de la patho- logie générale. — Pendant ce temps, plusieurs autres au- teurs, se maintenant dans le domaine de l’embryologie, étendirent à d’autres êtres les observations premières de Metschnikoff, Ainsi, A. Kowalevsky, examinant l’histolyse des pupes d'insectes, se rendit compte que cette opération s’accomplit par phagocytose; les muscles larvaires, notam- ment, sont détruits sur place par des cellules mésodermi- ques, agissant en qualité de phagocytes. Des phénomènes identiques furent constatés, dans ces dernières années, sur les têtards des Grenouilles et les larves urodèles des Tuni- ciers, en ce qui concerne la résorption de leur queue; les issus de cet organe, et surtout les fibres musculaires, sont _rongés par des phagocytes, et disparaissent ainsi. Tout semble indiquer l'importance considérable de la phagocytose dans la destruction des appendices embryon- naires stricts. Ceux-ci ne sont point conservés par l'adulte, car 1ls sont utiles à l'embryon seul. Partant, au moment où ce dernier achève son économie et accomplit ses métamor- phoses ultimes, ils jouent le rôle d'éléments étrangers, qu'il faut annihiler, tout en absorbant les substances nutritives qu'ils peuvent contenir. L'organisme agit vis-à-vis d'eux comme au sujet des microbes : 1l les détruit au moyen de phagocytes. Ces derniers offrent ce caractère commun, d’être des cellules migratrices, amæboïdes, pourvues d’ex- pansions pseudopodiques; ils englobent, isolément ou à plusieurs, suivant la taille du corps étranger, ce qu'ils doi- vent extraire de l'économie, et le rongent peu à peu Jusqu'à disparition complète. Autant qu’il est permis de juger d'après les faits acquis, la phagocytose est le principal des moyens, sinon le seul, employé par l’organisme embryonnaire des 100 LOUIS ROULE. animaux pour résorber ce qui ne doit point être conservé; comme il est utilisé par l'organisme adulte pour résorber également ce qui ne peut se garder : microbes, séques- tres, etc. Mais, en ce qui concerne l'embryon, la phagocytose ne s'applique pas, d’une manière exclusive, aux organes inutiles à l'adulte; elle s'adresse aussi au deutolécithe, au vitellus nutritif, qui joue, dans l'économie embryonnaire, le rôle d’un élément étranger, ne passant point dans l'organisme para- chevé, et qu'il est nécessaire de détruire en s’en nourris- sant. La situation étant la même, les conditions ambiantes étant semblables, la fin se trouve identique : le vitellus nutri- tif est résorbé par des phagocytes. Ce phénomène sera dé- crit, dans ce mémoire, d’après les faits observés sur le Porcellio; mes études me permettent d'affirmer qu'il se re- trouve, avec les mêmes particularités de temps et de lieu, chez tous les Arthropodes, et, dans le début du développe- ment, au moment de l'extension du blastoderme, chez les embryons à vésicule vitelline des Vertébrés. | La phagocytose ntelline, c’est-à-dire celle accomplie aux dépens du vitellus nutritif, comporte deux phénomènes concomitants, qui se superposent : la destruction, ou la résorption du deutolécithe, et la multiplication, ou l’ac- croissement en nombre, des phagocytes. Le deutolécithe se compose d’une gangue protoplasmique, contenant des gra- nules; les phagocytes entourent, avec leurs pseudopodes, une partie de ce vitellus, s’annexent directement le proto- plasme fondamental, et détruisent les granules, en absorbant tout ce qui peut être utilisé sous le rapport nutritif. Ce fai- sant, à cause de cette alimentation surabondante, ils gran- dissent; ils se divisent, après avoir atteint leur taille d'état, et les éléments, issus de cette scission, agissent comme leurs générateurs vis-à-vis du vitellus nutrilif. Par ce moyen, le deutolécithe disparaît de proche en proche, d’une manière progressive, et le nombre des cellules alimentées à ses dépens augmente d’une façon connexe; après quoi, l’évolution em- DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 101 bryonnaire se trouvant achevée, lorsque toute la substance alimentairea été absorbée, la phagocytose cesse de s'effectuer. Cette phagocytose commence dès le début de l’évolution ; la cicatricule, en s'étendant par sa zone marginale, et plas- modiale, tout en recouvrant la surface du deutolécithe et absorbant ses parties superficielles, se comporte comme un phagocyte gigantesque, dont les régions centrales se concrè- tent en cellules. Mais la phagocytose habituelle, accomplie au moyen de petits éléments distincts, est Le fait du proten- doderme seul, et de ses deux feuillets dérivés, le mésoderme et l’'endoderme. Elle entre en jeu au moment où le blasto- derme engendre les premières cellules du protendoderme, s'opère par elles, et progresse à mesure qu'elles se multi- plient, pour s'achever vers la fin du développement. Les phagocytes ne sont autres que les éléments du protendoderme d'abord, du mésoderme et de l'endoderme ensuite, qui se nourrissent du deutolécithe, l’absorbent en prenant sa place, en augmentant en nombre, et en acquérant leurs disposi- tions et leurs structures finales ; après quoi, le vitellus nutri- Uf ayant joué son rôle d’aliment et n'existant plus, ces élé- ments cessent d'être des phagocytes pour accomplir les fonctions auxquelles sont dévolus les organes qu’ils com- posent. Quelle que soit l’assise dont ils font partie, les phagocy- tes présentent un certain nombre de caractères communs. Ils sont munis d’expansions pseudopodiques, soit cylindri- ques, soit aplaties en lames, qu'ils émettent dans tous les sens, rétractent ou allongent, et dont ils se servent, ou pour se déplacer, ou pour entourer une certaine quantité de deutolécithe, qu'ils détruisent. La forme et le nombre de ces prolongements varient, pour un temps donné, suivant les phagocytes, et, pour un seul de ces éléments, suivant les phases de son existence. — A côté de ces qualités générales. il en est d’autres particulières, secondaires, tenant à la dis- position dans le corps, et à la nature du feuillet auquel ils appartiennent. 102 LOUIS ROULE. Tout ens’étendant autour du deutolécithe, le blastoderme, issu de la cicatricule, se dédouble en éléments superficiels et en éléments profonds. Ceux-là composent le feuillet pri- mordial extérieur, le protectoderme, qui engendre les cen- tres nerveux, et se borne à devenir l’ectoderme définitif ; 1ls s’aplatissent, s’assemblent en une couche simple, et en demeurent là. Il n’en est pas de même pour les autres; ces derniers représentent le protendoderme par leur ensemble; ils s’enfoncent dans le deutolécithe, et s’y convertissent tous en phagocytes. Ils se nourrissent du vitellus nutritif au sein duquel ils sont placés, et augmentent en nombre, à l’aide de scissions répétées. Ils sont épars, distincts les uns des autres, répartis d’une manière irrégulière, et émettent des pseudo- podes par leur surface entière. Les cellules du protendo- derme restent ainsi, pendant toute la durée de ce feuillet ; elles sont toujours et constamment, outre leur valeur en tant qu'éléments constitutifs d’un feuillet embryonnaire, des phagocytes, situés dans le deutolécithe lui-même. Le protendoderme se subdivise, par la suite, en méso- derme et endoderme. — Les cellules du premier sont des phagocytes, tant qu’elles sont en contact avec du vitellus nu- tritif, et que celui-ci n'est pas complètement résorbé. Elles offrent les mêmes caractères que leurs similaires du proten- doderme, dont elles dérivent du reste, avec cette différence qu’elles les possèdent d’une façon temporaire, leurs qualités à cet égard disparaissant avec le deutolécithe. Il est, cepen- dant, une exception pour les éléments suspendus dans le plasma de l’appareil irrigateur ; ceux-ci conservent la struc- ture, et, le cas échéant, les fonctions de phagocytes ; ils se multiplient en cet état. Les autres cellules mésodermiques perdent leurs expansions pseudopodiques, les rétractent, et acquièrent leur organisation fonctionnelle ; la forme et le rôle de phagocytes sont chez elles momentanés, et liés à la durée du vitellus nutritif. Pareille fin se retrouve au sujet de l’endoderme. Les élé- ments de cette assise, alors qu'ils commencent à se séparer DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 103 du reste du protendoderme, ressemblent aux cellules de ce dernier, et portent des pseudopodes par leur périphérie entière. [ls se tassent ensuite les uns contre les autres, et se groupent en. une assise épithéliale simple. Cette couche en- toure la partie centrale du deutolécithe ovulaire, et se nour- rit d'elle. A cet effet, ses éléments émettent des pseudo- podes par leur face interne, et les font pénétrer dans ce vitellus, pour ronger les granules et s’annexer le protoplasme ; les autres côtés sont privés de telles expansions. À mesure que les cellules se rapprochent les unes des autres pour se grouper, elles perdent leurs pseudopodes dans leurs zones de contact comme dans leur région extérieure, et les con- servent seulement sur leur face interne, pour continuer à Jouer leur rôle phagocytaire. — L’amas vitellin, aux dépens duquel elles agissent ainsi, est de dimensions relativement considérables. L'activité fonctionnelle de l’endoderme doit être fort grande, à en juger d’après la rapidité de la résorp- ion, achevée, d'habitude, plus tôt que celle du deutolécithe mésodermique. Aussi, le protoplasme cellulaire est-il découpé en bandes anastomosées, qui aboutissent aux bases des pseudopodes, et doivent subir des mouvements constants de translation de substance. L'activité de l’endoderme à cet égard est nécessitée, sans doute, par le besoin de fournir, par osmose, des matériaux nutritifs aux cellules avoisinantes du mésoderme, autour desquelles le deutolécithe a déjà dis- paru. L’endoderme jouerait donc, dès ce moment, le rôle qu'il possède chez l'adulte, mais en l’appliquant à un deuto- lécithe, à une substance vitelline déposée dans l’ovule par le générateur, et non à un aliment que l'organisme puise lui- même dans les milieux extérieurs. En somme, et pour résumer, à cause de la présence dans l’œuf d’un vitellus nutritif, les cellules des feuillets blastoder- miques, en surplus de leur valeur génétique spéciale, de leur capacité d'hérédité, s'adaptent à celte circonstance des milieux ambiants, el se nourrissent de ce vitellus en l’absorbant à la manière de phagocytes. Outre leur puissance d’héré- 104 LOUIS ROULE. dité, qui leur permet de se multiplier, et de se différencier, pour subvenir à la genèse des tissus et des organes de l’éco- nomie, elles ont en elles-mêmes un pouvoir d'adaptation, qui leur donne la facullé d'utiliser ce qui les entoure, et notamment d'agir comme phagocyles vis-à-vis du vitellus nutritif. Cette phagocytose vitelline est le procédé employé par l’embryon pour détruire le deutolécithe, placé dans son ovule par le générateur, et pour absorber les matériaux nu- tritifs contenus en lui. IIT. — FŒuiLLETS EMBRYONNAIRES DANS LEUR ENSEMBLE. — (Fig. 1 à 8, 17 à 40, 56 à 60). — Ces feuillets, comme leurs similaires des autres animaux, prennent naissance en trois temps : le blastoderme se façonne d’abord; puis il engendre, à ses dépens, les deux feuillets primordiaux, à savoir le pro- tectoderme et le protendoderme ; enfin, ce dernier, se dédou- blant à son tour en mésoderme et endoderme, alors que le protectoderme se borne à demeurer en qualité d’ectoderme, les trois feuillets définitifs se trouvent délimités. De même, encore, que chez les embryons des autres êtres, ces trois assises se disposent en couches concentriques, qui s’em- boîtent mutuellement : l’ectoderme au dehors, le mésoderme au milieu, et l’endoderme en dedans. Les relations mutuelles sont donc identiques à celles établies chez {ous les Cœlo- mates. Mais l'originalité des Arthropodes consiste en la nature mésenchymateuse de leur protendoderme, nature qui n'existe point ailleurs, sauf dans Le cas des œufs composés de certains Plathelminthes ; le feuillet primordial interne des Cœlomates, autres que les Arthropodes, est essentiellement épithélial. — Une telle structure mésenchymateuse dispa- raît en ce qui concerne l’endoderme, l’une des assises em- bryonnaires dérivées du protendoderme, mais elle persiste dans la seconde de ces assises, c’est-à-dire dans le méso- derme. Les cellules protendodermiques d'abord, et ensuite les éléments mésodermiques, possèdent, de ce fait, une allure particulière, qui ne se présente point chez les autres DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. . 405 Cœlomates, et qui a frappé tous les observateurs; aussi, la plupart de ces derniers, ne se rendant point compte qu'il s'agit seulement d’un état spécial des feuillets embryon- naires, et accordant à ces éléments une valeur propre, leur ont-ils donné un nom, celui de cellules vitellines. Dans la réa- lité, les cellules vitellines ne sont pas autre chose que les composantes de certains des feuillets blastodermiques, du protendoderme comme du mésoderme, ne différant que par leur aspect mésenchymateux de celles des autres animaux, mais jouant le même rôle, se trouvant disposées de même, et ne méritant point, en conséquence, d’être désignées par un terme nouveau. Le plan de ce paragraphe est fourni par les considérations précédentes. La genèse du blastoderme sera examinée tout d'abord ; puis celle des deux feuillets primordiaux ; enfin celle des trois feuillets définitifs. La discussion relative aux cellules vitellines viendra ensuite. A. Genèse du blastoderme. — L'œuf du Porcellio est télolécithe ; il se compose d’un volumineux amas de vitellus nutritif, portant une pelile cicatricule, formée de vitellus évolutif. Cette disposition est, chez les Crustacés, plus rare que sa contraire, celle des œufs panlécithes, où le vitellus évolutif, au moment de la fécondation, se trouve mélangé au vitellus nutritif, et épars dans sa masse. Il en résulte une segmentation partielle ; sous ce rapport, l'œuf est donc mé- roblastique. La cicatricule se segmente seule, et grandit pour conslituer le blastoderme, alors que l’amas vitellin demeure inerte à cet égard, et se borne à procurer à la pre- mière les substances nutritives indispensables pour effectuer son accroissement. La cicatricule, tout en se convertissant en cellules pour composer le blastoderme, s'amplifie, de manière à entourer l’amas deutolécithique. Comme, en cet instant de l’évolution, aucune cavité ne se creuse dans l’œuf, ce dernier se change en une planule, et l'extension du blastoderme en surface 106 LOUIS ROULE. correspond à une planulation. Cette planulation est indi- recte, puisque l’état planulaire final est acquis peu à peu, à la suite d’un mouvement d'amplification de la cicatricule seule, et non d'emblée, par la segmentation complète et directe de l'œuf entier. Ce procédé est souvent nommé, par les auteurs, une gastrulation épibolique; comme il ne s’agit en rien, dans ce cas, de gastrule n1 de gastrulation, cette expression est fautive, et il convient de ne plus l’employer. Ce mode est une planulation indirecte, puisqu'il aboutit, d'une façon indirecte et par la seule croissance en surface d’une des parties de l’œuf, à l'établissement d’une planule. De même que dans toutes les planulations indirectes, la cicatricule du Porcello ne grandit point par ses propres forces seules. Son accroissement s’accomplit par un emprunt constant de nouvelle substance protoplasmique au reste de l'ovule ; cette adjonction s'effectue sur ses bords, ef avec ré- gularité, de proche en propre, de manière à lui permettre de recouvrir une surface toujours plus grande. À mesure, son protoplasme se convertit en cellules. Par ce double mou- vement, d’annexion constante et marginale d’un protoplasme supplémentaire, et de résolution cellulaire, la cicatricule iniliale, d’abord petite et homogène, se convertit en un blas- toderme, composé d’une assise cellulaire simple, qui enve- loppe l’amas vitellin tout entier. Cette structure étant acquise, la planule n'est pas com- plètement cellulaire. Elle consiste en un volumineux amas vitellin, entouré par l’assise des éléments du blastoderme ; elle appartient au type des planules lécithiques, et parvient de suite à posséder une telle disposition. Les Porcellio, et les Crustacés pourvus d'œufs télolécithes, diffèrent en cela des autres représentants de la classe, munis d’ovules panlécithes. Ces derniers éléments sexuels commencent par se diviser en entier, et par constituer une planule cytulaire ; puis, les régions centrales de leurs blastomères se confondant les unes avec les autres, et se trouvant formées par du deutolé- cithe seul, l’état de planule lécithique arrive à s'établir. Mais DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 107 cette dernière structure se faconne d’une manière secon- daire, en succédant à un premier aspect cytulaire ; alors que les ovules télolécithes s’établissent directement dans leur allure finale. — Quel que soit le mode employé, la planule achevée se compose d’un blastoderme périphérique, et d'une vésicule vitelline interne, d’un deutolécithe central; elle est centrolécithe. Cetle nature de la planule est propre aux Arthropodes ; elle paraît ne point exister ailleurs, sauf peut- être quelques Hirudinées, et elle entraîne une conséquence des plus importantes, en ce qui regarde la disposition mu- tuelle de l'embryon et de son annexe nutrilive. Les planules lécithiques des autres animaux appartiennent aux Mollusques Céphalopodes, à quelques Tuniciers, et à plusieurs Vertébrés (Téléostéens, Sélaciens, Sauropsidés). Ces formes embryonnaires proviennent d'œufs télolécithes, c'est-à-dire pourvus d’une cicatricule ; celle-ci s'étend au- tour de l’amas vitellin, de façon à l’envelopper, mais elle progresse avec moins de rapidité que sa similaire des Arthropodes. De plus, lorsque le blastoderme est ainsi cons- titué, il se trouve divisé en deux parts : l’une, épaisse, située sur l'emplacement dela cicatricule initiale, est seule chargée de façonner l'organisme de l'embryon; l’autre, plus mince, étendue autour de l’amas vitellin, se borne à lui servir de paroi, et à se résorber avec lui, mais sans jouer de rôle dans la production directe de l’économie. Le blastoderme total est, par là, scindé en deux régions : une zone embryonnaire, el une zone para-embryonnaire, ou vitelline. La première est chargée de donner l'embryon, la seconde de composer la paroi de la vésicule vitelline ; toutes deux sont contiguës, el se rattachent l’une à l’autre jusqu’à disparition complète de celle-ci. L’annexe nutritive est juxtaposée au corps du jeune individu, et non pas placée dans son intérieur. Pareille chose n'existe point chez les Arthropodes. Le blastoderme est embryonnaire tout entier ; il ne comporte aucune zone strictement vitelline, et entoure, à lui seul, tout le deutolécithe. Celui-ci constitue, de ce fait, une vésicule 108 LOUIS ROULE. vitelline interne, et non pas contiguë. Le blastoderme, de son côté, façconne l’embryon autour du deutolécithe, et dans son intérieur, sans perdre aucune de ses parties en l’employant à servir de paroi vitelline. L'état centrolécithe de la planule, et l'unité génétique du blastoderme, constants chez les Ar- thropodes, contribuent à donner à ces êtres une autonomie indiscutable, en les séparant des autres Cœlomates. B. Genèse des feuillets primordiaux. — Ces feuillets sont au nombre de deux. L'un est extérieur ; il enveloppe l’ovule entier, el correspond au protectoderme. L'autre est interne, situé en dedans du premier, et placé dans les zones super- ficielles de la vésicule vitelline ; il constitue le protendo- derme. Le premier est épithélial ; il se compose d’une seule assise de cellules plates, juxtaposées. Le second est mésen- chymateux ; il consiste en une certaine quantité de cellules éparses dans le deutolécithe superficiel, et se comportant comme des phagocytes vis-à-vis de ce dernier. Elles se mul- tiplient, tout en conservant le même aspect, mais ne sont pas également réparties ; leur chiffre est plus considérable dans l’extrémité antérieure de l'embryon, et sur sa face ventrale, que dans les autres régions. Cette dissemblance est un résultat de leur production précoce. Les deux feuillets primordiaux proviennent du blasto- derme seul ; aucun de leurs éléments ne dérive du deuto- lécithe. Pour leur donner naissance, le blastoderme divise ses cellules tangentiellement à la surface de l’œuf; chacune de ces dernières se scinde, par ce moyen, en deux parts, dont l’une est interne, et dont l’autre, extérieure, continue à occuper la superficie de l’ovule. Le même phénomène se reproduit encore quelques fois aux dépens de celle-ci ; les résultats sont semblables aux précédents. Le blastoderme, par celte prolifération dirigée dans le sens indiqué, se dé- double en une assise simple, périphérique, et un groupe cel- lulaire interne; la première est le protectoderme, la se- conde le protendoderme. Depuis le moment où ces deux DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 109 feuillets se délimitent aux dépens de leur matrice commune, et ce moment est vite atteint, ils s’'amplifient par leurs pro- pres forces, sans rien fournir l’un à l’autre ; ils demeurent dans leur situation mutuelle, conservent leurs rapports de contiguité, mais là se bornent leurs relations. Le protecto- derme grandit, de façon à composer toujours une assise simple, superficielle; et le protendoderme augmente le nombre de ses éléments, par une multiplication incessante, en les répandant à mesure dans le deutolécithe voisin. Ce dédoublement n'attend pas, pour s’accomplir, que le blastoderme soit entier, et recouvre la surface entière de la vésicule vitelline. Il commence à s’opérer dès l'instant où les premiers éléments blastodermiques se délimitent au sein de la cicatricule ; ces éléments prolifèrent comme il est dit plus haut, de manière à établir une assise protectodérmique et un groupe protendodermique. Cette impulsion génétique suit l'extension du blastoderme en surface, et l'accompagne de près. Trois mouvements évolutifs, dirigés dans le même sens, s’accomplissent donc à la fois, et se succèdent à peu d'intervalle, dans la planulation indirecte des Crustacés : la cicatricule s'étend par ses bords, par sa zone plasmodiale, en s'annexant le deutolécithe environnant ; elle se convertit, un peu en dedans de cette zone, en une assise blastoder- mique ; enfin, un peu en dedans de cette dernière région, le blastoderme précédent se dédouble en protectoderme et en protendoderme. Ces trois phénomènes s’accomplissent en- semble, à une minime distance les uns des autres, sur une étendue toujours plus grande, de sorte que le blastoderme est presque dédoublé en ses feuillets primordiaux, au mo- ment même où 1l s'achève. Ces trois opérations débutent dans la zone occupée par la cicatricule ; cette région correspond à la future extrémité antérieure du corps de l'embryon. Elles procèdent, de là, vers la face ventrale, pour remonter sur les côtés et sur l'extrémité postérieure, afin de se terminer dans la partie dorsale. De plus, les premiers éléments protendodermiques 110 LOUIS ROULE. délimités sont également les premiers à se convertir en pha- gocytes, et à augmenter leur nombre. Le résultat est, que les cellules du protendoderme sont en plus grande quantité dans la moitié ventrale du corps que dans la dorsale, et que la résorption du deutolécithe commence dans la première pour se terminer dans la seconde. Les feuillets primordiaux parviennent ainsi à leur état final. Le protectoderme constitue une assise épithéliale simple, et superficielle. Le protendoderme consiste en un mésenchyme, dont les éléments sont épars dans les zones périphériques du deutolécithe vitellin, et plus abondants dans la région ventrale du corps, où la plupart d’entre eux se rassemblent en deux groupes symétriques, dont l’un est droit, et l’autre est gauche. Le deutolécithe sert de sub- stance fondamentale à ces éléments. Une telle nature du feuillet primordial interne est vraiment, parmi les Cœ- lomates, spéciale aux Arthropodes. Partout ailleurs, cette assise blastodermique est épithéliale, et non point mésen- chymateuse ; en prenant l'expression de mésenchyme dans son sens le plus large, dans celui d’un tissu aux éléments disjoints, et plongés dans une substance intermédiaire. Ici, chez les Arthropodes, cette gangue n’est point un produit des cellules qu’elle contient, mais se trouve préexister à elles, car elle a été déposée dans l’ovule par l'organisme du générateur. Cette particularité, relative à la structure du protendoderme, revêt, à cause de sa constance, une haute valeur ; elle est le principal des caractères, qui contribuent à isoler les Arthropodes des autres Cœlomates ; son impor- tance, à cet égard, est supérieure à celle tirée de la présence de membres articulés, car elle lui est antérieure dans le temps, et elle imprime à l'organisme entier une allure spé- ciale, en se maintenant dans le mésoderme, et en forcant la majeure part du canal digestif à provenir de deux involu- lions ectodermiques. Si les Arthropodes, en ce sens, possèdent, parmi les Cœ- lomates, une originalité certaine, 1l n’en esl plus de même DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 111 en s'adressant à l’ensemble des Métazoaires. Plusieurs des Cœlentérés, et notamment quelques Spongiaires, avec la plupart des Hydrozoaires à l’évolution dilatée, présentent des phénomènes comparables. Le protendoderme de ces derniers animaux se compose, à son début, de cellules pha- gocytaires, qui se détachent du blastoderme, et deviennent internes par rapport à lui. Seulement, une telle production s’accomplit aux dépens d’une blastule, et non d’une planule ; les éléments du protendoderme sont tenus en suspension dans le plasma qui emplit le blastocæle de la blastule, et ne se trouvent point plongés dans un deutolécithe préexistant. Les différences entre ces deux phénomènes sont donc consi- dérables ; mais elles tiennent uniquement à la présence, ou à l'absence, d'un vitellus nutritif, et ne touchent pas à la genèse même des feuillets. Les concordances sont frappantes ; elles suffisent pour montrer que le développement blas- todermique des Arthropodes, s’il leur est spécial parmi les Cœlomates, n’est point, cependant, un fait isolé dans le monde animal, et que cette singularité n’est pas une raison pour . conclure à une erreur dans les observations faites à cet égard. Au moment où les deux feuillets blastode rmiques primor- diaux sont complets, ils produisent les trois feuillets défini- tifs. Le protectoderme se borne à demeurer en tant qu’ecto- derme ; le protendoderme engendre le mésoderme et l'en- doderme. C. Genèse des feuillets définitifs. — Ces feuillets sont au nombre de trois, comme leurs similaires des autres Cœlo- mates, et placés de même. L’ectoderme, extérieur, est une assise épithéliale simple. Le mésoderme, intermédiaire, se compose de tissus mésenchymateux, creusés de cavités schizocæliennes organisées en un appareil irrigateur, et conslitue, de beaucoup, la majeure part de l’économie. L’en- doderme, interne, consiste, comme l’ectoderme, en une couche épithéliale simple. L’ectoderme provient directe- 112 LOUIS ROULE. ment du protectoderme, dont il est la persistance. Le mé- soderme dérive du protendoderme, et conserve la structure essentiellement mésenchymateuse de ce dernier. L’endo- derme découle également du protendoderme, mais en ras- semblant ses cellules suivant le mode épithélial. Chacun de ces trois feuillets doit être examiné séparément, dans son origine comme dans son évolution ; après quoi pourra être discutée, dans tous ses détails, la question de leur ho- mologie avec leurs correspondants des autres Cœlomates. 1° £ctoderme. — L’ectoderme est la persistance directe, en la même place et avec la même structure, du protecto- derme. Il se compose, par suite, d’une assise épithéliale simple, déposée à la surface de l’organisme. Il exsude en dehors de lui, et pour le recouvrir, une cuticule épaisse, qui s’encroûte de calcaire, et donne la carapace. Il s’annexe, en outre, quelques éléments périphériques du mésoderme, pour les convertir en un tissu conjonctif, situé en dedans de lui, et formant un derme ; ce dernier se continue, par sa région interne, avec les autres parties du mésenchyme mé- sodermique. De plus, il se creuse, entre les paires d’appen- dices, de sillons transversaux, qui cerclent le corps suivant un plan perpendiculaire à l’axe longitudinal, et où la cuticule se trouve plus mince qu'ailleurs ; ces étranglements corres- pondent à des lieux deflexion, destinés à permettre les mou- vements. Ils donnent à l’individu, par leur présence, un as- pect annelé ; cette disposition est une conséquence néces- saire du mode de répartition des appendices. Tout au début de sa production, l’ectoderme engendre les centres nerveux et le canal digestif. Il donne naissance aux premiers par une prolifération sur place, suivant le mode massif, de ses propres cellules ; une telle multiplication n’a lieu que sur une bande médiane et longitudinale, partant de l'extrémité antérieure du corps pour aller vers l'extrémité postérieure, en longeant la face ventrale. Celle bande est simple, et impaire ; son accroissement seul lui procure sa DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 118 nature double finale. Par contre, le canal digestif dérive d’involutions ectodermiques creuses, qui demeurent ainsi en s'enfonçant dans le corps. Ces dépressions sont au nombre de deux ; leurs bases sont opposées, et leurs sommets se rapprochent graduellement, jusqu'à se toucher et à s'unir ; le canal digestif est alors complet. L'une d’elles est le sto- méon, le stomodæum des auteurs; elle part de la région ventrale de l'extrémité antérieure du corps, et donne l’in- teslin antérieur. L'autre est le proctéon, le proctodœum des auteurs ; elle part de la région dorsale de l'extrémité posté- rieure du corps, et fournit l'intestin postérieur. 2° Mésoderme. — Le mésoderme provient du protendo- derme. Ce dernier feuillet se compose, lors de son achève- ment, de cellules éparses, en dedans de l’ectoderme, dans les zones superficielles de l’amas vitellin: ces éléments sont plus nombreux vers la région ventrale du corps que vers la dorsale, et la plupart d’entre eux s’y rassemblent en deux groupes symétriques, placés de part et d'autre de la ligne médiane. Les internes d’entre eux sont chargés d’engendrer l'endoderme, et se disposent, à cet effet, en une couche épithéliale. Les autres conservent la disposition mésen- chymateuse du protendoderme, tout comme les cellules dorsales; l’ensemble de celles-ci, se distinguant ainsi de l’endoderme, compose le mésoderme définitif. Les élé- ments de ce feuillet sont donc épars, du moins à leur début, dans le deutolécithe vitellin, qu'ils absorbent à la manière de phagocytes, et situés entre l’ectoderme et l’endoderme commençant. À cause de cette origine, la disposition première du pro- tendoderme est conservée par le mésoderme. Les éléments de ce feuillet sont plus abondants dans la zone ventrale du corps que dans la dorsale, et ils s’y groupent en deux cor- dons symétriques, placés de part et d'autre de la ligne médiane. Ces bandes parcourent le corps entier suivant son axe longitudinal, depuis l'extrémité antérieure jusqu’à ANN. SC. NAT. ZOOL. XVIII, 8 114 LOUIS ROULE. l'extrémité postérieure; et leurs cellules augmentent en quantité, par une multiplication incessante. Cette proliféra- tion est inégale, à cause de la présence des appendices, déjà ébauchés à cette époque de l’évolution, et assemblés par paires; elle est plus active au niveau de ces organes, et moins prononcée dans les espaces intermédiaires. Cette inégalité lient au fait que ces cordons doivent fournir aux membres tout leur mésoderme, soit la majeure partie de leur masse; l'accroissement est donc plus grand à leur hauteur. Il suit de là que chacune des bandes présente un aspect métamérique ; les segments correspondent aux appen- dices. Cette disposition se détruit par la suite, du moins dans l’ensemble, au moment où, les appendices s’allongeant et se façconnant, les cellules à eux destinées pénètrent dans leur intérieur. _ On a souvent comparé cet état à celui des Annélides, et beaucoup d'auteurs se servent d’une telle ressemblance pour rapprocher les Arthropodes de ces derniers animaux. Dans la réalité, les deux structures, tout en étant semblables en partie, ne sont point homologues, c’est-à-dire ne conservent point une ressemblance entière, dans le temps comme dans l’espace, depuis leur début. Les embryogénies dilatées et les développements condensés des Annélides conduisent, à cet égard, au même résullat : la division métamérique au mésoderme est due au creusement, suivant une file longitu- dinale et régulière, de cavités dans l’intérieur de ce dernier feuillet. L'apparition de tels espaces n’est point liée à la présence des appendices, car elle précède la genèse de ceux-ci, et s'effectue même lorsqu'ils n'existent point. Enfin, ces cavités grandissent également, de manière à devenir fort amples, et à entourer l'intestin. — De telles qualités de temps et de lieu font constamment défaut aux embryons des Arthropodes. Une partie seulement de leur mésoderme prend une allure métamérique, l’autre restant mésenchymateuse. Cette structure segmentée n’est point un effet de creusement de cavités, mais celui d’un groupement DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 115 de cellules en amas compacts, dû lui-même à une inégalité de multiplication. Les espaces, qui s’y percent ensuile, sont nombreux, irréguliers, et nullement en rapport avec la dis- position segmentaire. Celle-ci est liée à la présence des appendices, puisqu'elle s'établit après la production de ces derniers, et d'une manière telle que chacun des métamères soit à la hauteur d’un des appendices; la connexité est si grande, que la relation de cause à effet s'impose à l'esprit. Enfin, en aucun cas, les cavités mésodermiques ne s’ampli- fient, d’une manière régulière, au point d’entourer l'intestin. — L'opposition est donc des plus nettes, entre les Trocho- zoaires polymériques et les Arthropodes, en ce qui concerne la nature de leur segmentation; les ressemblances entre les deux phénomènes, même au sujet du mésoderme pris en lui-même el sans tenir compile de son origine différente, sont toutes de surface, et ne correspondent en rien à des homologies. La seule similitude porte sur l’origine des cavités cœlo- miques, dont le mésoderme est creusé dans les deux cas; si ces espaces revêtent une forme particulière dans chaque groupe, leur point de départ est le même. Ils se creusent sur place, dans le mésoderme, à la façon de fentes, d’abord étroites, qui grandissent ensuite, et ne dérivent en rien de l’entéron; à cet égard, ils correspondent à des schizo- cœælomes. Seulement, le schizocælome des Trochozoaires polymériques s’orgauise, sauf quelques exceptions offertes par la classe des Hirudinées, en un oligocælome, dont les parois sont épithéliales; alors que celui des Arthropodes, augmentant le nombre de ses cavités et les assemblant en un appareil irrigateur, se convertit en un polycælome, dont les travées limitantes se composent de tissus mésenchymateux. Le mésoderme embryonnaire donne naissance à la plus grande part de l'économie. Il fournit la musculature, avec le issu conjonctif, peu abondant, interposé à ses faisceaux, ou placé sous l’ectoderme. Il engendre l'appareil irrigateur entier, avec son cœur, son plasma, et ses éléments figurés. 116 LOUIS ROULE. Enfin, il produit les glandes sexuelles, et les régions proxi- males de leur conduits vecteurs. 3° Endoderme. — L'endoderme dérive du protendoderme, au même titre que le feuiliet moyen. Les cellules les plus internes, des deux amas protendodermiques ventraux, se rapprochent les unes des autres. Elles se rassemblent, dans chacun de ces derniers, sur une seule rangée, où elles sont. juxtaposées et contiguës ; par là, elles perdent leur aspect mésenchymateux, et se distinguent ainsi de leurs voisines, qui demeurent dans leur état initial et composent le méso- derme. À cause même de cette juxtaposition, elles prennent une forme cubique, par leur compression mutuelle, et se trouvent acquérir une disposition épithéliale. — Les deux couches ainsi produites sont distinctes l’une de l’autre, puisque chacune d'elles découle de l’un des amas protendo- dermiques ventraux; elles ressemblent à autant de petiles calottes, incurvées en dedans, et séparées par une grande quantité de deutolécithe. Elles grandissent ensuite, se rap- prochent par leurs bords, s'unissent, et constituent finale- ment une seule vésicule volumineuse, impaire et médiane, dont la cavité contient le deutolécithe intermédiaire, empri- sonné lors de leur extension. Cette vésicule est l’entéron; sa paroi, formée par l’union des deux calottes accrues, conserve sa nature d’épithélium simple, et n’est autre que l’endo- derme. Cet endoderme est vraiment un feuillet unique; dès son apparition aux dépens du protendoderme, il se maintient dans son unité, et poursuit son évolution dans une même direction, dont le but est la genèse de l’entéron. Plusieurs auteurs ont cependant décrit, chez divers Arthropodes, deux endodermes, l’un primaire, et l’autre secondaire ou définitif. Les uns ont pris le protendoderme pour le premier, mais sans reconnaître sa valeur de feuillet blastodermique pri- mordial, m ses connexions génétiques avec le mésoderme. Les autres, accordant au deutolécithe une nature cellulaire, DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 117 lui octroient, en surplus, la valeur de feuillet embryonnaire, et le considèrent alors comme un endoderme primaire. Une telle divergence d'opinions entraînait, comme conséquence, une assez grande confusion dans les interprétations; d’au- tant plus que, dans les deux cas, une part des observations se trouvait être exacte. L’endoderme vrai est effectivement précédé, dans le temps, par un autre feuillet ; en outre, dans les ovules à segmentation totale, le deutolécithe commence par se diviser, pour perdre ensuite toute structure cellulaire, par l’émigration des noyaux et du blastolécithe vers la périphérie. Seulement, le feuillet antérieur à l’endoderme est un feuillet primordial, et non point un endoderme strict ; il ne se borne pas à persister comme endoderme définitif, mais possède une valeur génétique double ; il est un pro- tendoderme, chargé de donner naissance, à la fois et à ses dépens, au mésoderme et à l’endoderme. En ce qui concerne le second cas, la segmentation ne s'étend au deutolécithe que par un effet de la présence du blastolécithe dans la masse de ce dernier; au moment où le vitellus évolutif se sépare du nutritif, en emportant les noyaux avec lui, le deutolécithe demeure privé de toute structure cellulaire ; il n'est pas un feuillet blastodermique, capable d'engendrer des éléments figurés,' mais bien un amas de matériaux alimentaires destinés à l'embryon, et rien de plus. — En somme, dans la réalité, il n’existe qu'un seul endoderme, qu'un seul feuillet blastodermique interne, chargé de limiter léntéron’ ; *: THEY L'origine de cet endoderme épithélial, aux dépens d’un protendoderme mésenchymateux, est des plus remarquables, à deux égards. D'abord, en ce que les Arthropodes sont les seuls, parmi les Cœlomates, à posséder une telle provenance de leur feuillet interne. Puis, en ce qu'une modification de cette sorte contribue, pour sa part, à préciser les données, que jai exposées en premier lieu dans mon mémoire sur le développement des Annélides, pour les étendre dans mon Embryologie générale et dans mon Æmbryologie comparée. 118 LOUIS ROULE. Contrairement à l'opinion des frères Hertwig, le mésenchyme n'est pas un feuillet déterminé, immuable dans ses carac- tères, et se bornant à s’accroître sans modifier sa structure; il est seulement, comme l’épithélium du reste, un état, sous lequel certains feuillets sont capables de se présenter, soit d’une manière temporaire, soit d’une façon permanente. Il est une qualité d'objet, et non pas l’objet lui-même. Le grand mérite des frères Hertwig a été de montrer l'existence constante de ces deux qualités, épithéliale ou mésenchymateuse, des feuillets embryonnaires, et de sim- plifier par là l'interprétation et la compréhension des phé- nomènes de l’histogenèse. Leur tort, bien qu’ils soient re- venus quelque peu sur leurs opinions premières, par trop systématiques, a été de considérer cette nature des feuillets comme tellement liée au feuillet lui-même, que l’un n'existe pas sans l’autre. Dans la réalité, les faits sont plus divers. Un feuillet, appartenant à l’un ou à l’autre de ces deux états, est capable, dans le cours de son évolution, de modi- fier sa manière d’être, soit en totalité, soit en partie, et de passer à son contraire. Les observations, relatives à des as- sises épithéliales qui deviennent mésenchymateuses, sont assez nombreuses ; il en est de même pour des couches d’épithélium qui engendrent des tissus mésenchymateux {les Vertébrés par exemple), et les frères Hertwig ont été obligés de le reconnaître. Les données touchant le changement d’un mésenchyme en épithélium sont, par opposition, plus rares; mais elles existent pourtant. La genèse particulière de l’endoderme des Arthropodes en est une. Une seconde est offerte par le feuil- let correspondant des Hydrozoaires, parmi les Cœlentérés ; leur endoderme, d’abord mésenchymateux chez la jeune larve, se régularise par la suite, et devient épithélial, de facon à limiter la cavité entérique. — Des notions similaires sont fournies par d’autres phénomènes tenant, non plus au déve- loppement des assises embryonnaires, mais à l’histogenèse dans l'organisme achevé. L’endothélium des cavités de l’ap- DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 119 pareil irrigateur, comme celui des oligocælomes, s'établit et se répare aux dépens du tissu conjonctif environnant, qui est un mésenchyme. De même, chez les Mammifères mono- delphes, l’épithélium de la paroi utérine est reconslitué après la parturition, ainsi que Mathias Duval l’a démontré, par le tissu conjonctif sous-jacent. Toutes ces constatations d'ordres divers conduisent au même résultat; la nature épithéliale ou la nalure mésen- chymateuse sont seulement des qualités, des états, suscep- tibles de provenir l’une de l’autre, et de se remplacer. Pour demeurer dans la vérité des faits de l'histogenèse, tout en synthétisant ces dermiers, 1l convient de dépasser la notion, beaucoup trop étroite, du mésenchyme, telle que l’ont éta- blie les frères Hertwig, et de s'adresser aux relations des lissusenvers eux-mêmes etenvers les milieux ambiants.Ceux- ci, sous le rapport de leur structure comme sous celui de leur disposition, appartiennent à deux types : les fissus narié- taux et les tissus comblants, le pleurenchyme et le parenchyme. Les premiers recouvrent l’organisme ou limitent ses cavités internes ; ils se composent de cellules juxtaposées. Les se- conds emplissent les espaces laissés entre les précédents ; ils consistent en éléments figurés, plongés dans une subs- tance intermédiaire, non cellulaire, solide ou liquide. Tous deux sont capables de changer de nature et de passer à l’autre, lorsque les conditions liées à celle-là se modifient pour se convertir en celles qui sont connexes à celle-ci, et ré- ciproquement ; une telle transformation s’effectuant, soit dans tout le tissu mis en cause, soit dans une partie seule- ment, soit dans ce qu'il engendre au cours de son évolution. — Les données de l’histogenèse, et de la structure des feuil- lels embryonnaires, semblent vraiment dépendre des condi- tions ambiantes, des relations établies entre les tissus, leur disposition, leur rôle, et ce qui les entoure ; elles rentrent ainsi dans les phénomènes généraux de l’adaptation. Il suffit en ce mémoire, pour montrer leur réalité, de les appliquer aux Arthropodes. Le blastoderme, tout en se façonnant, recou- 120 LOUIS ROULE. vre la surface de l’ovule : 1l se compose de cellules contiguës, et appartient au type du pleurenchyme, des tissus pariétaux. Des deux feuillets primordiaux qu'il engendre, l’un, le pro- tectoderme est superficiel comme lui: il est constitué de même. L'autre, le protendoderme, se trouve en rapport avec le deutolécithe, qui emplit l'espace limité par le feuillet ex- térieur ; il pénètre dans ce vitellus, y répand ses éléments, el passe à l’état de tissu comblant, de parenchyme. Le pro- tendoderme, à son tour, se subdivise en deux feuillets: le mésoderme et l’endoderme. Celui-ci est destiné à limiter la cavité entérique ; 1l perd son aspect de tissu comblant, pour prendre celui de tissu pariétal. Celui-là occupe l’espace compris entre l’endoderme et l’ectoderme; il conserve l’état de tissu comblant, bien qu'il augmente à l'excès le nombre de ses éléments, et qu'il les différencie de manières diverses pour se prêter au façonnement de plusieurs appareils. — La loi de l'adaptation permet ainsi de comprendre les principes directeurs de l’histogenèse, qui découlent d'elle. L’adapta- tion s'exerce tout aussi bien sur les cellules, sur les éléments de l’organisme, que sur l'organisme lui-même, et c'est à elle, complétée par l'hérédité, qu'il convient de remonter, pour trouver l'explication des formes, quelles qu’elles soient, dans la limite des moyens de notre connaissance. 4° Discussions sur l'homologie des feuillets embryonnatres des Arthropodes avec ceux des autres Cœlomates. — Les qualités particulières aux feuillets blastodermiques des Ar- thropodes, et tout aussi bien aux primordiaux qu’aux défini- fs, conduisent à penser qu'ils ne sont point les homologues de leurs similaires des autres Cœlomates, sauf en ce qui con- cerne le protectoderme; ils leur correspondent seulement par leur situation dans l’organisme embryonnaire, mais diffèrent d’eux par leur provenance. — Homologie signifie identité d’origine, dans Le temps comme dans l’espace. Deux systèmes sont homologues, quelle que soit leur nature défi- nilive, lorsque leurs ébauches sont conformées de même, DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 127 naissent d'une manière synchrone par rapport aux objets environnants, et découlent d’un même appareil. Par contre, deux systèmes, dont la situalion finale se trouve être sem- blable, mais dont les débuts sont différents, ne sont point ho- mologues ; l’analogie seule existe en ce cas, c'est-à-dire une similitude superficielle, et non point une identité fondamen- tale et essentielle. Or, ilsemble bien que cette dernière qualité soit la seule à invoquer dans la comparaison des feuillets des Arthropodes avec ceux des autres Cœlomates. Les assises des premiers sont disposées comme celles des seconds, et affectent entre elles, lorsqu'elles sont facon- nées, les mêmes relations; elles prennent également nais- sance en deux temps, les feuillets primordiaux d’abord. les définitifs ensuite; mais là se bornent les ressemblances. Le protendoderme des Arthropodes est un tissu comblant, dès son origine ; celui des autres Cœlomates est un tissu pariétal, un épithélium, destiné à limiter une cavité entéri- que, qui s’ébauche en même temps que lui. Celui-ci est engendré par une gastrulation, dont on retrouve les traces dans les développements les plus condensés ; celui-là est pro- duit par une sorte de cytulation, comparable à celle des Hydrozoaires, mais accomplie aux dépens d’une planule lécithique. En résumé, le protendoderme des uns n’a point la même origine que celui des autres, et ne lui est point ho- mologue ; cette absence d'homologie, en ce qui regarde le feuillet primordial interne, entraîne forcément celle des deux feuillets définitifs, le mésoderme et l’endoderme, qui pro- viennent de lui. Ces derniers se ressemblent par leur dispo- sition mutuelle, comme par la nature des organes qu'ils faconnent, mais leurs origines sont différentes. Ceux des Arthropodes découlent d’un protendoderme établi en tissu comblant, ou mésenchymateux, pour continuer à employer l'expression des frères Hertwig, et ceux des autres Cœlo- mates dérivent d’un protendoderme épithélial, établi en un tissu pariétal. Le défaut d’homologie ne commence à se manifester 122 LOUIS ROULE. qu'au moment de la genèse des feuillets primordiaux. Le blastoderme des Arthropodes est, en effet, strictement l’ho- mologue de celui des autres animaux. En comparant entre eux tous les œufs télolécithes, car, en pareille occurence, il est indispensable de ne prendre que des objets ayant mêmes qualités, on voit, avec constance, le blastoderme provenir de la cicatricule. Celle-ci grandit, se convertit en cellules, et s’élale à la surface de l'œuf. — La même homologie s’éla- blit, en considérant les œufs dont la segmentation est totale, soit qu'ils aboutissent à des planules, soit qu'ils conduisent à des blastules. Le blastoderme est partout, el en tous cas, homologue à lui-même. La privation de ressemblance commence ensuite. Chez les Cœlomates autres que les Arthropodes, le protendoderme dé- coule du blastoderme par le moyen d'une gastrulation, dans les développements dilatés ou normaux, et consiste en une assise épithéliale simple; dans les développements conden- sés, le blastoderme s’épaissit et passe à l’état d’un épithélium stratifié, dont la couche extérieure est le protectoderme, et dont les rangées internes composent le protendoderme. Il n’en est point ainsi pour les Arthropodes; la gastrulation n'existe pas chez eux, même à l’état de vestiges. Le blasto- derme de leurs embryons consiste en une assise épithéliale, qui émet, dans l’espace limité par elle, des éléments isolés, épars, dont la totalité représente Le feuillet primordial in- terne. — La genèse du protendoderme est, ainsi, différente dans les deux cas : d’où découle l’absence d’homologie en ce qui concerne cette couche embryonnaire. Par contre, le pro- tectoderme, qui correspond àla persistance, autour de l’orga- nisme, de la partie, laissée en place, du blastoderme initial, est homologue à lui-même dans la série entière des Cœlo- mates. Le défaut, en cette matière, atteint le protendoderme seul et, par suite, ses deux dérivés, le mésoderme et l’endo- derme; tout en étant moins appréciable en ce dernier, à cause de sa situation constante comme limilante de la cavité entérique. | DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 193 Les premières données, relatives à l’homologie des feuil- lets, ont été établies par Huxley et par A. Kowalevsky. Elles ont été généralisées ensuite, et étendues à tous les animaux pluricellulaires, par E. Hæckel, qui s’est servi d'elles pour fonder sa théorie de la gastrule. Cette synthèse a été trop hâtive et trop systématique ; elle existe bien, mais à la con- dition de ne pas la considérer comme applicable de la même façon à tous les Métazoaires. Cependant, elle simplifiait d’une telle manière les choses du développement, que beau- coup de naturalistes l’ont considérée comme une sorte de principe fondamental, et se sont attachés à retrouver la gastrulation chez les êtres où on ne l'avait point encore ren- contrée. Il en à été ainsi, notamment, pour les Arthropodes, et cette idée préconçue a entraîné la plupart des erreurs d'interprétation, relalives au développement de ces êtres : le souci de trouver une invaginalion gastrulaire portant à con- sidérer la moindre dépression, la moindre courbure, comme s y rapportant. Comme le phénomène de l’invagination n’est pas le seul des caractères de la gastrulalion, comme il est nécessaire que la cavité ainsi façonnée devienne l’entéron, il était impossible de raccorder les états entre eux, et celle difficulté entraînait, comme conséquence, une divergence considérable dans les opinions. Les travaux effectués par plusieurs auteurs sur le déve- loppement des Spongiaires et des Hydrozoaires ont montré, en ces dernières années, sur ce qui touche les Cœlentérés, que des feuillets embryonnaires sont capables de prendre naissance, même dans des évolutions dilatées, par des pro- cédés autres que la gastrulation. C’était là un premier coup porté à la théorie générale de l’homologie complète des assises blastodermiques. Les considérations, fournies par les frères Hertwig sur le double état du mésoderme, ont égale- ment contriué à restreindre la valeur de cette notion. — Aujourd'hui, à ce qu’il me semble, il n’est plus possible de considérer comme exacte la pensée que les feuillets em- bryonnaires des Métazoaires sont des homologues ; dans la 124 LOUIS ROULE. réalité, ils diffèrent les uns des autres par leur origine. Leur homologie existe bien, mais à la condition, comme je l’ai exposé dans mon Æmbryologie générale, de la prendre dans chaque embranchement, ou dans chaque groupe d'embran- chements voisins ; elle cesse, dès qu’on veut l’étendre à tous les Métazoaires. Ainsi, pour ce qui regarde les Cœlo- males, le protendoderme des Arthropodes ne correspond pas à celui des autres; mais ce feuillet est homologue à lui- même chez tous les Arthropodes, comme, à en juger d’après les faits acquis, il est homologue à lui-même chez tous les Cœlomates autres que ces derniers. Cette démonstration découle des considérations précé- dentes, exposées dans les paragraphes consacrés au vitellus et aux feuillets; elle les résume, en ce qui concerne la signi- fication des phénomènes constatés. Il est cependant en elle un point délicat, non encore examiné, qu'il importe de ré- soudre, pour la rendre certaine, el la débarrasser de toute obscurité. — Sauf quelques rares exceptions, offertes par plusieurs Crustacés et diverses Arachnides, au sujet des- quelles les auteurs ne sont, du reste, pas d'accord, la seg- mentation ovulaire des Arthropodes conduit, à cause de la richesse de l’ovule en vitellus nutritif, à une planule, et non à une blastule. Or, on le sait, la présence du deutolécithe dans l’œuf entraîne, par des déplacements dans le temps comme dans l’espace, des altérations souvent considérables dans les phénomènes de développement. Il s’agit de savoir si ces modificalions ne sont pas telles, qu’elles masquent une gastrulation, existant comme base essentielle de l’embryo- génie. La chose, selon toute évidence, ne peut être résolue que par comparaison entre similaires. Si, comme l’on y est trop porté maintenant, on en vient à considérer le phénomène en soi, en dépassant les faits, en introduisant la métaphysique dans la science, on peut penser que toutes les altérations sont possibles, et que, peut-être, il existe chez les Arthro- podes une gastrulation fondamentale, trop bien cachée pour DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 195 être appréciable à nos sens. Mäis un tel raisonnement ne cadre point avec la méthode scientifique, basée en entier sur l'observation des objets et de leurs qualités, sans aller plus loin que les constatations objectives, et se bornant à déduire les conclusions immédiates. Dans le cas particulier, la présence du deutolécithe entraîne des altérations connues, mais n'en produit quun certain nombre; et nous n'avons pas le droit, pour nous conformer à la logique, d’aller au delà de cette constatation, en admettant la réalité de chan- gements dont on soupçonne seulement l'existence. La planule des Arthropodes est lécithique. Des planules semblables existent chez d’autres Cœlomates, notamment les Mollusques céphalopodes et les Vertébrés; ceux-ci ont été étudiés d'une manière fort complète, en ce qui concerne le faconnement de leurs feuillets, et 1l est permis de les choisir comme exemples dans cette comparaison. Or, chez ces animaux, pourvus d’une telle planule, la genèse gastru- laire des feuillets se révèle de la façon la plus nelte. Ainsi, les Sélaciens produisent la majeure part de leur endoderme au moyen d'une véritable invagination gastrulaire; chez les Oiseaux, la cavité sous-germinale est l’homologue, ainsi que l’a démontré Mathias Duval, d’un entéron, dont les connexions directes avec le dehors sont établies par un en- téropore (ligne primitive, blasiopore). Tout, dans le dé- veloppement des Vertébrés munis d'œufs riches en deutolé- cithe, dénote la présence d’une part des phénomènes carac- téristiques de la gastrulation; celle-ci existant, avec toutes ses qualités essentielles, chez les Vertébrés dont les ovules contiennent peu ou point de vitellus nutritif. — Il n’en est pas ainsi pour les Arthropodes. Aucune des phases de leur évolution ne montre la réalité d’une gastrulation ; l’entéron se creuse dans l’intérieur même de l'embryon, et selimite par un endoderme issu d’un protendoderme mésenchymateux ; les dépressions superficielles, prises pour des entéropores (ou des blastopores), ne sont en réalité rien de tel, car leurs connexions et leur fin diffèrent entièrement de celles des 126 LOUIS ROULE. entéropores vrais. — En s’en tenant à la comparaison des phénomènes, et l’on ne peut faire davantage, les planules des Arthropodes ne sont point semblables, en ce qui con- cerne la genèse de leurs feuillets, à celles des animaux dont la gastrulation est la base essentielle du développement. Partant, et cette conclusion s'impose, aucun fait n'autorise à croire que la gastrulation soit aussi la base essentielle du développement des Arthropodes, en s’y trouvant masquée par des altérations trop grandes, dues à la présence du vitel- lus nutrilif. D. Cellules vitellines. — Les auteurs désignent par ce nom, d’une manière générale, les éléments figurés, épars dans le vitellus nutritif. Seulement, la plupart d’entre eux n'accordent pas une telle expression à tous ces derniers ; ils choisissent, soit dans le temps, soit dans l’espace. Les uns appellent ainsi, tantôt les premières cellules du protendo- derme, tantôt les cellules de la région dorsale et des parties latérales du mésoderme. Les autres ne nomment de cette façon que les plus gros parmi ces éléments, el reconnaissent que les petits font partie des assises blastodermiques. Il ré- sulle de ces divergences une grande diversité d'opinions, autant sous le rapport de l'origine de ces cellules vitellines, que sous celui de leur fin. Pourtant, il existe, dans la majo- rilé de ces appréciations, une idée commune, qui est l’auto- nomie des cellules vitellines, c’est-à-dire leur indépendance vis-à-vis des vrais feuillets embryonnaires. Présentée ainsi, cette interprétalion est inexacte. En ras- semblant toutes les observations faites par les auteurs, sans suivre ces derniers dans leurs assertions trop systématiques, à cause souvent de la nature incomplète de leurs études, on en vient au résultat fourni par mes recherches : les cellules vilellines ne sont autres que les éléments des feuillets blasto- dermiques dont la structure est celle d’un mésenchyme, c'est-à-dire du protendoderme d'abord, et du mésoderme ensuile. Leur aspect particulier est dû à leur absence de DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 194 cohésion, puisqu'elles sont éparses dans le deutolécithe, et à leur possession fréquente d’expansions pseudopodiques. Leur diversité de taille est un effet de leur croissance ; les jeunes sont forcément plus petites que les autres, prêtes à se segmenter. Leur répartition variable découle de plusieurs causes : d’abord, la structure mésenchymateuse de leur en- semble, dont les limites sont, par suile, indéterminées; de plus, leur abondance dans la région ventrale du corps, à cause de la production prochaine des cordons mésoder- miques destinés aux appendices. Il convient d'ajouter à ces dernières une autre cause, bien qu'elle soit d’une nature dif- férente : la méthode employée pour fixer les embryons et préparer les coupes, les petites cellules vitellines passant aisément inaperçues dans le deutolécithe, les grosses étant mieux visibles. En somme, les cellules vitellines des auteurs n'existent pas, en tant qu'éléments indépendants ; et ce nom devrait cesser d’être employé. Elles sont les composantes de cer- tains des feuillets embryonnaires, le protendoderme et le mésoderme ; et elles n’ont aucune valeur propre, si ce n’est celle de l’assise blastodermique à laquelle elles appar- tiennent. Le fait est des plus nets chez les Crustacés. Soit avant toute segmentation, soit après une segmentation totale et préalable, le blastolécithe, possédé par l'œuf de ces animaux, devient superficiel. Il se convertit en cellules, groupées en une assise également superficielle, qui est le blastoderme. Celui-ci produit les deux feuillets primordiaux, par sa proli- fération suivie de son dédoublement ; parmi eux, le proten: doderme répand ses cellules dans le deutolécithe, où elles prennent leur aspect caractéristique. La nature et la signifi- cation des feuillets, leur présence commune aux dépens du blastoderme, sont très appréciables. Il n’en est pas tout à fait de même chez d'autres Arthro- podes, et surtout chez les Insectes. Le blastolécithe, dans l’œuf de ces êtres, commence par être mélangé à tout le 128 LOUIS ROULE. deutolécithe ; il s’en sépare peu à peu, et se convertit à mesure en cellules, sans attendre pour cela d’être devenu superficiel tout entier. C'est sous la forme de cellules distinctes qu'il se porte à la surface de l’ovule, et d’une manière progressive, les unes parvenant plus tôt que les autres à leur disposition finale. En outre, le nombre des éléments ainsi produits est supérieur à celui qui serait suf- fisant pour recouvrir la périphérie de l’œuf ; aussi, les der- niers venus sont-ils obligés de demeurer internes, et de se placer en dedans de ceux qui occupent la surface. Tous, cependant, constituent le blastoderme à un égal degré. Seulement, ce blastoderme ne consiste pas en une assise simple ; il est divisé en deux couches concentriques, un blas- toderme externe, et un blastoderme interne. — Au mo- ment où doit s’opérer la genèse des deux feuillets primor- diaux, elle se trouve accomplie par le fait seul de cette struc- ture du blastoderme : la couche extérieure persiste comme protectoderme, et l’interne comme protendoderme. Il semble donc que celle-ci naît dans la masse du vitellus, et possède une certaine indépendance vis-à-vis de celle-là. Dans la réa- Nité, les deux proviennent également du blastoderme, et sont conformées comme leurs homologues des Crustacés; la différence d’origine, toute d'apparence, est un effet du mode particulier employé dans la segmentation. IV. APPENDICES (figures 7 à 16, et 56 à 63). — Ces appa- reils doivent être examinés, d’abord dans leur disposition générale, ensuile dans leur structure. Ces données seront suivies de considérations sur le système, nommé par les auteurs l'organe dorsal des embryons d’Isopodes. À. Disposition générale des appendices. — Les appendices ne naissent point isolément sur le corps, mais apparaissent par paires. Les deux éléments d'une même paire se mon- rent en même temps, et se trouvent placés, dès le début, dans leur finale situation mutuelle; tous’deux sont égaux, DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 129 symétriques, insérés sur la face ventrale du corps, de part et d'autre de la ligne médiane, et non loin d’elle. — Les diver- ses paires ne se façonnent pas ensemble, mais bien les unes après les autres. Les premières formées sont situées dans la région antérieure du corps, et les dernières dans la région postérieure. Celles-là s’indiquent alors que le blastoderme n'a pas encore recouvert la surface entière de l’ovule; celles-ci ne commencent à devenir appréciables qu'au mo- ment où les feuillets blastodermiques définitifs sont déli- mités. R | La genèse des paires d’appendices procède avec régularité d'avant en arrière. La première à prendre naissance occupe l'extrémité antérieure du corps, et correspond aux pre- mières antennes ; la dernière venue est reléguée à l’extré- mité postérieure du corps, et donne les derniers pléopodes. Entre les deux extrêmes s'établit, avec une complète régu- larité dans le temps comme dans l’espace, la série des autres membres : les appendices de la seconde paire se formant après ceux de la première et un peu en arrière d’eux ; ceux de la troisième agissant de même vis-à-vis de leurs similaires de la seconde; el ainsi de suite jusqu’à la dernière. — La conséquence d’une telle uniformité est la disposition finale des membres, groupés, sur la face ventrale du corps, en deux files régulières, partant de l'extrémité antérieure de l'embryon pour aller jusqu’à l'extrémité pos- térieure, et placés, ou peu s’en faut, à égale distance les uns des autres. Le nombre total des paires est de dix-neuf; lors- que ce chiffre est atteint, aucune genèse supplémentaire ne se manifeste. La régularité, à cet égard, est tout aussi grande dans le temps, que dans l’espace; des intervalles égaux séparant les uns des autres les instants d'apparition. Aucune stase particulière ne s'établit après un certain nombre de ces pro- duclions, après quoi le mouvement génétique viendrait à recommencer. D'une manière plus spéciale, le laps de temps, écoulé entre la date d’apparition de la troisième ANN. SC. NAT. Z00L. XVI, 9 130 LOUIS ROULE. paire et celle de la quatrième, est égal à celui intercalé à la date correspondante de la seconde et à celle de la troi- sième, ou à celle dés autres couples. Rien ne dénote le maintien, soit dans la forme du corps, soit dans la succession des phénomènes, et pendant un certain instant, d’une dispo- sition équivalente, en ce qui concerne le nombre des appen- dices, à l’état de la larve Vauplius. Les phases évolutives se déroulent sans arrêt. Les membres se modifient ensuite, pour revêtir leur structure finale ; ces changements s’accomplissent d’une manière connexe à leur place sur le corps, suivant leur numéro d'ordre en allant d'avant en arrière. La série totale comprenant dix-neuf paires, la 1" de celles-ci donne les deux antennes de la première paire, la 2° les deux antennes de la seconde, la 3° les mandibules, la 4° et La 5° fournissent les quatre mâchoires ou maxilles, la 6° devient la paire des pattes-mâchoires ou des maxillipèdes, les 7°, 8°, 9°, 10°, 11°, 19°, 13° se transforment pour produire les sept paires de pattes thoraciques ou péréiopodes, et les 14°, 15°, 16°, 17°, 18° et 19° agissent de même pour les six paires de pattes abdominales ou pléopodes. Aucun de ces membres ne s’atrophie. Bien que la quantité des anneaux, vraiment délimilés autour du corps de l'adulte et séparés par des sillons inter- annulaires, soil inférieure au chiffre des paires d’appendices, à cause de la coalescence des segments antérieurs pour for- mer une têle, la comparaison des Crustacés supérieurs aux inférieurs permet de considérer chaque paire comme répon- dant, d’une manière virtuelle ou d’une façon réelle, à un anneau. Il suit de là que l’économie du Porcellio, comme celui des autres Édriophthalmes du reste, se compose essen- tiellement de dix-neuf segments, dont les six premiers s'unissent pour donner la tête, les treize autres, qui appar- tiennent soit au thorax, soit à l’abdomen, demeurant dis- tincts. — Cependant, plusieurs auleurs admettent la réalité d’un chiffre plus élevé, égal à vingt, ou à vingt et un. Ces DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 131 naturalistes considèrent comme un segment l'extrême région postérieure, qui est une simple dépendance du sixième anneau abdominal. De plus, ils assimilent à un nouveau segment l’ensemble des zones céphaliques qui portent les yeux. Aucun fait, pourtant, n'autorise à admettre une telle opinion; les organes oculaires naissent à fleur de peau, en dehors de la série régulière des appendices, et après qu’elle s'est établie; ils sont indépendants de cette dernière, et leur valeur morphologique ne peut, en conséquence, être identifiée à celle des membres véritables. Cette absence d'homologie s'étend, par suite, aux régions qui les pos- sèdent. Au moment où les appendices prennent naissance, ils ont l'aspect de petits mamelons coniques, groupés par paires, que séparent les unes des autres des intervalles assez larges. Ces derniers ne sont pas les vrais sillons inter-annulaires: ceux-ci, plus étroits et de contours plus précis, apparais- sent un peu plus tard, el s'étendent, suivant un plan trans- versal, tout autour du corps de l'embryon. Leur nombre est de treize ; l’antérieur s’établil entre la sixième et la septième paire des appendices, de façon à séparer la tête du thorax ; les autres se manifestent entre toutes les paires suivantes, le postérieur se trouvant placé entre la cinquième et la sixième paire des membres abdominaux. B. Structure des appendices. — Les appendices ne sont, en somme, que des saillies locales de la région superficielle de l'organisme, modifiées en vue de certaines fonctions. L’ectoderme et le mésoderme entrent seuls dans leur consti- tution. | À son début, chaque appendice est un petit mamelon conique, inséré sur le corps par une large base, limité par l’ectoderme, et contenant du deutolécithe avec plusieurs cellules mésodermiques. Il grandit, de préférence suivant son axe longitudinal, et, à mesure, se divise en articles au moyen d'étranglements transversaux. Son deutolécithe se 152 LOUIS ROULE. résorbe; l’ectoderme se recouvre d’une cuticule ; les élé- ments mésodermiques augmentent en nombre, et se modi- fient, en continuité avec leurs similaires du tronc, les uns en fibres musculaires, les autres en globules sanguins; l’ap- pendice parvient ainsi à son état final. Ces notions générales sont applicables à tous, sauf quelques particularités en ce qui concerne les antennes. L’ectoderme, placé à la surface des éléments appendicu- laires, commence par ressembler à celui du tronc ; 1l devient, ensuite, quelque peu différent. Tout en consistant en une as- sise épithéliale simple, il augmente la hauteur de ses cellules, et les rend à peu près cylindriques. — Dans la région cépha- lique, l’ectoderme engendre les centres cérébraux; ceux-ci pénètrent dans les jeunes antennes, au point que ces der- nières, à leur début, consistent en expansions de l’ébauche cérébrale, recouvertes par une couche ectodermique. Puis, le cerveau se séparant de l’ectoderme, un isolement sem- blable s'établit dans chaque antenne, à mesure qu’elle s’allonge ; des éléments mésodermiques, venant de la tête, pénètrent dans la fissure de séparation, et s’y organisent en fibres musculaires. La structure de l'antenne s’établit par ce moyen : une assise ectodermique superficielle, entourant un feutrage musculaire, au centre duquel se trouve un volu- mineux nerf antennaire. Celui-ci est la persistance directe, accrue et amplifiée, de l'expansion première envoyée par l’ébauche cérébrale. C. Organe dorsal. — Plusieurs auteurs, à commencer par Bobretzky, ont signalé, à plusieurs reprises, la présence, sur le corps de l'embryon, d’un organe particulier, au rôle énigmatique, qu'ils ont nommé, à cause de sa position, l'organe dorsal. Chez divers Isopodes, et notamment les Por- cellio avec les Oniscus, cet appareil, de venue précoce, con- sisterait en une membrane, parfois percée d’un orifice à son sommet, recouvrant à la manière d’une selle Ia région dor- sale de l’économie. Ailleurs, chez les Ase/lus, il se compo- DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 139 serait d’une paire de mamelons cylindriques, assez longs, placés de part et d'autre de la ligne médiane, dans cette même région dorsale. Ces appareils, quel que soit leur aspect, seraient des annexes embryonnaires stricts, en ce sens qu'ils ne passent pas à l'adulte. Il est à remarquer que les Ase/lus sont vraiment les seuls à posséder de tels appendices ; une erreur d'interprétation, dans l'étude des formes successives présentées par l'embryon, est à invoquer, par contre, en ce qui concerne les premiers genres cités. Huet a, du reste, reconnu le fait depuis plu- sieurs années, car il écrit n'avoir jamais rencontré cel appa- reil, malgré ses recherches, soit chez le Porcellio scaber, soit chez la Philoscia muscorum, soit chez la Ligia oceania. W en est de même pour Jourdain, dont les études ont porté sur les Oniscus et les Porcellio; ce naturaliste, bien qu’il consi- dère comme des enveloppes spéciales les produits du cli- vage de la membrane vitelline, exprime, en somme, l’opi- nion que l'organe dorsal des auteurs n'existe pas comme système autonome et indépendant : l’objet pris pour cet organe est une zone où ne parviennent point les enveloppes précédentes. Les dispositions particulières, et quelque peu variables suivant les individus, prises par la région où le deutolécithe disparaît en dernier lieu, ont causé cette erreur. Le vitellus nutritif occupe un plus grand volume que les appareils pre- nant sa place; l'achèvement de sa résorption s’accomplil vers le milieu de la face dorsale du corps. Ces deux faits réunis conduisent à un même résultat ; la zone, où la résorp- tion se termine, se soulève, au-dessus de l'organisme, en une saillie bombée, plus ou moins forte, qui s’atrophie à son tour, dès l'instant où les derniers vestiges du deutolécithe sont absorbés. Ce mamelon est l'organe dorsal des auteurs ; il se sépare du reste du corps par un étranglement, qui concourt à limiter sa base, et à lui donner une certaine indépendance; mais il n’est point un appareil spécial. Il répond seulement à la dernière, des parties du corps, où se trouve du vitellus 134 LOUIS ROULE. nutritif. Elle était confondue avec ses voisines, au moment où toutes contenaient ensemble de ce dernier, et s’en trouve ‘distincte, par sa plus grande taille relative, lorsqu'elle est seule à en renfermer. De plus, la cavité péri-embryonnaire ne parvient à ce niveau que vers la fin de l’évolution ; aussi, le sommet de cette saillie demeure-t-il, pendant un temps assez long, directement attaché à la membrane vitelline, alors que les autres régions de l’économie sont séparées de cette dernière. k Ces diverses particularités donnent au mamelon dorsal un aspect propre, qui permet de comprendre l'erreur dans laquelle les auteurs sont tombés. Il convient de le recon- naître en surplus, les contractions subies par l'embryon, soit par l’action des réactifs, soit par les manipulations que néces- site son examen, ont souvent pour effet de rendre plus net lé- tranglement basilaire, de le faire descendre sur les côtés du corps, de détacher même l’ectoderme du deutolécithe, et de fournir, en somme, à l'appareil, des contours plus précis que ceux possédés normalement par lui. Mais il n’en est pas moins vrai que celte saillie n’est pas un organe réel, c’est-à- dire un ensemble de tissus possédant une fonction déter- minée; elle correspond à une masse locale de vitellus nutritif, soulevant, à cause de son volume, les téguments placés au-dessus d'elle, et ne différant en rien des autres parties de l'économie embryonnaire, au moment où elles étaient pourvues du même élément vitellin. Les figures 12, 13, 14 et 15, dans la planche Il, donnent à comprendre com- ment s'établit ce bombement dorsal, comment il se circon- scrit davantage à mesure qu'il diminue de dimensions, et comment il finit par disparaître, lorsque les derniers vesliges du deutolécithe sont résorbés. V. CENTRES NERVEUX (figures 29 à 55, et 56 à 62). — Les centres nerveux proviennent de l’ectoderme. Ils dérivent d’une ébauche commune, simple, impaire, médiane, placée sur la face ventrale du corps, élendue suivant l'axe longitu- DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 135 dinal depuis l’extrémité antérieure jusqu’à l'extrémité pos- lérieure. Ce rudiment, d'apparition précoce, prend nais- sance avant même que le blastoderme ait achevé d’envelop- per tout le vitellus ; 1l consiste en un épaississement local de l’ectoderme, qui grandit ensuile par ses propres forces, en augmentant le nombre de ses éléments constitutifs. Il a l'aspect d’un cordon, soudé à l’ectoderme par sa base, et enfoncé dans le vitellus par sa périphérie ; il commence en avant de la région où se creuse, peu après, le stoméon, contourne cetle zone, et continue à occuper le milieu de la face ventrale, jusqu’à l'extrémité postérieure de l'organisme, où 1l cesse à peu de distance du proctéon. Son apparition s'effectue presque en même temps sur toute l'étendue de la place qu'il occupe. L'ébauche nerveuse s’amplifie ensuite, en s’épaississant, et conservant sa nature simple et impaire. Le stoméon se façonne, pendant que ce phénomène s’accomplit, et sa pré- sence a pour effet de diviser en trois parts unies l’ensemble du cordon nerveux. L'une d’elles, courte, placée en avant de la dépression stoméale, ayant même avec les parois (ectoder- miques) de cette dernière des relations étroites de jonction, occupe l'extrémité antérieure de l’économie : elle doit four- nir les ganglions cérébraux. La seconde, divisée en deux bandes par l’orifice stoméal, contourne les bords de cette ouverture, et relie la première partie à la troisième : elle devient, en conservant sa situation, le collier œsophagien. Enfin, la dernière, de beaucoup la plus longue, commence en arrière du stoméon, et va finir non loin du proctéon : elle donne la moelle ventrale de l'adulte, encore nommée la chaîne nerveuse ventrale. Celle-ci subit, dans sa forme, des modifications plus com- plexes que ses voisines. Elle s’épaissit inégalement, de ma- nière à posséder des régions plus larges, et d’autres plus élroites; elle prend l’aspect d’un cordon noueux, dont les nodosités, égales entre elles, sont, en outre, situées à égale distance les unes des autres. Cette disposilion va en 136 LOUIS ROULE. s’accentuant, et finit par lui procurer une structure segmen- taire. Chacune des zones élargies se trouve placée au niveau d’une paire des appendices. La nature métamérique de la moelle ventrale est donc liée à l'existence des appendices, el à leur mode de répartition sur lecorps; chacun des seg- ments médullaires est destiné à devenir un ganglion, chargé d'innerver les membres correspondants. Uue relation de cause à eflet paraît exister en cette occurrence : la nature segmentaire de la moelle est un résultat de la présence et du groupement régulier des appendices. — Une telle struc- ture est surtout accentuée dans la moitié antérieure de ce centre nerveux, dans celle qui appartiendra au thorax. Elle est moins prononcée dans la moitié postérieure, qui doit revenir à l’abdomen, et y disparaît même par la suite; cette moitié postérieure est, du reste, frappée, en ce qui concerne les Isopodes terrestres, dont le pléon est petit, d’une sorte de déchéance, qui la fail devenir une simple annexe du gan- glion thoracique postérieur. Les centres nerveux s’épaississent pendant que ces chan- gements s’accomplissent en eux. Leur élargissement s’eflec- tue surtout par leurs côtés, qui arrivent à être plus volumi- neux que la zone médiane. Celle-ci est une bande étroite, ca- pable même de disparaître par places, en ce qui concerne les régions inler-ganglionnaires de la moelle, et chargée d’unir entre eux les deux côtés. Comme cette disposition va en s’accentuant, ceux-ci ne tardent pas à prendre la prédomi- nance, et à devenir les parties importantes du système ner- veux; l’ébauche impaire et simple, primitive, s’est donc convertie en un appareil double, entièrement orienté suivant la symétrie bilatérale qui régit l'organisme. Pour produire les premiers rudiments de l’ébauche ner- veuse, la zone ectodermique, désignée à cet effet, augmente le nombre de ses cellules, et les dispose sur deux ou trois rangs. Puis, ses éléments se multiplient par eux-mêmes, d’une manière indépendante de l’ectoderme, qui se borne à les recouvrir du côté de l'extérieur ; ils sont, à leur début, DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 194 assez volumineux et distincts, ensuite se confondent les uns avec les autres, et composent un syncytium plurimucléé. La suite de cette évolution consiste en l’épaississement pro- agressif de cette masse syncytiale, et en la multiplication de ses noyaux. Les éléments primordiaux, issus de l’ectoderme, paraissent, de ce fait et pendant un temps, avoir une cerlaine autonomie; aussi, ont-ils recu, de plusieurs auteurs, des noms particuliers : 1ls correspondent aux cellules ganglho- gènes de Viallanes, aux neuwroblastes de Weehler. Ces appel- lations ne sont, pourtant, point nécessaires. Ces cellules sont destinées à engendrer les ébauches nerveuses, et cons- tituent les premiers vestiges de ces dernières. Leur taille est un effet de leur provenance immédiate de l’ectoderme, dont les éléments sont assez gros; et leur délimitation un résul- tat de la venue tardive de la coalescence en un syncytium. Elles sont seulement les premières cellules nerveuses, encore privées de tout rôle fonctionnel, et n'ayant que le caractère embryonnaire de multiplication. Pendant une assez longue durée de leur évolution, les noyaux sont également répartis dans lesyncytium, constitué lui-même par un protoplasme finement granuleux. Au mo- ment de la croissance prédominante des côtés, les noyaux, tout en devenant plus nombreux, se portent vers la péri- phérie de l’ébauche, dont le milieu se convertit en subs- tance fibrillaire. Cette dernière finit par se trouver assez volumineuse dans les régions latérales du cerveau et de la moelle, et par constituer, d’une manière à peu près exclu- sive, soit l’anneau œsophagien, soit les connectifs médul- laires. Les noyaux appartiennent, presque en propre, aux ganglions cérébraux et à ceux de la moelle. À mesure que ces changements s’accomplissent, les centres nerveux se séparent de l’ectoderme, et s’isolent de lui, en diminuant de plus en plus leurs communes zones de jonction. [ls se rendent autonomes, composent un système indépendant, et parviennent ainsi à leur état final. | 138 LOUIS ROULE. VI. Tuse niGesrir. (fig. 35 à 55, et 60 à 64). — Cet appa: reil est, chez l'adulte, d’une seule continuité. Il consiste en un canal, étendu de la bouche à l’anus, muni, vers le pre- mier tiers de son trajet, de deux paires de lobes entériques (tubes hépatiques des auteurs). Malgré cette simplicité finale, il dérive de trois ébauches, d’abord séparées et indépen- dantes les unes des autres, ensuite unies et confondues en un même organe. Deux de ces ébauches donnent le canal; la troisième fournit les lobes. Celle-ci n’est autre que l’enté- ron, dont la paroi est l’endoderme. Les deux premières cor- respondent au stoméon et au proctéon; elles équivalent à des dépressions tégumentaires, dont la paroi est constituée par l’ectoderme, qui s’enfoncent dans le corps jusqu’à se souder en un canal continu. Malgré leurs différences de posi- tion dans l’espace, ces deux invaginations ont même origine essentielle, et s'équivalent; par contre, l’ébauche entérique, de provenance endodermique, est d’une autre nature. — Un tel développement de l'appareil digestif existe chez tous les Arthropodes, et leur est propre. Leur originalité en ce sens est encore accrue par ce fait que l’entéron engendre une part restreinte du système entier : les lobes entériques chez les Crustacés, l'intestin moyen chez les Insectes. En ce qui concerne plus particulièrement le Porcelho, le stoméon offre, à son début, l'aspect d’une dépression ecto- dermique, large et courte, qui s’enfonce d'avant en arrière dans l’économie ; sa paroi consiste, comme l’ectoderme dont il découle, en une seule assise cellulaire. Il pénètre dans le corps, mais n’en dépasse point le tiers antérieur; ce faisant, il se différencie en deux parts, dont l’une, ouverte en dehors, est tubuleuse, et dont l’autre se renfle en une poche. L'orifice extérieur devient la bouche, et le conduit tubuleux l’æœsophage ; la portion renflée constitue l'estomac, et s’unit, à la fois, à l'extrémité antérieure du proctéon et à celle de l’entéron. L'estomac est donc une dépendance du stoméon, et appartient à l’intestin antérieur ; contrairement à celui des Insectes, souvent nommé le ventricule chyli- DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 139 fique, qui dérive de l’entéron. La paroi de celui-ci est d’ori- sine endodermique, et celle du premier de provenance ectodermique ; en conséquence, ces deux organes, malgré la ressemblance de leurs dispositions, ne sont point homo- logues. — Les modifications histogénétiques, subies par les tissus du stoméon, sont peu complexes ; elles se bornent à un épaississement des assises épithéliales. Les cellules, qui les composent, deviennent cubiques d’abord, et cylindriques ensuite. Elles se rangent sur plusieurs couches dans la paroi œsophagienne, et constituent un épithélium stratifié; par contre, leur plaque demeure simple, sauf en quelques régions surélevées en saillies, dans la majeure partie de la paroi stomacale. — En résumé, le stoméon de l'embryon fournit l'intestin antérieur de l'adulte, scindé en deux régions : un œsophage et un estomac. . Le proctéon embryonnaire donne, à lui seul, tout L'ile tin postérieur de l’économie définitive, et produil ainsi la portion la plus étendue du système digestif. Il n'a, pour ce faire, qu'à s’allonger dans le corps en conservant sa forme tubulaire, et qu'à parvenir au niveau de l’estomac, où il se joint, en même temps, à ce dernier et à l’entéron. Son aspect de canal cylindrique, au calibre égal sur toute son étendue, lui est acquis dès son début; son unique change- ment consiste en son extension croissante, qui l’enfonce d’arrière en avant dans l'organisme, et l’amène au contact de l’estomac, après lui avoir fait parcourir, en moyenne, les deux tiers de la longueur du corps. Aucune autre modifica- tion, ni différenciation, ne s établissent en lui-même. Son orifice postérieur devient l’anus de l'adulte. — Les cellules de sa paroi, de provenance ectodermique, se disposent en une assise épithéliale simple, sont cylindriques, et se main- tiennent ainsi, dès les premières phases de l'apparition du proctéon. 34 Les lobes entériques (tubes hépatiques des auteurs) pro- viennent de l'entéron. Celui-ci, au moment où ses deux par- ties constitutives, d’abord séparées, se joignent et s’accolent, 140 LOUIS ROULE. consiste en une vésicule close, emplie par du deutolécithe. Son extrémité antérieure demeure indivise; elle s’avance vers la zone d'union du stoméon et du proctéon, et se soude à elle de façon à communiquer avec ceux-ci. Les autres régions entériques se divisent, en deux parts d'abord, et en quatre par la suite, au moyen d’étranglements de plus en plus profonds, qui se manifestent en premier lieu dans l'extrémité postérieure de l’organe. Le deutolécithe interne disparaît par résorption, laissant à sa place un espace vide; et ces quatre parties s’allongent, comme le corps entier, de manière à prendre un aspect tubuleux. L’organe atteint ainsi sa forme finale : celle de quatre tubes, qui s'unissent deux par deux, pour se jeter dans le canal digestif, dont ils sont seulement des annexes. Ces derniers ne proviennent point du canal lui-même, au moyen de diverticules de sa cavité, ou d’épaississements de sa paroi; ils lui sont étran- gers d’abord, et ne se joignent à lui que par la suite. — Cette absence de connexions premières est encore rendue plus nette par la différence d'origine des éléments qui consti- tuent la paroi des lobes. Ces cellules composent l’endoderme par leur ensemble. Elles sont cubiques, ou faiblement cylin- driques, et disposées sur une seule couche. Elles émettent des expansions pseudopodiques, tant que l’espace limité par elles est occupé par du vitellus nutritif; elles agissent, vis-à- vis de lui, à la facon de phagocytes. Ces prolongements dis- paraissent avec leur cause efficiente, au moment où le deu- tolécithe se trouve résorbé. VII. Muscurarure (figures 60 à 68). — La musculature provient en entier du mésoderme embryonnaire. Sauf en ce qui concerne les dimensions inégales des faisceaux qui la composent, et la répartition régulière de ceux destinés à mouvoir les appendices, elle conserve, dans son ensemble, la disposilion mésenchymateuse de son ébauche. Parmi les éléments de cetle dernière, et sauf ceux consacrés à fournir les globules de l'appareil irrigateur, la plupart des DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 141 autres se convertissent en fibres musculaires: peu donnent du tissu conjonctif, assez rare dans le corps du Porcelho, comme, du reste, dans celui de tous les Arthropodes, où il constitue surtout le derme des téguments. L'ensemble de cette musculature peut être ramené à un tissu conjonctivo- musculaire, où la part conjonctive est minime, et dans le- quel le plus grand nombre des fibres se rassemblent en faisceaux délimités. Les modifications sont du même ordre pour toutes les cellules qui se transforment en fibres musculaires; elles commencent dès la résorplion achevée du deutolécithe envi- ronnant. Chacun des éléments rétracte les expansions pseudopodi- ques, qui lui servaient pour la phagocytose vitelline; il de- vient ovalaire. Son protoplasme, finement granuleux, con- tient un seul noyau. Puis, cet état atteint, il produit de la substance contractile, du sarcoplasme, qu'il dépose au- tour de lui, et dont il s’environne. Le dépôt est continu, et non point localisé en une région spéciale de la cellule mise en cause; mais il est plus épais sur les deux bouts de l’ovale. — La genèse continuant à s'effectuer suivant la même direc- tion, l'élément grandit, en s’amplifiant surtout dans le sens de son axe longitudinal, et change son allure; d’ovalaire, il devient fusiforme d’abord, cylindrique ensuite, et pointu vers ses deux extrémités. Il se compose, en majeure part, d’un sarcoplasme homogène, contenant, en son milieu, la cellule initiale, c’est-à-dire le noyau enveloppé du proto- plasme granuleux. Îl a perdu sa nature première, simple, et s'est converti en un corps complexe, où la portion contrac- tile accroît, sans cesser, son volume. Au moment où la jeune fibre est, en moyenne, trois ou quatre fois plus grosse qu’à son début, son noyau se divise en deux. Chacune des moitiés s’entoure d’une portion du protoplasme adjacent; et toutes deux, ainsi munies, s’écar- tent l’une de l’autre, par le dépôt entre elles de nouveau sarcoplasme. L'élément contient deux noyaux, passe à l’état 142 LOUIS ROULE. plurinucléé, et s’amplifie, par la production constante de substance contractile supplémentaire; il s’allonge davantage, et augmente à mesure le nombre de ses noyaux, par la divi- sion réitérée de ceux qu’il possède. En même temps, le sar- coplasme perd son aspect homogène, et se différencie tout d’abord en fines fibrilles juxtaposées, parallèles à l’axe longitudinal de la fibre; puis, chacune de ces dernières se divise en disques superposés. L'élément prend ainsi sa struc- ture striée caractéristique, et arrive à sa structure finale. Dès l'instant où une telle différenciation est acquise, les nouvelles portions contractiles se déposent à l’état fibrillaire et strié, ou se modifient rapidement pour y parvenir, sans demeurer homogènes au préalable. Chacune des cellules primordiales s’est convertie, par ce procédé, en une fibre musculaire complexe. Deux évolu- tions connexes aboutissent à cette fin : d'abord, le dépôt du sarcoplasme, engendré par le protoplasme granuleux, et disposé autour lui; ensuite, la multiplication de l’élément initial, qui prolifère, tout en demeurant enveloppé par sa gangue sarcoplasmique, et se résout en un certain nombre de masses protoplasmiques nucléées. Ces deux développe- ments montrent bien que la fibre musculaire n’est point un élément simple, au même titre que la cellule épithéliale ou que la cellule conjonctive, mais un corps compliqué, et formé, dans le cas des Arthropodes, d'une première base conjonc- tive, capable de multiplication, à laquelle s'ajoute une gaîne de sarcoplasme; celle-ci prenant la prédominance, à cause des nécessités fonctionnelles. VIII. APPAREIL IRRIGATEUR (figures 41 à 67). — Cet appa- reil constitue, à lui seul, tout le cœlome de l'organisme; il répond à un polycælome. Ses cavités ne sont autres que les espaces, plus ou moins réguliers, creusés dans la trame conjonctivo-musculaire du mésoderme; son liquide cireu- lant se compose d’un plasma tenant en suspension des élé- ments figurés. DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 143 L'origine du cœur est un peu différente de celle des autres parties du système. L’ébauche de cet organe, d'apparition assez tardive, consiste en un amas, un cordon allongé, de cellules mésodermiques placées sur le proctéon; elle prend naissance au moment où disparaît le deutolécithe situé dans cette région. Ces éléments se groupent, rétractent leurs ex- pansions pseudopodiques, et se multiplient de façon à aug- menter en nombre. Lorsque leur masse atteint une certaine taille, une cavité se creuse dans son intérieur, pour grandir avec rapidité; cette extension est telle, que les cellules de l’ébauche finissent par se trouver réparties sur une seule couche, disposée autour de l’espace central, et lui formant sa paroi. — Le rudiment du cœur est alors constitué. Simple et impair dès son commencement, il ne lui reste qu’à amplifier sa cavité, pour parvenir à son état défimtif. Les cellules en- veloppantes grandissent en s'élargissant, afin de suivre cet accroissement ; leurs nouvelles portions supplémentaires sont faites d’une substance contractile, d’un sarcoplasme sembla- ble à celui des fibres musculaires, et possédant les mêmes caractères. Si l’on s’en tenait, dans cette étude, à l’examen de coupes transversales pratiquées sur l'embryon, les constatations seraient telles qu’elles viennent d’être exposées; elles ten- _draient à faire admettre que le cœur est un organe indépen- dant, dès l’abord, du reste de l'appareil irrigateur, et destiné à se raccorder avec lui d’une facon tardive. Les coupes longitudinales, et les recherches par transparence, montrent qu'il n’en est pas ainsi. La première ébauche du cœur, sous l’état de cordon massif, se rattache par ses deux bouts à d’autres groupes de cellules mésodermiques, chargés de façonner les principaux vaisseaux par le percement de cavités dans leur intérieur ; elle fait partie de leur système, et se trouve en continuité avec eux. Celte liaison se main- lient lorsque les vides se creusent, tout aussi bien dans le cœur que dans les amas cellulaires avoisinants. Le cœur n’est point un organe isolé ; dès son commencement, il se 144 LOUIS ROULE. trouve compris dans l'appareil irrigateur ; ses caractères par- ticuliers sont dus, et à l’amplitude de sa cavité propre, et à la nature contractile des éléments de sa paroi. IX. — QUALITÉ DU DÉVELOPPEMENT CONSIDÉRÉ EN LUI- MÈME. — Le développement du Porcellio est condensé. Cette qualité, due à la présence d’un abondant vitellus nutritif, entraîne des déplacements de deux sortes, les uns dans le temps, et les autres dans l’espace. Les premiers vont jus- qu'à des omissions. Le principal, des déplacements dans le temps, touche au tube digestif; ce dernier n’est complet, et capable d'activité fonctionnelle, qu’au moment où l’évolution totale s'achève, et où tous les organes se terminent. L'union de ses {rois parties s’accomplit bien après l'instant où les pattes sont toutes présentes, où les centres nerveux sont délimités, où la plupart des appareils de relalion sont formés. — Un dé- placement, allant jusqu’à l’omission, est fourni par la segmentation ovulaire. Le blastolécithe et le deutolécithe se trouvant séparés l’un de l’autre, la phase de la segmentation totale, possédée par plusieurs Isopodes, les Ase/lus par exemple, fait défaut, et manque entièrement. Les déplacements dans l’espace sont moins accusés, tout en étant assez nets. L’anus, au lieu de se percer en sa place exactement terminale, commence par être quelque peu dor- sal; de même, les appendices postérieurs sont, à leur début, plutôt terminaux que ventraux. La présence du deutolécithe détermine, de son côté, des modifications de forme relative- ment considérables, puisque l'embryon, à mesure qu'il avance en son évolution, diminue de taille dans le sens trans- versal. QX DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 14 RÉSUMÉ. L'étude, qui fait l’objet du présent mémoire, est consacrée au développement total du Porce/!o scaber Leach : elle est divisée en deux parties, dont la première (pages 26 à 77) traite de la série des phases évolutives, en insistant sur les modifications d'ensemble, et dont la seconde (pages 78 à 144) contient les données plus spéciales, relatives à l’histogenèse et aux changements intimes des tissus. Elle sera suivie d’un second mémoire, exposant les particularités de la segmenta- tion ovulaire et de la genèse des feuillets chez l’Ase/lus aqua- ticus L. Celui-ci terminera la première partie, employée à l'examen des Édriophthalmes, de mes recherches sur le déve- loppement des Crustacés. Ces deux études, par leur compa- raison, permettront d'établir des notions préliminaires, capables d'expliquer certains caractères offerts, dans leur évo- lution, par les autres représentants du groupe, et par les Arthropodes des sections voisines. Les faits généraux, qui découlent des observations sur le développement des Arthropodes, sont exprimés dans les pages (1 à 14) servant d'introduction à ce mémoire. Les phénomènes, plus spéciaux au Porcelho, se ramènent aux données suivantes. Ï. — SÉRIE DES PHASsES (pages 26 à 77). — Cette série est continue dans le temps; elle s’accomplit sans aucune stase. Cependant, il est nécessaire, pour la commodité des études, d'y introduire plusieurs coupures, sous la forme de trois phases principales, elles-mêmes subdivisées en divers états. — La première phase (lettre À dans les figures ; pages 27 à 38 du texte; résumée page 37) comprend tous les états établis, depuis la fécondation, jusqu’au façon- nement du blastoderme et de ses feuillets primordiaux. — La deuxième phase (lettre B dans les figures ; pages 38 à 52 du texte ; résumée page 51) contient les élats relatifs à la ANN. SC. NAT. ZOOL. XvII, 10 146 LOUIS ROULE. genèse des feuillets définitifs. — Durant la troisième phase (lettre C dans les figures; pages 52 à 77 du texte ; résumée page 77), les organes s’ébauchent, et se complètent, aux dépens de ces feuillets embryonnaires définitifs. IT. — DÉVELOPPEMENT DES ORGANES (pages 78 à 144). — L'ovule fécondé diminue de volume à mesure qu'il se convertit en un embryon. Ilest entouré par une membrane vitelline, contre laquelle il s'applique d’abord, et dont il se sépare pendant qu'il évolue. L'espace péri-embryonnaire, ainsi laissé entre cette membrane et l'organisme, se rem- plit d’un liquide, issu du deutolécithe pour la majeure part ; cette sérosité joue le rôle d’un coussinet protecteur, facile à remplacer (pages 78 à 87). L’ovule est télolécithe ; sa substance se compose d’un volu- mineux amas de deutolécithe, et de plusieurs îlots superfi- ciels de blastolécithe, dont le principal est la cicatricule ; ces deux éléments de l’œuf ont même structure fondamen- tale, et ne diffèrent l’un de l’autre que par la présence ou l'absence des granules vitellins. Le blastolécithe donne seul les cellules du corps de l'embryon ; la cicatricule s’accroil, à cet effet, en augmentant sa surface, se convertissant en cel- lules, et divisant son noyau pour en fournir les parcelles à ces dernières ; l’amplification en surface s’accomplit par l'annexion progressive du blastolécithe superficiel. Le deuto- lécithe sert d’aliment, et ne produit aucun élément figuré ; il compose une vésicule vitelline interne. Celle-ci est résorbée par phagocytose, la plupart des cellules issues du blastolé- cithe agissant comme phagocytes vis-à-vis d'elle ; ces phago- cytes sont les cellules du protendoderme, munies d’expan- sions amœæboïdes, et se multipliant à mesure qu'elles détruisent le deutolécithe pour s’en nourrir (pages 87 à 104). La segmentation est partielle, car le deutolécithe ne se scinde point; la cicatricule, par son extension, enveloppe ce dermer d’une couche cellulaire continue, qui est le blasto- DÉVELOPPEMENT DES CRUSTACÉS. 147 derme. Tout en augmentant sa surface, celui-ci se divise en une couche épithéliale extérieure, et un amas interne de cel- lules éparses dans le deutolécithe; la première est le protec- toderme, le second le protendoderme ; tous deux corres- pondent aux feuillets primordiaux issus du blastoderme. Les feuillets définitifs s’établissent ensuite aux dépens des pri- mordiaux ; le protectoderme demeure comme ectoderme; le protendoderme se subdivise en une part mésenchymateuse, qui est le mésoderme, et une part épithéliale, composée de deux ébauches destinées à s'unir, qui est l’endoderme. A cause de leur origine et de leur nature particulières, les feuillets des Arthropodes ne sont point les homologues de leurs correspondants des autres Cœlomates. L'état mésen- chymateux, spécial aux éléments du protendoderme, leur vaut souvent, de la part des auteurs, le nom de cellules vitellines ; ce terme devrait cesser d’être employé, car il sert à désigner des éléments qualifiés d’une façon suffisante par leurs caractères essentiels (pages 104 à 128). Les appendices naissent par paires ; leur genèse procède régulièrement d'avant en arrière ; leurs modifications finales s’accomplissent suivant leur position sur le corps. Chacun d'eux correspond à une saillie locale des téguments, com- posée d’une couche ectodermique extérieure et d’un amas mésodermique central. Le soi-disant organe dorsal, décrit par plusieurs auteurs, n’est en réalité qu'un mamelon dorsal, temporaire, produit par le deutolécithe non encore résorbé (pages 128 à 134). Les centres nerveux proviennent de l’ectoderme; leur ébauche est continue, simple, et impaire ; elle se différencie, par la suile, en cerveau, collier œsophagien, et moelle ven- irale, tout en s’accroissant par ses côtés et devenant double par places (pages 134 à 137). Le tube digestif est fourni par l'union de trois parties, d’abord indépendantes les unes des autres. Deux d’entre elles, le stoméon et Le proctéon, issues d’involutions ectoder- miques, donnent le canal digestif lui-même ; la troisième, 148 LOUIS ROULE. l'entéron, produite par la soudure des deux ébauches endo- dermiques, engendre les lobes entériques (tubes hépatiques des auteurs), annexes de l'appareil digestif (pages 138 à 140). La musculature dérive du mésoderme ; après la résorp- tion du deutolécithe, la plupart des éléments de ce feuillet se convertissent, soit, pour le plus petit nombre, en cellules conjonclives, soit en fibres musculaires par la production, autour de chacun d’eux, d’une gaine de sarcoplasme (pages 140 à 142). L'appareil irrigateur, organisé en un polycælome, dépend également du mésoderme; ses cavités correspondent aux espaces, plus ou moins régularisés, creusés dans la trame conjonctivo-musculaire précédente ; ses globules proviennent des éléments mésodermiques, non employés dans le façonne- ment de cette trame; le cœur est engendré par une ébauche simple et médiane, dont les cellules se convertissent en fibres musculaires aplaties (pages 142 à 144). Le développement du Porcellio, étant condensé, comporle des déplacements et des omissions (page 144). LISTE DES AUTEURS CITÉS DANS CE MÉMOIRE BENEDEN (Ed. van). — Bulletin de l’Académie royale de Belgique, 1869. BoBreTzxy. — Zeitschrift für Wissenschaftliche Zoologie, 1874. Bonnier (Voir Giard). Brooks. — Philosophical Transactions, 1883. BüLzzar. — Philosophical Transactions, 1878, II. Doxrn. — Zeitschrift für Wissenschaftliche Zoologie, 1867. Duvaz(MarTaras). — Atlas d’'embryologie.Paris; Masson,1889.— Le placenta des Rongeurs. Paris ; Alcan, 1892, et Journal de l’Anatomie et de la Physiologie. GiaRD ET BONNIER. — Contributions à l'étude des Bopyriens. Travaux de l'Institut zoologique de Lille, et du Laboratoire de zoologie marine de Wimereux; tome V. Lille, 1887. GROBBEN. — Arbeiten aus der Zoological Institut zu Wienn, 1879 et 1881. HERTwWIG (R. et O.). — Die Cœlom-Theorie. Iena, 1881. HERTwWIG (0.). — Traité d’embryologie de l'Homme et des Vertébrés. Traduction française; Paris, Reinwald, 1891. Huet. — Journal de l’Anatomie et de la Physiologie, 1883. JourpaIN. — Comptes rendus de l’Académie des sciences, 1892. KowaLevskxy. — Biologische Centralblatt, 1886. — Zeitschrift für Wissen- schaîftliche Zoologie, 1887. LEREBOULLET. — Mémoires de la Société du Muséum d'histoire naturelle de Strasbourg, 1850 (In Huet). NüssBaum(J.). —Zoologischer Anzeiger, 1886 ; Biologisches Centralblatt, 1891. RATAKE. — Abhandlungen zur Bildungs und Entwicklungsgeschichte des Menschen und der Thieren. Leipzig, 1833, 2° partie. REICHENBACH. — Abhandlungen. Naturhist. Gesellschaft im Frankfurt, 1886. REINHARD. — Travaux de la Société des Naturalistes de Karkoff, 1887. — Zoologischer Anzeiger, 1887. Roue (L.). — Annales des Sciences naturelles ; Zoologie, 14889. — Comptes rendus de l’Académie des sciences, 1889, 1890 et 1891. — L’embryologie générale. Paris; Reinwald, 1893. — L'embryologie comparée. Paris; Reinwald, 1894. Tixomimorr. — Laboratoire d’études de la soie; rapport de la Chambre de commerce de Lyon. Lyon, 1892. VIALLANES. — Annales des Sciences naturelles; Zoologie; 1893. WHgeLEr. — Journal of Morphology, 1891. EXPLICATION DES PLANCHES PLANCHE I Genèse et extension du blastoderme à la surface de l'œuf. Fig. 4 (phase A!, page 28). — OEuf après la fécondation, composé d’une masse de deutolécithe, sur laquelle reposent des ilots de blastolécithe ; l’un de ces derniers est la cicatricule. — Dans cette figure, comme dans les suivantes, le deutolécithe est en gris, et le blastolécithe en noir, avec le blastoderme qu'il engendre. — Les dimensions réelles du grand diamètre de l’œuf varient entre deux quarts (1/2) et trois quarts de millimètre. Fig. 2 (phase A?, page 31). — La cicatricule commence à se segmenter en cellules, et à s'étendre. Fig. 3 (phase A5, page 32). — La cicatricule continue son double mouve- ment de résolution cellulaire et d'extension en surface ; elle s’annexe, à mesure, les îlots superficiels du blastolécithe. Fig. 4 (phase At, page 33). — L'évolution précédente s’accentue dans le même sens. ; Fig. 5 (phase A, page 33). — La cicatricule passe à l’état d’un blastoderme bien caractérisé, qui enveloppe déjà les deux tiers de l'œuf. Fig. 6 (phase Af, page 34). — Le blastoderme, issu de la cicatricule, augmente le nombre de ses éléments, qui diminuent en taille d’une manière connexe, et recouvre un plus vaste espace de la périphérie ovulaire. | Fig. 7 (phase A7, page 35). — Le blastoderme entoure la majeure part de l’ovule; ses cellules se dépriment, et deviennent moins distinctes à l'extérieur. Fig. 8 (phase A8, page 36). — Le blastoderme environne le deutolécithe à peu près entier, sauf une étroite zone dorsale et postérieure, qui ne lardera pas à se fermer également. Les premiers appendices prennent naissance. PLANCHE II Façonnement extérieur de l'organisme embryonnaire. Les dessins sont représentés en silhouettes, afin de leur donner la plus grande netteté possible. Les traits blancs pointillés indiquent le tracé de divers organes internes, notamment des trois parties du tube digestif. Les traits blancs pleins expriment les contours et les limites des appareils EXPLICATION DES PLANCHES. 151 superficiels. Les dimensions réelles de l’axe longitudinal de l'embryon varient entre deux quarts (1/2) et trois quarts de millimètre. Fig. 9 (phase B!, page 39). — Le blastoderme est complet autour du deu- tolécithe ; le nombre des appendices augmente. l'ig. 10 (phase B?, page 41). — Les premières ébauches de l’entéron et du proctéon commencent à se montrer. Fig. 11 (phase B*, page 42). — Ces ébauches grandissent, et accentuent leurs contours. L Fig. 12 (phase B*. page 46). — Les paires d'appendices ont toutes pris naissance; le procteon s’allonge vers l’intérieur de l'embryon. Fig. 13 (phase Bÿ, page 49). — Le stoméon, déjà ébauché précédemment, s’amplifie; l’entéron et le proctéon agissent de même. Les membres commencent à revêtir leur structure finale. L’embryon diminue de volume, à la suite de la résorption de son deutolécithe, et laisse, entre lui et la membrane vitelline, un espace péri-embrvonnaire. Fig. 14 (phase C!, page 55). — Les trois parties du tube digestif arrivent à se meltre en contact. Le corps de l'embryon présente déjà un début d'annulation, et une assez grande prédominance de son axe longitudinal. Fig. 15 (phase C?, page 61). — L’annulation et la prédominance de l'axe longitudinal continuent à s'effectuer ; un léger bombement dorsal, encore empli de deutolécithe, qui correspond à l'organe dorsal des auteurs, est le dernier vestige de l’ancienne structure. Les appendices sont presque achevés ; les trois parties du tube digestif sont prêtes à s'unir; le cœur commence à se façonner. Fig. 146 (phase C*, page 68). — L'économie est à peu près terminée; la membrane vitelline se brise, et le jeune éclôt. PLANCHE III Genèse du blastoderme et des feuillets blastodermiques primordiaux. Les figures représentent des coupes des embryons dont les contours exté- rieurs sont donnés par les dessins 1, 2, 3, 4, de la planche I; les quatre figures de gauche et la supérieure de droite expriment des coupes lon- gitudinales, verticales, et médianes; les trois inférieures de droite des coupes transversales et médianes, passant d’après un plan indiqué par une ligne au trait sur la figure 17. Le deutolécithe est en gris clair; le blastolécithe et ses dérivés sont en gris foncé. Ces dessins sont quelque peu diagrammatiques, comme ceux des planches suivantes, en ce sens que les cellules, afin de les rendre plus évidentes, ont été faites légère- ment plus grandes que nature, eu égard à la taille de l’ovule. Ces figures sont uniformément dessinées au grossissement moyen de 80/1 Fig. 17 (phase At, page 28; contours extérieurs dans la figure 1). — Coupe longitudinale et verticale d’un ovule avant toute segmentation. Fig. 148 (phase A!, page 28; contours extérieurs dans la figure 1). — Coupe médiane, longitudinale et verticale, d’un ovule au début de sa segmen- tation. Fig. 19 (phase A?, page 31; contours extérieurs dans la figure 2). — Coupe médiane, longitudinale et verticale, au moment où la cicatricule de blas- tolécithe commence à se segmenter et à s’amplifier. Fig. 20 (mêmes références que pour la figure 19). — Coupe médiane et transversale d’un embryon au même état ; plusieurs des vacuoles, que les 152 LOUIS ROULE. réactifs creusent dans le deutolécithe par la dissolution des matières grasses, sont représentées dans cette figure. Fig. 21 (phase A, page 32; contours extérieurs dans la figure 3). — Coupe médiane, longitudinale et verticale, d’un embryon dont la cicatricule en- veloppe la moitié antérieure de l'œuf. Fig. 22 (mêmes références que pour la figure 21). — Coupe médiane et transversale d’un embryon au même état. Fig. 23 (phase A#, page 33; contours extérieurs dans la figure 4). — Coupe médiane, longitudinale et verticale, d’un embryon dont la cicatricule recouvre à peu près Les deux tiers de l'œuf. Le blastolécithe de cette cicatricule compose un blastoderme, qui se subdivise déjà en ses deux feuillets primordiaux. | Fig. 24 (mêmes références que pour la figure 23). — Coupe médiane el transversale d’un embryon au même état. PLANCHE IV Achèvement des feuillets blastodermiques primordiaux. Les figures représentent les coupes des embryons dont les contours exté- rieurs sont donnés par les dessins 5, 6, 7, 8, de la planche I; les quatre figures de gauche expriment des coupes longitudinales, verticales et médianes ; les quatre de droite des coupes transversales et médianes, passant d’après le plan indiqué par une ligne au trait sur la figure 25. Le deutolécithe est en gris clair; les éléments cellulaires sont en gris foncé. Le grossissement est de 80/1. Fig. 25 (phase A5, page 33; contours extérieurs dans la figure 5). — Coupe médiane, longitudinale et verticale, d’un embryon dont le blastoderme, continuant toujours à proliférer et à se scinder en ses feuillets primor- diaux, embrasse presque les trois quarts de l'œuf. Fig. 26 (mêmes références que pour la figure 25). — Coupe médiane et _ transversale d’un embryon au même état. Fig. 27 (phase AS, page 34; contours extérieurs dans la figure 6). — Coupe médiane, longitudinale et verticale, d’un embryon plus avancé que le précédent. Fig. 28 (mêmes références que pour la figure 27). — Coupe médiane et transversale d’un embryon au même état. Fig. 29 (phase A7, page 35; contours extérieurs dans la figure 7). — Coupe médiane, longitudinale et verticale, d'un embryon dont les deux feuillets blastodermiques primordiaux approchent de leur achèvement. Fig. 30 (mêmes références que pour la figure 29). — Coupe médiane et trans- versale d’un embryon au même état. Fig. 31 (phase A$, page 36; contours extérieurs dans la figure 8). — Coupe médiane, longitudinale et verticale, d’un embryon dont les deux feuillets blastodermiques primordiaux sont achevés. La plupart des éléments du protendoderme sont groupés en deux cordons latéro-ventraux. Les ébau- ches des centres nerveux commencent à prendre naissance aux dépens dü protectoderme, Fig. 33 [èbies références que pour là figure 31). — Coupe médiane et transversale d’un embryon au Hérde état. EXPLICATION DES PLANCHES. 159 PLANCHE V Feuillets blastodermiques définitifs. Les figures représentent les coupes des embryons dont les contours exté- rieurs sont donnés par les dessins 9, 10 et 11 de la planche If; les trois figures supérieures de gauche expriment des coupes longitudinales, ver- ticales et médianes, les autres des coupes transversales. Le deutolécithe est en gris clair; les éléments cellulaires sont en gris foncé. Le grossisse- ment est de 80/1. Fig. 33 (phase B!, page 39; contours extérieurs dans la figure 9). — Coupe longitudinale, médiane, et verticale, d'un embryon dont le deutolécithe est entièrement recouvert par les feuillets blastodermiques primordiaux. Cet état succède immédiatement à celui de la figure 31. Fig. 34 (mêmes références que pour la figure 33). — Coupe transversale d’un embryon au même état, passant, un peu en avant du milieu du corps, au niveau de la ligne tracée sur la figure 33, par les appendices de la IVe paire (futures premières mâchoires). Ces appendices consistent, et il en est de même pour les autres figures, en deux saillies symétriques, placées de part et d'autre de la moelle ventrale, dans lesquelles pénètrent les bases des cordons latéraux du protendoderme. Fig. 35 (phase B?, page 41 ; contours extérieurs dans la figure 10). — Coupe longitudinale, médiane et verticale, d’un embryon pris au début de la genèse du proctéon. Fig. 36 (mêmes références que pour la figure 35). — Coupe transversale d’un embryon au même état, passant par une paire d’appendices, et un peu en avant du milieu du corps. La partie supérieure de chacun des cor- dons latéraux du protendoderme commence à se modifier, pour se con- vertir en ébauche endodermique. Fig. 37 (phase B3, page 42; contours extérieurs dans la figure 11). — Coupe longitudinale, médiane et verticale, d'un embryon pris au début de la genèse du stoméon. Fig. 38 (mêmes références que pour la figure 37). — Coupe transversale d’un embryon au même état, passant par une paire d’appendices, et un peu en avant du milieu du corps. Les deux ébauches endodermiques Té- gularisent leurs contours. Fig. 39 (mêmes références que pour la figure 37). — Coupe transversale semblable d’un autre embryon au même état, mais un peu plus avancé. Les ébauches endodermiques se distinguent du mésoderme, et prennent l'aspect de calottes. Fig. 40 (mêmes références que pour la figure 37). — Autre coupe transver- sale de l'embryon précédent, passant par une paire d’appendices et par le milieu du corps; les ébauches endodermiques n’arrivent point encore à ce niveau. PLANCHE VI Façonnement de l'entéron. Les figures représentent les coupes des embryons dont les contours exté- rieurs s6ñt donnés par les déssins 12 et 13 de la planche II. Les figures de gauche expriment des coupes longitudinales, et celles de droite des 154 LOUIS ROULE. coupes transversales. Le deutolécithe est en gris clair ; les éléments cel- lulaires sont en gris foncé. Le grossissement est de 80/1. Fig. 41 (phase B*, page 46; contours extérieurs dans la figure 12). — Coupe longitudinale, médiane, et verticale, d’un embryon dont les deux calottes endodermiques viennent de s'unir par leurs bords ventraux. Les premières lacunes cœlomiques se creusent, à la suite de la résorption du deuto- lécithe. Fig. 42 (mêmes références que pour la figure 41). — Coupe transversale et médiane, passant par une paire d'appendices, d’un embryon au même état. Fig. 43 (phase Bÿ, page 49; contours extérieurs dans la figure 13). — Coupe longitudinale, médiane et verticale, d’un embryon dont les deux calottes endodermiques sont complètement unies en bas et en avant; elles délimi- tent ainsi une vésicule entérique, qui ne tardera pas à se clore. Le plan de cette coupe est indiqué, sur la figure 44, par la ligne de traits cotée 43. Fig. 44 (mêmes références que pour la figure 43). — Coupe transversale el médiane d’un embryon au même état. Le plan de cette coupe est indiqué, sur la figure 43, par la ligne de traits cotée 44. : Fig. 45 (mêmes références que pour la figure 43). — Coupe longitudinale, latérale, et quelque peu oblique, d’un embryon au même état; le plan suivant lequel elle passe est indiqué, sur la figure 44, par la ligne cotée 45. Elle est destinée à montrer la file des appendices, dont les deux premiers, dans lesquels pénètre le cerveau, sont les antennes. Fig. 46 (mêmes références que pour la figure 43). — Coupe similaire à celle de la figure 44, mais pratiquée dans un embryon un peu plus avancé, dont la vésicule entérique commence à se scinder. Fig. 47 (mêmes références que pour la figure 43). — Coupe longitudinale, horizontale et médiane, d’un embryon au même état; son plan est indi- qué, sur la figure 44, par la ligne cotée 47. Elle est destinée à compléter les données relatives à la forme et à la disposition de la vésicule entéri- que. Fig. 48 (mêmes références que pour la figure 43). — Coupe similaire à celles des figures 44 et 46, mais pratiquée dans un embryon un peu plus avancé, dont la scission de la vésicule entérique est bien accentuée. PLANCHE VII Achèvement de l'organisme. Les figures représentent les coupes des embryons dont les contours exté- rieurs sont donnés par les dessins 14, 15 et 16 de la planche II. Les deux figures supérieures de gauche et celle du milieu expriment des coupes longitudinales, verticales, passant quelque peu en dehors du plan médian pour rencontrer les lobes entériques; les autres se rapportent à des coupes transversales. Le deutolécithe est en gris clair; les éléments cellulaires sont en gris foncé. Le grossissement est de 80/1. Fig. 49 (phase C!, page 55; contours extérieurs dans la figure 14). — Coupe longitudinale et verticale d'un embryon dont la vésicule entérique est presque divisée en deux lobes. Fig. 50 (mêmes références que pour la figure 49). — Coupe transversale et verticale, passant par une paire d’appendices et par la ligne indiquée sur la figure 49, d’un embryon au même élat. EXPLICATION DES PLANCHES. 43 Fig. 51 (phase C?, page 61; contours extérieurs dans la figure 15). — Coupe longitudinale et verticale d’un embryon dont les deux lobes entériques sont complètement formés aux dépens de la vésicule entérique. Fig. 52 (mêmes références que pour la figure 51). — Coupe transversale et verticale, passant par une paire d’appendices et entre le stoméon et le proctéon, d’un embryon au même état. En cette phase, le stoméon et le proctéon, très proches l’un de l’autre, sont séparés par un espace restreint, d'étendue variable suivant les embryons. Fig. 53 (phase C4, page 68 ; contours extérieurs dans la figure 16). — Coupe longitudinale et verticale d’un embryon achevé, dont les trois parties du tube digestif viennent de s’unir. Fig. 54 (mêmes références que pour la figure 53). — Coupe transversale, verticale et médiane, passant par une paire d’appendices, d’un embryon au même état, mais possédant encore un dernier vestige du deutolécithe. Fig. 55 (mêmes références que pour la figure 53). — Coupe transversale, verticale, et quelque peu postérieure, passant par le cœur et par une paire d’appendices, d’un embryon au même état, privé de tout deuto- lécithe. La subdivision ultime des lobes entériques s'effectue après cette phase. | PLANCHE VIII Histogénie. Fig. 56. -— Portion inféro-latérale grossie de la figure 34. Gross : 250/1. Fig. 57. — Portion inféro-latérale grossie de la figure 36. Gross : 250/1. Fig. 58. — Portion inféro-latérale grossie de la figure 38. Gross : 250/1. Fig. 59. — Portion inférieure grossie de la figure 38. Gross : 250/1. Fig. 60. — Portion inféro-latérale grossie de la figure 50. Gross : 250/1. Fig. 61. — Portion inféro-latérale grossie de la figure 52. Gross : 250/1. Fig. 62. — Portion grossie de l’endoderme de la figure 61. Gross : 600 /1. Dans toutes ces figures, les éléments cellulaires sont seuls représentés, abstraction faite du deutolécithe. PLANCHE IX Histogénie (suite). Fig. 63. — Portion inféro-latérale grossie de la figure 54. Gross : 250/1. Fig. 64. — Portion antérieure grossie d’un embryon un peu plus avancé que celui de la figure 51, et dont le cerveau s’est détaché de l’ectoderme. Gross : 250/1. Fig. 65, 66 et 67. — Phases principales du développement du cœur. La figure 66 représente grossie une partie de la région supérieure de la figure 55; la figure 65 exprime un état moins avancé que le précédent, et la figure 66 un état plus évolué. Les descriptions sont données dans les pages 142 et suivantes. Gross : 350/1.. Fig. 68. — Développement des fibres musculaires, dont les phases succes- sives vont de a à h. Les descriptions en sont données dans les pages 140 et suivantes, Gross : 350/1. 156 LOUIS ROULE. PLANCHE X Les dessins de cette planche représentent, d’une façon semi-diagramma- tique et quelque peu simplifiée, l’organisation interne d'embryons pris aux principaux âges de leur développement, et dont les coupes, comme le relief extérieur, sont donnés dans les planches précédentes. Ces embryons sont coupés par leur milieu suivant un plan longitudinal et vertical, puis vus par la tranche; la perspective a été dessinée, afin de bien préciser les relations des divers éléments de l'économie, et de per- mettre de les concevoir dans l’espace. RECHERCHES SUR LES AFFINITÉS DES LITHODES & DES LOMIS AVEC LES PAGURIDEÉS Par M. E.-L. BOUVIER. Les représentants les plus normaux etles plus primitifs de la famille des Paguridés, doivent être considérés comme des Crustacés macroures, directement issus des Astacidés (Boas, 80%, p. 141, 200), qui, au lieu de rester sans abri au fond de la mer, se sont logés dans les cavités naturelles de certains corps qu'ils promènent avec eux, et dans lesquels ils rentrent dès qu’un danger les menace. Ces animaux choisissent le plus souvent pour demeure les coquilles vides de Mollusques gastéropodes, mais il en est qui se contentent de niches ou de perforations plus ou moins cylindriques; les Pylocheles se logent dans les Éponges siliceuses ou dans des fragments de roches, les Cancellus dans des pierres excavées, et les Xy/o- paqurus dans des morceaux de bois entraînés par les flots. Quel que soit le corps qui les protège, les Paguridés normaux présentent tous des traces non contestables du mode d’adap- tation qui les caractérise : l'abdomen et la partie postérieure du céphalothorax se décalcifient à divers degrés et devien- nent membraneux sur une parlie variable de leur étendue; les glandes génitales et le foie se logent dans l’abdomen, les pattes des deux dernières’ paires se réduisent à de faibles 158 E.-L. BOUVIER. dimensions et présentent sur leur avant-dernier article une aire rugueuse formée d’écailles juxtaposées; enfin les fausses pattes de l’avant-dernier segment abdominal perdent leurs fonctions de rames natatrices; elles se transforment en pa- letles ou en crochets qui fixent l'animal à sa demeure, et qui présentent, à cet effet, des aires rugueuses identiques à celles des pattes réduites du thorax. La forme de la cavité protectrice exerce aussi une influence remarquable sur les caractères des Paguridés. Cette influence se manifeste d’une manière évidente chez ceux qui habitent dans des coquilles enroulées en spirale, el devient d’autant plus frappante que l'adaptation à ce genre de vie a élé plus prolongée; elleestcaractérisée paruneasymétrie remarquable de l’abdomen qui devient plus court du côté droit, s’enroule en spirale, et perd peu à peu les fausses pattes paires de ses deux premiers anneaux, ainsi que les fausses pattes droites des trois anneaux suivants. Cette asymétrie est encore peu frappante chez les Mirtopaqurus, animaux adaptés depuis peu à la vie pagurienne et semblables encore, à beaucoup d’égards, aux Astacidés, elle se réduit chez eux à une torsionabdominale très faible et à une légère réduction des fausses pattes du côté droit de l’abdomen; chez les Paguristes, l'asymétrie de l'abdomen devient complète et toutes les fausses pattes droites s’atrophient, à l’exceplion de celles du 6° segment et des fausses pattes sexuelles (fausses patles des deux premiers segments abdominaux dans le mâle, du premier segment dans les femelles); les fausses pattes sexuelles mâles s’atro- phient à leur tour chez les Pylopaqurus et se réduisent à une paire chez les Tomopaqurus ; enfin les fausses pattes sexuelles disparaissent complètement ches les Paguriens à évolution plus avancée (Eupaqurus, Spiroraqurus, Clibanarius, Dio- genes, etc.), à l'exception de la fausse patte gauche du 2° segment abdominal qui persiste ordinairement. Cette asymétrie, d'origine adaptatrice, ne paraît pas exister chez les Pylocheles, animaux qui vivent dans des cavités régulières et qui sont, d’ailleurs, plus que tous les autres AFFINITÉS DES LITHODES ET DES LOMIS. 159 Paguriens, très voisins des Astacidés; elle se manifeste, au contraire, très distinctement chez les Xylopagurus et chez les Cancellus, et permet de voir dans ces Crustacés des Paguriens qui se logeaient d’abord à l’intérieur de coquilles, et qui ont échangé ensuite cette demeure contre des pierres ou des morceaux de bois perforés. Les Cancellus, en effet, présen- tent les mêmes appendices abdominaux que les Clibanarius ; quant aux Xylopaqurus, ils se rapprochent, à ce point de vue, des Paguristes et n’en diffèrent que par l’atrophie des fausses paites sexuelles de la femelle (A. M.-Edwards et E.-L. Bouvier, 93, p. 1-12). | Au lieu d'échanger leur coquille primitive contre une demeure mieux appropriée, certains Paguridés l’ont rejetée tout à fait et ont repris les habitudes des Macroures. Parmi ces formes sans abri, il y a lieu de citer le Birgus latro ou Crabe des Cocotiers, dont le genre de vie est depuis long- temps connu; plus récemment, d’autres formes dépourvues de coquilles ont été signalées dans diverses régions du globe : le Porcellanopaqurus a été trouvé dans les eaux de la Nouvelle- Zélande par M. Filhol (85, p. 410); le Tylaspis dans le Pacifique par le Challenger (Henderson, 88, p. 81), et l'Os- traconotus dans la mer des Antilles par le Blake. Ces Crus- tacés revêtent à tous égards l'apparence de vrais Crabes, et se font remarquer notamment par la largeur de leur cépha- lothorax et par la réduction de leur abdomen, qui se replie sous le sternum; toulelois ils ont conservé, par hérédité, tous les caractères essentiels des Paguriens normaux (pattes thoraciques des deux dernières paires très réduites et munies d'une aire rugueuse, fausses pattes du 6° segment abdominal transformées en crochet) et doivent être rangés, comme eux, dans la sous-famille des Pagurinés. Ils ne pa- raissent pas avoir formé souche d’autres Crabes et constituent, dans la sous-famille, des genres isolés, dont l'intérêt propre est de montrer combien facilement les Paguriens peuvent s'adapter à la vie cancérienne. Il n’en est pas de même des Crabes anomoures qui font 160 E.-L. BOUVIER. l’objet de ce mémoire. Eux aussi dérivent de Paguridés nor- maux qui s'abritaient dans des coquilles, mais après avoir abandonné cette demeure, ils ont évolué rapidement vers la forme Crabe et se sont si bien modifiés qu'il faut un examen attentif pour reconnaître leurs affinités primitives. Notre but est de montrer comment ces animaux se rattachent aux Pagurinés, et par quelle série de phénomènes évolutifs ils ont pu acquérir la forme et les caractères que nous leur voyons aujourd'hui. Il est peu de groupes, croyons-nous, qui mon- trent avec une évidence plus grande la lutte entre l’hérédité et l'adaptation, et l’enchaînement des modifications qui sont le résultat de cette lutte. Comme nous l'avons établi dans une note antérieure (94, p. 1353), les Crabes anomoures qui sont directement issus des Pagurinés se divisent en deux sous-familles indépendantes : les Lrraopinés, dontM. Boas (80, p. 349, 80°, p. 192) a montré les affinités étroites avec les Euwpagurus, et les LomisiNés, que nous avons rattachés à des formes intermédiaires aux ‘ Mixtopaqurus et aux Paquristes. J. — Les LiTHoDINÉs. Caractères généraux. — Les premiers Crustacés connus de la sous-famille des Lithodinés appartiennent au genre Lithodes : à cause de leurs épineset de leur ressemblance ex- térieure avec les Crabes connus sous le nom d’Araignées de mer, ils furent rangés parmi ces derniers et désignés, suivant les auteurs, sous les noms de Cancer maja (Linné, Herbst), de Parthenope maïa, d'Inachus maïa (Fabricius) et même de Maïa vulgaris (Bosc). Latreille (6, p. 39), les désigna sous le nom de Lithodes, mais les laissa parmi les Brachyures du groupe précédent, c'est-à-dire parmi les Oxyrhinques ou Triangulaires; cet exemple fut suivi par tous les auteurs du commencement du siècle jusqu'à l’époque où H. Milne- Edwards (32, p. 321-323), quoique n'ayant eu à sa disposition « ni une Lithode à l’état frais, ni même un individu femelle AFFINITÉS DES LITHODES ET DES LOMIS. 161 desséché », montra que ces animaux n’ont aucune affinité réelle avec les Brachyures et les rangea à côté des Homoles, des Pagures, des Hippiens et des Dromies, dans le groupe nouveau des Anomoures, qui fut, sauf quelques modifications, accepté dans la suite. Les Lithodes, disait dans ce mémoire l'illustre naturaliste, se distinguent à tous égards des Bra- chyures; leur dernier sternite thoracique reste libre et mobile ; leur vulve est située à la base des pattes de la 3° paire: leur plastron sternal tout entier est fort étroit entre les pattes antérieures, sillonné de sutures transversales et ne présente à Baie du thorax ni selle turcique postérieure, ni apodème médiane » ; leurs pattes de la 5° paire sont rudimen- taires et « cachées sous les parties postérieures de Ia cara- pace »; leur rostre «se prolonge au-dessus de l’anneau ophthalmique sans l’entourer »; enfin les pattes-mâchoires externes ne sont niaplaties, ni OT comme celles des Brachyures. Ouvrant ensuite la voie aux découvertes qui devaient être réalisées beaucoup plus tard par d’autres natu- ralistes, il signalait la singulière ressemblance des Lithodes avec fes Paguriens, notamment la forme des antennules, qui est la même dans les deux groupes, et la structure de l’abdo- men dont la « face inférieure est membraneuse et complète- ment dépourvue d’appendices, exactement comme chez les Birgus ». Dans l’élude qu'il fit plus tard en collaboration avec M. Lucas de spécimens mâles et femelles de la Lifhodes brevipes (41, p. 461) H. Milne-Edwards précisa davantage les affinités des Lithodes avec les Pagures ; il insista de nou- veau sur les caractères des antennules dont les fouets, très courts « ne peuvent se reployer sous le front et se dirigent en avant, à peu près de la même manière que chez les Paguriens », sur ceux des pattes-mâchoires ex- ternes qui sont dépourvues d’épipodite et qui «ressemblent beaucoup à celles des Birgus », enfin sur la forme de l’abdo- men de la femelle qui « est très développé du côté gauche et de grandeur médiocre à droite, d’où résulte un contour- ANN. SC. NAT. ZOOL. : ZVITI, Â1 162 E.-L. BOUVIER. nement analogue à celui qui existe chez les Pagurus. Le sys- tème appendiculaire de cette portion du corps, ajoutait-il, présente un autre point de ressemblance avec le mode de conformation ordinaire chez les Birgus et les Pagures; en effet, il n'existe chez la femelle que quatre fausses pattes ovifères, appartenant toutes au côté gauche du corps et insérées sur une ligne courbe; disposition que Kreusenstern avait depuis PAHRlem Ps signalée dans la Lithode du Kamtschatka. » | Dans son Histoire naturelle aes Crustacés (37, P. 184) publiée quatre ans avant ce mémoire, Milne-Edwards s’éloi- gne davantage de la vérité en rangeant les Lithodes dans la même tribu que les Homoles, avec lesquelles elles n’ont aucune affinité directe, et en disant qu’ « elles établissent le passage entre ces Crustacés et les Birgus ». Toutefois, il donne très exactement tous les caractères génériques des Lithodes et il observe, pour la première fois, que leurs bran- chies sont disposées de la même manière que chez les autres Anomoures et non comme chez les Crabes. Dans leur mémoire cité plus haut, Milne-Edwards et Lucas ont d’ailleurs très exactement décrit et figuré les branchies à lamelles bisériées dela Lithodes brevipes; aussi, comme l’appa- reil branchial est identiquement le même dans toute l’éten- due de la sous-famille des Lithodinés, nous croyons utile de résumer ici, sous la forme succincte d’une formule branchiale, leurs observations sur les branchies de cette deuxième ÉSpeCe Pattes thoraciques. Pattes-mâchoires. ES mn A. | Mél dvee OU | Huit Le. AE 5) 1 Pleuro-branchies. 0 1 0 0 0 0 0 0 Arthro-branchies. 0 #2 2 2 ‘Huet oétate : Lol | Dans son magnifique ouvrage sur les Crustacés du Japon, de Haan (50, XIII, XXIT et 218) range, comme Milne- Edwards, les Lithodes dans le grand groupe des Anomoures, AFFINITÉS DES LITHODES ET DES LOMIS. 163 mais 1l donne à ce groupe des limites plus précises en le res- treignant aux cinq familles des Galathéidés, des Porcellani- dés (qu’on a réunis depuis aux Galathéidés), des. Hippidés, des Paguroidés et des Lithodinés; il signale d’ailleurs, les affinités des Lithodéacés avec les Paguroidés, mais il les considère à tort comme plus voisins des Galathéidés, et voit en eux des formes de transition entre les Anomoures et les Brachyures. C'est à J. F. Brandt que Aer le mérite d’avoir le pre- mier mis en évidence les relations exactes qui rattachent les Lithodinés aux Pagurinés. Dans trois travaux de systéma- tique pure (49, 50 et 51) où sont étudiés des matériaux si riches, quon n'en a jamais eu de plus beaux depuis, le savant naturaliste décrit tous les genres nouveaux qui sont passés en revue dans le présent mémoire, et conteste leurs affinités avec les Homoles:; il divise les Lithodinés en deux tribus parfaitement ÉRrrei les Ostracogastrica et les Hapalogastrica (50, p. 266-267), signale les analogies de ces dernières avec les Pagures d’un côlé el avec les Lithodes de l’autre, ‘puis, conclut en disant, qu’ « on pourrait bien considér er les Hapalogastri ica comme des Paqurinés. à thorax court et dépourvus de nageoïre ». Il est impossible, à notre avis, d'indiquer mieux et plus brièvement les rap- ports des Lithodinés avec les autres Crustacés; mais il y a lieu de regretter que l’auteur n'ait pu, comme il l’espérait, développer ses observations sur la sous-famille, et mettre en évidence les nombreux caractères qui rattachent les Lithodinés aux Pagurinés. Cette lacune fut comblée, avec une pénétration el une habileté d'analyse vraiment remarquables, par M. Boas, dans son beau travail sur les relations des Crustacés déca- podes (30*, p. 191-195). Le vrai mérite de M. Boas, c’est d’avoir précisé la forme pagurienne qui a servi d'ancêtres aux Lithodimés. « Il n’est pas exact, dit-il, que la Lithode soit surtout voisine des Birgus ; c’est au contraire un Æupa- qurus richement modifié pour vivre sans coquille, tandis que le 164 E-.L. BOUVIER. Birqus est un Cénobite sans coquille.» M. Boas relève les nom- breux caractères qui sont communs aux £upagurus et aux Li- thodinés : la pince droite est plus grande que la gauche dans les deux groupes, les pattes- -mâchoires de la 3° paire. sont de même forme, et munies d’une épine ou d’un denticule au-dessous de la crête dentée de l'ischiopodite, le fouet. de l'exopodite des pattes-mâchoires des trois paires est dirigé vers l'intérieur, l’'endopodite (lacinie externe de M: Boas) des pattes-mâchoires antérieures est parallèle à à l’axe de l'exopo- dite, le palpe de la mâchoire antérieure n’a qu'un article, les Aenablés sont médiocrement longues et leur article basilaire ne se dilate un peu qu'à la base, la cornée se déve- loppe surtout sur la face interne des pédoncules oculaires, les fausses pattes abdominales de la femelle, d’ailleurs dépour- vues du rameau externe des Eupagurus, ontunrameau interne très développé, comme dans ce dernier genre, et orné des mêmes touffes de poils, la partie sternale du premier an- neau abdominal est soudée au dernier sternite thoracique, les branchies, enfin, sont au même nombre et disposées de la même manière que chez les Eupaqurus. Outre les caractères paguriens déjà indiqués par Milne-Edwards et relevés plus haut, M. Boas signale chez les Lithodes la présence d’un acicule antennaire bien développé ou rudimentaire, et le dé- veloppement, sur les parties latérales de la carapace, delignes membraneuses accessoires qui se détachent de la ligne ano- mourienne : il met d’ailleurs en relief certains caraclères qui distinguent les Lithodinés des Paguriens : absence de fausses pattes sur le dernier segment abdominal, comme chez les Brachyures, forme de la carapace qui est très large et munie d’un rostre ordinairement long, largeur de l'abdomen qui est beaucoup plus grande que chez les Pagures.Comme con- séquence de ses observations, M. Boas propose de réunir les Lithodes aux Paguriens et de diviser le groupe des Ano- moures en trois séries : les Galathéidés, les Hippidés el les Paguroidés. C’est, on le voit, la classification de de Haan, dans laquelle l’auteur a justement réuni les Porcellanidés AFFINITÉS DES LITHODES ET DES LOMIS. 169 aux Galathéidés et les Lithodidés aux Paguroidés. Cette classification nous paraît à tous égards excellente et a élé adoptée tout récemment par M. Henderson (88, p. IX) qui maintient toutefois, dans le groupe des Anomoures, les Dromidés et les Raninidés. | Malgré les travaux de Brandt et de M. Boas, nous ne croyons pas que la question de l’évolution des Lithodinés ait été complètement traitée. Brandt n’a donné, dans ses intéressants mémoires, que des diagnoses succinctes des genres et des espèces de la famille; ces diagnoses sont des modèles de précision, il est vrai, mais elles sont un peu superficielles pour notre époque et les comparaisons et les lois que l’auteur se proposait d’en tirer n’ont jamais été mises en évidence. Quant au travail de M. Boas, s’il fixe avec une netteté suffisante les affinités réelles des Lithodinés, il ne décrit nullement le mécanisme de la transformation des Paguriens en ces derniers, ou se borne à des notions qui sont loin, on le verra dans la suite, d’être l'expression exacte de la réalité. C’est bien certainement à l'insuffisance des matériaux qu a eus entre les mains M. Boas que sont dues les lacunes ou ces interprétations inexactes ; en les signalant, nous n’avons nullement l'intention de faire la critique de son beau mémoire. Si, nous sommes arrivés, pour noire part, à donner une dire plus précise de LÉ oabetion des Lithodinés, nous le devons uniquement aux riches éléments de travail qui existent dans les collections du Muséum et qui ont été très obligeamment mis à notre disposi- tion (1). (1) Nous avons eu entre les mains des représentants des espèces sui- vantes : Hapalogaster cavicauda Stimpson, Dermaturus hispidus Stimpson, Phyllolithodes papillosa Brandt, Neolithodes Grimaldii A. Milne-Edwards et E.-L. Bouvier, Paralithodes camtschatica Tilesius, Lithodes antarctica Jacqui- not et Lucas, L. arctica H. Milne-Edwards, L. ferox A. Milne-Edwards, L. tropicalis À. M.-Edw. et E.-L. Bouv., Acantholithus hystrix de Haan, Echid-- nocerus cibarius White, E. foraminatus Stimpson, Parolomis granulosa Jacq. et Luc., P. verrucosa Dana, Rhinolithodes biscayensis A. M.-Edw. et E.-L. Bouv., Cryptolithodes sitchensis Brandt. Tous les genres de Le SOuS- “famille sont représentés dans cette liste. | 166 E.-L. BOUVIER. 1° Hapalogastriques. Hapalogaster Brandt (50, p. 268). — L'Hapalogaster cavi- cauda Sümpson (58°, p. 81, pl. L, fig. 7), dont nous avons étudié deux exemplaires mâles, est une espèce très voisine des Paguriens. Son rostre (fig. 1, pl. Il) est peu saillant, triangulaire et dépourvu de la se sub-lerminale qui caractérise tous les autres Lithodinés: il ressemble beau- coup, par ses dimensions et par son inflexion terminale, au rostre de certains Paguristes (P. friangulatus M.-Edw. et E.-L. Bouv.); mais il n’est pas sans offrir également des analogies avec le rostre moins saillant que présentent cer- taines espèces d'Eupagürus, l'E. bernhardus Fabr. et l'E. carneus Pocock, notamment. La carapace (fig. 29, pl. Il) conserve un aspect nettement pagurien par son front encore large, par son contour cordiforme, par sa surface dorsale peu renflée, par la structure membraneuse des parties in- férieures de ses flancs, enfin par la présence d’une aire branchiale antérieure extrémement bien délimitée, qui rap- pelle tout à fait l'aire correspondante des ph de la série eupagurienne (Spéropaqurus, Tomopagurus, Pylopa- qurus, Eupagurus, etc.). La région cardiaque a conservé des caractères: paguriens très frappants : elle se compose de deux parties comme la région cardiaque des Eupagur: us, l'une allongée et peu large, qui est limitée par agi lignes membraneuses et qui va, en se rétrécissant, du bord postérieur de la carapace jusqu’au sillon cervical, — une autre plus large et plus courte, qui est limitée par un con- tour peu apparent, extérieur au premier, et qui se rétrécit beaucoup en arrière; chez l’A. cavicauda, les deux lignes mem- braneuses de la premièrezonese fusionnent avant d’atteindrela suture cervicale. Outre ces lignes membraneuses cardiaques, et celle qui sert de limite aux régions branchiales anté- rieures, l'A. cavicauda en présente, sur sa face dorsale, une troisième qui part du milieu de cette dernière, comme dans les Paguriens, et qui se dirige obliquement en dehors et en AFFINITÉS DES LITHODES ET DES LOMIS. 167 arrière : sur les flancs enfin, au-dessous de la ligne ano- mourienne, et en arrière du sillon 4! de M. Boas (80°,fig. 141- 144), on voit un fin réseau de lignes membraneuses qui dé- limitent de nombreuses petiles aires polygonales plus fortement calcifiées (fig. 27, pl. Il). La ligne dorsale obli- que des Aapalogaster est parfaitement représentée chez les Eupaqurus et les Spiropagurus, où elle est séparée de la ligne anomourienne par une aire longue et assez large, ornée parfois d'un ou deux faibles sillons transversaux qui ont disparu dans les Japalogaster ; quant au réseau de lignes latérales, il est également bien développé dans les Spiropägurus (S. iris M.-Edw.), mais il est rudimentaire dans les Eupagurus où il n’est guère représenté que par ses deux lignes fondamentales, la ligne verticale /a de M. Boas, et un rameau oblique qu'elle émet vers son bord posté- rieur, parallèlement à la ligne anomourienne. Ces dé- tails ont leur importance, car on pourrait être tenté, au premier abord, d'homologuer le réseau latéral des el gaster à celui des Pagqur istes, qui est tout à fail différent quoique bien développé (comparer la fig. 27, pl. I et la fig. 21, pl. I). Chez les Paguristes (fig. 21, pl. II), en effet, le réseau est essentiellement formé par une série de lignes transversales qui s'étendent entre le sillon dorsal oblique et la ligne anomourienne ; la partie située au-dessous de cette ligne est dépourvue de réseau et, comme l’a fort bien figuré M. Boas (80°, fig. 141), elle se compose de plusieurs lignes parallèles issues de /4 ou parallèles à celte ligne, Les appendices buccaux sont semblables à ceux de l'H. dentata qu'a figurés de Haan (50, pl. Q)el, par tous leurs traits essentiels, ressemblent à ceux des Eupaqurus et des autres Lithodinés ; nous en dirons autant de la position des maxillipèdes postérieurs qui sont très écartés à leur base, de la forme des yeux qui sont un peu plus développés en dedans qu’en dehors, enfin du rudiment d’écaille ophthal- mique que les pédoncules oculaires présentent à leur base. Ce sont là caractères communs à tous les Lithodinés, 168 E.-L. BOUVIER., et sur lesquels nous ne reviendrons pas dans la suite. L’a- cicule antennaire de VA. cavicauda (fig. 15, pl. IP est la- melleux, elliptique, assez grand et dépourvu d’épines, ainsi que l’a décrit M. Boas; par ce dernier caractère, il rappelle celui des Eupaguriens, et se distingue de l’acicule des autres Lithodinés. | M. Boas (80", p. 194, fig. 198 et 200) a très exactement signalé la plupart des homologies qui existent entre l’ab- domen de l'A. cavicauda (fig. 2, pl. I) et celui des Eupa- gurus : le tergum (1) du premier anneau est tout d’une pièce et traversé par un sillon transversal comme dans les Eupaguriens ; les tergites des 4° (4) et 5° (5) segments sont formés chacun, dans les deux genres, par une paire de petites pièces largement séparées; dans les deux genres, aussi, deux pièces impaires (6 et 7) contiguës, très forle- ment calcifiées et placées à la suite l’une de l’autre, re- présentent l’ensemble des tergites des deux derniers seg- ments, enfin dans l’Hapalogaster cavicauda comme dans les Eupagurus, le reste entier de la surface dorsale, à l’ex- ception du 2° anneau, est protégé par une membrane molle sans trace aucune de calcificalion. Chez la femelle de l’H. cavicauda, M. Boas signale, sur cette membrane, une petite pièce accessoire qu'il homologue avec la pièce tergale gauche du 3° segment abdominal des Æupagurus. M. Boas n’a pu étudier le 2° segment abdominal, qui esl le plus curieux et le plus hautement significatif pour. l’inter- prétation des Lithodes. Au premier abord, ce segment (2) paraît ressembler beaucoup à celui des £upaqurus, parce qu'il se compose d’une parlie médiane membraneuse qui sépare deux larges plaques tergales, mais cette homologie n’est qu’apparente et ne résiste pas à un examen sérieux. ‘Les deux pièces tergales de l'A. cavicauda, en effet, ne sont nullement semblables à celles des Zupaqurus : elles se com- posent chacune de deux pièces, l’une externe ou marginale(m), l’autre interne ou /atérale (1), nettement séparées par une ligne de suture longitudinale, tandis qu'elles sont simples AFFINITÉS DES LITHODES ET DES LOMIS. 169 dans les Æupaqurus; elles sont beaucoup plus fortement calcifiées que dans ce dernier genre, et diffèrent complète- ment par leur apparence comme par leur structure, des pièces tergales, vraiment eupaguriennes, celles-là, des trois segments suivants, enfin elles sont séparées sur la ligne médiane, non point par une région membraneuse continue comme dans les Zupagurus, mais par une membrane où se sont développés côte : à côte, sans se souder, des nodules for- tement calcifiés. Ces nodules jouent un rôle important dans la formation des parties tergales du 2° segment de l'abdomen. Quand on examine. leur distribution, on voit qu'ils ne sont pas lo- calisés sur la partie médiane du segment, mais qu'ils for- ment plusieurs rangées en arrière, et qu'ils pénètrent même dans une sorte d’échancrure qui sépare les deux pièces constitulives de chaque plaque tergale; bien plus, on s'aperçoit, dans cet examen, qu il est impossible de sépa- rer la région des plaques de la région des nodules, parce que ceux-ci se fusionnent peu à peu pour constituer finalement les deux pièces solides de chaque plaque. Au reste, ces der- nières conservent, surtout près des bords, des traces mani- festes de leur origine : elles sont munies de tubercules dépri- més qui représentent autant de nodules primitifs et qui sont ornés, comme les nodules eux-mêmes, d’une touffe serrée de courts poils. On ne saurait douter, par conséquent, de l’o- rigine secondaire des pièces ne du second segment abdominal ; aussi peut-on résumer le caractère essentiel de l'abdomen de l'A. cavicauda, en disant que toutes les pièces tergales de l'abdomen des Eupagurus se retrouvent :encore dans cette espèce à l'exception de celles du 3° segment, qui disparaissent en partie, et de celles du 2° segment qui dispa- raissent totalement ; ces dernières sont d’ailleurs remplacées par des nodules qui se fusionnent progressivement et qui forment, de chaque côté, deux pièces tergales nouvelles. L'Hapalogaster cavicauda diffère des E upagurus et de la plu- part des autres Lithodinés par son genre de vie, qui est celui 170 | E.-L, BOUVIER. des Porcellanes (Stimpson, 57, p. 40) et par tous les caractères qui sont la conséquence directe de ce genre de vie. C’est un Crustacé où toutes les parties du corps, même les pattes, sont déprimées du côté dorsal, comme dans les Porcellanes, où les divers articles des pattes antérieures s’articulent de la même façon que chez ces dernières, et où l’axe 6-5, no- {amment, est si peu éloigné de la Li nb que le propodite peut, comme chez les Porcellanes, « se replier dans un plan presque horizontal et appliquer intimement son bord interne contre le bord interne du carpe» (A. M.-Edw. et E.-L. Bouv., 94, p. 291). C’est peut-être au genre de vie des Hapalogaster qu'il faut attribuer, chez les femelles, la Hop de la paire de pattes du 1° segment SUITE qu’on rencontre chez tous les représentants non porcellaniformes de la sous- famille ; il ne faut pas oublier, en effet, que les fausses paltes abdominales sont toujours moins nombreuses chez les Por- cellaniens que chez les Galathéens dont ils dérivent, que celles des segments antérieurs s ‘atrophient ou disparaissent complètement chez la femelle et que, très fréquemment, celles des segments 4 et 5 persistent seules (A. Miln.-Edw. etE.-L. Bouv., 94, p. 291). Quant à l’atrophie complète des fausses pattes abdominales du mâle, on ne saurait l’attribuer à l'adaptation au genre de vie des Porcellanes, parce qu'elle existe aussi bien chez les Ostracogastriniens que chez les Hapalogastriniens : elle est due, eroyons-nous, chez tous les Lithodinés, à l’évolulion vers la forme Crabe qui caractérise ces animaux, évolution qui a pour conséquence, on le sait, de faire disparaître toutes les fausses pattes abdominales du mâle, à l'exception des paires antérieures qui sont sexuelles. D'ailleurs, comme il n'existe jamais trace de fausses pattes sexuelles chez les Lithodinés mâles, tandis qu'on en trouve une paire chez tous les représentants femelles des espèces non porcellaniformes de la sous-famille, il y a lieu de croire que les ancêtres des Lithodinés étaient des Eupagquriens dont les femelles seules avaient des fausses pattes sexuelles paires et qui présentaient, par conséquent, tous les caractères es- AFFINITÉS DES LITHODES ET DES LOMIS. 171 sentiels. des Pylopagurus, sauf, bien entendu, les pinces operculiformes (1). dés L'examen des excellentes figures d'Hapalogaster dentata (Lomis dentata. de Haan) que nous a laissées de Haan (50, pl. Q, pl. XLVIT, fig. 2), sont des plus instructives. Elles nous montrent : 1° que l’atrophie des pièces tergales d'origine eupagurienne ne s'étend plus seulement aux seg- ments 2 et 3, comme dans l'A. cavicauda, mais à toutes les pièces des segments 2 à 5, sauf chez la femelle où les pièces du côté gauche persistent encore sur les segments 3, 4 et 5; 2° que les nodules calcifiés du 2° segment ne res- tent plus isolés dans la pärtie médiane, mais forment, en cet endroit, une pièce intermédiaire nouvelle; 3° enfin que la surface dorsale de l'abdomen reste molle ét membraneuse sur toute l'étendue des trois segments suivants, à l’ exception des parties où persistent encore les trois pièces impaires de la femelle. Ces observations paraissent s'étendre aussi à l'H. Mertensi (2); elles justifient l'opinion que nous avons précédemment émise sur l'origine secondaire des pièces tergales du 2 segment. abdominal des Hapalogaster, et permettent d'établir que le second. stade de la trans {or- mation des Eupaguriens en Lithodinés est la disparition COM- plète des pièces tergales solides qui HE les. segments 7 à 5 de l'abdomen. Malgré ces caractères importants, qui l'éloignent u un peu de la série eupagurienne, VA. dentata rappelle encore cette dernière Les la forme de ses des pattes ovifères anté- ( } Les Pylopagur us se e rapprochent des pre us un tous Jones e Carac- tères essentiels, mais leurs pinces sont operculiformes et les femelles pré- sentent encore, sur le premier segment abdominal, des fausses. pattes sexuelles paires qui font complètement défaut chez les mâles. (Voir A, Milne-Edwards et E.-L. Bouvier, 93, p. 74.) | (2) Voici les caractères de l'abdomen, dans cette espèce, tels qu'ils sont indiqués par Brandt : « Anneau antérieur (le 2°) de l’abdomen cou- vert de chaque côté par une lame calcaire faible, transversale, droite, tétragone, non sillonnée (esulcata), et munie en outre, entre les lames, d'une lamellule étroite, oblongue, faible, calcaire, visible au milieu du dos, » (50, p. 269.) 172 __ E.-L. BOUVIER. rieures qui sont munies d'un rameau externe. Peut-être les fausses patles ovifères suivantes présentent-elles aussi la même structure dans l'A. cavicauda. Nous n'avons malheureusement pu étudier l'A. An de Stimpson, mais, d’après la description qu’en a donnée cet auteur (60, p. 115), on peut dire qu’elle doit être, à coup sûr, des plus intéressantes et des plus instructives. Contrai- rement à ce qu’on observe dans les autres espèces du genre, en effet, la carapace est plus longue que large, elle est pres - que unie sur sa face dorsale, ses bords latéraux sont égale- ment unis el ne présentent pas d’échancrure au point où ils rencontrent la suture cervicale, son rostre est à peine aigu, sa dent extraorbitaire est à peine. distincte, son angle antéro-latéral est peu proéminent, enfin l’acicule est un peu denté le long de son bord externe. A cette série de caractères, qui rapprochent étrangement cette espèce des Eupaguriens, il faut ajouter que les pattes de l'A. inermis sont subcylindriques, et que les pièces du second segment abdo- minal sont plus étroites que celle dé l'A. cavicauda. Le. pre- mier de ces caractères semble établir que le espèce de Stimp- son se rapproche beaucoup moins de la forme des Porcellanes que les autres espèces du genre, le second que la fusion des nodules calcifiés du second segment est encore peu avancée. Somme toute, il paraît certain que l'A. inermis est la moins lithodienne de toutes les espèces du genre, et qu'elle élablit une transition naturelle entre les Eupaguriens et l’'H. cavicauda. L'adaptation au genre de vie des Porcellanes étant d’ailleurs encore peu prononcée, il est probable que les fausses pattes abdominales sont moins modifiées que dans les autres espèces du genre, et l’on peut supposer, sans dépasser les limites rationnelles de l'hypothèse, que celles du 1” segment abdominal doivent encore exister chez la femelle. Dermaturus Brandt (50, p.268). — C'est d'une telle forme, ou même d'une espèce plus voisine encore des Eupaquriens, que dérivent bien certainement les Dermaturus (fig.16, pl. 1) et non, AFFINITÉS DES LITHODES ET DES LOMIS. 115 comme on pourrait être tenté de le croire, des formes les plus caractéristiques du genre Hapalogaster. Malgré leur ca- rapace peu convexe, ces animaux n’ont nullement l’ap- parence des Porcellanes et il est peu probable qu'ils mènent le genre de vie des Hapalogaster : leurs pattes sont d’ailleurs à peine déprimées du côté dorsal, leurs pinces s’articulent presque horizontalement avec le carpe et se meuvent dans un plan à peu près vertical, leurs pattes- -mâchoires postérieures ne se font nullement remar- quer, comme celles des Hapalogaster, par la dilatation terminale de leurs deux derniers articles ; les bords latéraux de leur carapace sont arrondis et dépourvus. d’ épi- nes, les pédoncules oculaires, enfin, sont dépourvus de la forte dilatation basilaire qu’ils présentent dans l’A. cavicauda et dans l'A. dentata. À ces caractères qui, presque tous, rapprochent les Dermaturus des Paguriens et de l'Hapalo- gaster inermis, en même temps qu'ils les éloignent des Ha- palogaster franchement porcellaniformes, il faut en ajouter d’autres qui montrent que les Dermaturus, au lieu d’évoluer dans le sens Hapalogaster, nous conduisent peu à peu vers les Lithodinés typiques : la carapace et les appendices se calci- fient fortement, les régions gastrique et branchiale devien- nent moins distinctes, l'aire cardiaque perd ses sutu- res médianes et se limite à la large zone quadrangulaire des Eupaguriens, l’acicule se couvre de petites épines (fig. 16, pl. Il), enfin, les lignes membraneuses des régions Dune chiales disparaissent, aussi bien sur les LS que sur la face dorsale de la carapace. Malgré les caractères d’origine pipes qui les distin- guent des Hapalogaster, les DUREE ont suivi, en ce qui concerne l'abdomen, la même marche évolutive que ces derniers. D'après la courte diagnose de Brandt (50, p. 268), le D. Mandtiiserait sensiblement au même stade que l’AHapa- Togaster cavicauda, en se sens que son deuxième segment abdominal est muni d’une aire membraneuse médiane, d’une paire de pièces latérales et d’une paire de pièces mar- 174 E.-L. BOUVIER. ginales ; quant aux trois anneaux suivants de l’abdomen, ils seraient membraneux comme l'intervalle médian du deuxième anneau, mais on peut supposer que Brandt n’a pas fixé son atlention sur les nodules ou les petites pièces qui peuvent s’y trouver (4). Le Dermaturus hispidus, Stimpson (60, p. 114), dont nous avons pu étudier trois spécimens mâles, est à un stade évolutif beaucoup plus avancé et dépasse même, à ce point de vue, l’H. dentata et V'H. Mertensü; il se fai remarquer (lg. 3 et 6, pl. I), comme ces deux dé s par la soudure en cinq pièces contiguës, dont une médiane (M), de tous les no- dules calcifiés du 2° segment abdominal, et par la disparition complète des pièces tergales eupaguriennes des anneaux sui- vants, mais 1/se rapproche déjà des Lithodinés typiques par la présence, dans lamembrane tégumentaire correspondante, d'une quantité très considérable de petits nodules calcifiés. Au reste cette espèce présente, àtous égards, des caractères lithodiens beaucoup plus accentués que le D. Mandtii : sa carapace S '6- largit beaucoup en arrière, des épines se développent sur la face dorsale du thorax, sur l’acicule et sur les appendices, bien plus, le rostre (fig. 2, pl. Il) commence à prendre la forme qu’on lui voit chez les Lithodes, grâce aux épines paires qu'il présente sur ses bords, el à lbtss prononcée de sa pointe terminale, qui parait. S ‘insérer déjà sur la face ventrale du rostre. 2° Ostracogastriques. Phutoiiodesr Brandt (49, P- 174). Parloaer us White (56, p.133). — La Phyllolithodes papillosa Brandt (49, p.175) dont nous avons étudié des mâles et des femelles de l'île Sitka, est un Lithodiné aberrant qui lient à la fois, comme l’ a juste- ment observé Slimpson, des Dermaturus et des Ostracogas- (4) Voici, textuellement, le passage de Brandt relatif au D. Mandtit : « Anneau antérieur (le 2°) de l’abdomen muni, de chaque côté du dos, d'une lame subiriangulaire sillonnée longitudinalement en dessus et s’éten- dant, à angle aigu, en dehors et en arrière de la lame de l’autre côté, et séparée d'elle, au milieu, par un interstice cutané. » (50, p. 268.) AFFINITÉS DES LITHODES ET DES LOMIS. 179 triques (58°, p. 115). C’est par la structure de son abdomen qu’elle se rapproche de ces deux formes, mais cetle structure paraît si bizarre qu’elle a dérouté jusqu'ici tous les observa- teurs (voir surtout White, 56, p. 133, 134) et qu'il faut l'éludier de très près pour en bien connaître les traits essentiels. | Comme chez {ous les EE on nee dans l’ abdo- men de la 2. papillosa (fig- 12, I) trois pièces simples d’origine eupagurienne, qui correspondent au premier et aux deux derniers segments de l'abdomen. Le. 2° segment se compose de cinq pièces et rappelle à ce point de vue le 2° segment du Dermaturus hispidus, mais il en diffère par la soudure à peu près complète des pièces marginale et laté- rale de chaque côté, ainsi que par la présence d’une paire d’aires médianes très déprimées. qui empiètent à la fois sur la pièce médiane et sur les pièces latérales, et.qui sont formées par une membrane munie d’un certain nombre de nodules calcifiés. Le segment suivant comprend une paire de grandes pièces latérales fortement dépri- mées dans leur milieu, qui est occupé par. une membrane à nodules calcifiés; entre ces deux pièces se voit une aire membraneuse semblable, dans laquelle une partie des nodules se sont soudés pour Em deux pièces transversales conti- guës, l’une antérieure assez régulière, l’autre. postérieure constituée par deux moitiés à peu près indépendantes. Le 4° segment ressemble complètement au AHÉAQRENAE mais l’aire membraneuse de ses plaques latérales s'appuie contre la pièce latérale précédente, et l'aire membraneuse intermé- diaire est plus réduite, de même que ses deux pièces trans- versales. Le 5° segment ne diffère du 4° que par la position de ses deux pièces latérales, qui se touchent sur la ligne mé- diane dans leur moitié antérieure, et qui délimitent en avant un espace où se trouvent les deux pièces transversales. De pelites pièces marginales se rencontrent çà et là chez le mâle, sur les bords de ces trois segments; chez la femelle (fig. 1, pl. IT), ces pièces sont nombreuses et contiguës du côté 176 E.-L. BOUVIER. droit; du côté gauche elles se soudent complètement aux pièces latérales. | Dans {tousces segments à aire membraneuse, les pièces SO- lides sont couvertes de nodosités qui passent, par toutes les transitions, aux nodules calcifiés des aires, comme dans le 2° segment abdominal de l'Hapalogaster cavicaue) il est impossible, d'ailleurs, de voir dans les pièces SR RER et très épaissies des Phyllolithodes les représentants des tergites eupaguriens de ces animaux ; aussi doit-on admettre que Les diverses pièces tergales des segments 2 à 5 des Phyllolithodes remplacent les pièces atrophiées des Eupaguriens ancestraux et qu'elles résultent toutes, secondairement, de la soudure de nodules calcifiés. Nous.savons déjà que cette observation s’ap- plique aux pièces tergales du 2° segment abdominal des Ha- palogastriques, nous verrons bientôt qu’elle s'étend éga- lement à toutes les pièces tergales des segments 2 à 5 des Ostracogastriques. H | Étant donnée l'existence d’aires membraneuses à nodules calcifiés libres dans les parties médiane et latérales des seg- ments 2 à 5 de la PA. papillosa, on ne saurait douter que cette espèce dérive d’une forme moins lithodienne, où la surface dorsale de l'abdomen était protégée par des nodules calcifiés el où ces nodules s'étaient déjà soudés, dans le 2° segment, de manière à former de chaque côté une pièce marginale et une petite pièce latérale, comme dans le Dermaturus Mandtii, et dans l’Hapalogaster cavicauda. D'ailleurs, comme les Phyl- lolithodes se rapprochent des Dermaturus, et notamment du D. hispidus, par les épines de leurs pattes, par les granula- tions de leurs flancs, par la forme de leurs pédoncules ocu- laires et de leurs pattes-mâchoires postérieures et par l’ar- ticulation de leurs pinces, il est naturel de considérer leur forme ancestrale comme tenantle milieu entre le Dermaturus Mandtii etle D. hispidus. Au lieu d'évoluer vers les Ostraco- gastriques normaux, comme les autres Dermaturus, par la soudure régulière et progressive des nodules calcifiés de l'ab- domen, cette forme a donné naïssance à un rameau indépén- AFFINITÉS DES LITHODES ET DES LOMIS. Fi dant qui se caractérise par les saillies arrondies el les pro- fondes anfractuosités de sa carapace, de même que par la soudure régulière et très incomplète des nodules abdomi- naux. Malgré cette divergence dans l’évolution, les PAyllo- hthodes présententnéanmoins les traits essentiels des Ostraco- gastriques; ils ont comme eux, en effet, un bord frontal étroit, leur rostre est du même type que celui des Lithodes (fig. 14, pl. Il), de même que leurs pièces tergales qui sont disposées en séries longitudinales sur les segments 3 à 5 de l'abdomen. Neolithodes À. M.-Edw. et E.-L. Bouv. (94). — La Neoli- thodes Grimaldii À. M.-Edw. et E.-L. Bouv. (9#, et 94), que l’ Hirondelle a recueillie dans les parages de Terre-Neuve, est une espèce des plus intéressantes, parce qu'elle rattache étroitement les Dermaturus aux Ostracogastriques nor- maux. | La carapace de ce Crustacé est médiocrement élargie et rappelle un peu, par sa forme, celle des Dermaturus : la partie basilaire du rostre est peu saillante et se termine par trois longues épines qui naissent au même niveau, deux en dessus et l’autre en dessous, mais très peu du côté ventral; le second segment abdominal (fig. 4, pl. 1) sé compose de cinq pièces contiguës, exactement disposées comme celle du D. hispi- dus ; l'espace compris entre ce segment et les deux derniers est occupé, comme dans cette dernière espèce, par une infinité de nodules solides indépendants, seulement ces nodules sont plus gros et plus fortement calcifiés que dans le D. hispidus, ils sont assez régulièrement distribués sur les bords en une série, et certains d’entre eux se soudent pour former de petiles pièces tergales. Dans les deux spécimens mâles qu’a rapportés l’Hirondelle, ces pièces sont fort espa- cées les unes des autres et au nombre de quatre : une paire pour le 3° segment abdominal, et une pièce située du côté droit pour chacun des deux segments suivants. Toutes ces pièces présentent encore à leur surface autant de saillies qu'elles comprennent de nodules; celles des seg- ments 4 et 5 sont simples et formées de {rois ou quatre ANN. SC. NAT. ZOOL. XVI, 12 178 E.-L. BOUVIER. nodules; celles du quatrième segment sont un peuplus grandes, mais les nodules qui les forment se soudent en deux ou trois pelites aires solides jJuxtaposées. On saisit ici, sur le fait, la formation de plaques tergales secondaires aux dépens des nodules calcifiés ; ces mèces tergales ressemblent, par leur posi- lion, aux pièces correspondantes des Hapalogaster et des Eupa- quriens,mais elles ne sont nullement homoloques de ces dernières et représentent, comme les plaques tergales du 2° segment des Hapalogastriques et des Phyllolithodes, des formations nouvelles caractéristiques des Lithcdinés. Sila Neolithodes Grimaldi rappelle les Dermaturus par les caractères essentiels de sa structure, elle se rapproche étroitement des Lithodes, c’est-à-dire des Ostracogastriques les plus normaux, par l'aspect général de sa carapace, par son test uni et hérissé d’un petit nombre de fortes épines, par la faible largeur de son front, ainsi que par la longueur des doigts de ses pattes ambulatoires. Aussi avait-elle été rangée d’abord parmi les Lithodes (94°), ainsi qu'une autre espèce de même genre, la Neolithodes À qassizù Smith (82, p. 8, pl. 1), que le Blake a recueillie dans la mer des Antilles. En somme, les Neolithodes établissent une transition natu- relle entre les Hapalogastriques et les Ostracogastriques; elles rappellent les premiers par la structure de leur abdo- men, les seconds par leur aspect général, et rendent très difficile la séparation de ces deux groupes qui paraissaient, jusqu'ici, fort différents l’un de l'autre. Paralithodes Brandt, subg. (49, p. 173). — La Neolthodes Grimaldi et la N. Agassizü n’ont qu’un acicule rudimentaire else distinguent en cela de leurs formes ancestrales, les Der- maturus; elles dérivent par conséquent de Néolithodes où cet acicule était bien développé, et c’est de ces espèces encore inconnues que descendent, plus ou moins directement, tous les Lithodinés que nous devons encore étudier. Parmi ces dernières les plus voisines des Neolithodes ap- partiennent, à coup sûr, au genre Paralthodes Brandt. Les espèces de ce genre, en effet, rappellent à beaucoup d’égards AFFINITÉS DES LITHODES ET DES LOMIS. 179 les Neolithodes à acicule et les Dermaturus; elles ont, comme ces Lithodinés, un acicule bien développé (fig. 19, pl. I), un rostre à pointe terminale ou subterminale (fig. 5 et 8, pl. Il) et cinq pièces contiguës, deux marginales, deux laté- rales et une médiane, sur le 2° segment abdominal (fig. 5, pl.1). Les trois segments suivants présentent déjà, par contre, les caractères essentiels des Lithodes : /eurs nodules calcifiés sont soudés de manière à former de chaque côté deux séries longitudinales de pièces, les unes marginales en nombre va- riable, les autres latérales, au nombre de trois, et contiquës de chaque côté; ces dernières pièces sont considérées, par M. Boas, comme les homologues des pièces eupaguriennes, mais il n'en est rien, et on doit les tenir pour des pièces secondaires plus développées que celle des Néolithodes. Entre les pièces latérales se trouve une grande aire mé- diane dont les nodules restent libres et se disposent plus ou moins en séries transversales. Comme c'est la règle dans la sous-famille, l'abdomen de la femelle est beaucoup plus asymétrique que celui du mâle, son côté gauche s’allonge beaucoup et ses pièces marginales se soudent complètement aux pièces lalérales, observation que nous avons déjà pu faire, d’ailleurs, en traitant des Phyllohithodes. | Les fausses pattes, comme on sait, sont toujours atrophiées chez les Lithodinés mâles, mais existent à gauche sur cer- {ains segments abdominaux chez les femelles. Dans la P. bre- vipes, H. M.-Edw. et Lucas({1,p.463-472, pl. XXIV-XX VIII), comme dans tous les autres Lithodinés que nous étudierons dans la suite de ce mémoire, on observe une paire de fausses pattes sur le 1” segment abdominal, et une fausse patte impaire sur le côté gauche des quatre segments suivants. Les fausses pattes paires sont insérées sur le sternite du 1 segment abdominal, qui est soudé au dernier sternite thoracique,comme chez les Eupaguriens ; de sexuelles qu’elles étaient, ces fausses paltes sont devenues ovifères, elles sont dépourvues de tout rameau terminal et différent, à ces di- 180 E.-L. BOUVIER. vers points de vue, des fausses pattes correspondantes des Pylopagurus. Les quatre fausses pattes impaires suivantes sont insérées sur des pièces ventrales impaires et peu cal- cifiées qui représentent probablement des épisternites, elles ressemblent à tous égards aux fausses pattes correspondantes des femelles de la série eupagurienne, mais elles sont dépour- vues de rameau externe, et celles du 5° segment abdominal sont ovifères comme les précédentes. Les Ostracogastriques se distinguent des Japalogaster cavi- cauda et dentata par la présence d’une paire de fausses pattes sur le 1* segment abdominal. L’explication de cette diffé- rence ne laisse pas que d’être embarrassante, si l’on consi- dère, à l'exemple de M. Boas, ces deux espèces d’Æapalo- gaster comme des formes intermédiaires entre les Paguriens et les Lithodes ; aussi le savant naturaliste danois tourne-t-il la difficulté en attribuant « à un phénomène d’atavisme » (80°, p. 194) les fausses pattes paires des Lithodes. En fait 1l n’est nullement besoin d’avoir recours à l’atavisme pour expliquer les fausses pattes paires des Ostracogastriques; comme nous l'avons montré précédemment, ces derniers ne descendent pas des Aapalogaster porcellaniformes, tels que l'A. cavicauda et dentata, mais bien d'espèces plus eupaguriennes, voisines de l’Æ7. inermis, chez lesquelles l’a- daptation au genre de vie des Porcellanes n'avait pas fait disparaître encore les fausses pattes paires du 1* segment abdominal ; ces fausses pattes se sont directement transmises aux Dermaturus, aux Neolithodes et, par l'intermédiaire de ces genres, à tous les Ostracogastriques. On pourra nous objecter, sans doute, que notre explication estYaussi peu satisfaisante que celle de M. Boas, puisqu'elle suppose l’exis- tence, chez les Dermaturus et chez les Neolithodes, de fausses pattes paires sur le 1° segment abdominal; mais cette hypo- thèse a l’avantage de pouvoir être soumise à une vérification rigoureuse, et nous ne doutons pas qu'elle soit confirmée le jour où l’on pourra étudier les femelles, jusqu'ici inconnues, de ces animaux. AFFINITÉS DES LITHODES ET DES LOMIS. 181 Le sous-genre Paralithodes de Brandt (49, p. 173) était défini par la forme obtuse du rostre (fig. 8, pl. I), par l'armature épineuse de l’acicule (fig. 19, pl. Il) et par la brièveté relative des pattes, c'est-à-dire par tous les carac- tères essentiels de la Lithodes brevipes H. M.-Edw. ; aussi ne comprenait-il que cette dernière espèce. Nous croyons qu’il y a lieu de transformer ce sous-genre en un genre, de lui donner une définition plus scientifique en le caractérisant comme nous l’avons fait plus haut, et de l’étendre par consé- quent à la Lithodes camtschatica Tilesius, espèce à longues pattes, à rostre aigu (fig. 3, pl. 11), et à acicule inerme. Les deux espèces du genre ainsi limité, sont l’une et l'autre des formes de {ransition : la Paralothides camtschatica conduit directement au rameau des Lithodes, la P. brevipes aux Acantholithus et à tous les autres Ostracogastriques. Lithodes Latreille (6, p. 39) et Brandt, subg. (49, p. 172). — La P. camischatica se fait remarquer par son acicule dé- pourvu d’épines et par sa pointe rostrale aiguë qui présente à sa base, du côté dorsal, une saillie courte et munie de deux petites épines (fig. 3, pl. Il); comme toutes les Paralithodes, d’ailleurs, elle compte cinq pièces distinctes sur son 2° seg- ment abdominal (fig. 5, pl. I). La Lithodes antarctica Jacquinot et Lucas (53, pl. VIT, fig. 1, pl. VIIL, fig. 9-14, p. 94-96) dérive directement de l'espèce précédente, seulement les 2 pièces latérales du 2° segment abdominal (fig. 6, pl. I) se fusionnent complètement avec la pièce médiane, la saillie dorsale du rostre s’allonge un peu et se termine par 2 épines plus longues (fig. 4, pl. Il, l'acicule, enfin, se réduit à une simple écaille (fig. 18, pl. IL), sauf, dans quelques cas anormaux (2 cas environ sur 20) où il reste absolument semblable à celui de la P. camschatica (fig. 17, pl. IP. Comme l'espèce précédente et, d’ailleurs, comme toutes les espèces de Lithodes, la ZL. arctica H. Milne-Edwards (37, p.186) est munie d’un acicule rudimentaire, d’un rostre aigu et de pièces abdominales disposées sur les segments 182 E.-L. BOUVIER. 3 à 5 de la même manière que celles des Paralithodes, Elle dérive de l'espèce précédente, ou d’une forme très voi- sine, mais s’en distingue par la soudure complète des cing pièces du 2° segment abdominal (fig. 7, pl. 1), et par la forme de son rostre dont la saillie dorsale s’allonge beaucoup, re- couvre complètement la pointe rostrale et présente 2 épines basilaires en outre des 2 épines terminales (fig. 5, pl. 1). La L. ferox A. Milne-Edwards du Talisman ressemble à la L. antarctica par la structure de son 2° segment abdominal, dont les 2 pièces marginales sont encore indépendantes. Comme la Lithode arctique, elle diffère de la L. antarctica par son acicule réduit à une écaille, et par la saillie dorsale de son rostre qui est longue et armée de 2 paires d’é- pines (fig. 6, pl. IT). La L. tropicalhs À. M.-Edw. et E.-L. Bouv. du Talisman et la L. Murrayi Henderson (88, p. 43, pl. IV) du Chal- lenger se rattachent l’une et l’autre à la L. ferox. Elles en diffèrent par leur taille plus grande, par leurs épines plus ré- duites et par la direction de la saillie dorsale du rostre, qui est relevée vers le haut au lieu d’être légèrement infléchie vers le bas (fig. 7, pl. IT). La L. spinosissima Brandt (49, p. 172) paraît aussi se rapprocher des espèces précédentes ; mais on connaît trop peu ses caractères pour pouvoir déterminer, avec quelque pré- cision, ses affinités. Acantholithus Stimpson (58, p. 69). — Les Acantnolithus commencent la série des Lithodinés ostracogastriques qui dérivent de la Paralithodes brevipes. L’A. hystrix de Haan (50, p. 218, pl. XLVIIL, fig. 1), unique représentant de ce genre, ressemble encore beaucoup à cette dernière espèce : sa carapace a sensiblement la même forme, son acicule an- tennaire (fig. 20, pl Il) est presque identique et se termine brusquement par 2 longues épines, son rostre (fig. 9, pl. Il) enfin est très oblus, mais la très courte saillie aiguë qui orne en avant son extrémité, dans la P. brevipes, forme ici une grosse épine relevée vers le haut. A cette différence, qui suf- AFFINITÉS DES LITHODES ET DES LOMIS. 183 firait déjà pour distinguer les deux espèces, il faut ajouter les suivantes : toutes les parties du corps sont recouvertes d’é- pines serrées, les 5 pièces du 2° segment abdominal n’en for- ment plus qu'une seule, en outre les nodules médians des 3 segments suivants se soudent et forment une série longitudi- nale de 3 pièces médianes (M) qui se séparent les unes des au- tres, ainsi que des autres pièces médianes, par une rangée (i) de nodules libres ou très incomplètement fusionnés (fig. 8, pl. [). Abstraction faite des aires membraneuses à nodules libres, qui sont ici absentes, la structure de l'abdomen, au moins dans les segments 3, 4 et 5, rappelle tout à fait celle que nous avons signalée chez les Phyllolithodes et diffère beaucoup de celle qu'a schématiquement figurée de Haan (50, tab. XLVIIT, 16), et qui comprend, non seulement des pièces médianes absolument contiguës, mais un très petit nombre de pièces marginales, et, de chaque côté, 2, 3 ou même 4 rangées transversales de pièces latérales. Il est, d’ailleurs, assez difficile de se rendre compile du schéma précédent ; toutefois, comme de Haan, dans une autre fi- gure (14), ne représente pas plus de 5 rangées longitudinales de pièces, comme, en outre, les pièces latérales de l’A. Ays- trix sont creusées de dépressions linéaires, on peut croire que le dessinateur a exagéré ces dépressions et qu'il leur a donné à tort, dans le schéma, la même importance qu'aux lignes articulaires. Quoi qu'il ensoit, on ne saurait caractériser les Acantho- lithes, en disant, avec Stimpson (58, p. 69), que leurs pièces abdominales sont multisériées, car elles présentent la même disposition chez beaucoup de Lithodinés. D'ailleurs, le genre est suffisamment caractérisé par la structure du rostre (äg. 9, pl. I), par la forme de l’acicule (fig. 20, pl. IL), par la puissante armature épineuse de l’animal, enfin par l’exis- tence d'une rangée continue de pièces marginales (»”) in- dépendantes sur toute la longueur des bords des 3°, 4° et 5° segments abdominaux. 184 E.-L. BOUVIER. Echidnocerus White (48, p.47), Lopholithodes (49, p. 174). — [L'abdomen des Æ£chidnocerus est absolument conformé comme celui des Acantholithus et, par conséquent, composé, sur les segments 3 à 5, de rangées longitudinales de pièces. Toutefois la fusion des parties solides est sensiblement poussée plus loin, car les nodules calcifiés qui séparent les pièces médianes sont presque tous soudés entre eux, et l’on voit en outre, sur le côté droit de l'abdomen, une ou plu- sieurs pièces marginales se confondre avec la première pièce latérale (fig. 13, pl. I). Malgré la ressemblance de leur abdomen avec celui, des Acantholithus, les Échidnocères ne dérivent pas de ces der- niers et se rattachent plutôt à la Paralithodes brevipes ou à quelque espèce voisine : leur rostre (fig. 13, pl. Il), en effet, se termine en pointe très obtuse, comme dans cette dernière espèce, et présente sur sa face dorsale une courte et large saillie qui se termine ordinairement en avant par une paire de tubercules coniques; la carapace n'est point ovoïde comme celle de l'A. hystrix, mais largement cordiforme comme celle de la P. brenipes, l’acicule, en outre, qui est triangulaire et très épineux (fig. 24, pl. Il), diffère moins de celui de la L. brevipes que du rostre nettement tronqué de l'A. Aystrir. Nous n'avons pas étudié l’Æ. sefimanus Stimpson, mais cette espèce étant, d'après Slimpson (57, p. 37), ordinaire- ment couverte d’épines, nous pensons qu’elle se rapproche plus que toutes les autres de la P. brevipes. L’E. cibarius White (48, p. 47, pl. Il et III) vient ensuite et ne diffère guère de l'espèce précédente que par la transformation des épines en lubercules. L'Æ. /oraminatus Slimpson (58 a, p.33) est plus profondément modifié : par sa taille médiocre, par l'atrophie presque complète des tubercules du test, par la forme obtuse de toutes les parties du rostre, par la faible épaisseur de ses appendices, enfin par l’extension, en forme de toit, des parties latérales de ses aires branchiales, il AFFINITÉS DES LITHODES ET DES LOMIS. 185 diffère des deux autres espèces du genre, et se rapproche beaucoup des Cryptolithodes (1). Paralomis White (56, p. 134). — Dans l’Echidnocerus ciba- rus,une seule pièce marginale vient se fusionner avec la pièce latérale droite du 3° segment abdominal (fig. 13, pl. I), dans l'E, foraminatus ces pièces marginales fusionnées sont au nombre de 4, de sorte que la pièce latérale droite est libre sur toute l'étendue de son bord externe, abstraction faite de l'échancrure qui la sépare de la pièce suivante et qui est occupée par une pièce marginale libre. Chez les Paralomis (Gg. 9, pl. I, fig. 3, pl. NI), /a fusion des pièces marginales du 3° segment s'effectue aussi bien à droite qu'à qauche, et les pieces marginales suivantes se fusionnent même fréquemment entre elles deux à deux ou trois à trois ; en outre les nodules situés entre les pièces médianes sont {ous ou presque tous soudés entre eux. D'après ce qui précède, on pourrait croire que les Para- lomis se rattachent directement aux Échidnocères, mais il n'en esl rien ; ces. animaux n’ont pas les formes lourdes et irapues de ces derniers, leurs pattes sont plus longues et plus grêles, leur carapace ne s'étale pas en toit sur les côtés, le rosire est toujours aigu, et les patles antérieures, tou- jours semblables à celles des Lithodes, ne présentent ja- mais, sur le bord interne de leur carpe, l'énorme lobe saillant qu'on observe chez tous les Echidnocerus, et que ces animaux appliquent sur leurs appendices céphaliques à la manière des Calappes. Les Paralomis ressemblent surtout aux Lithodinés les plus normaux et notamment à l'A cantholithus hystrir. Une (4) Les Échidnocères sont adaptés au même genre de vie que les Ca- lappes et protègent leurs appendices céphaliques en les recouvrant par une sorte d’opercule que constituent les pinces, et surtout un lobe interne très développé du carpe. Chez l'E. foraminatus cette adaptation spéciale est poussée plus loin que dans les autres Échidnocères, aussi voit-on, dans cette espèce, le bord postérieur du carpe des pattes antérieures présenter une échancrure demi-cylindrique qui peut s’appliquer exactement contre une échancrure de même forme des pattes suivantes, et former avec elle un ca- nal vraisemblablement destiné au courant d’eau respiratoire. | 186 E,.-L. BOUVIER. de leurs espèces, la P. aculeata Henderson (88, p. 45, pl. V, fig. 1), du Challenger se rapproche tellement de cette dernière qu'on serait tenté de la confondre avec elle, n'étaient les épines moins saillantes de la carapace et celles plus régu- lièrement sériées des appendices : la carapace a le même contour ovoïde dans les deux espèces, les mêmes bords arrondis, la même convexité dorsale, les pattes sont sensible- ment de même longueur, l'acicule antennaire a la même apparence fronquée et présente presque identiquement les mêmes épines (fig. 21, pl. Il), le rostre (fig. 10, pl. ID) a la même forme et présente à sa base les mêmes ornements (deux épines symétriques et une épine médiane impaire), en- fin on observe, sur la partie médiane de la région gastrique, une épine un peu plus forte dans les deux espèces. En de- hors des caractères génériques, les seules différences un peu importantes qui distinguent la P. aculeata de l'A. Aystrix sont la convexité plus prononcée de la région gastrique, et la disparition complète de la saillie qu’on trouve sur le bord inférieur de la pointe rostrale dans cette dernière espèce, saillie qui représente, on le sait, la pointe rostrale obtuse de la Paralithodes brevipes. La Paralomis formosa Henderson (88, p. 46, pl. V, fig. 2), du Challenger, dérive de la P. aculeata par la disparition presque complète d’un grand nombre d’épines, et par le grand développement que prend l’épine gastrique médiane ; l'acicule se modifie bien davantage, il devient triangulaire, comme dans les autres espèces du genre, et ne présente que quelques petites épines sur son bord externe. La P. granulosa Jacquinot et Lucas (53, pl. VIIL, fig. 15- 21, p. 94-96) se rattache aussi à la P. aculeata ou à quel- que forme voisine, car son acicule antennaire (fig. 22, pl. Il) est peu différent, bien qu'il perde son apparence tronquée pour tendre vers la forme triangulaire. Toutefois la carapace de cette espèce est plus cordiforme, ses bords sont plus pro- noncés, les trois épines basilaires du rostre sont moins sail- lantes (fig. 11, pl. Il), et les nombreuses épines du test se AFFINITÉS DES LITHODES ET DES LOMIS, 187 changent en tubercules obtus chez l'adulte, en saillies très limitées et irrégulières chez le jeune (Jacq. et Luc., 53, fig. 15). Dans la P. verrucosa Dana (52, p. 428, pl. XXVI, fig. 16), l’acicule devient rigoureusement triangulaire parce qu'il est relativement plus long et que ses épines latérales sont plus courtes ; la pointe rostrale est également moins saillante et les appendices sont un peu plus courts ; mais les ornements du test sont peu différents de ceux de la P. granulosa, et se composent de tubercules bas et obtus qui deviennent verru- queux sur l'abdomen (fig. 3, pl. III) et fréquemment aussi sur la carapace. Rhinolithodes (49, p. 174). — Les Rhinolithodes sont des Paralomis dont l'abdomen (fig. 10, pl. I) n’a plus que trois séries longitudinales de pièces tergales, /es mèces marginales s'étant fusionnées toutes avec les pièces latérales correspon- dantes. Is ressemblent absolument aux Paralomis par tous leurs autres caractères. L'espèce la plus voisine de ce dernier genre est la Æhino- lithodes biscayensis À. M.-Edw. et E.-L. Bouv., recueillie par le Talisman dans le golfe de Gascogne; elle ressemble étrangement à la P. aculeata et ne s’en distingue guère que par les épines plus longues de son rostre (fig. 12, pl. Il), par sa carapace plus nettement cordiforme, par ses pattes un peu plus courtes, par la longueur moins grande des deux épines terminales de son acicule antennaire (fig. 23, pl. Il) et, cela va sans dire, par les caractères de son abdomen. Nous n'avons pu étudier la À. Wossnesenski Brandt, la seconde espèce du genre; mais, d'après la description de Brandt (49, p. 174), on peut affirmer, à coup sûr, qu’elle s'éloigne beaucoup plus des Paralomis que la À. biscayensis, car la saillie dorsale de son rostre, au lieu d’être formée par deux épines presque sessiles, s’allonge beaucoup en avant et cache, comme dans la plupart des Lithodes, la pointe rostrale inférieure. En d’autres termes, entre la R. biscayensis et le À. Wossnesenshi existent les mêmes dif- 188 E.-L, BOUVIER. férences qu'entre la ZLithodes antartica et la L. arctica, abstraction faite, bien entendu, des différences que présente la carapace, et qui paraissent être très considérables. Cryptolithodes Brandt (49, p. 175). — Les Rhinolithodes ne paraissent pas avoir donné naissance à d'autres Litho- dinés et représentent, par conséquent, un rameau terminal de la sous-famille. Il n’en est vraisemblablement pas de même des Æchidnocerus dont nous avons décrit plus haut l'évolution et les caractères : certains de ces Crustacés ont dû subir des modifications abdominales semblables à celles des Paralomus et des ÆRhinolithodes, c'est-à-dire fusionner progressivement, et d'avant en arrière, leurs pièces margi- nales avec les pièces latérales correspondantes. Mais cette fusion une fois accomplie, les transformations de l’abdomen ont conlinué dans le même sens : les petites baguettes trans- versales qui proviennent de la fusion de nodules médians et qui, dans les Paralomis, séparent encore les pièces médianes, se sont fusionnées respectivement avec la plus postérieure de ces pièces, de sorte que l’abdomen (fig. 11, pl. I), dans chacun des segments 3, 4 et 5, se trouve composé d’une série trans- versale de trois pièces contiguës, disposition qu’on observe actuellement chez les Lithodinés du genre Cryptolthodes. Les Cryptolithodes présentent (voir Stimpson, 57, p. 32, pl. XX), considérablement exagérés, certains caractères qu’on a vus s’accentuer déjà dans les Æchidnocerus, et qui semblent tous avoir pour but de protéger l'animal à l’aide de sa carapace et de ses appendices, comme dans les Crabes du groupe des Calappiens, et surtout dans les Cryptopodia : les pattes s’amincissent, plus encore que dans l’£. /oraminatus, de manière à pouvoir s'appliquer facilement sous le corps, les pinces acquièrent une articulation légèrement oblique qui leur permet de se rabattre au-devant des appendices cé- phaliques, en outre, la carapace s’élale enaïle, beaucoup plus largement que dans l’Æ£. foraminatus, et forme au-dessus de tous les appendices une sorte de toit qui les recouvre à peu près complètement. La protection des appendices cépha- AFFINITÉS DES LITHODES ET DES LOMIS. 189 liques ne s'effectue pas à l’aide des seules pattes antérieures comme chez les Échidnocères et les Calappes; ces pattes, en effet, sont dépourvues de l'énorme lobe carpien qu'on observe chez ces derniers animaux, et ne joueraient dès lors qu'un rôle protecteur peu efficace, si elles n'étaient secon- dées, dans cette fonction, par d’autres parties du corps; aussi voit-on la carapace s’avancer en toit jusqu'au-dessus des antennes, l’acicule se transformer en lamelle (fig. 26, pl. IT) qui s'appuie sur les bords de ce toit, enfin le rostre se modifier en une lame large et saillante, sorte d’auvent qui recouvre à merveille les pédoncules oculaires et les anten- nules. Malgré ces modifications profondes, les autres par- ties du corps, et notamment la face dorsale de Ja cara- pace, ont conservé la forme générale qu’elles présentent chez l'E. foraminatus et témoignent manifestement des affinités qui existent entre les Cryptolithodes et les Échidnocères ; on observe même, dans ces deux genres, deux petites pièces triangulaires annexes entre le deuxième segment abdominal et les pièces du segment suivant (fig. 11 el 12, pl. Il). D’après la figure de Stimpson (57, pl. XX) et la courte description de Brandt (49, p. 175), la Cryptohthodes typica Brandt présenterait surtout des affinités avec l’EÆ. forami- nalus ; les pattes sont granuleuses, comme dans cette espèce, et sensiblement de même forme, les régions cardiaque el branchiale sont renflées de la même manière, les pédoncules oculaires sont à peine différents, la carapace présente encore des lignes tuberculeuses dans l'une et l’autre espèce, ses bords sont dentés comme dans l’£. foraminatus, enfin on peut considérer comme le résultat de la transformation des forts tubercules médians de cette dernière espèce, la carène dorsale que présente la partie médiane du thorax dans la C. typica. Dans la C. sitchensis Brandt (53, p. 254), dont nous avons étudié un individu mâle et un individu femelle, les pédon- _cules oculaires s’effilent dans leur moitié terminale, la carène dorsale s’abaisse et devient très obiuse, les tubercules dor- 190 E.-L. BOUVIER, saux et les granulations des pattes disparaissent complèle- ment, les dents des bords de la carapace se réduisent à de faibles saillies obtuses et s’atrophient complètement en arrière, les affinités avec les Échidnocères, en un mot, s’at- ténuent beaucoup et ne deviennent évidentes qu'à la suite d'une comparaison minulieuse avec l'espèce précédente. Vu en dehors, l'abdomen de la C. sitchensis femelle paraît presque aussi peu asymétrique que celui du mâle, bien que les fausses paites soient toujours, sur la face ventrale, situées du côté gauche (1). Cette observation est intéressante, car elle nous montre que la tendance de l'abdomen, chez les Li- thodiens, est de reconquérir, dans la mesure du possible, la symétrie parfaite qu'avait fait perdre aux Crustacés ma- croures l'adaptation à la vie pagurienne. Dès qu'ils abandonnent leurs coquilles, les Paguriens manifestent tous cette tendance vers la symétrie abdominale, comme on l’observe chez les Cancellus, les Ostraconotus, les Tylasms et les Porcellanopaqurus. Chez les Lithodinés, cette symétrie extérieure a été acquise peu à peu, et le nombre des formes du groupe est assez grand pour qu'on puisse suivre pas à pas la marche progressive de cette évo- lution. Les fausses paltes disparaissant complètement chez le mâle, rien ne met obstacle à la restauralion de la symé- trie qui devient très vite assez grande, el qui est parfaite dans les Cryptohithodes. Mais il n'en est pas de même chez la femelle ; ici les fausses pattes eupaguriennes, persistant tou- jours du côté gauche (fig. 14 et 15, pl. 1), rendent impossible la symétrie parfaite de l'abdomen, et retardent considérable- ment la restauration d’une symétrie exlérieure à peu près complète; il suffit de comparer l’abdomen des Æapalogaster avec celui des Zithodes (fig. 2, pl. HI), des Acantholithus (fig. 14, pl. I), des £chidnocerus (fig. 13, pl. 1) et des Crypto- lthodes (fig. 11, pl. 1), pour se rendre compte des progrès (1) Dans le spécimen que nous avons étudié, les fausses patles paires du premier segment paraissaient résuites à leur (ubercule d'insertion (fig. 15, pl. D). | AFFINITÉS DES LITHODES ET DES LOMIS. . 191 peu rapides de cette évolulion particulière. Pourtant, on voit s’atténuer peu à peu, chez la femelle, la longueur excessive du côté, gauche; la fusion complète des pièces marginales avec les pièces latérales fait disparaître, chez les Paralomis femelles, une des causes d'asymétrie les plus frappantes, enfin, chez les Cryptohthodes (Gg. 11, pl. D, l'asymétrie devient aussi faible que possible et apparait à peine sur la face externe de l'abdomen. Coup d'œil d'ensemble sur l'évolution des Lithodinés. — Maintenant que nous avons suivi pas à pas les transforma- tions multiples qu'ont subies les Lithodinés, depuis la forme pagurienne, qui leur a servi de point de départ, jusqu’à celle de Crabe anomourien parfait, il nous reste à rappeler briève- ment les traits essentiels de l’évolution de ces êtres, et à les grouper naturellement suivant les règles de cette évolution. À l’époque où il écrivit son beau mémoire sur les affinités des Crustacés décapodes, M. Boas ne connaissait pas encore la faune très riche des Pagurinés abyssaux et il lui était impossible de déterminer les affinités paguriennes des Litho- dinés plus exactement qu'il ne l’a fait en disant que « l'espèce _ d’Eupagurus, dont ces animaux sont issus, était, sous quel- ques rapports, plus voisine des Paguristes que les espèces d'Eupagurus » qu'il avait eu l’occasion d’examiner (80°, p. 194). Depuis lors, les matériaux de comparaison se sont singulièrement accrus, et c’est en les utilisant que nous avons pu fixer, avec plus de précision, la position zoologique et les formes paguriennes dont dérivent tous les Lithodinés. Cette forme, avons-nous dit, appartenait à la grande série des Eupaguriens, qui commence aux Parapagur us pour se Ler- miner aux £upaqurus, en passant par les Tomopaqurus et les Pylopagurus, et tenait à la fois de ces trois derniers genres ; elle ne possédait plus la paire de fausses pattes sexuelles môles qu'on observe encore chez les Tomopaqurus, mais les deux fausses pattes sexuelles femelles avaient persisté comme chez les Pylopaqurus ; les pattes antérieures devaient être semblables à celles des Tomopagurus et des Eupagurus, 199 E.-L. BOUVIER. enfin les Lergites abdominaux, un peu plus dissociés que ceux des Pylopagurus (fig. 1, pl. I), présentaient à coup sùr les plus grandes analogies avec ceux des £'upagurus (une pièce tergale très calcifiée sur chacun des anneaux 1, 6 et 7; une paire de pièces beaucoup plus minces et largement séparées par la membrane tégumentaire sur tous les autres segments). Certains caractères eupaguriens persistèrent chez tousles Lithodinés, en dépit de leur transformation en crabes ano- mouriens : la carapace conserva presque loujours quelques lignes membraneuses sur ses flancs, la partie quadrangulaire de la région cardiaque s’affirma de plus en plus, le rostre et les dents extraorbitaires s’allongèrent beaucoup, la cor- née conserva son plus grand développement sur le bord externe des pédoncules oculaires (fig. 20, pl. I), l’écaille ophthalmique de ces pédoncules persista sous la forme de rudiment, les pattes-mâchoires externes demeurèrent fort éloignées à leur base et le denticule de leur exopodite ne subil aucune régression, les branchies restèrent eupagu- riennes par leur structure (lamelles bisériées) et par leur position (voir la formule branchiale de la page 62), le pre- mier sternite abdominal se confondit avec le dernier sternite thoracique (fig. 14, pl. 1) et conserva sa paire de fausses patles (sauf chez les Hapalogaster les plus porcellaniformes), les fausses pattes impaires des quatre segments suivants gardèrent, chez la femelle, leur position normale sur le côté gauche de l'abdomen, enfin les tergites calcifiés du 1° et des deux derniers segments abdominaux ne subirent que des modifications peu sensibles. Quant aux caractères que les Eupaguriens tenaient de leur adaptation à vivre dans des coquilles, ils disparurent pro- gressivement à partir du moment où ces animaux aban- donnèrent leur abri pour se transformer en Lithodinés : la carapace se calcifia et perdit peu à peu les lignes mem- braneuses de ses aires branchiales, les lignes analogues qui délimitaient la zone allongée de la région cardiaque se calcifièrent également et disparurent, le sternum thora- AFFINITÉS DES LITHODES ET DES LOMIS. 19% cique et le céphalotharax s’élargirent beaucoup, surtout en arrière, et donnèrent aux Lithodinés une apparence de crabes, la carapace se recouvrit d'’ornements en saillie, ses bords latéraux s’accentuèrent et son angle anléro-latéral s’arma bientôt d'une dent ou d’une épine, les pattes de la 4° paire reprirent leur dimension normale et redevinrent ambulatoires, celles de la 5° paire, enfin, perdirent leur aire rugueuse, en même temps que s atrophiaient les fausses pattes du 6° segment abdominal, celles qui fixent les À LR à leur coquille. De toutes les modifications subies par les Lithodinés rare le cours de leur évolution, les plus frappantes sont, à coup sûr, celles qui ont frappé le rostre, l’acicule dalacents et l'abdomen. Chez les Japalogaster, (fig. 1, pl. Il) qui repré- sentent les formes les plus primitives du groupe, le rostre- est une simple saillie aiguë, un peu plus développée que chez. les Eupaguriens; chez les Dermaturus (fig. 2, pl. Il) cette saillie devient épineuse et ses deux épines terminales s’avan- cent un peu au-dessus de la pointe rostrale légèrement inflé- chie vers le bas; dans les Neolithodes la pointe rostrale et les. deux épines conservent les mêmes rapporlis, mais acquièrent une longueur considérable; dans la Paralühodes camitscha- nca (Gg. 3, pl. Il), les deux épines se détachent d’une base. commune qui s avance légèrement au-dessus de l'insertion de la pointe rostrale; dans la Lithodes antarchca, (fig. 4, pl. Il), /a base commune se projette un peu plus loin en. avant, dans les autres Lithodes (fig. 5,6, 7, pl. Il), enfin, elle devient tellement saillante qu'elle cache complètement la pointe rostrale, et qu’elle a été prise à tort pour cette dernière, par la plupart des auteurs. Chez la Parahthodes brevipes (fig. 8, pl. IL), nous observons une forme du rostre assez différente qui conduit, par des modifications progressives, au rostre des. autres Lithodinés. Cette forme est caractérisée par l’extré-. mité obtuse de la pointe rostrale, qui est d'ailleurs toujours. infléchie vers le bas et qui présente, à sa base les deux épines normales, en avant une légère saillie aiguë. Chez ANN. SC. NAT. ZOOL. XVI, 13 194 E.-L. BOUVIER. l'Acantholithus hystrix (fig. 9, pl. Il) une longue épine rem- place cette saillie au-dessus de l'extrémité obtuse dela pointe rostrale; chez les Paralomis (fig. 10 et 11, pl. Il) cette partie obtuse s’atrophie, et la pointe rostrale paraît uniquement formée par la longue épine des Acantholithes; l’épine ainsi formée devient courte, forte et obtuse dans les ÆZchidnocerus (fig. 143, pl. IT); enfin, chez les Cryptolithodes, elle paraît s’a- irophier complètement, et le rostre se lransforme en une large lame qu’on peut attribuer à la concrescence et à l’allonge- ment des deux épines basilaires. La lame rostrale des Cryptolithodes joue évidemment un rôle protecteur, mais on peut aussi attribuer le même rôle au rostre saillant et épineux des autres Lithodinés; il est placé sur le front comme une arme, el permet peut-être à l'animal de résister aux ennemis contre lesquels se protègent les Paguriens en rentrant dans leur coquille. L’acicule antennaire présente des variations correspon- dantes (série fig. 15 à 18 et 19 à 23, pl. IT) qui permettent, comme celles du rostre, de déterminer très exactement les affinités que présentent entre eux les divers Lithodinés; ces variations ont été exposées précédemment, avec assez de dé- tails, pour qu'il soit inutile de les relever ici. Quant aux variations de l’abdomen, elles sont tout parti- culièrement intéressantes en ce sens qu'elles nous montrent, avec une évidence frappante, comment l'abdomen des Pagu- riens à pu acquérir un revêtement tégumentaire analogue à celui des Crabes. L’abdomen de tous les Lithodinés, sans exception, s’est élargi comme la carapace, et s’est replié en partie contre le sternum thoracique à la manière de celui des Crabes; comme chez le Crabe aussi, les seules fausses pattes ovifères et sexuelles ont persisté, de sorte qu'il n’y a plus aucun appendice abdominal chez les mâles, tandis que toutes les fausses pattes eupaguriennes persistent chez les femelles, (fig. 14 et 15, pl. I) les fausses pattes antérieures, primitivement sexuelles, étant partout devenues ovifères, sauf chez certains Hapalogaster où elles se sont atrophiées. AFFINITÉS DES LITHODES ET DES LOMIS. 195 En même temps que se produisäient ces transformations cancériennes, les tergites abdominaux des segments 2 à 5 subissaient de leur côté des modifications profondes. Chez les Japalogaster (fig. 2, pl. I; comparer avec fig. 1, pl. I), ces tergites sont encore semblables à ceux des Eupaguriens, mais quelques-uns d’entre eux s’atrophient, et ceux du 2° seg- ment abdominal sont remplacés par des nodules calcifiés qui se soudent, soit en partie, pour former de chaque côté une pièce marginale et une pièce latérale (Hapal. cavicauda), soit totalement pour former une pièce médiane, une paire de pièces latérales et une paire de pièces marginales (4H. Mer- tensi, H. dentata). Les mêmes stades s’observent chez les Dermaturus, les uns étant dépourvus de pièce médiane (D. Mandiu), les autres ayant déjà cinq pièces sur le 2° seg- ment abdominal (fig. 3, pl. 1, D. luspidus); chez les Derma- turus, d’ailleurs, au moins dans le D. hispidus, les pièces tergales eupaguriennes des trois segments suivants ont disparu sans laisser de traces, et sont remplacées par un très grand nombre de nodules calcifiés. Il en est de même chez les Veo- hthodes (fig. 4, pl. I) seulement, la calcification des nodules devient plus intense, les nodules s’élargissent, et certains se soudent entre eux pour former à gauche une série linéaire de trois petites pièces, qu'on homologuerait à tort avec celles des Eupaguriens et des Hapalogaster, bien qu’elles occupent la même place. Chez les Paralithodes (fig. 5, pl. I), les no- dules se soudent sur une plus grande étendue et forment de chaque côté une série longitudinale de trois pièces latérales contiguës ; entre ces deux séries de pièces, les nodules médians se groupent en séries transversales plus ou moins régulières, en dehors, ils se fusionnent entre eux et donnent naissance à une série. de petites pièces marginales. Chez les Lifhodes on voit la pièce médiane du 2° segment (fig. 5, pl. I) se sou- der aux pièces latérales (L. antarctica, L. ferox), et celles-ci se souder à leur tour aux pièces marginales (fig. 7, pl. Il), le 2° segment ne comprenant plus alors qu’une seule pièce (L. arctica, L. tropicalis, etc.). Chez les Açantholithus (fig. 8, 196 E.-L. BOUVIER. pl. D et les Eckidnocerus (fig. 13, pl. 1), les nodules médians des trois segments suivants se soudent et forment trois pièces qui correspondent exactement aux pièces latérales de ces segments, mais qui restent séparées par une rangée trans- versale de nodules libres ou incomplètement soudés ; il en est à peu près de même chez les Paralomis (fig, 9, pl. I; fig. 3, pl. I), avec cetle exception, toutefois, que les pièces mar- ginales du 3° segment sont déjà soudées aux pièces latérales. Chez les Rhinolhthodes (fig. 10, pl. I), les pièces marginales se soudent toutes aux latérales, et les nodules qui séparent les pièces médianes se fusionnent complètement pour former d'étroites baguettes intercalaires; chez les Cryptolithodes (fig. 11, pl. D), enfin, ces baguettes se confondent avec la plus postérieure des deux pièces qu’elles séparent, et l’abdomen se trouve constitué, dans sa partie moyenne, par trois séries lon- giludinales de trois pièces contiguës. Si les trois pièces trans- versales d’un même segmentse soudaient alors comme celles du deuxième, l'abdomen deviendrait extérieurement iden- tique à celui d'un Crabe, d'autant plus qu'il est devenu alors presque complètement symétrique; cet état n’est réalisé chez aucune espèce actuellement connue, mais c’est évidemment la forme vers laquelle évolue la sous-famille des Lithodinés. En résumé, les pièces abdominales des Lithodinés (seg- ments ? à 5), bien qu'analoques par leur position aux pièces correspondantes des Eupaquriens, ne présentent avec elles au- cune homologie réelle. Pour se transformer en Lithodinés ty- piques, les Eupaquriens ont d'abord perdu toutes les pièces abdominales des segments ? à 5, puis des nodules calcifiés ont envahi la vaste surface membraneuse de l'abdomen, et c'est par la fusion progressive de ces nodules que se sont entièrement for- mées les pièces teryales solides qu'on observe chez ces animaux. Ces résultats, qui diffèrent complètement de ceux jusqu'ici obtenus, ne sauraient guère être mis en doute; 1ls sont d’ailleurs confirmés par l’étude de l'abdomen des Phyl- lolithodes (Gig. 12, pl. I, fig. 1, pl. HT) où l’on voit les nodules calcifiés former des plaques tergales bizarres, entre les- AFFINITÉS DES LITHODES ET DES LOMIS. 197 quelles s’intercalent de grandes aires où les nodules sont encore isolés. Affinités et classification des Lithodinés. — Après avoir quitté leurs coquilles, les Eupaguriens qui ont servi de souche aux Lithodinés s’abrilèrent probablement sous les pierres, et acquirent de la sorte une certaine ressemblance avec les Porcellanes. Chez les Hapalogaster ce mode d'adaptation per- sista, mais il ne fut que transitoire chez les Dermaturus, qui abandonnèrent leur abri el se mirent à errer librement dans la mer, dès que leur carapace fut suffisamment calcifiée et armée d'épines. Ce fut là le point de départ de toute la grande tribu des Ostracogastriques ; les Hapalogaster et les Dermaturus (caractérisés par l'absence de pièces tergales nouvelles sur les segments 3, 4 et 5) formant à eux seuls la tribu des Hapalogastriques. Les Phyllohthodes ont vraisem- blablement conservé le même mode d’existence que les Der- maturus: dans tous les cas ils dérivent directement de ces derniers, et se distinguent de tous les autres Ostracogasiri- ques par la soudure incomplète et très bizarre des nodules calcifiés de leur abdomen. Les PAyllolithodes forment, dans la tribu des Ostracogastriques, une section spéciale dont les caractères sont aberrants; tous les représentants normaux de la tribu dérivent de formes analogues au Dermaturus hispidus, par une calcificalion plus intense du test et par la soudure progressive des nodules et des pièces solides de l'abdomen. Au Dermaturus hispidus se rattachent directe- ment les Veolithodes, où commence la fusion des nodules calcifiés, et aux MVeolithodes se rattachent les Paralithodes ; celles-ci, d'ailleurs, servaient de point de départ au rameau des Lithodes par l'intermédiaire de la P. camtschatica, et à tous les genres suivants par l’intermédiaire de la P. brempes. Les Acanthouthus dérivent de cette dernière et présentent encore, comme les Lithodes et les Paralithodes, une puis- sante armature épineuse; par réduction de leurs épines et par soudure de certaines pièces marginales, ils conduisent aux Paralomis qui, par le même processus, conduisent à 198 E.-L. ROUVIER. leur tour aux Æhinohthodes. À la Paralithodes brevipes se rattachent d’autres formes qui sont caractérisées par la ré- duction progressive du test, par la soudure des pièces ab- dominales, et surtout par un élargissement latéral de la ca- rapace qui protège de plus en plus la base des pattes; chez les Æchidnocerus ces modifications adaptatives sont encore peu accentuées, mais elles le sont énormément chez les Cryptolithodes, dont les pattes sont complètement abri- tées sous la carapace, el qui marquent le terme de l’évolu- tion subie par les Lithodinés. Nous résumons, dans le schéma suivant, les affinités, la classification, et les enchaînements de la sous-famille des Li- thodinés. : ; (2°0stracogastriques 1° Ostracogastriques normaux. mA rorba _ c Ci à ie ] Las b uettex libres. sitchensi + le sauslent a la . | pièce mediaræ Coton pic 1 qui suit. R.Wosnessenski A Toutes les pièce ” ‘ marginales se souder aux (l | Rhinolithodes biscayensis | gl | 1 latérales. P.verrucosa Les pie marginales idu 3 semi nt se Lvoudent «ut ‘Pièces latérales Les *UHYÉES" 1 ! P formosa L Yunsvcr: sules de nodules | l # Pgranulosa nédians fnnent des | i baguettes li bres. 'UU TEUT = re à Paralomis aculeata : ER NN. NEA" NT - les -nodules médian “ i \des Y'CgMeNsS,+e D : E. foraminatus : j À IS soudent er uw ‘ : lsérie longitudinale" ide pièces qui sont wYGparces par une ; vangée transverse! Phyllolithodes 4 nodules pius ou 1 moins soudes. peoples Ù Ostracogastriques. E.cibarius Echidnocerus setimanus S:. Acantholithus hystrix À Ltropicalis L.spinosissima? L. ! du 2° segrnient - Larctica 2] À se voudent - Dr e R ME L ! mn Ybutes Les pièce. ge Û ! l des ll Les pièces latérales: : du 2fsegment se ! Soudent.à la , Pièce médiane. : | EE — LES NE 2 2 1 ! { i 1e L 200 E.-L. BOUVIER. IL. — Les Lomisinés. Les Lomis ne sont pas des Porcellaniens. — Parmi les animaux rapporlés par Péron de son voyage à travers le Pacifique, se trouvaient de petits Crustacés tout à fait sem- blables en apparence aux Porcellanes, et qui mènent vraisemblablement le même genre de vie. Ils ont la taille de ces derniers et la même forme générale; leur corps et tous leurs appendices sont très déprimés (fig. 7, pl. HI): leurs pattes postérieures sont modifiées et réduites, l’ab- domen, large et très mince, se replie incomplètement sous le thorax; les pinces, enfin, sont aplalies comme celles des Porcellanes et mobiles comme elles dans un plan sensible- ment horizontal. Il parut incontestable, aux naturalistes d'alors, que ces animaux étaient des Porcellaniens; aussi Lamarck donna-t-1l à l’espèce rapportée par Péron le nom de Porcellana hirta (18, p. 229), qui fut, dans la suite, con- servé par Desmarets (25, p. 295). Quelques années plus tard, H. Milne-Edwards eut l’occa- sion d'examiner les animaux rapportés par Péron, et 1l ne lui fut pas difficile de reconnaître que la prétendue Porcel- Lana hirta ne méritait, à aucun litre, d’être rangée parmi les Porcellaniens; la queue de cet animal (fig. 9, pl. III), obser- vait-il, est privée de fausses pattes sur le 6° segment abdo- minal et, par conséquent, dépourvue de la nageoire caudale si caractéristique de ce dernier groupe, les pédoncules oculaires sont contigus (fig. 8, pl. INT), les pédoncules antennulaires cylindriques, les pattes mâchoires externes pédiformes, tous caractères qui n'appartiennent à aucun litre aux Porcellanes. Aussi sépara-t-1l la Porcellana hirta de ces dernières, et 1l forma pour elle le genre Lomis, qu'il rangea dans la tribu des Homoliens, à côté des Lithodes (37, p. 188). Les Lomis subirent dès lors le même sort que les Lithodes; tous les auteurs les ont classés depuis dans la même sous- famille et les ont franchement séparés des Homoles avec lesquelles, en effet, les Lithodes et les Lomis n’ont aucune AFFINITÉS DES LITHODES ET DES LOMIS. 201 affinité directe; Slimpson les rangea même dans la section des Hapalogastrinés, avant les Dermaturus etles Hapalogaster (58, p. 69). Nos connaissances sur ces animaux se limitent à celles que nous à laissées Milne-Edwards (37, p. 188), à une courte description de Hess, ainsi qu'à une figure qu'a donnée ce dernier auteur (69, p. 159, tab. VIL, fig. 15). Milne-Edwards considère les Lomis comme étant des mers australiennes. Hess en a trouvé quelques individus au musée de Sydney et les signale également en Tasmanie (82, p. 152). Les spécimens qui ont servi à notre étude sont ceux qu'a recueillis Péron et étudiés H. Milne-Edwards. Ces spécimens sont encore en bon état; nous avons pu, comme on va le voir, en faire une étude assez complète et modifier singuhiè- rement nos connaissances sur l’origine, la position zoologique et l’évolution des Lomis. Les Lomis ne sont pas des Lithodinés. — Voyons d'abord si les Lomis appartiennent réellement à la sous-famille des Lithodinés. Les caractères généraux de ce dernier groupe sont les suivants : soies des fouets antennaires rares, courteset parfois nulles (fig. 6, pl. 1}, — mandibules sensiblement iner- mes (fig. 28, pl. Il), —pattes-mâchoires antérieures dépour- vues d’épipodite, mais munies d’un fouet sur l’exopodite (fig. 4, pl. ID), — pattes-mâchoires externes très écartées à leur base (fig. 30, pl. IT) et armées d’un denticule sur la face interne de l’ischiopodite (fig. 6, pl. IT), — branchies formées de lamelles bisériées, — formule branchiale d’eupagurien (1 pleurobranchie de chaque côté et 5 paires d’arthrobran- chies), — sternites thoraciques antérieurs très étroits, les postérieurs progressivement plus larges, le dernier distinct, mobile et fusionné avec le 1° sternite abdominal (fig. 31, pl. Il), — pattes de la dernière paire très réduites et capa- bles de rentrer dans les chambres branchiales, — segments moyens de l’abdomen (segments 2 à 5) parfois membra- neux du côté dorsal ou munis de nodules calcifiés, plus souvent protégés par des tergites formés de plusieurs pièces, 209% E.-L. BOUVIER. pas de fausses pattes abdominales chez le mâle, — chez la femelle (fig. 14, pl. 1), une paire de fausses pattes ovifères (absente chez les Hapalogaster} sur le premier segment ab- dominal, et une fausse patte ovifère impaire sur le côté gauche des 4 segments suivants. Parmi tous ces caractères, trois seulement sont communs aux Lomis et aux Lithodinés. Ce sont : le fouet exopodial des maxillipèdes antérieurs (fig. 14. pl. III), la forme du sternum thoracique et la réduction des pattes postérieures. La forme du thorax ne saurait suffire pour réunir les deux groupes, car elle ‘est le résultat du genre de vie de ces animaux et se retrouve d’ailleurs chez tous les Paguriens libres; quant aux deux autres caractères, ils ont une importance systé- malique encore plus faible et coexistent fréquemment chez beaucoup d’Anomoures de divers groupes. Par tous les autres caractères, les Lomis diffèrent essen- tiellement des Lithodinés : leurs fouets antennaires sont ornés de soies longues et très nombreuses (fig. 7, pl. I), leurs mandibules sont denticulées (fig.8, pl. II), leurs pattes- mâächoires antérieures sont munies d’un grand épipodite (fig. 14, pl. TI), celles de la dernière paire sont à peu près contiguës à leur base et d’ailleurs dépourvues de denticules saillant sur la face interne de l’ischiopodite (fig. 8, pl. IT), les branchies sont formées de filaments quadrisériés (fig. 15, pl. IT), la formule branchiale est semblable à celle des Mixtopagurus (4 pleurobranchies de chaque côté et 5 paires d'arthrobranchies), la face dorsale de l'abdomen est entiè- rement protégée par des tergites contigus et tout d’une pièce (fig. 9, pl. I), le premier sternite abdominal paraît indépendant du dernier sternite thoracique, les mâles sont munis d'une paire de fausses pattes sexuelles sur chacun des deux premiers segments abdominaux (fig. 10, pl. HI) et présentent encore la trace des deux paires de fausses pattes suivantes, les femelles, enfin, semblent être dépourvues de fausses pattes sur le 1° segment abdominal, mais elles en pré- sentent une paire sur chacun des quatre segments suivants. AFFINITÉS DES LITHODES ET DES LOMIS. 203 C’est vraisemblablement à cause de leur ressemblance extérieure avec les Hapalogaster qu'on a rangé les Lomis dans la sous-famille des Lithodinés; en réalité, la ressem- blance que présentent les animaux de ces deux groupes sont le résultat d'une même adaptation au régime des Porcel- lanes et soni, par conséquent, des plus superficielles; tous les caractères qui distinguent les Lomis des Lithodinés les dis- üinguent également des Hapalogaster, et il n'y a aucune raison, dès lors, pour maintenir dans un même groupe des animaux aussi foncièrement différents. Les Lomis sont des Paquridés. —Les Lomis ne sont pas des Lithodinés; ils appartiennent néanmoins comme eux à la même famille, celle des Paguridés. Malgré sa ressemblance avec celle des Porcellanes, !a carapace des Lomis présente encore tous les traits carac- téristiques de celle des Paguridés, notamment ces petites aires polygonales (fig. 20, pl. III), séparées par des lignes membraneuses, que nous avons déjà signalées chez les Japa- logaster. La plus importante de ceslignes, celle qui se trouve du côté dorsal (fig. 7, pl. II), paraît avoir été entrevue par Hess, mais celles des flancs n’ont jamais été signalées, non plus que la ligne anomourienne qui existe, dans cette espèce, comme dans la plupart des autres Paguridés. La suture cervicale rappelle également, par sa forme, celle des Pagu- ridés, de même que le rostre qui est iriangulaire, grêle, et infléchi vers le bas, comme chez beaucoup de Paguristes. Les bords latéraux de la carapace sont partout obtus et se confondent avec l’angle antéro-latéral, suivant une dispo- sition qui est propre aux Paguridés; la base des pédoncules antennaires se trouve, comme chez ces derniers, dans l’in- tervalle compris entre la place que devrait occuper cet angle et la dent extra-orbitaire ;: antennes et antennules ne diffèrent en rien de celles des Paguridés (fig. 11, pl. IT), et l’on peut en dire autant, d’une manière générale, de tous les appen- dices buccaux (fig. 8, pl. IL), sans exception. La formule bran- chiale et la branchie rappellent à tous égards les Paguridés 204 E.-L. BOUVIER. primitifs; le sternite des pattes antérieures est fort étroit, comme chez lous les Paguridés; celui des pattes postérieures est isolé et libre, enfin ces appendices eux-mêmes se termi- nent par de courtes pinces (fig. 16 et 17, pl. INT), comme chez les Paguridés et chez les Galathéidés. Ces caractères suffisent pour montrer que les Lomis doi- vent occuper une place dans la famille de Paguridés ; il nous reste maintenant à déterminer cette place. Les Lomis dérivent d'une forme intermédiaire entre les Mixtopagurus et les Paguristes. — Les Lomis ne sauraient se rattacher, comme les Lithodinés, à la série eupagurienne; elles ont, il est vrai, un fouet exopodial (fig. 44, pl. HT) sur les maxillipèdes antérieurs, comme les représentants de cette série, mais ce caractère générique est le seul quisoit commun aux Lomis el aux Eupaguriens et comme il se retrouve, avec beaucoup d’autres, chez les Mirtopagurus et chez les Paqu- ristes, c'est à ces derniers animaux, en somme, qu'il est natu- rel de rattacher les Lomis. Les Lomis se font remarquer, en effet, comme les Paguri- dés de ces deux genres, par leurs pattes-mâchoires postérieu- res contiguës et privées de tout tubercule sur l’ischiopodite (fig. 8, pl. HI), par leur premier sternite abdominal qui est distinct du dernier sternite thoracique, par l'axe d’articula- tion oblique des pinces, et par la présence de deux paires de fausses pattes sexuelles chez les individus mâles (fig. 10, pl. IT). D'autres caractères prouvent que les Lomis se rapprochent étroitement des Mirtopagurus. Parmi ces caractères, 1l faut citer, en premier lieu, le grand développement de l’épipodite des maxillipèdes antérieurs (fig. 14, pl. I), la structure des branchies formées de filaments quadrisériés (fig. 15, pl. HI) comme celles des Mixtopagurus, el la formule branchiale qui est identique dans les deux genres. Palles (horaciques. Pattes-mâchoires. à TE n T— à - | URI Il M ll Il I Pleurobranchies. { 4: | 1 0 0 0 0 Arthrobranchies. 0 à 2 2 2 2 0 0 AFFINITÉS DES LITHODES ET DES LOMIS. 205 Les Lomis ressemblent également aux Mirtopaqurus, et diffèrent de tous les Paguriens connus, abstraction faite des Pylocheles : 1° par la structure de leur abdomen (fig. 9, pl. HI) qui présente, comme celui des Macroures et des Crabes, des sternites entiers et contigus, dans lesquels on entrevoit assez bien une parlie tergale et des épimères; 2° par le dévelop- pement, chez la femelle, de fausses pattes paires sur les seg- ments 2 à 5 de l’abdomen. Les fausses pattes sexuelles du mâle, au nombre de deux paires, présentent les analogies les plus grandes avec celles des Mixrtopaqurus ; celles de la pre- mière paire (fig. 18, pl. II) se terminent par une simple la- melle un peu tordue et celles de la deuxième (fig. 19. pl. II par deux rameaux inégaux; les autres fausses paltes paires de l'abdomen des Mirtopaqurus mâles n’existent plus chez les Lomis, mais celles des segments 3 et 4 sont représentées cependant par une saillie qui correspond à leur base d'implantation. Les Pagquristes, comme on sait, dérivent directement des Mixtopagurus, et certains rappellent fréquemment, par plusieurs de leurs caractères, divers traits d'organisation de ces derniers. C’est ainsi que le Paguristes spinipes À. M. Edw. et le P. sericeus À. M. Edw. présentent un faible épipodite sur leurs maxillipèdes antérieurs et se font remarquer par la bifur- cation des lamelles branchiales, dernier indice d’une struc- ture quadrisériéequitend à disparaître et qui disparaît, eneffet, dans la plupart des espèces du genre. En même temps que dis- paraissent cescaractères d originemacrourienne, l'adaptation au régime pagurien fait des progrès rapides et se manifeste, au moins dans le genre Paquristes, par le développement du rostre, par la délimitalion plus nette des régions de la carapace, par l'apparition de lignes membraneuses et de pe- tites aires polygonales sur les régions branchiales, par la réduction dans le nombre des branchies, el par l’atrophie de toutes les fausses pattes du côté droit de l'abdomen, à l’excep- tion de celles qui sont fixatrices ou sexuelles. La plupart de ces caractèress’observentencore chezles Lomis etrapprochentces 206 E.-L. BOUVIER. animaux des Paguristes ; les aires polygonales de la carapace, notamment, sont disposées sur le même type dans les deux genres (comparer fig. 20 et 21, pl. IT), elles sont délimitées par la ligne anomourienne, par des lignes plus ou moins parallèles qui vont de cette dernière au bord inférieur de la carapace, et par d’autres qui se rendent transversalement à une ligne longitudinale qu’on observe sur les bords ou sur la face dorsale de la carapace. Le rostre des Lomis ressemble tout à fait au rostre des Paguristes, et s’infléchit vers le bas comme celui du P. {rangqulatus, la région cardiaque se ré- trécit un peu en avant comme chez certains Paguristes (P.planatus À. M. Edw.etE.L. Bouv.),maisrappelle par salar- geur celle des Mirtopaqurus, les fouets antennaires, enfin, sont ornés de longues soies disposées en une seule rangée, comme dans le Paquristes pilosus H. M. Edw. D’après ce qui précède, on ne saurait douter queles Lomis se rattachent à des Paguridés intermédiaires aux Mixtopa- gurus et aux Paguristes, un peu plus adaptés à la vie pagu- rienne que les premiers, mais beaucoup moins que les seconds. D'ailleurs, ces Paguridés devaient évoluer dans une direction assez différente de celle suivie par les Paguristes, car ils pré- sentent, sur laface dorsale de la carapace, uneligne de suture obliquement dirigée en arrière dont on ne trouve pas trace chez les Paquristes. Caractères cancériformes des Lomis; sous-famille des Lo- misinés. — Une fois qu'ils eurent quitté les coquilles dans les- quelles ils avaient jusqu'alors abrité leur abdomen, les Paguridés qui ont servi de point de départ au Lomis, subirent le même sort que les formes ancestrales des Lithodinés : leurs pattes thoraciques des deux dernières paires perdirent les airesrugueuses qu’elles devaient à l'adaptation pagurienne, celles de la 4° paire reprirent leurs dimensions normales et leurs fonctions locomotrices, et les fausses pattes du 6° seg- ment abdominal, désormais inutiles comme organes de fixa- tion, s’atrophièrent et disparurent. Dégagées de la coquille qui leur servait d'abri, ces formes se recouvrirent d’un té- AFFINITÉS DES LITHODES ET DES LOMIS. 207 gument protecteur plus épais et plus calcifié ; elles purent d’ailleurs évoluer librement vers la forme crabe, comme les Pagurienslibresdes genres Os/raconotus et Porcellanopaqurus ; leur carapace s’élargit, leur sternum thoracique prit un grand développement en arrière et, sous ce sternum, vint se replier l'abdomen, lui-même devenu très large. Les transformations que subit l'abdomen furent d’ailleurs incomparablement plus restreintes chez les Lomis que chez les Lithodinés. Ces derniers n'eurent, dès l’origine, qu’un abdomen d’eupagurien mou et mal protégé par des pièces sternales réduites; ils durent remplacer cet appareil insuf- fisant par un autre très compliqué qu'ils créèrent de toutes pièces, et qu'ils simplifièrent peu à peu dans le cours de leur évolution ; les Lomis, au contraire, recurent des Wixto- paqurus des pièces tergales suffisantes à ious égards pour protéger les organes sous-Jacents, ces pièces persistèrent complètement, et toutes les modifications qu’elles subirent se bornèrent à un simple développement transversal. Quant aux fausses pattes abdominales, elles se réduisirent dans les deux groupes, comme dans les Crabes, aux seules absolu- ment nécessaires; il n’en resta aucune chez les Lithodinés mâles, mais les Lomis conservèrent celles des deux premiers segments qui sont vraisemblablement sexuelles, et qui doi- vent jouer le même rôle que celles des Crabes. Chez les femelles des Lithodinés, toutes les fausses pattes devinrent ovifères, non seulement les quatres impaires du côté gauche, mais les deux fausses paites de la paire antérieure, qui étaient primitivement sexuelles; celles-ci disparurent chez les Lomis femelles, mais les quatre paires suivantes persis- tèrent, si bien que ces animaux ont conservé, en somme, encore plus de fausses pattes ovifères que les Lithodinés. Ainsi, même dans les caractères cancériformes qu'ils ont acquis grâce à un même mode d'adaptation, les Litho- dinés et les Lomis présentent des différences tout à fait fondamentales. Ces différences, comme toutes celles si- gnalées précédemment, ont leur source dans les origines 208 E.-L. BOUVIER. différentes de ces animaux : elles se sont conservées par hérédité en dépit des phénomènes adaptatifs les plus intenses, et justifient amplement la formation d’une sous-famille spéciale, celle des Lomisinés, dans la grande famille des Paguridés (1). Cette famille se trouve de la sorte divisée en trois sous- familles : les Pagurinés, les Lithodinés, et les Lomisinés, ces deux dernières dérivant de la première suivant des rapports qui sont exprimés dans le schéma suivant : _ Astacidés Thalassimidés Galatheides Pylocheles wo Mixtopagurus so \ } s E TEA i Parapagurus = Lomisinés : (>) : ce Paguristes 5° ISympagurus 9 \ Tomopagurus Le | 6 L1Eupaguriens = àitubes sexuels Pylopagurus € : 8! Groupe des ; ne Pagurus Groupe des \ Eupagurus C Clibanarius : ds A Ostraconotus Birgus ! Ù Lithodinés Tribu des Mixtopaguriens Tribu des Eupaguriens (à l'exclusion des Lomisines) (à l'exclusion des Lithodinés) a —— Pagurinés (1) La description que H. Milne-Edwards a donnée des Lomis, dans son Histoire naturelle des Crustacés, a suggéré à Brandt la pensée que ces ani- maux devraient être rangés dans un groupe intermédiaire entre les Ostra- cogastriques et les Hapalogastriques (51, p. 91). En réalité, comme on l’a vu dans ce mémoire, les Lomis forment un groupe absolument différent. INDEX BIBLIOGRAPHIQUE. J.-E.-V. Boas. | 80. Lithodes und Pagurus. — Zool. Anz., 1880. 80a. Studier over Decapodernes Slægtskabsforhold. — Vid. selsk. skr. 6 Rœkke, naturvid. og math., Afd. I, 2 (avec résumé en francais), 4880. E.-L. Bouvier. | 94. Sur les caractères et l’évolution des Lomisinés, nouveau groupe de Crustacés anomoures. — Comptes rendus A. des Sciences, t. CX VIII, 189%. J.-F. BRANDT. 49. Die Gattung Lithodes, Latreille nebst vier neuen ihr verwandten von Wossnesenski entdekten, als Typen einer besondern Unterabthei- lung (Tribus Lithodea) der Edwards’schen anomuren. — Bull. phys. math. Acad. Saint-Pétersbourg, t. VII, n° 14, p. 171-176, 1849. 50. Vorlaufige Bemerkungen über eine neue aus zwei noch unbeschrie- benen Gattungen und Arten gebildete Unterabtheilung (Hapalogas- trica) der Tribus Lithodina; begleitet von einer charakteristik der eben genannten Tribus der Anomuren. — Ibid., T. 8, n° 16-17, 1850 (p. 4-59). 51. Krebse, in Middendorf’s Reise in den aüsserten Norden und Osten Sibi- riens. Theil I, 1851. 53. Ueber eine neue Art der Gattung Cryptolithodes (Cryptolithodes sit- chensis). — Ibid., T. 11, n° 15-16. 1853 (p. 254). A.-G. DESMARETS. 25. Considérations générales sur la classe des Crustacés, 1825. J.-D. Dana. 52. Crustacea, Part I. — United states Exploring Expedition (1838-1842) under the command of Charles Wilker, vol. XII, 1852. W. DE HAan. 50. Crustacea. — Siebold, Fauna Japonica, 1850, H. Frot. 85. Mission de l’île Campbell, Zoologie, 1885. W.-P. GrBBoNSs. 54. Description of Cfenorhinus setimanus. — Proc. calif. Acad. nat. Sc., T. I, 4854 (non consulté). J.-R. HENDERSON. 88. Report on the Anomura. — Challenger. Zool., vol. XX VII, 1888. W. Hess. 65. Beiträge zur Kenntniss der Decapoden-Krebse Ost-Australiens. — Archiv für Naturg., Jahrg. 31, 1865. 82. Catalogue of the Australian stalk-and sessile-eyed Crustacea, 1882. JacouiNor et Lucas. ANN. SC. NAT. ZOOL. XVII, 14 210 E.-L. BOUVIER. 53. Crustacés. Voyage au pôle sud sur l’Astrolabe et la Zélée, t. III, 1853. J.-B.-P.-A. LAmanrcx. | 18. Histoire naturelle des animaux sans vertèbres, t. V, 1818. P.-A. LATREILLE. 6. Genera Crustaceorum et Insectorum, t. I, 1806. A. Muine-Epwarps et E.-L. Bouvier. 93. Description des Crustacés de la famille des Paguriens recueillis pen- dant l'expédition du Blake.— Mémoire Mus. comp. Zoôl., vol. XIV, n° 6, 1893. 94. Considérations générales sur la famille des Galathéidés. — Ann. Sc.nat., sér. 7, t. XVI. 1894. 94 a. Crustacés anomoures et brachyures de l’Hirondelle, 1894. 94 b. Neolithodes, genre nouveau de la sous-famille des Lithodinés. — Bull. soc. zool. de France, t. XIX, 2 fig. dans le texte, 1894. H. Mrg-Epwaros. 32. Recherches sur l’organisation et la classification des Crustacés déca- podes. — Ann. Sc. nat., sér. 1, t. 25, 1832. 37. Histoire naturelle des Crustacés, t. II, 14837. H. Mie-Epwanrps et H. Lucas. 41. Description de Crustacés nouveaux ou peu connus conservés dans la collection du Muséum d'histoire naturelle. — Archives du Muséum, t. Il, 1841. S.-J. SMITH, 82. Blake, report on the Crustacea. — Bull. Mus. comp. Zoül, vol. X, n° 1, 1882. | W. STIMPSON. 57. The Crustacea and Echinodermata of the Pacific shores of north Ame- rica. — Journ. Boston Soc. Nat. Hist., vol. VI, 14857. 58. Prodromus, Pars VII, Crustacea Anomura. — Proc. Acad. Nat. Sciences, Philadelphia, 1858. 58 a. Notes on North American Crustacea. — Annals Lyc. nat. Hist., New- York, vol. 1, 1858. 60. Notes on North American Crustacea, in the Museum of the Smithso- nian Institution. — Ibid., vol. VII, 4860. A. WHITE. 48. Description of Echidnocerus cibarius, a new species and subgenus of Crustacea. — Proceed. zool. Soc., Part XVI, 1848. 56. Some remarks on Crustacea of the genus Lithodes, with a brief des- cription of a species apparently hitherto unrecorded. — Ibid., Part XX1V, 1856. EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE XI. Fig. 1. — Pylopagurus Bartletti À. Milne-Edwards. — Abdomen d’un indi- vidu mâle montrant les pièces tergales de chaque segment (les segments sont numérotés de 1 à 7). Fig. 2 à 11. — Modifications progressives des pièces tergales chez les Litho- dinés mâles. (m, pièces marginales; /, pièces latérales; M, pièces mé- dianes ; , pièces intercalaires médianes.) Fig. 2. — Hapalogaster cavicauda Stimpson. Fig. 3. — Dermaturus hispidus Stimpson. Fig. 4. — Neolithodes Grimaldii A. M.-Edw. et E. L. Bouv. Fig. 5. — Paralithodes camtschatica Tilesius. Fig. 6. — Lithodes antarctica Jacq. et Lucas. Fig. 7. — Lithodes arctica H. M.-Edw. Fig. 8. — Acantholithus hystrix de Haan. Fig. 9. — Paralomis granulosa Jacq. et Lucas. Fig. 10. — Rhinolithodes biscayensis À. M.-Edw. et E. L. Bouv. (femelle). Fig. 11. — Cryptolithodes sitchensis Brandt. Fig. 12. — Phyllolithodes papillosa Brandt ; abdomen d’un spécimen mâle, face externe. : Fig. 13. — Echidnocerus cibarius White; abdomen d’une femelle, face ex- terne. | Fig. 14, — Acantholithus hystrix de Haan ; abdomen d’une femelle, face in- terne, avec les fausses pattes. Fig. 15. — Cryptolithodes sitchensis Brandt; abdomen d’une femelle, face interne, avec les fausses pattes. Fig. 16. — Dermaturus hispidus Stimpson ; un individu mâle, face dorsale. Fig. 17. — Lithodes antarctica Jacq. et Lucas ; mâchoire antérieure gauche, face inférieure. Fig. 18. — Rhinolithodes biscayensis A. M.-Edw. et E. L. Bouv.; patte-mâchoire antérieure droite, face inférieure. Fig. 19. — Lithodes antarctica Jacq. et Lucas; doigt de la deuxième pate droite, face supérieure. Fig. 20. — Lithodes antarctica Jacq. et Lucas; pédoncule oculaire gauche, face supérieure. PLANCHE XII. Fig. 1. — Hapalogaster cavicauda Stimpson ; rostre, face dorsale. Fig. 2 à 7. — Modifications progressives du rostre depuis les Dermaturus 242 E.-L. BOUVIER. jusqu'aux Lithodes. (a, face supérieure du rostre; b, rositre vu du côté droil.) Fig. 2. — Dermaturus hispidus Stimpson. Fig. 3. — Paralithodes camschatica Tilesius. Fig. 4. — Lithodes antarctica Jacq. et Lucas. Fig. 5. — Lithodes arctica H. M.-Edw. Fig. 6. — Lithodes ferox A. M.-Edw. Fig. 7. — Lithodes tropicalis A. M.-Edw. et E. L. Bouv. Fig. 8 à 12. — Modifications progressives du rostre depuis les Paralithodes jusqu'aux Rhinolithodes (le rostre est vu du côté droit). Fig. 8. — Paralithodes brevipes H. M.-Edw. (d’après H. Milne-Edwards). Fig. 9. — Acantholithus hystrix de Haan. Fig. 10. — Paralomis aculeata Henderson (d’après Henderson). Fig. 11. — Paralomis granulosa H. M.-Edw. Fig. 12. — Rhinolithodes biscayensis À. M.-Edw. et E. L. Bouv. Fig. 13. — Echidnocerus cibarius White; rostre vu du côté droit. Fig. 14, — Phyllolithodes papillosa Brandt ; rostre vu du côté droit. Fig. 15 à 18. — Modifications progressives de l’acicule antennaire droit, de- puis les Hapalogaster jusqu’aux Lithodes. Fig. 15. — Hapalogaster cavicauda Stimpson. Fig. 16. — Dermaturus hispidus Stimpson. Fig. 17. — Lithodes antarctica Jacq. et Lucas (individu andre pé- doncule antennaire). Fig. 18. — Lithodes antarctica Hombr. el Jacq. (individu normal, pé- doncule antennaire.) Fig. 19 à 23. — Modifications progressives du rostre depuis les Paralithodes jusqu'aux Rhinolithodes. Fig. 19. — Paralithodes brevipes H. M.-Edw. (d’après H. Milne-Edwards). Fig. 20. — Acantholithus hystrix de Haan. Fig. 21. — Paralomis aculeata Henderson (d'après Henderson). Fig. 22. — Paralomis granulosa Jacq. et Lucas. Fig. 23. — Rhinolithodes biscayensis A. M.-Edw: et E. L. Bouv. Fig. 24. — Echidnocerus cibarius White; acicule droit, face supérieure. Fig. 25. — Phyllolitodes papillosa Brandt; acicule droit, face supérieure. Fig. 26. — Cryptolithodes sitchensis Brandt; acicule droit, face supérieure du pédoncule antennaire. Fig. 27. — Hapalogaster cavicauda Stimpson; carapace vue un peu oblique- ment du côté gauche. Fig. 28. — Lithodes antarctica Jacq. et Lucas; mandibule gauche, face in- férieure. Fig. 29. — Hapalogaster cavicauda Stimpson; face dorsale de la carapace d'un individu mâle. Fig. 30. — Rhinolithodes biscayensis À. M.-Edw. et E. L. Bouv.; pattes-mà- choires externes, face inférieure. Fig. 31. — Dermaturus hispidus Stimpson; face inférieure du thorax d’un individu mâle. | Fig. 32. — Rhinolithodes biscayensis A. M.-Edw. et E. L. Bouv.; partie anté- rieure du corps avec ses appendices, face inférieure. PLANCHE XIII. Fig. 4. — Phyllolithodes papillosa Brandt; abdomen de la femelle, face ex- terne. EXPLICATION DES PLANCHES. 213 Fig. 2. — Lithodes antarctica Jacq. et Lucas; abdomen d'une femelle, face exlerne. Fig. 3. — Paralomis verrucosa Dana; abdomen du mâle, face externe. Fig. 4. — Lithodes antarctica Jacq. et Lucas; patte-mâchoire antérieure droite, face inférieure. Fig. 5. — Rhinolithodes biscayensis A. M.-Edw. et E. L. Bouv. ; mâchoire pos- térieure droite, face inférieure. Fig. 6. — Lithodes @ntarctica Jacq. et Lucas; partie basilaire de la patte- mâchoire externe gauche, face inférieure. Fig. 7 à 20. — Lomis hirta Lamarck. Fig. 7. — Individu femelle, face dorsale. Fig. 8. — Appendices céphaliques et buccaux, face inférieure. Fig. 9. — Abdomen replié contre le thorax (femelle). Fig. 10. — Derniers segments thoraciques et fausses pattes du mâle. Fig. 11. — Appendices antérieurs du côté droit. Fig. 12. — Mâchoire antérieure droite. Fig. 143. — Une partie de la mâchoire postérieure droite. Fig. 14. — Patte-mâchoire antérieure droite. Fig. 15. — Coupe transversale d’une branchie. Fig. 16. — Extrémité de la cinquième patte gauche. Fig. 17. — Extrémité de la pince de la cinquième patte gauche, très grossie. Fig. 18. — Fausse patte antérieure droite du mâle. Fig. 19. — Fausse patte postérieure droite du mâle. Fig. 20. — Face latérale du céphalothorax, vue obliquement du côté gauche. Fig. 21. — Paguristes maculatus, face latérale du céphalothorax, vue obli- quement du côté gauche. WE Noires en dé: 1 re AIT qe hi | “ Fr var 43 L 1 « 115 Papi rue à ms : q au at SUR DES OS DU DODO ET SUR DES OS D'AUTRES OISEAUX ÉTEINTS DE MAURICE Par Sir Edward Newton, K. C. M. G., F. L. S., M. Z.S., et M. Hans Gadow, PRO RE, PR OS ZE SEUL) Récemment obtenus par M. Théodore Sauzier. En 1889, le gouvernement de Maurice a institué une commission pour s’enquérir des « souvenirs historiques » de cette île. En vue de cet objet, et sur l'initiative et sous l’habile direction de son président, M. Théodore Sauzier, cette commission a exploré à nouveau la MARE AUX SONGES, marais dans lequel, il y a environ vingt-cinq ans, feu M. George Clark a découvert un vaste dépôt d'os du Dodo (2) et d'os d’autres animaux pour la plupart éteints, et le seul endroit de l’île Maurice où des restes du Dodo aient été trouvés en notable quantité (3). | Ces recherches ont été couronnées d’un plein succès: non seulement de nombreux os du Dodo, quelques-uns nouveaux et d’autres représentés par des spécimens imparfaits, ont (1) On additional Bones of the Dodo, and other Extinct Birds of Mauritices obtained, by M. Théodore Sauzier. — By sir Edward Newton, K. C. M. G., FRS, CM. Z. S:svand Hans:G6adow, Ph. D., M. À, F. R. S.,F.,Z. S.; Received october 315t, 1892; Read november 1°5t, 1892. In Transactions of the Zoological Society of London, vol. XIII, part. VII, n° 14, August., 1893, in-#, pp. 281-302 (PI. XXXIII-XXX VII). (2) Ibis, 1866, p. 141 et suiv. (3) Proceedings Zool. Soc., 1890, pp. 402 et suiv. 216 E. NEWTON ET H. GADOW. été recouvrés, mais encore un nombre considérable d'os appartenant à d'autres Oiseaux ; résultat qui constitue une addition importante à ce que nous connaissions de restes qui n'avaient été que partiellement décrits, et qui prouve la préexistence à Maurice d'espèces qui n’étaient que vague- ment indiquées par d’anciens voyageurs ou qu'on ne soup- connait même pas avoir appartenu à la faune de cette île. Il faut y ajouter en outre de nombreux restes du GRAND LÉZARD éteint, DiposAURUS MAURITIANUS (1), et plusieurs carapaces plus ou moins intactes dont aucune n’est absolu- ment parfaite, appartenant à l’une ou à l’autre des espèces de Tortues terrestres également disparues. Presque tous ces spécimens ont été envoyés au Muséum de Cambridge par M. Sauzier, de la part de la Commission qu'il présidait, pour être déterminés et en vue de la descrip- tion de ceux d’entre eux qui sont nouveaux, tâche que les auteurs de ce mémoire ont entreprise. Il convient d’abord de rappeler ce fait que, jusqu'à ce moment, outre ceux du Dipus iNEPTus, les os des oiseaux suivan{s, provenant de ce marais, ont déjà été décrits comme SL LOPHOPSITTACUS MAURITIANUS (Owen). Mandibule inférieure. R, Owen, Zhis, 1866, p. 168 et suiv. Tibia. A. Milne- Edwards, Ann. sc. nat., sér. V, VI, p. 91 etsuiv., 1866. AsTur, espèce indéterminée. Métatarse. A. Milne-Edwards, op. cit., XIX, art. 3, 1874. ARDEA GARZETTA, Linneus. Tibia. A. Milne-Edwards, loc. cit. APHANAPTERYX BROECKEI (Schlegel). Mandibule inférieure, Tibia. Métatarse. À. Milne-Edwards, op. cit., X, p. 325 _etsuiv., 1868. Fuzica newTon1. À. Milne-Edwards. Bassin, tibia. Métatarse. À. Milne-Edwards, op. ci., VIIL p. 195 et suiv., 1867. Tous ces os appartiennent à des espèces qui ne vivent plus (1) Günther, Journal of the Linn. Soc. Zoology, XIII, p. 322 et suiv. OISEAUX ÉTEINTS DE MAURICE. 217 à Maurice. Des os d’une espèce de PHœniICOPTERUS on! aussi élé trouvés (G. Clark, Zbis, 1866, p. 144 et A. Milne-Edwards, Ann. sc. nat., sér. V, XIX, art. 3). La présente collection renferme non seulement des os des oiseaux ci-dessus nommés, Mais encore ceux des suivanis : Ün PASSEREAU ; Un Hmou; Quatre espèces nouvelles de HÉRON; Un Butor : Un PÉLICAN ; Un Fov: Une Ote ; Un CANARD; Une GRÈBE ; | Deux espèces de Prazoxs, dont l’un est probablement le FuNINGUS (ALECTORŒNAS) NITIDISSIMUS, maintenant éteint ; Une PouLE D'EAU; Et deux PÉTRELS. Nous allons maintenant décrire et caractériser les six oiseaux suivants comme nouveaux : STRIX SAUZIERI ; ASTUR ALPHONSI ; BUTORIDES MAURITIANUS ; PLOTUS NANUS; SARCIDIORNIS MAURITIANUS ; ANAS THEODORI. En nommant ces espèces, nous désirons, par le premier de ces oiseaux et par le dernier, rappeler les services rendus à la science par M. Sauzier. L'Asrur étant identique, selon toute probabilité, à celui qui a été reconnu, mais laissé innommé parle professeur A.Milne-Edwards, doit être parti- culièrement dédié à ce dernier. - Des oiseaux déjà déterminés, nous avons aujourd’hui, _ pour la première fois, les parties suivantes : 218 E. NEWTON ET H. GADOW. Dinus nerrus : l'Atlas, la Vertèbre prépelvienne ou inter- médiaire (18°); les Os pubis complets et les Os méta- carpiens. LOPHOPSITTAGUS MAURITIANUS : le Sternum(?); le Fémur; le Métatarse ; et de plus, la Mandibule inférieure, beaucoup plus grande que la première décrite. APHANAPTERYX BROECKEI : la Mandibule supérieure; la troi- sième vertèbre cervicale ; le Bassin; l'Humérus; le Fémur ; Furica NEwTonI : les Vertèbres cervicales (3° et 9°, ou 10°); le Sternum; le Sacrum; l’'Humérus; le Cubitus; et le Fémur. # Un spécimen au moins de chacun de ces o0$s, DÉCRITS AUJOURD'HUI POUR LA PREMIÈRE FOIS, à été gracieusement offert au Muséum de l’Université de Cambridge par M. Sau- zier, de la part de la Commission qu'il présidait, ainsi qu'une série d’autres os, en proportion de l'étendue de la collection. Le reste sera ultérieurement déposé au Muséum de Maurice, à Port-Louis, y compris un magnifique squelette du Dius INEPTUS, monté par le Muséum de Cambridge, squelette qui est certainement le plus complet qui existe au monde. 1. LOPHOPSITTACUS MAURITIANUS (Planche XXXIII, fig. 1, 8) (1). Un tibia complet, antérieurement obtenu de Maurice, qui a été assigné, mais non décrit par M. Milne-Edwards, au LOPHOPSITTACUS MAURITIANUS, nousa facilité la reconnaissance, comme appartenant à la même espèce de Perroquet, de 46 autres tibias retirés de la Mare aux Songes. Il est facile de rattacher également à la même espèce plu- sieurs fémurs variant de 58 millimètres de longueur jusqu’à 68 millimètres. Il existe aussi un tarso-métatarsien gauche, de 35 milli- (1) Ces planches n’ont pas été reproduites dans les Annales. OISEAUX ÉTEINTS DE MAURICE. 219 mètres de long, altéré quant aux caractères typiques et aplati, et s'élargissant en dehors, avec le condyle externe tourné en arrière et en bas qui s'accorde avec le quatrième doigt. Le tubercule plantaire, près du bout proximal de l'os, est en partie brisé; mais il est suffisamment conservé pour laisser voir les deux coulisses qui se trouvent côte à côte, par lesquelles passent les tendons des muscles fléchisseurs du pouce et des 3 autres doigts. Près du bord intérieur ou tibial du second métatarse, 1l existe une profonde impression causée par l'insertion, près du tendon du muscle tibial anté- rieur. La situation de cette insertion, qui se trouve près du _ côté intérieur du second métatarsien, au lieu d’être près du milieu du troisième métatarsien, est typique chez les Perro- quets. Au-dessus de cette impression se trouve une profonde coulisse oblique, dans laquelle se logeait le tendon du muscle extenseur des doigts dans son parcours oblique au-dessous du pont tibial osseux jusqu’au côté intérieur du pied. Cette coulisse particulière existe aussi chez les Vecropsittacus rode- ricanus ; Calyptorhyncus funereus; Cacatua galerita; Lieanetis tenuirostris et Macrocercus macao, mais pas d’une façon apparente chez les Strengops, Domicella ou Trichoglossus ; bien que les tendons prennent précisément la même direction, passant par-dessus le tarse, sans laisser aucune impression sur l’os. L’occurrence erratique de cette coulisse accrue par l’âge, mais absente chez un Sfringops complètement adulte, lui enlève de sa valeur taxinomique. | Les mesures suivantes démontrent que les longueurs rela- tives du fémur, du tibia et du métatarse du Perroquet de Maurice sont tellement semblables à celles des Perroquets de l’Ancien Monde, que les os en question peuvent être sans aucun doute référés à une seule et même espèce. Ces me- sures font voir également que cette espèce était considérable- ment plus grande que le Necropsittacus rodericanus, s’accor- dant, quant à la longueur de son extrémité postérieure, avec le Cacatua galerita. 220 E. NEWTON ET H. GADOW. a ue D e] = 4 SE 28 2 Ne 8 = Éd Lis, | sa | ee n — = 4 Æ E Æ O.& £ = & = È = SA 8 à e » 2 à É “+ 32 DO + Are " de) <= D = = = S Ex < Z TD F2 m. m m.m m. M. m. m m, m Fémursadssihadll. cols 46-49 | 58.61.63 55 60 31 Tibiak sé aan bise € 59.63 88-93 (p&i | RFA Ë men type) 99 14 w 158 Métatansesue..obire loss. 22 35 25 27 18 Longueur totale du bord |: DOSPÉTIEUT. 4 Dee + eue eee 127-134! 181-197 154 |"173 105 Largeur du sternum au ni- veau de la 1r° côte...... 20-0 21.5 32 Distance de l’épine ext. au haut de la crête sternale.| 20.0 22.0 32 Distance de l’épine interne! à la crête sous-clavière..| 35.5 16.0 20 Plus grande longueur des mañdibules ses ta Oil 65.71.78 53 Plus grande largeur des AAMOIDURES user 50 65 41 La partie la plus intéressante de ce Perroquel consiste dans son énorme mâchoire inférieure. Une paire de ces mâchoires est absolument complète, à l'exception de quel- ques parlies infimes de l'os, du côté antérieur, qui ont été cassées. Les mandibules gauches de deux autres exemplaires sont à peu près complètes. Un quatrième exemplaire n’est représenté que par la moilié inférieure de la mandibule gauche. Ces quatre mâchoires varient quelque peu en gran- deur. Dans l’exemplaire le plus grand et le mieux conservé, la distance de l’angle postérieur (Voir dans pl. XXXIII : P. de la fig. 5) au bout antérieur de la symphise complète est de 78 millimètres; dans l’autre elle est de 71 millimètres; dans la troisième elle n’est que de 65 millimètres. Par con- séquent le plus petit exemplaire du Perroquet éteint de Mau- rice est encore de 8 millimètres plus grand que celui de Necropsittacus rodericanus. En largeur les mandibules sont dans les mêmes proportions. Chaque mandibule inférieure OISEAUX ÉTEINTS DE MAURICE. 291 possède une facette articulaire additionnelle, bien distincte, mesurant environ 7 millimètres de long pour la surface ven- trale du processus extérieur de l’os carré, qui supporte l'os jugal. Une telle facette additionnelle, en plus de celle ordi- naire du bout ventral de l'os carré, se trouve indiquée chez le Cacatua galerita ; elle est large et bien développée chez les Stringops, Calyptorynchus et Ara; et en fait chez beaucoup de Perroquets possédant des mâchoires puissantes et larges. Il semble presque improbable qu'une mâchoire aussi énorme puisse appartenir à un Cacatoe de taille moyenne ; mais, chose curieuse, la comparaison de la plus grande lon- gueur des mandibules, avec la longueur totale de l'extrémité postérieure, démontre que le ÂWecropsittacus rodericanus à effectivement une mâchoire proportionnellement plus grande que l'espèce de Maurice, parce que la longueur de la mâchoire ne devrait pas dépasser 50 ou 51 millimètres, tandis que en fait, elle mesure 57 millimètres. Il est naturellement à peine nécessaire d'observer qu'il ne peut pas exister, pour ainsi dire, de corrélation entre la longueur de loute la jambe et la grosseur du bec et de la tête chez un perroquet. Mais, ayant affaire à des restes d'oiseaux peu abondants, dont la structure anatomique est d’ailleurs inconnue, nous devons nous contenter de peu. En tout état de cause, nous trouvons que les Perroquets de Maurice et de Rodrigues, non seule- ment se ressemblent par les proportions des os de leurs extré- mités postérieures, mais encore par l'énorme développe- ment de leurs mâchoires, trait qui les rend dissemblables à tous autres perroquets. Ces considérations nous permettent en outre de discuter, avec quelque certitude, ou au moins de probabilité, le seul autre os d’un Perroquet qui ait été trouvé à la Mare aux Songes : c’est-à-dire le sternum. Cet os n’est conservé que dans sa partie antérieure. La grande épine externe s'accorde exactement par sa configu- ration et sa direction avec celle du N. rodericanus, et elle exclut toute possibilité que ce sternum apparlienne à tout autre oiseau qu'à un Perroquet. Le bord ventral d’une 222 | E. NEWTON ET H. GADOW. parlie de la quille n'existe plus, mais la ligne du muscle sous-clavier est bien marquée; tout le bord antérieur et les facettes articulaires de plusieurs côtes sont également en bon état. À première vue le sternum paraît certainement beaucoup trop petit pour le L. mauritianus ; mais si on me- sure sa largeur au niveau de la première paire de côtes, la hauteur de sa quille, la distance qui existe entre le milieu du bord antérieur du sternum (à l'endroit où l’épine interne se trouverait, si elle existait chez ces Perroquets), jusqu’à la _ plus haute courbe de la quille ou jusqu’à sa crête musculaire au point S indiqué dans la PI. XXXIIL, fig. 7, on trouve que ce fragment de sternum, par toutes ses dimensions, indique qu'ila appartenu à un oiseau plus grand que le N. r'oderica- nus. En fait la dimension de ce sternum conviendrait à un des plus petits spécimens du L. mauritianus; et ceci se trouve corroboré par le calcul suivant qui donne un résultat sur lequel nous ne comptions pas. La moyenne de la lon- gueur totale du bord postérieur du N. rodericanus étant de 130 millimètres; la largeur de son sternum de 20 millimètres ; la largeur du bord postérieur du plus pelit L. mauritianus étant de 181 millimètres, la largeur de son sternum serait de 27**,8; tandis que notre sternum unique de Maurice mesure en réalité en largeur 27°" ,5! Il ne peut y avoir aucun doute que le Perroquet Mauricien éteint était plus gros que le Perroquet de Rodrigues, dont il est, d’un autre côté, proche allié par la forme ; on se demande cependant si on ne pourrait pas les inclure tous les deux dans le mêms genre Necropsittacus ; car, tandis que nous savons, par d'anciens dessins, que celui de Maurice avait une sorte de crête ornementale, nous ne savons rien du contraire à l'égard du À. rodericanus. 2. ASTUR ALPHONSI, Esp. Noüv. (Planche XXXIII, fig. 9, 10). Parmi de nombreux restes d'Asturinæ, une paire de tibias, OISEAUX ÉTEINTS DE MAURICE. 293 une paire de métatarses et les métacarpiens du côté gauche peuvent être référés à un oiseau de proie. Les deux méta- tarses, qui mesurent 81 millimètres, ressemblent parfaitement à ceux figurés par M. Milne-Edwards (PI. XXXIIE, fig. 2). Il les a judicieusement référés au genre Astur, en faisant remarquer qu'ils appartiennent à un oiseau qui était inconnu, à moins qu'ils soit identique à l'A. melanoleucus du Cap de Bonne-Espérance. Après avoir mesuré la longueur du tarso- métatarse d’un À. melanoleucus, nous avons trouvé que, sous ce rapport, 1l s'accorde avec les deux os en question. Il pa- raîtrait, en conséquence, conforme à la raison, d’assigner ces os à l’AÀ. melanoleucus, à moins que l'absence de Madagascar de cette espèce Sud-Africaine et les nombreux cas de formes insulaires ou d'espèces d'Éperviers soient des arguments jugés assez solides pour nous permettre de distinguer l'oiseau auquel ces os appartiennent sous le nom de Astur alphonsi. La plus grande longueur des deux tibias étant de 117 mil- limètres, longueur qui se rapporte proportionnellement à celle des deux métatarses, nous sommes justifiés en les rat- tachant l’un à l’autre, comme appartenant au même Éper- vier, appréciation qui se trouve corroborée par les facettes tibiales et métatarsiennes articulaires qui s'adaptent bien l’une sur l’autre. Il est naturellement impossible de dire avec certitude si les os mélacarpiens, dont la longueur totale est de 55 milli- mètres, appartiennent au même individu; il est plus que possible qu’ils appartient à la même espèce, et il est indis- cutable qu'il soient ceux d’un oiseau de proie diurne de la grosseur de l’Astur melanoleucus. Toutes les facettes, les im- pressions tendineuses et les processus ainsi que le troisième os métacarpien qui est effilé, en forme de lame, profondé- ment excavé, marquent le spécimen. 3. STRIX SAUZIERI, Esp. Nouv. (Planche XXXIIT, fig. 11-18.) Les Hiboux sont généralement classés d’après les carac- Lu 294 E. NEWTON ET H. GADOW. tères craniens, sternaux et aulres purement extérieurs. Aucun de ces points ne serviront à notre but, parce que les seuls os de Hiboux de cette collection sont l’humérus, le ti- bia et le métatarse. Il existe un caractère, à savoir la longueur relative du bia par rapport à celle du métatarse, qui n’est pas seule- ment très constant, mais aussi {rès caractéristique chez les différentes familles et même les genres de Hiboux. Du quotient résultant de la division de la longueur du tibia par celle du du métatarse, nous sommes arrivés à cette conclusion que la majorité des os en question, c’est-à-dire quatre métatarses, trois tibias, et par conséquence, deux humérus appartenaient à un membre de la famille des Hiboux à longues pattes, dont le Strix flammea et ses alliés sont le type le plus accentué, tandis que l’Æeliodilus soumagnn de Madagascar s’en appro- che étroitement, à l'exclusion des Carine murivora de Rodrigues, Scops, Sceloglauxr novæ-zelandiæ, Spiloglaur, Gymnoscops, À sio et Bubo, que nous citons à titre d'exemples de plusieurs sous-genres et des principaux genres des Bubo- nilæ, ainsi appelés. Il nous est très agréable de distinguer, sous le nom de Strix sauzieri, ce nouveau Hibou de Maurice, que nous réfé- rons au genre Strix et non à celui de l’Aehodilus, en nous appuyant sur beaucoup de ces mêmes caractères qui ont amené M. A. Milne-Edwards à établir le nouveau genre Heliodilus (1). Ces caractères consistent d’abord dans la longueur relative du tibia et du métatarse; ensuite dans la (4) Il convient de mentionner ici au moins ceux de ces caraclères qui pourraient servir de point de comparaison avec les matériaux à notre dis- position : « L'Héliodile est un Strigide à pattes robustes, à ailes plus courtes et à tête plus large que les Effraies (Strix). Le tibia est plus long et les propor- tions en sont différentes, car l'extrémité inférieure est plus robuste et le corps de l'os est aussi grêle; la crête péronière est courte et le péroné ne se prolonge pas autant que chez les Chouettes et les Hiboux. Si l'os de la jambe est plus long que celui de l’Effraie, celui du pied est au contraire plus court; mais ses caractères sont à peu près les mêmes que dans ce dernier genre, » — À, Milne-Edwards, Comptes rendus, 1878, vol. 85, p. 1282. OISEAUX ÉTEINTS DE MAURICE. 295 longueur du péroné qui, au moins chez les deux plus grands spécimens, se continue bien au delà du niveau de la tubé- rosité servant à l'articulation du pouce jusque vers le bas de l’'épicondyle ; dans la longueur relativement plus grande de la crête du péroné, qui, chez nos spécimens, s'étend jusqu’au bout dutiers supérieur du tibia, tandis que chez l’Heliodilus, il finit un peu plus bas que le quart supérieur, et dans la connexion du péroné actuel, c’est-à-dire le sommet du tibia touchant au péroné, qui est absolument et relativement plus large que chez nos spécimens que dans le tibia figuré par M. Milne-Edwards (Grandidier, Oiseaux de Madagascar, pl. XXXVI, e, fig. 8). D'un autre côlé, il existe des différences qui consistent notamment dans le processus cnémial plus long et plus élevé du tibia et dans la brièveté de l’humérus, différences qui suffisent à justifier la distinction spécifique du Hibou mauri- cien d'avec le Strir flammea et ses nombreuses variétés. HUMÉRUS| TIBIA. es res TARSE. k Quotient. Métatarse. m. m. m. m. m. m. m. m. Strix sauzieri........ 71 90.02.53) 58 | 4.42 © Les plus longs : (ln métatarses. Een MOSPELELL Ai UE, 4. E 56 paire — flammea........ 84 85 60 1.42 Heliodilus soumagnii.| 72 87 07-60 1.52 Atthene murivora....| 64-69 | 69-76 41-46 |1.65-1.70 Asioicapensis. +: 4442. 2 Ke 95 56 4,70 SOUDE TULIIUS.. . 4... 47 50 28 1.80 Sceloglaux novæ-7e- EN EC EN PT ET 58 64 39 1.83 Bubo virginianus GEO 163 146 79 1.94 Les plus courts — madagascariensis.| 80 82 41 2.00 y, Métalarses, La paire de métatarses mesurant 46 millimètres de long est en même temps beaucoup plus grêle que les cinq autres mélatarses. Nous ne croyons pas être justifiés en expliquant cette différence considérable de taille et de force par des ANN. SG. NAT. ZOOL. XVIII, 15 296 E. NEWTON ET H, GADON. différences d'âge, parce que les os sont complètement ossi- fiés et font voir que toutes les marques caractéristiques sont prononcées au même degré. Seul, le pont osseux sur le ten- don du muscle tibial antérieur est brisé, et de plus 1l était certainement incomplet chez les deux plus petits métatarses. Nous avons naturellement essayé d'adapter le plus court tibia de 90 millimètres de long sur le métatarse du côté corres- pondant ; mais les facettes du condyle tibial sont un peu trop larges. S'ils avaient pu s'adapter, le quotient de ce plus court libia avec le plus court métatarse élant 1, 61 aurait indiqué un Hibou différent d'aucun de ceux qui sont mentionnés dans notre liste. Il n’y a pas à songer à l’Asio capensis, parce que son métatarse esl plusieurs fois plus fort que les deux en question, pas plus que nous ne sommes enclins à expliquer la brièveté et la forme grêle de ces deux os par la différence sexuelle du Sérix sauzieri. À moins de nous porter fort, ce qui est invraisemblable, que l’île Maurice ait possédé deux espèces de Strix, nous arrivons à celte conclusion que cette paire de métalarses courts a appartenu à un Sfrix sauzieri de petite taille, bien qu'il soit presque improbable que cette espèce, restreinte à une pelile île, ait montré autant de variabilité que les spécimens de Strir flammea d'Angleterre, dont le catalogue du British Museum donne la longueur du tarse comme étant de 2 pouces 2 lignes, soit 55 millimètres, tandis que les mesures, prises sur un spécimen de même origine, du Museum de Cambridge, donnent 60 millimètres. 4. PLOTUS NANUS, Esp. Nouv. (Planche XXXIV, fig. 1-5.) L’'humérus, le bassin avec le sacrum et le tibia du genre Plotus possèdent tant de caractères diagnostiques, que les trois os figurés dans la planche XXXIV peuvent facilement être reconnus comme appartenant au genre des Stegano- podes. | L'humérus présente les points caraclérisliques suivants : OISEAUX ÉTEINTS DE MAURICE. 221 le sulcus iransversus est très profondément et fortement marqué ; il s'étend du tubercule médial, avant d’arriver au travers de la tête de l’humérus, comme une coulisse d’égale largeur et profondeur. La crête supérieure est droite et fait voir les impressions bien marquées des inserlions du grand muscle pectoral. Le muscle supra-coracoïdien ou sous-clavier a une surface d'insertion sur le coin, à l’endroit où la tête de l’'humérus rencontre le bout proximal de la crête supé- rieure. Le tubercule inférieur ou médian accuse une protu- bérance très prononcée donnant attache respective au biceps coraco-brachial postérieur et au biceps de l’humérus. Le foramen pneumalique se trouve dans un enfoncement large et profond. La lèvre dorsale de cet enfoncement est fortement marquée d’une impression ovale du tendon du muscle sca- pulo-huméralpostérieur (m. infraspinatus, m. teres major, de certains anatomistes). De cette impression, le bord bas mais tranchant de m. latissimus dorsal se continue jusqu’au milieu de la surface ventrale ou intérieure de l’humérus. Les deux coulisses au-dessus et sur la surface ventrale des condvles extérieurs et intérieurs sont produiles par les origines des muscles pronateurs et fléchisseurs courts du foramen. Le muscle brachial inférieur ou interne provient d'une impres- sion fortement marquée sur la surface dorsale ou extérieure de la partie distale de la flèche de l'humérus. Il est facile de rapporter le bassin et le sacrum au genre Plotus en raison de la forme profondément échancrée et courbée du bord latéral de la partie pré-acétabulaire de l'ilium, en raison de la saillie et de la forme tranchante de l’anti-trochantaire, en raison du bord ventral tranchant qui surgit des trois vertèbres antérieures sacrées, et en raison de la position de la seule vertèbre primaire sacrée qui se trouve placée tout près derrière l’axis acétabulaire. La particularité individuelle du spécimen décrit consiste dans la position déclive des deux moitiés du bassin par rapport au sacrum. Le tibia est très aplati antérieurement; ses crêtes anté- 298 E. NEWTON ET H. GADON. rieures, ou crêtes cnémiales, sont élevées, mais elles ne sont pas ankylosées avec la patella. La crête péronienne à laquelle s'attache ke péronéest longue et droite. La partie condylienne du tibia est considérablement retournée intérieurement, et la coulisse, qui est surmontée d’un pont osseux sous lequel passe le tendon du muscle extenseur des doigts, est très pro- fonde et dirigée obliquement. Il nous reste maintenant à examiner la question des diffé- rences spécifiques des os que nous avons sous les yeux. À en juger par leur apparence, ils appartiennent tous à un individu adulte, mais leur petite taille exclut de prime abord la possibilité de les référer à aucune des espèces connues jusqu'ici, ainsi que le démontrent les mesures suivantes. En raison de sa petite taille, nous le distinguons sous le nom de Plotus nanus. PLOTUS PLOTUS P. MELANO- | PLOT. NOV. NANUS. ANHINGA. GASTER. HOLLAND. m. m 111. M m. m m. m Humérus gauche........ 89 112 132 120 Mibiatganene: fix eut 61 11 86 78-95 Distance entre l’axis acé- tabulaire au bout anté- rieur du sacrum....... 30 35 Distance entre les côtés ventraux antérieurs de l’'acétabulaire.......... 14.5 15 5. PODICIPES, ESP. INCERT. La preuve de l'existence antérieure de Grèbes, à la Mare aux Songes, ne repose que sur un os unique, le cubitus droit, qui se rapporte, sur tous les points essentiels, avec l’os cor- respondant du genre Podicipes, notamment par la configu- ralion des articulations proximale et distale, et l'existence d’une coulisse vivement marquée au condyle supérieur exté- rieur distal, servant de passage aux tendons des muscles OISEAUX ÉTEINTS DE MAURICE. | 229 extenseurs. Comme dans tous ces caractères il diffère des os correspondants de tous autres oiseaux qui, sous d’autres rapports, pourraient être pris en considération, tous doutes disparaissent. La longueur totale de ce cubitus est de 82 mil- limètres. Il est par conséquent trop long et trop fort de beaucoup pour être attribué aux Podicipes pelzelni, P. minor, ou au P. philippensis. D'un autre côté, il est beaucoup trop court pour appartenir au P. cristatus, et il est de 10 milli- mètres plus court que celui du P. ruficohis. Cependant, il est légèrement plus long que le cubitus soit du P. cornutus, soit du P. auritus, de telle sorte qu'il appartient probablement à une forme insulaire de l’une des dernières espèces qui viennent d’être indiquées. 6. BUTORIDES MAURITIANUS, Esp. Nouv. (Planche XXXIV, fig. 6-8.) Il est surprenant que de tous les os d’Ardeinæ qui se rap- portent au moins à douze individus de cinq espèces différentes, aucun n’appartienne à l’Ardea(Butorides) atricapilla, la seule espèce de Héron existant actuellement à Maurice, tandis qu'une paire de cubitus, un radius, quatre métatarses et un coracoïde doivent être considérés comme appartenant à une espèce de Héron à pieds courts, inconnue jusqu'ici. Les os en question sont tous considérablement plus courts que les os correspondants de l’A. (Nycticorax) megacephala. Les méta- tarses ressemblent d'ailleurs dans tous leurs détails à ceux de la dernière espèce; cette grosseur relative indique qu'ils apparliennent à un Héron nocturne ou Butor, comme l'A. megacephala. Les deux cubilus ne peuvent malheureu- sement pas être comparés à ceux de l'A. megacephala; leur longueur, de 110 millimètres, comparée à celle de l’humérus de l'A. megacephala, qui est de 119 millimètres, montre aussi, néanmoins, qu'ils appartiennent à un oiseau considé- rablement plus petit. Le seul os coracoïdien droit s'accorde dans tous les traits 230 E. NEWTON ET H. GADON. caractéristiques de sa moilié dorsale ou scapulaire avec l'A. megacephala, mais sa moitié ventrale ou sternale diffère considérablement, d’abord par la crête beaucoup plus forte- ment marquée de la ligne intermusculaire sur sa surface ventrale ; ensuite, par le bord presque droit, au lieu d’être courbé en dedans, entre le procès latéral et le coin distal latéral de l'articulation sternale, et enfin par une crête très basse, mais très dislincte et aiguë, qui s'élève du bord médian du coracoïde, un peu au-dessus de son coin médian articu- laire. Cette aspérité ou crête proéminente est entièrement absente chez l'A. megacephala et chez tous les autres Hérons que nous avons pu examiner; mais on trouve, pour le moins, une légère indication dans un degré de variabilité individuelle chez le Nycticorax et chez le Botaurus. Que cel os coracoï- dien ait cependant appartenu à un oiseau de la famille des Ardeinæ, ceci est clairement démontré par sa configuration entière, notamment par la forme et les positions du processus précoracoïdien, par les diverses faceltes articulaires du bout dorsal, et par la lèvre proéminente qui se trouve sur la sur- face viscérale ou interne de la partie médiane de la facelte sternale articulaire. Butorides mau- Nycticorax ritianus. megacephala. m. m. m. m. Logpreur duJGnbiEus. Pen R-J. 111-112 » Coneueur dd MÉLALATÉR.L 022 éneeis e 81-87 96 Eongüeur düuicoragoidez;it. trans 48. 09 7. SARCIDIORNIS MAURITIANUS, Esp. Nouv. (Planche XXXIV, fig. 9-10). La preuve la plus tangible de l’existence antérieure de cette forme à l’île Maurice ne repose aujourd’hui que sur l'os métacarpien droit. Cependant cel unique spécimen est suffisamment bien conservé pour faire voir ses affinités par des caractères différents bien marqués. Il ressemble en taille avec la combinaison correspondante d'os de Bermicla brenta, OISEAUX ÉTEINTS DE MAURICE. 234 tandis qu'il est considérablement plus petit que ceux du commun Anser cinereus domesliqué ; et il est trop grand pour se rapporter au Sarcidiornis africanus de Madagascar et de l'Afrique orientale, ainsi qu’au $S. melanotus de l’Inde. Le générique trait diagnostique des os de la moitié de la main du Sarcdiornis consiste dans le processus très proémi- nent qui s'élève du côlé du premier métacarpien, approxi- malivement de la facette articulaire du pouce. Chez le Sar- cidiornis le sommet de ce processus est recouvert d’une peau qui, bien qu’épaissie et dépourvue de plumes, n’est pas trans- formée en une callosité osseuse ou en un ergot. On retrouve le même trait parliculier dans l’os que nous avons sous les yeux, le sommet est raboteux et irrégulièrement formé; et, puisque celte partie du processus ne sert jamais à la nais- sance ou à l'insertion des muscles ou des tendons, sa rugo- sité indique pleinement le même but que celui de l'espèce de Sarcidiornis de Madagascar, c’est-à-dire qu'il sert comme une arme de combai, bien que dans un état peu développé ou naissant. Une pareille arme, garnie d'un ergot corné, long et pointu, enveloppant un noyau osseux que porte le premier os métacarpien, est bien développée chez le Chauna. Ce genre américain ne peut naturellement être comparé que par analogie à l'oiseau de Maurice. Le seul véritable « Canard éperonné » de la région éthiopienne est le Pec- tropterus ; mais chez lui l’ergot se trouve sur l’os externe du carpe, et 1l ne peut par conséquent servir de point de comparaison avec notre spécimen qui appartient à une espèce de Sarcidornis d'une taille plutôt plus grande, et qui, ayant été probablement restreinte à l’île Maurice peut être distin- guée sous le nom de S. mauritianus. Une autre partie de cet oiseau consiste en la moitié du côlé droit, quelque peu incomplète du bassin. Par sa taille ce bassin se rapporte à celui de la Bernicla brenta, par con- séquent par inférence, à celui du Sarcidiornis, mesurant 70 millimètres depuis le bord antérieur de l’acélabule au 2392 E. NEWTON ET H. GADON. bout postérieur de l'os ischial. Les quelques caractères qui sont conservés dans celte portion d'un bassin s'accordent avec ceux de l’Anas de l’Anser et autres Lamellirostres. 8. ANAS THEODORL, £se. Nouv. (Planche XXXIV, fig. 11-17). Le fragment d’un sternum, une paire de coracoïdes, huit humérus, et une paire de métatarses peuvent être référés à un canard considérablement plus grand que les MVertapus auritus, Anas bernieri et Dendrocigna, mais plus petit que l’Anas melleri, dont nous possédons une peau, le sternum et la ceinture scapulaire pour comparaison. Du sternum, la partie antérieure seule est conservée. Mais elle suffit à la délermination de ses affinités. Sa largeur, entre les deux crêtes latérales du sternum, est de 28 milii- mètres, c’est-à-dire légèrement moindre que chez l’Anas melleri et s’accordant avec le Dendrocygna arcuata; le ster- num diffère cependant de celui de Dendrocygna par son épine externe bien développée, quoique brisée dans la partie inférieure de sa quille, et par l'ouverture beaucoup plus pe- tile el moins profonde du foramen pneumatique. Il diffère aussi de celui de l'A. melleri par la hauteur moindre de sa quille et en outre par la forme et la direction du côté anté- rieur de cette dernière. | L’unique coracoïde droit est en parfait état de conserva- tion ; il s'adapte avec le fragment sternal, si bien qu'il pour- rait appartenir à la même espèce, mais certainement pas au même individu. Ce coracoïde diflère de celui du Dendrocygna par sa longueur plus grande, par la configuration de son bout sternal et par sa surface ventrale très polie et presque plate. Le Nettapus et l'Anas bernieri doivent êlre exclus en raison de leurs coracoïdes qui sont plus pelits el plus courts. Le caracoïde en question est beaucoup plus court que celui de l'A. mellieri, mais il se rapporte étroitement à ce dernier par sa configuration et plus parliculièrement par l'aspect OISEAUX ÉTEINTS DE MAURICE. 398 lisse de la surface ventrale du corps de l’os qui est presque dépourvu de crêtes. ; Les sept humérus se ressemblent beaucoup, mais ils va- rient dans leur plus grande longueur entre 70 et 78 milli- mètres ; ils sont exactement de même forme et de même {aille que ceux de différents spécimens de l’Anas punctata, c’est-à-dire d’un Canard beaucoup plus pelit que l'A. melleri. Les deux métatarses sont en mauvais état. Celui de droite mesure 42 millimètres de long, ce qui indique un oiseau beaucoup plus court sur pattes que l'A. melleri. A. théodori. A. melleri. m.m m. nm. Largeur entre les crêtes pectorales.. 28 30 Distance entre l’épine interne et le hautdélmerbté.zk 22623 ombres à 20 25 Longueur du coracoïde............. 42 52 Esneneur de PRMMÉFUS 2... 000 10-78 89 Longueur du métatarse............ 42 41 D'après le résultat de nos investigations, les os représentés dans les fig. 11-17 de la planche XXXIV appartiennent à un Canard qui diffère d'aucun de ceux trouvés à Madagascar, tandis qu'ils se rapportent plus étroitement à l’A. meller: par les dimensions qui sont tellement plus petites qu'on ne peut les regarder comme provenant de variation individuelle. C’est de plus le seul Canard dont on ait trouvé jusqu'ici des restes à Maurice ; aussi le distinguons-nous sous le nom de Anas theodori, en l'honneur de M. Théodore Sauzier. 9. FULICA NEWTONT. (Planche XXXV, fig. 1-11). Les restes de cette grosse Foulque sont nombreux. Le f6- mur, le sternum, l’humérus et quatre vertèbres cervicales sont nouveaux et n'ont pas été décrits jusqu'ici. Mais le bas- sin avec le sacrum, le tibia et les métatarsiens ont été dé- 234 E. NEWTON ET H. GADON. crits par M. A. Milne-Edwards. Les os de la collection appar- tiennent à 24 individus différents, au moins, et présentent conséquemment des variations considérables dans leurs di- mensions. La longueur du plus petit os de la cuisse est de 76 milli- mètres, le plus long atteint 90 millimètres. Ce dernier, quoi- que plus grand dans toutes ses parties, est semblable aux autres. La crêle extérieure ou trochantérienne est élevée et courbée en dedans, les deux bras principaux de l’ouverture tendineuse pour le passage des muscles biceps cruraux ont laissé deux impressions très distinctes sur la surface latérale du bout distal du sommet et près de la région proplilée. Le condyle extérieur a une échancrure profonde et lisse pour la réception de la tête du péroné. Le Bassin se rapporte à celui de la Fulica proprement dite et à celui du 7ribonyx en raison de la particulière in- clinaison du bord de l'ilium pré-acétabulaire qui n'arrive pas jusqu'au niveau du processus épineux dorsal, laissant une longue coulisse par laquelle passent les tendons dorsaux spinaux ordinairement oblitérés. Le bassin se rapporte à celui d’une Fulca typique par la présence de cette coulisse et par sa forme allongée et contractée latéralement; et il diffère beaucoup de celui de l'A phanapteryx et de l'Ocydro- mus, tandis que le bassin du Porphyrio melanotus et celui du Tribonyx sont moins contractés que chez la Fulica et la Gal- linula. Le sternum de la Æ. newton ressemble, sous plusieurs points, à ceux de l'Aphanapteryx, de V'Erythromacus el de l’'Ocydromus, et 1l diffère de ceux du Zribonyx, de la Fulica proprement dite et du Porphyrio, premièrement par la con- figuration de tout le côté antérieur du sternum, spéciale- ment par la double épine externe divisée, qui, de plus, est large el plate, tandis que dans les autres genres cette épine est simple et pourvue d’une large crête longitudinale : secon- dement par l'éloignement et le large bord antérieur de la quille, qui, cependant, est bien développée, bien que moins OISEAUX ÉTEINTS DE MAURICE. 294 que chez le Tribonyx et la Fulica atra; mais une tendance à une quille plus réduite est apparente. L'humérus le plus court mesure 8.5 et le plus long mesure 92 millimètres. Ils diffèrent tous de celui de l’Apa- napleryx en élant, de beaucoup, moins courbé, plus fort de partout et pourvu d’un grand foramen pneumatique; le sul- cus tranversus sur la tête de l’humérus est plus profond, mais le tubercule médian est moins élevé. Les vertèbres cervicales des Rallides peuvent être facile- ment identifiées par leur forme et par leurs nombreuses fa- cettes articulaires, leurs processus et leurs crêtes médianes. En somme, ces vertèbres de la Fulca newtoni ressemblent plus étroitement à celles du Porphyrio et de l’Ocydromus qu'à celles de la Fulica propre. Les processus épineux dorsaux n'existent pas dans les 9° et 10° vertèbres. Ilssont plutôt bas chez les 6° et 5° tranchants et élevés dans la 4°. Les processus mé- dians ventraux sont absents dansla 10*jusqu'à la 5°, élevés dans la 4° et la 3°.Les deux dernières vertèbres sont marquées de chaque côté d’une profonde entaille ronde, se transformant souvent en un foramen complet. La plupart des vertèbres sont moins hautes et celles du milieu du cou sont très larges en comparaison de leur longueur. Pour conclure, nous sommes enclins à croire que la Fulica newtoni réunit des caractères importants du vrai genre Fu- lica avec ceux des Porphyrio, Tribonyx et Ocydromus, et que dans son ensemble elle ressemble plus à ces trois der- niers qu'aux véritables Poules d’eau. 10. APHANAPTERIX BROECKEI (Planche XXXV, fig. 12-20). Le tibia, le {arso-métatarsien et la mandibule inférieure de cet oiseau étaient jusqu'ici les seuls os connus, décrits et figurés par M. A. Milne-Edwards. En outre des tibias et des tarso-métatarsiens de beaucoup d'individus, nous avons de- vant nous maintenant, le bassin avec le sacrum, le fémur et 236 E. NEWTON ET H. GADON. les humérus; un sternum, la 3° vertèbre cervicale et une seule mâchoire supérieure presque complète, ainsi que des fragments des mâchoires supérieure et inférieure. Il nous a été comparativement facile de déterminer beaucoup de ces os nouveaux en raison de leur ressemblance rapprochée avec les parties correspondantes de l’£rythromachus. Le bassin, avec le sacrum appartenant à un même spéci- men, est extrêmement bien conservé. Il est beaucoup plus compact, plus fort, plus court et plus gros que celui du Fu- lica newtoni; le côlé dorsal de la partie des cavités pré-coty- loïdes de l’ililum s’élève jusqu'à la crête épineuse dorsale des vertèbres sacrées ankylosées, ainsi que c’est aussi le cas chez l’'Ocydromus et le Porphyrio. Dans leur configuration générale le bassin et le sacrum del'Aphanapteryx s'accordent avec l’Erythomacus. Le fémur, essentiellement semblable à celui des Fuwlica, Porphyrio et autres Aâles alliés, peut être distingué de celui de la Fulica newioni par ses dimensions plus petites. En raison de la description antérieure du tibia et du mé- tatarse, accompagnée de figures, 1l n’y a lieu de faire de commentaires que pour établir que ces os, surtout le méta- tarse, sont relativement plus forts que ceux de la Fu/ica. Le sternum et l’humérus sont particulièrement intéres- sants, en raison de leur petite taille et en raison aussi de l'absence d’aucun grand foramen pneumatique, ce qui in- dique que cet oiseau était dépourvu du pouvoir de voler. Le sternum n’est pas complet, la partie postérieure manquant. Sa largeur, au niveau de la première côte, derrière le pro- cessus latéral antérieur, n'est que de 25 millimètres; la quille est très courte, avec Le côté antérieur externe élargi en dehors et profondément canrelécommechezl'£rythromachus. Il n'existe aucune trace d’une épine interne ; les condyles inférieurs des coracoïdiens, ainsi qu'ils sont indiqués par leurs facettes, étaient séparés l’un de l’autre par une coulisse plane de quelques millimètres de long. Lépine interne esl re- présentée par deux projections des lèvres ventrales du com OISEAUX ÉTEINTS DE MAURICE. 9237 médian de l'articulation coracoïdienne. Sous ce rapport l'Aphanapteryx se rapporte à l'Erythromachus et aussi au ÆFulica newtoni. L'humérus est très court et grêle pour un si grand oiseau. Ses caractères typiquement Rallinæ, sont, en tous cas, assez opposés pour qu'on puisse le reconnaître comme apparte- nant à l’Aphanapteryx, tandis qu’il diffère de l’'humérus de la Gallinula par sa longueur et sa force beaucoup plus grandes, et de celui de la Fulica par ses dimensions beau- coup plus petites. Un point parliculier bien intéressant con- siste dans l’absence du foramen pneumatique ordinairement large et profond, qui n'est indiqué que par une dépression peu profonde et même plus petite que celle de la Galinula chloropus. La 3° vertèbre cervicale a pû être facilement identifiée par ses nombreux caractères Ralliniens, qui, chez ces oiseaux, sont fortement prononcés; ses dimensions l’éloignent de la Fulica ou de la Gallinula, c’est-à-dire des seules autres oiseaux Ralliniens connus jusqu'ici comme ayant été ren- contrés à Maurice. k Les prémaxillaires s'adaptent bien sur les divers fragments de mâchoires inférieures et encore mieux sur la mâchoire inférieure figurée par M. Milne-Edwards. Par leur grande longueur et leur forme, ces os ressemblent étroite- ment à ceux de l’£rythromachus (V. Phil. Trans, vol, 168, pl. XLIIT, fig. A). L'oiseau mauricien n’est, en fait, rien moins qu'une espèce plus grande du même genre. La table ci-après renferme nombre de mesures qui aide- ront à la comparaison des oiseaux de la famille des Rallines mauriciennes les uns avec les autres, et avec quelques-uns de leurs alliés. 238 E. NEWTON ET H. GADON. FULICA ALPHANX PORPHYRIO OCYDROMUS NE WTONI. BROECKEI. |MELANONOTUS| AUSTRALIS. m. m. m. m m,m m.m Longueur du bassin... 80 60 Distance entre les proces- sus hectinealis......... 23.0 28.5 Dist. au travers du proc. lat. dors aiae nt: 10,2 28 44 Distance au travers les antétrochanters........ 32 38 Longueur du fémur..... 76.78.81.90| 69.70.71 83 82 LS 120.127 198.102.1 Abe. TON PE A er 144 — dutarso-métatarse.| 82.84 79 98 62 — de l’humérus...... 85.88.90.92 60-66 88 57 AVidureubitus.. AUX, 14 — totale du sternum..| 70 incomplet. 68 55 Largeur du sternum de A AA GEI LE AR NALEET 29.5-30 25 22 20 Dist. entre les coracoïdes à l'articulation sternale. 5 9 2.5 Plus grande longueur de la 9° vert. cervicale..... 17-21 Plus grande largeur de la 3° vert. cervicale....... 15 9.5 Plus grande longueur de la 3° vert. cervicale... 16 12:59 11. TROCASA MEYERI Par la combinaison des caractères suivants, cinq os de la poitrine, bien que fracturés, sont facilement reconnaissables comme appartenant à des Columbines. La très grande éléva- tion de la crête qui est, en même temps, grêle ou mince; la présence d’une épine interne bien développée, qui est large à sa base, finissant antérieurement d’une facon obtuse et légèrement bifurquée, tandis que l’épine externe est moins développée de beaucoup; en dernier lieu, les profondes et régulières coulisses servant à l'articulation avec les coracoï- diens qui ne se rencontrent pas, mais qui sont séparés par un pont médian, poli et à peine proéminent. Afin d'arriver à déterminer l'espèce, nous avons comparé OISEAUX ÉTEINTS DE MAURICE. 239 ces os à ceux du Turtur picturatus, du Vinago australis, du Funinqus madagascariensis et du Trocaza meyeri. M. A. Milne-Edwards a figuré les os des trois premiers, etle Museum de Cambridge possède des squelettes des deux derniers. Le résultat de cette comparaison a démontré que quatre os de la poitrine appartiennent au Trocaza meyeri. Il existe chez cette espèce un petit tubercule, mais dis- üinctement proéminent sur le labium internum du côté anté- rieur du sternum, au milieu, entre le bout antérieur de l’épine interne et la base du processus latéral antérieur du sternum; il sert d'attache au ligament antérieur accessoire sterno-coracoïdien. Ce tubercule est bien développé dans les quatre os de la poitrine, comme chez le Trocaza; il est très petit chez le Funingus et absent chez le Turtur el le Vinago. L'épine externe du sternum offre un second caractère spécifique ; chez le Trocaza et le Vinago, elle est bien déve- loppée, petite chez le Turtur, absente chez le Funingus. De plus, les mesures ci-après offrent des caractères addi- tionnels qui ont conduit à la détermination de l'espèce à laquelle appartiennent ces os de la poitrine. | Trois os tarso-métatarsiens sont aussi relérés au Trocaza meyeri, en raison de leur longueur et de la configuration des crêles osseuses des coulisses du côté postérieur du bout proximal du tarso-mélatarse, servant au passage des diffé- rents longs muscles fléchisseurs des doigts. Sous ce rapport, le Trocaza se rapporte, mais seulement par la longueur des os, au Turtur, tandis qu'il diffère considérablement du Funingus. 12. FUNINGUS, Esp. INCERT. Un sternum malheureusement bien incomplet, consistant seulement du bout antérieur du sternum et du côté antérieur de la quille, peut probablement appartenir au Funingus; notamment en raison de l’absence des tubercules latéraux de l’épine interne et en raison de certaines de ses dimensions, 240 E. NEWTON ET H. GADON. ainsi qu'elles sont données dans la table suivante, dans laquelle ce spécimen est marqué M. S. (Mare aux Songes), tandis que E. N. indiquent que ces os ont été relirés de la chair par sir Edward Newton, et M. E. signifient que le spe- cimen a élé figuré par M. A. Milne-Edwards. VI- | TUR- NAGO | TUR. FUNINGUS. TROCAZA. ARR M.E.|M.E.!'E. N.IM.E.|M.S.IE.N\.o M.S. m.m.|m. m.| m.m.|m.m.|m.m.|m.m.|m.m.m.m. M.M. M.M. M.Mm. Distance ab du bout antér. de l’épine in- terne au foramen pneumatique 1.5108:0178 "M0.5110.:0106 A 106:5 1079 Dist. cc à travers le stern. au niveau de Ja 2° côte thoraci- 20.5| 18 | 18 | 20 | brisé | 21 25 incomplet. Dist. af du bout an- tér. de l’épine int.à| la courbe ant. ven- trale de la crête | sternale RAI sa 31 34 31 28.5 incompl. Longueur du tarso- métatarse à LL “rte, 0e MANS Il existe aussi cinq cubitus appartenant à un pigeon qui n’ont pu, toutefois, être encore déterminés, si ce n’est qu'ils appartiennent soil au Tr'ocaza, soit au Funinyus. 13. DIDUS INEPTUS (Planche XXXVI-XXXVII) (1). Les nouveaux matériaux d'os du Dodo nous ont permis (1j Dans Explication des planches donné par les auteurs à la suite du Mémoire, on lit : « PLANCHE XXXVI. — La figure 1 représente le premier squelette du Dodo correctement restauré et exactement monté. L’aile gauche et les côtes n’ont pas été dessinées, afin de rendre le dessin plus clair. La 18° vertèbre a été hachurée parce qu’elle était encore inconnue quand le squelette a été restauré. OISEAUX ÉTEINTS DE MAURICE. 241 d'ajouter à la restauration du squelette les parties suivantes que, Jusqu'ici, on ne connaissait pas : 1. La partie médiane de l'os furculaire, étant arrondie, semble dépourvue d’une apophyse médiane ou hypocleidium. Ceci peut cependant provenir d'un cas de variabilité indivi- duelle, si on considère que dans le specimen du Pesophaps (le Solitaire) mâle de Cambridge, il n’y a pas non plus d’a- pophyse, tandis qu'il en existe une, bien que petite, dans le specimen du même oiseau femelle. Par suite, on ne peut affirmer que le dessin restauré du professeur Owen, de cette partie du specimen du Dodo du Brilish Museum, soit incor- rect. 2. Les os métacarpiens des côtés droit et gauche et la première phalange du second doigt. Ces os ne présentent aucun trait caractéristique et s'accordent, par leur petite dimension, avec l’état très réduit des autres os des ailes. De plus, à l'extrémité du radius et sur le premier métacarpien, il n'existe aucune trace de ces singulières exostoses si carac- téristiques chez le Solilaire mâle qui, probablement, s’en servait dans ses combats pour frapper. 3. L'extrémité des os pubis. 4. Les phalanges des doigts des pieds (que l’on ne connais- sait jusqu'ici que par le specimen d'Oxford). 5. L’atlas, ou la première vertèbre cervicale). Le résultat le plus intéressant de l’examen des os qui nous ont été confiés par M. Sauzier consiste dans la détermination du nombre des vertèbres et des côtes appartenant aux diverses régions de l’axe du squelette. « Les figures 2, 3, 4. Vues antérieure, postérieure et latérale de l'Atlas, grandeur naturelle. « La figure 5. Vues dorsale et ventrale des os métacarpiens et de la pre- inière phalange de l'index. « PLancHe XXX VII. — Les figures 1 4, B. Vues latérale, antérieure et pos- térieure de la 18° vertèbre, grandeur naturelle. Parmi les centaines de ver- tèbres du Dodo qui nous sont passées par les mains il n’a été trouvé qu’un seul spécimen de cette 18° vertèbre. Ce spécimen est unique. La vertèbre correspondante du squelette monté du British Museum est un substitut artificiel habilement exécuté. » ANN. SC. NAT. ZO00L. XVII, 16 219 E. NEWTON ET H. GADOW. Jusqu'ici, nos connaissances sur ces parlies ne reposaient que sur le specimen défectueux et monté du British museum (et sur les dessins de restauration du professeur Owen publiés dans les transactions de la Société zoologique, VIet VII) ainsi que sur le squelette de Cambridge qui était incomplet. Par suite, toutes les références, quant au nombre des ver- tèbres et des côtes, sont également incorrectes (c. f. Fuer- bringer’s” Untersuchungen für Morphologie und Systematik der Vogel, tabl. XXI et XXII, p, 778-781, et Brown’s Thier- Reich, Vogel, p. 950). Les vertèbres que nous avons examinées appartiennent à un nombre inconnu d'individus. Bien plus, il n’est pas pos- sible d’en composer une série complète, de l’atlas au bassin, et de la considérer avec certitude comme provenant d’un seul et même individu. Enfin, chose singulière, il n’a été trouvé qu’un unique specimen de cette vertèbre qui s’ajuste dans l’ouverture située entre la dernière des trois vertèbres thoraciques ankylosées et la première vertèbre recouverte par le bassin avec lequel elle se confond. La détermination du nombre des vertèbres qui composent les différentes régions de la colonne vertébrale ne repose, par conséquent, que sur des inductions. Un rapprochement impartial de faits empruntés à d’autres pigeons révèle cer- taines corrélations, quant au nombre et à la forme des ver- tèbres et des côtes, et les résultats ainsi obtenus peuvent être, selon toutes les probabilités, appliqués à la restauration du squelette du Dodo. Il semble être une règle chez les pigeons normaux (non domestiqués), que : 1. Les 15°, 16° et 17° vertèbres sont ankylosées les unes avec les autres. 2. La 18° vertèbre est franche, s’articulant en avant avec la 17° vertèbre et derrière avec la 19°, laquelle, dans tous les cas, est recouverte par le bassin avec lequel elle se fusionne en partie. Pour plus de commodité, la 18° pourrait être appelée la vertèbre intermédiaire. OISEAUX ÉTEINTS DE MAURICE. 243 3. Les 14° et 15° vertèbres possèdent chacune un processus épineux qui est crochu. 4. Les côtes complètes, c’est-à-dire celles qui s’articulent avec le sternum, varient au nombre de 3 à4et sontrestreintes de la 15° à la 19° vertèbre, tandis que la 16° à la 18° portent toujours les côtes sternales complètes. o. Les vertèbres cervico-dorsales sont celles qui portent les courtes côtes mobiles; la portion dorsale d’une telle côte s’arlicule par un capitulum typique et un tubercule avec une verlèbre, landis que la moitié de la côte ventrale ou distale est perdue. Comme règle, enfin, la dernière de ces courtes côtes porte un processus unciné. Le nombre de vertèbres cervico-dorsales est de deux, rarement de trois. 6. Les autres vertèbres du cou sont de véritables vertèbres cervicales, à l’exceplion de l’atlas et de l’épistrophée (l’axis), elles possèdent toutes un foramen transversal et des foramens rudimentaires immobiles. 1. Chez les pigeons de la faune actuelle, la dernière ou la plus en arrière paire de côtes sternales complètes est fré- quemment suivie d’une paire de côtes qui, attachée à la 19° vertèbre ou première pelvienne, atteint presque le ster- num; dans de rares cas, il existe même une seconde paire, bien que beaucoup plus courte qui, alors, appartient à la 2° vertèbre pelvienne ou 20°. La table suivante indiquera ces modifications : 44 E. NEWTON ET H. GADOW. [ÈS e, indique les dernières vertèbres cervicales. h, — les procès épineux se courbant. BR, — une courte côte. st, — une côte sternale. u, — un procès unciné (non marqués sur les côtes sternales). 121143 | 14 5 [ac| ar - NOMBRE DE VERTÈBRES re PAR SÉRIES. — |intermé-| Première pel- | Deuxième pel- Ankylosées. diaire. vienne, mm | once | memcmemmmx | nes | sen ae nas Columba livia...... C,hlh,R| R,u | st | st | st | st Phaps chalcopteru..| c |k,R|h,R,u| st | st | st | st Didunculus strigiros-| c |h,R| AR | st | st | st | st Treo OULE. mr OR du ST. st 1 st Capophaga pacifica.| ..|c,h| R,R | Ru! st | st | st pas de côtes. » longues côtes. pas de côles. » pas de côtes. Goura coronata..... [ch] LR |Ru| st | st | st Pezophaps solitar., | ..|c,h|h,R,ul R,u| st | st | st st courtes cbles. a — ,91..|0hRIRLR | Ru st. | st À, st st » Didus ineptus, cor- rectement monté; aux Muséums de Cambridge et de Maurice: ton FE Didus, au British _ Muséum ; figuré par sir Richard Owen. Trans : Soc. Zool.. st pas de côles. presque stern. Le Didus s'accorde avecle Pezophaps en possédant treize vertèbres cervicales, deux courtes côtes, quatre côtes ster- nales, la dernière étant supportée par la première vertèbre prépelvienne. Le Treron, le Carpophaga et le Goura ont, comme point de similitude, treize véritables vertèbres cervicales, deux courtes, deux sternales et une paire de côtes quasi sternales. Ces oiseaux diffèrent du Didus et du Pezophaps en ce que la dernière paire de côtes ne s’articule pas sur le sternum. La Colomba, le Phaps el le Didunculus diffèrent des autres pigeons en ce qu'ils n’ont que douze véritables ver- tèbres cervicales, deux courtes, quatre sternales et une paire de côtes quasi sternales, parce que leur 15° vertèbre ou OISEAUX ÉTEINTS DE MAURICE. 245 1" vertèbre ankylosée (au lieu de la 16‘ ou 2° vertèbre anky- losée) porte la première paire de côtes sternales. La reconstitution figurée dans les transactions de la Société zoologique de Londres, VI, pl. XV, présente en trop une paire de côtes sternales et une vertèbre (la 15° de la figure). Pour conclure, nous désirons ajouter qu’en outre des os d'oiseaux qui viennent d’être décrits, M. Sauzier a également trouvé dans ses explorations de la Mare aux Songes beaucoup d'os de Reptiles qui feront, de la part de l’un de nous, l’objet d’un prochain Mémoire (1), ainsi qu'un grand nombre de coquilles de mollusques, de parties d’enveloppes de Crustacés et quelques fragments de Coraux. La présence de ces speci- mens marins danslabourbe dela «Mare aux Songes » peut êlre attribuée, on le croit, à l'intervention de Crabes de terre, parce qu'il n’y a pas de raison d'admettre que la mer ait jamais pénétré jusqu’à ce lac dont elle est séparée par des terres d’une certaine élévation, tandis qu’on sait que ces créatures ont l’habitude de transporter du rivage, fort loin dans les terres, des restes d'animaux. Quoi qu'il en soit, il est peut-être bon de donner les noms des coquilles, ainsi qu'elles ont été reconnues par M. A. H. Cooke, curateur honoraire de conchyologie au museum de Cambridge. Elles se composent des Mollusques terrestres suivants: Gioulina sulcata, Lam ; Pachytyla inversicolor, Fer; Cyclostoma cart- natum, Lam, et des Mollusques marins ci-après: Cyprea caput serpentis, L.; Nerita polita, L.; Turbo, esp. incert. (fragment). | En outre, des graines de plusieurs plantes ont également été recueillies, mais il nous a semblé inutile de les énumérer. (1) Ce mémoire, présenté par l’auteur, le D' Gadow, à la Société zoologi- que de Londres, le 29 novembre 1892, et lu le 20 décembre suivant, a été publié depuis sous le titre de : On the Remains of some Gigantic Land-Tortoises and of an extinct Lizard, recently discovered in Mauritius, dans The Tran- sactions of the Zooligical Society of London, vol. XIT, part. VIII, n° 2, April 1894, pp. 313-324, et 3 planches. (Note du traducteur.) 246 E. NEWTON ET H. GADOW. Des échantillons du sol, également recueillis par M. Sauzier, bien que soigneusement conservés au Museum, ne paraissent pas non plus devoir faire ici l’objet d’une remarque particu- lière. SUR LES RESTES DE QUBLOURS TORTUES TERRESTRES GIGANTENQUES ET D'UN LÉZARD ÉTEINT RÉCEMMENT DÉCOUVERTS A L'ILE MAURICE Par M. HANS GADOW, Docteur en Philosophie, etc., etc. (1). La collection d'os d’Giseaux provenant de la Mare aux Songes, à l’île Maurice (décrite dans les Transactions de la Société zoologique de Londres, vol. XIII, 1893, p. 281) (2), était également accompagnée d’une Collection toute aussi in- téressante de RESTES DE REPTILES, provenant de la même lo- calité. M. Théodore Sauzier, comme Président de « La Com- mission des Souvenirs historiques de l'Ile Maurice », a accepté la condition que les os-types de celte collection seraient con- servés au Muséum de zoologie de l'Université et que tous les matériaux seraient étudiés à Cambridge. Cette étude m'a été confiée : Je saisis aujourd’hui l’occasion d'adresser mes remerciments à M. Sauzier. (1) Ce Mémoire, sous le titre de : On the Remains of some Gigantic Land- Tortoises, and of an extinct Lizard, recently discovered in Mauritius, by Hans Gadow, Ph. D., M. A., F. R.S., Lecturor on advanced Morphology of vertebrata and Strickland Curator, University of Cambridge », présenté à la Société zoologique de Londres le 29 novembre 1892 et lu le 20 décembre suivant, a été publié en avril 1894, dans : The Transactions of the Zoological Society of London, vol. XIII, part. VIII, n° 2, April 4894, pp. 313-324 (Plates XLII- XLIV). Ces planches n’ont pas été reproduites dans les Annales. (2) On additional Bones of the Dodo and other extinct Birds of Mauritius, obtained by M. Théodore Sauzier, by sir Edward Newton, K. C. M. G., etc., and Hans Gadow, Ph. D., etc. 248 HANS GADOW. Comme une grande partie de la collection doit être ren- voyée à Maurice, il a élé jugé nécessaire de figurer la plu- part des spécimens les plus importants. | La monographie du D° Günther : Les Tortues terrestres qi- gantesques, vivantes et éteintes, Londres 1877, forme natu- rellement la base des descriptions qui suivent. Par le fait d'avoir distingué plusieurs espèces, notamment les Tesdudo triserrata et T. inepta, tandis qu'il étudiait les collections antérieures provenant de la Mare aux Songes, et d’avoir ensuite assigné des noms aux nombreux crânes, ca- rapaces, plastrons, bassins et ceintures scapulaires, le D° Günther a établi un droit de priorité qui, naturellement, doit être reconnu comme virtuellement correct, jusqu'à ce que, à des époques ultérieures, on ait trouvé des spécimens complets avec tous les os réunis, qui alors, corroboreront ou corrigeront ses appréciations. En distinguant par divers noms, au moins quelques-uns des plastrons et carapaces les plus sensiblement différents, je ne fais que suivre le plan du D' Günther, tout en référant cependant à nombre d’autres os que je n’ai désignés que par des lettres et des numéros. Comme tous ces spécimens portent comme marques les mêmes lettres et numéros, avec référence au présent mé- moire, leur identification demeure assurée. Reste la question de la valeur spécifique de ces noms: il est sans importance au but descriptif du présent Mémoire que ces noms soient considérés comme indiquant des espèces, des sous-espèces, des variétés ou des races. Sachant depuis longtemps que Maurice a été habitée, au plus, par trois espèces, à savoir : les T°. triserrata et T°. inepta, (la T. indica ou perraulli n'étant que supposée être origi- naire de Maurice, et le nom de 7. leptocnemis n'ayant été suggéré depuis qu’en raison d’un fémur, d'un bassin et d’une omoplate), nous avons pensé que cette manière de voir de- vait être acceplée comme possible, si l’on considère que l'ile d'Aldabra, d’après le D° Günther, a produit cinq espèces TORTUES. ÉTEINTES DE MAURICE. 249 vivantes, espèces que M. Boulenger a réduit à quatre. Mais aujourd'hui que cette dernière collection nous fait connaître tant de formes différentes de Tortues lerrestres,en procédant d’après les anciennes lignes, nous y avons reconnu, pour le moins, les Tortues suivantes : T. indica (1), s'il est démontré que la carapace n° V appar- tient à celte forme. T'. triserrata; T. inepta ; T. sauzier1; T. sumeirei, c’est le nom donné par M. Sauzier au spéci- men encore vivant qui se trouve dans la cour des casernes d'artillerie, à Port-Louis. Et T'. leptocnemus, S'il y a lieu (2). Ce qui fait cinq ou six formes différentes. Si l'on suppo- sait qu'elles représentent autant d'espèces, ce serait rame- ner à l'absurde l’idée que l'on à d'une espèce, à moins que la seule présence de ces Tortues terrestres sur la petite île Maurice (et le même fait s’applique tout aussi bien à Aldabra) puisse s'expliquer par la saisissante hypothèse suivante : Pendant l’accomplissement présumé de l’affaissement de la terre environnante, maintenant occupée par l'Océan indien, les Tortues de terre auraient trouvé un refuge dans les ré- gions les plus élevées, aujourd’hui les îles Madagascar, Alda- bra, les Mascareignes, etc. Cette conjoncture implique l’hy- pothèse également gratuite que la partie sud-ouest de « la Lémurie » était habitée pour le moins, par onze et même qua- torze différentes espèces de Tortues terrestres gigantesques, notamment cinq ou six jusqu'ici à Maurice; quatre ou cinq (41) « Tortue des Indes » : suscription banale qu'on attribuait, fort impro- prement, depuis Perrault, à tous les gros Chéloniens terrestres (Léon Vaillant, Les tortues éteintes de l'ile Rodriguez, volume commémoratif du centenaire de la fondation du Muséum. Paris, 1893, in-4, p. 30.) (Note du tr aducteur.) (2) Ces six tortues ou ont été décrites et nommées pour la première fois, savoir : la première par Schneider, les deux suivantes et la dernière par le D' Günther, la T. sauzieri, par le D' Gadow, dans le présent Mémoire et la T. sumeirei, par M. Th. Sauzier. | (Note du traducteur.) 250 HANS GADOW. également jusqu'ici à Albabra ; une à Rodrigues et une ou deux à Madagascar ; sans compter les espèces qui, proba- blement, ne sont jamais parvenues jusqu’en ces îles. Comment et à quelle époque ces îles ont-elles été habitées par leurs Tortues? Ceci est non seulement un mystère, mais encore une toute autre question. Les cinq ou six formes de Tortues terrestres des îles Gala- pagos ont été ou sont, jusqu’à un certain point, particulières à des îles distinctes; cet isolement est en faveur de leur va- leur spécifique, mais cinq des formes mauriciennes ont été trouvées dans le même marais (1). Avec une nourriture abondante, un climat homogène et sans ennemis redoutables, ces Tortues ont atteint des proportions gigantesques ; Jus- qu’à preuve du contraire on peul admettre que leur ‘eroise- ment a pu s'effectuer à l’aise. Et alors la variabilité, dans les limiles permises, n’a subi aucun échec de la sélection natu- relle. La très grande ténuité de la carapace de quelques-unes de ces Tortues gigantesques, spécialement de la T. vosmaeri de Rodrigues et de plusieurs formes des Galapagos, semble indiquer que la force de l’armure dermique de ces Tortues n'était plus nécessaire dans ces Elysées des Tortues ter- restres. LES CARAPACES CaRaPACE n° [. — Testudo sauzieri (2). — Toute la cara- pace avec le plastron adhérent, est complète, à l'exception (4) Je ne prétends pas dire que différents genres, et même que différentes espèces d'un genre, n’habitent pas une même localité. En Andalousie, j'ai trouvé, en nombre égal, dans les lagunes de Los-Patos, l'Emys europæa, et la Clemmys signis ou leprosa, fait quelque peu inattendu parce que l’Emys est une Tortue à peu près exclusive dans le nord du Portugal, tandis que la Clemmys est extrêmement abondante dans l’Alemptejo, Là où l'Emys est très rare. (L'auteur) (2) Cette tortue est représentée dans la collection par une pièce unique, figurée dans la planche XLII (fig. 1, 2, 3, #) : 1° Type de la T. sauzieri : carapace, avec plastron adhérent, à peu près complète ; vue longitudinale. 2° Vue postérieure. 3° Section longitudinale verticale d'après le spécimen type. 49 Vue ventrale. (Note du traducteur.) TORTUES ÉTEINTES DE MAURICE. 251 des seconde, troisième et quatrième plaques vertébrales. Le profil dorsal diffère de celui du type de la T. inepta, par la configuration de la bosse de la cinquième plaque vertébrale, par la bosse de la quatrième plaque vertébrale beaucoup plus escarpée, par la bosse de la première vertébrale également et visiblement plus escarpée. Les plaques marginales sont également différentes ; la pre- mière est en plein contact avec la première costale et même plus que dans la 7”. friserrata ; tandis que dans la T°. enepta, la première marginale et la première costale ne se touchent pas. La dernière marginale ou caudale, beaucoup plus épaisse que dans la T7. inepta, mesure 10 centimètres sur 3.3 centimètres, avec une épaisseur de 2-3 centimètres ; au lieu d'être concave ventralement elle est franchement con- vexe. La longueur totale de la carapace est de 51-5 centimètres, sa plus grande largeur à travers la région inguinale est de 36 centimètres. Le plastron, qui mesure 36 centimètres de long, ressemble à celui de la T. triserrata (celui de la T. inepta est encore inconnu), mais les plaques pectorales sont plus larges que dans le plastron figuré par le D° Günther, tandis que les marques des plaques dans la région axillaire s’y rapprochent. Il existe cependant au Muséum de Cambridge, un plasiron d’un autre mâle qui a été déterminé par le D° Günther comme appartenant à la 7. friserrata, chez laquelle les pectorales sont justement aussi larges que dans 7. sauzieri, tandis que les impressions axillaires sont différentes. Toute la carapace est plutôt épaisse comme celle de la T. inepta. Les côtés sont escarpés et aussi franchement con- vexes que ceux dela T'. inepta. Carapace n° II. — 7°. inepta. — Fragment comprenant les deux tiers de la partie postérieure. Type de la 7. ineplta. CaRAPACE n° III. — T'. friserrata. — Fragment compre- nant les six plaques marginales postérieures, avec parties de 252 HANS GABOW. la quatrième plaque costale, celle de droite et celle de gauche, et partie de la cinquième vertébrale. CaraPACE n° IV. — T. triserrata. — Fragment un peu plus complet que celui du n° IL. Les deux spécimens sont facilement reconnaissables comme appartenant au type de T°. triserrata en raison de la grande plaque caudale, ventralement concave qui est mince, fortement cintrée et qui mesure 17-5 centimètres dans sa plus grande largeur et 10 centimètres en hauteur. CaraPACE n° V (1). — T. indica. — Ce fragment se com- pose des première, seconde et troisième plaques verlébrales complètes, et de partie de la quatrième, de parties de la première plaque marginale (celles de droite et celle de gau- che), de parties des première, seconde et troisième plaques costales, de droite et de gauche. La plus grande longueur du fragment mesure 43 centimètres. Son profil dorsal longitudinal présente presque une ligne droite, avec seulement une légère concavité à travers le milieu de la première plaque vertébrale. Toutes les ver- tébrales sont presque plates; il n'existe aucune indication d’une surélévation ou bosse sur la quatrième plaque. _ Les premières plaques marginales présentent également le même niveau dorsal plat. Le bord antérieur de cette carapace est très particulier, ainsi que l'indique les fig. 10 et 11: 1° Les deux plaques marginales forment une ligne doit au lieu d’être courbe comme dans les T°. inepta, triserrata et sauziert. | 2° La rainure médiane est très légère dorsalement et elle fait complètement défaut sur le côté ventral. 3° Ventralement les deux marginales sont fortement con- caves, formant un sommet aigu et {rès proéminent. Dans sa monographie, p. 43, le D' Günther remarque « qu’une carapace avec un profil vertébral aussi droit que ce- (1) Représentée dans la planche XLII par les figures 9, 10 et 11, comme appartenant probablement à la T, indica de Perrault. (Note du traducteur.) TORTUES ÉTEINTES DE MAURICE. 253 lui figuré et décrit de la 7’. perraulti n'est pas représentée. parmi les spécimens recueillis par MM. Bouton et Newton ». De plus, aucun des espèces décrites dans cette monographie ne possède une carapace aussi plate. Notre carapace n° V, par son profil plat et presque droit s'accorde mieux avec la figure donnée par Perrault de sa grande Tortue des Indes mâle dans : Mémoire pour servir à l'Histoire des animaux et des Plantes, Amsterdam, 1736, p. 395. Mais les plaques mar- ginales antérieures sont bien différentes. Cependant ceci pourrait bien provenir de l’inexactitude du dessin qui, cu- rieuse anomalie, représente la carapace avec quatre plaques vertébrales au lieu des cinq habituelles. Perrault remarque que la carapace mesurait trois pieds de long, la queue quatorze pouces de long, terminée en pointe et « garnie d’un bout semblable à une corne de bœuf ». Nulle mention n’est faite de la longueur de cet ergot corné: à en juger par la figure il atteindrait à peine un demi- pouce. Dans l’£rpétologie générale vol. 11, p. 126, Duméril et Bibron mentionnent entre autres points : « La suscaudale simple, très élargie, la dernière de la rangée vertébrale bom- bée ». Si ceci implique que seule, la dernière plaque verté- brale est pourvue d’une bosse, alors ce spécimen diffère aussi bien de T. ériserrata que de T.inepta, parce que chez la première les plaques vertébrales ont une bosse ; et chezla seconde cette bosse n'existe qu'aux quatrième et cinquième plaques. D'un autre côté, la T°. endica ou perraulli ressemble, par la grande plaque caudale à la T. triserrata et diffère des T'. inepta et T. sauzieri. | Cette carapace n° V appartient très probablement à une. T. indica et dans ce cas, ilne peut plus y avoir aucun doute que le spécimen de Perrault soit originaire de Maurice, ce qui corrobore la conjecture du D° Günther. 254 HANS GADOW. LES PLASTRONS PLasrRoN À (1). — Ce plastron, intermédiaire entre celui de la T°. friserrata el celui de la T°. sauzieriest complet. Il me- sure dans sa plus grande longueur 39 centimètres, et dans sa plus grande largeur 35-5 centimètres; ce qui indique une Tortue beaucoup plus large que la T. sauzieri. Par ses empreintes ventrales, il ressemble à celui de la T. sauzieri, mais il en diffère comme suit : 1° Les marques ou empreintes du bouclier dans la région inguinale ressemblent davantage à celles de T'. triserrata. 2° Le bord postérieur du plastron est franchement et for- tement cintré vers le haut, au lieu de présenter un léger gonflement triangulaire. [l rappelle davantage celui de la T. triserrata. 3° La quatrième plaque marginale jusqu’à la septième qui réunissait le plastron aux trois plaques costales du milieu sont beaucoup plus escarpées et à peu près plates verticale- ment au lieu d’être convexes. PLasrron B. — T°. triserrata. — Type. Plastron d'un mâle, représenté par les deux cinquièmes des deux plaques anté- rieures et postérieures désunies. PLasron C.— 7. triserrata. —Moitié antérieure d'un grand plastron d’un mâle, mesurant dans sa plus grande largeur 42 centimètres. PLastrrons D,E, F,G(2).— T. sumeirei. — Quand le D Gün- (1) Figure 5 de la planche XLII. (2) De cette série de Plastrons, attribués par le D' Gadow à T. sumeirei, ceux marqués E F sont seuls figurés dans la planche XLIT comme suil : Plastron E : fig. 12 et 13; vues ventrale et dorsale de la partie antérieure fourchue. — Plastron F : fig. 6, 7, 8; vues ventrale et dorsale de la partie postérieure. Les figures 1, 2, 3, dans la planche XLIIL, représentent (grandeur nature) : vues dorsale, antérieure et ventrale de la complexe caudale terminale, réfé- rée, par le Dr Gadow, à T. sumeirei. Les figures 4 et 5 de la même planche représentent le Bassin décrit plus loin sous le n° 2 par le D' Gadow et distingué par lui comme appartenant probablement à T. sumeirei. TORTUES ÉTEINTES DE MAURICE, 256 ther à écrit sa monographie, il pouvait avancer catégorique- ment : 1° Que les Tortues terrestres, ayant une plaque nucléale et une plaque gulaire double, provenaient des Aldabra. 2° Que les Tortues sans plaque nucléale et avec une plaque gulaire simple, proviennent des Mascareignes. 3° Que les Tortues sans plaque nucléale et avec une pla- que gulaire simple sont originaires des Galapagos. Aujourd'hui cette manière de voir ne peut être soutenue plus longtemps, parce que parmi les matériaux rapportés de la Mare aux Songes par M. Sauzier, se trouvent les parties antérieures de quatre très grands plastrons qui diffèrent de tous les autres reçus précédemment de Maurice et de Ro- drigues, sur les points suivants (1): 1° Le lobe antérieur est très allongé de beaucoup. 2° Il se termine en fourche au lieu d’êlre arrondi devant. 3° Il y existait deux boucliers gulaires, l’un à droite, et l'autre à gauche, ainsi que l’indiquent de profondes impres- sions laissées sur les os. On voit une autre différence dans la partie postérieure du plastron (fig. 8 de la pl. XLII) que, par sa dimension, son peu d'épaisseur et sa couleur, je suppose devoir appartenir à la même Tortue, ainsi que la partie antérieure du plastron (fig. 6). La partie marginale postérieure de ce plastron se termine ventralement par une tubérosité très renflée et rugueuse ; dorsalement il possède une très forte tubérosité, quelque peu Dans la planche XLIV, les figures 17, 18, 19 représentent, d'après des photographies données par M. Sauzier : 1° le spécimen type vivant à Port- Louis de T, sumeirei; 2° et 3° vue de côté et vue du Plastron du même spécimen. (Note du traducteur.) (1) Il existe aussi au Muséum de Cambridge cinq spécimens précisément semblables de parties antérieures de Plastrons qui ont été probablement reçus avec et en même temps que ceux de restes de Tortues terrestres de Maurice que le professeur Addon a catalogués et décrits dans les Transac- tions de la Société Linéenne, série IT, Zoologie, vol. II, 1879, pp. 153-163, pl. XIIT. Ces pièces sont cependant restées indéterminées et il ne semble pas qu'on en ait jamais fait mention. (L'auteur.) 256 ___ HANS GADOW. triangulaire, qui semble avoir été ajustée sur la tubérosité symphysiale de lischion du bassin, et qui, à en juger par sa nature rugueuse, semble avoir été partiellement enkylosée avec le bassin. Aucun des spécimens mauriciens connus jus- qu'ici ne présente pareilles {ubérosités. Cependant, elles existent dans les formes Aldabranes, notamment chez les Î'. elephantina, T. daudini et T. hololissa; tandis qu'on ne trouve pas ces tubérosités chez la T. ponderosa, qui, soit dit en passant, a été récemment reconnue par Boulenger, comme _élant une femelle de 7. elephantina (1). | Les plastrons D, £, F, G s'accordent en grande partie avec celui de la 7. daudini dans la configuration des impres- sions pectorales et dans la forme entière du lobe antérieur. Tous ces spécimens sont excessivement épais et lourds, et, sous Lous les rapports, différents des plastrons des 7. tri- serrata et T. sauzieri. La plus grande largeur du fragment E mesure 38 centi- mètres. Le fail que ces plastrons ont été trouvés dans la Mare aux Songes, avec les autres matériaux de Tortues terrestres, exclut toute possibilité de l'introduction de ces animaux par l’homme. Tableau comparatif des Plastrons fourchus D. E. F. G. de Maurice avec les plastrons des Tortues d’Aldabra. (- signifie s'accordent; — signifie diffèrent.) T: ELEPHAN- | T. PONDE- | y, DAUDINI. |[T. OLOLISSA. —- beaucoup. —<- —- beaucoup. Bout antérieur du Plast.. Gulaires doubles........ Empreintes pectorales... Tubéros. postér. du plas- + +++ CR (1) T. elephanthina et T. daudini, décrites par Duméril et Bibron; T. Pon- derosa et T. hololissa, décrites par le D' Günther. (Note du traducteur.) TORTUES ÉTEINTES DE MAURICE. 257 T. suueiret (pl. XLII, XLIIL et XLIV (1). — L'existence à Maurice de Tortues terrestres indigènes possédant une plaque gulaire double et un long plastron fourchu ayant été établie, il est entièrement dans l’ordre de toutes les probabilités que le seul spécimen encore vivant en cette île soit une créature native et non une créalure importée. Dans le N° 1016 du 19 novembre 1892 de « la Nature », p. 395-398, M. Sauzier a donné une description accompagnée de vues photographiques de ce spécimen qu'il a distingué sous le nom de Testudo Sumeirei en l'honneur de M. Camille Sumeire, de Maurice (2). M. Sauzier nous a offert plusieurs exemplaires des photo- graphies originales de cette Tortue en les accompagnant des notes suivantes : « Lors de la conquête de l’île de France (Maurice), le 3 décembre 1810, il existait dans la cour des casernes de l'artillerie, à Port-Louis, une gigantesque tortue de terre qui a fait partie du matériel laissé aux Anglais. « Cette bête vit encore dans cette même cour dont les bâliments ont été convertis en mess pour les officiers. «IL est facile de voir, par son aspect général, qu'elle doit être d’un grand âge. Si, en 1810, d’après les plus anciens habitants, elle avait atteint sa taille actuelle, ou à peu près, (1) Voir noles antérieures relatives à ces planches au bas des pages 254 et 255. _ (2) Ce mémoire a été textuellement reproduit, avec les mêmes figures, en février 1893, avec additions de preuves justificatives, sous le titre de : Les Tortues de terre gigantesques des Mascareignes et de certaines autres îles dc la mer des Indes. Paris, G. Masson, éditeur, 1893, in-8, 32 pages. Au sujet de la Testudo Sumeirei on y lit : « Quel est le lieu d’origine de « cette tortue? Nous ne sommes pas éloigné de croire qu’elle est peut-être « l’un des derniers survivants, si ce n’est le dernier, d’une des espèces de sa «race trouvées en incroyable abondance à Maurice par les premiers « voyageurs qui ont visité cette île », etc., etc. Relativement à quelques tortues de terre gigantesques que M. Sauzier a vues aux iles Maurice et Bourbon, il ajoute : « Elles ne provenaient pas, au « moins pour la plupart, des Aldabra... Autant que nous servent nos sou- « venirs, et ils sont précis, toutes ces tortues avaient l'apparence de la « Testudo Sumeirei, c'est-à-dire que leurs carapaces avaient une forme plus « arrondie et plus unie que celles des races des Aldabra et même que les « carapaces retirées de la Mare aux Songes.. » (Note du traducteur.) ANN. SC. NAT. ZCOL. XVII, 17 258 HANS GADOW. elle aurait pour le moins deux siècles, ce. qui ne l'empêche pas, bien qu'aveugle depuis quelques années, de porter avec aisance sur sa carapace deux hommes représentant ensemble le poids de 150 kilos. « Il est à regretter que l'absence d'échelle (dans la pholo- graphie représentant l'animal vu de côté), ou mieux encore d'un objet de comparaison, ne permetle pas d’apprécier exactement la taille de cette gigantesque tortue dont on ne connaît pas le lieu d'origine. « L'animal, en marche, mesure 63°5 millimètres en hau- teur, laissant entre le sol et Le plastron un espace de 15 cen- timètres; sa carapace, devenue de couleur grise, mesure dans sa plus grande circonférence 259 centimètres (soit 8 pieds 6 pouces anglais) et 213 centimètres de circonférence en largeur. Une des pattes de devant mesure 45 centimètres de long; une de celles de derrière mesure 30 centimètres. Le cou, la tête comprise, a 39°5 millimètres de long. La queue a 30-5 en longueur (1). » La vue photographique de derrière laisse voir une plaque caudale très grande, large et brusquement cintrée qui res- semble beaucoup à celle de la T. triserräta, mais qui diffère de celle des spécimens d’Aldabra ou des Galapagos. Les vues de face et de côté démontrent l’absence complète de plaque nucléale. La vue du dessous laisse voir une projection légère- ment fourchue à l'extrémité antérieure du Plastron, avec deux boucliers gulaires indiquant deux plaques gulaires os- seuses, comme dans les plastrons fourchus D, E, F, G. La première plaque marginale est très grande et en plein contact avec la première costale, s’accordant sous ce rapport avec les spécimens aldabrans. Le profil de la carapace, les plaques marginales à peine dentelées et les marques des plaques ventrales et costales ressemblent beaucoup aux parties correspondantes de la T. ponderosa, la femelle de la T°. elephantina. (1) Cet extrait a été reproduit dans le mémoire du D' Gadow avec de nombreuses fautes typographiques. (Note du traducteur.) TORTUES ÉTEINTES DE MAURICE. 259 La partie antérieure du Plastron, qui est bien en évidence dans la photographie, s'accorde en longueur, en étroitesse el en bout fourchu avec celle de la T. daudini. D’après la clef de Boulenger (p. 153-154 de son catalogue des Chéloniens du British Museum), ce spécimen devrait se rapprocher davantage de la T. nigrita el de la T°. nigra seu elephantopus (la nucléale absente, les gulaires distinctes, les plaques de la carapace conceniriquement striées chez un adulte, le profil de la carapace déclive devant). Mais la T. nigrita diffère considérablement par la forme du bout antérieur du plastron, par le profil des plaques vertébrales à bosses dentelées. La T. elephantopus diffère aussi par la forme de son plastron. De plus, celle-ci et la 7. rnigrila dif- fèrent toutes Les deux par la forme de leur plaque caudale qui est beaucoup plus petite, et surlout par la forme de la tête. La tête du spécimen photographié de la T. sumeirei ressemble beaucoup plus à celle du type aldabran, tandis que celle de la T. triserrata et dela T°. 2nepta paraîtraient avoir ressemblé aux types Galapagos. Reste la question de savoir si les Plastrons D, E, F, G appartiennent à la même race de Tortues que la 7. Su- meiret. Cette question est difficile à résoudre ; nous ne connais- sons pas les carapaces qui ont appartenu aux plastrons D, E,F, G. | Il est cependant certain que : 1° les Phéstué DIESFEG ‘ne peuvent pas avoir apparlenu à des Tortues des Galopagos, tant à cause de la double gulaire qu'à cause de la situation topographique de ces îles; 2° que le type de la 7. Sumetreine peut pas être un spécimen introduit des îles Galapagos, à cause de la configuration de sa tête; à cause de son plastron et de sa double gulaire; 3° que la T. Sumetrei ne peut pas appartenir à une des véritables espèces d'Aldabra parce qu'elle n’a pas de plaque nucléale, et en raison de sa plaque caudale qui est différente ; 4° et que la T. Sumeirer présente une combinaison tout à fait nouvelle de caractères, notamment 260 HANS GADOW. par la présence de gulaires doubles, par l'absence de plaque nucléale et parce qu'elle est indigène de Maurice. En tout état de cause, nous sommes ici en présence d’une Tortue terrestre mauricienne qui est essentiellement du type Aldabran, mais quiréunit, avec des traitsaldabrans, plusieurs parlicularités qui sont les caractéristiques des 7. indca, T. triserrata et T. inepta, bien qu'elle ressemble sur plusieurs points à quelques-unes des espèces des Galapagos (1). LES COMPLEXES DES VERTÈBRES TERMINALES CAUDALES (2) (PI. XLIIT, fig. 5, 1 2-3). Jusqu'à ce que la preuve du contraire se produise, j'as- signe deux spécimens parfaitement conservés de vertèbres terminales caudales ankylosées à l'espèce dont le plastron est fendu ou fourchu, c’est-à-dire à la T. Sumeirei. Le plus grand de ces deux curieux spécimens mesure 12 centimètres de long. La moitié antérieure de cette vertèbre complexe se compose essentiellement de trois ou quatre vertèbres anky- losées, tandis que la moitié postérieure, fortement courbée en bas et se terminant en pointe émoussée, démontre par ses surfaces moulées qu'elle était recouverte par une gaine cornée qui, comme un ergot, entourait complètement la moitié terminale. Cet ergot devait mesurer, en longueur, au moins 6 centimètres, longueur à laquelle doit être ajoutée naturellement l'épaisseur, probablement considérable, de la corne elle-même. Le D' Günther dit, dans sa description de la T. elephantina (V. Monographie, p. 30) que les « sept dernières vertèbres sont tout à fait rudimentaires et se confondent en un seul os. » Le nombre total des vertèbres caudales de la T°. ele- phantina est de 25, c'est-à-dire 18 vertèbres franches en sus (4) Si l'examen post-mortem du solitaire type survivant dela T. Sumeirei venait à révéler qu'il diffère par son plastron de ceux qui se rapportent à D. E. F. G., je me réserve le droit de distinguer ces plastrons fourchus comme appartenant à Testudo Guentheri. (L'auteur.) (2) Voir pour l'explication de ces trois figures la note explicative mise au bas des pages 254 et 255. (Note du traducteur.) TORTUES ÉTEINTES DE MAURICE. 261 de celles complexes soudées. La carapace du grand spécimen mâle empaillé qui se trouve au Muséum d'histoire naturelle ne mesure pas moins de 49 pouces de long. Mais la vertèbre complexe caudale est bien moins complètement ankylosée et sa facelte antérieure articulée est d’un tiers plus petite que celles des deux spécimens de la collection de M. Sauzier. L'un ou l’autre appartient à une tortue de dimensions gigan- tesques (ainsi que l'indique le grand plastron E); autrement, la complexe caudale éperonnée est relativement plus grande que celle d'aucune des races Aldabranes. D'après la des- criplion de Perrault, la T°. indica estégalement pourvue d’un éperon corné distinct. Le D’ Günther continue ainsi : « Dans les individus de sexe mâle, la queue joue un rôle important comme organe de préhension ou plutôt de point d'appui. Elle diffère aussi extérieurement de celle de la femelle en ce qu’elle est plus longue et qu’elle est pourvue d’un grand onglon terminal. L'animal la tient presque loujours ramenée de côté sous la carapace, généralement du côté droit; aussi avais-je cru trouver une absence de symétrie dans certaines parties de la naissance de la queue, mais je n’ai rien observé de la sorte. » Il m'est bien agréable de corroborer la sagace prévision du D'Günther, relativement à un développement asymétrique, pas en tous cas de la naissance de la queue, mais de la moitié terminale de la complexe ankylosée qui laisse voir une déviation sensible vers le côté droit (V. la figure de la vue dorsale, pl. XLIIT). Chez les tortues terrestres gigantesques, pareille ankylose n'a été jusqu ici observée que sur des spécimens provenant d'Aldabra, de Maurice, et dans une moindre mesure, sur des spécimens provenant des Galapagos. Chez un spécimen du T. elephantopus, d’après le D' Günther, « les vertèbres sont irrégulières et, d’une façon asymétrique, confluentes vers le bout de la queue. » Des spécimens adultes de la Chelone midas possèdent un pareil onglon caudal, bien que beaucoup plus petit. Chez un 262 IIANS GADOW, grand spécimen mâle du Muséum de Cambridge, l’onglon (la : griffe cornée ou l’ergol) mesure environ 2 centimètres de long et recouvre à peu près trois verlèbres, deux ankylosées et l’autre libre. Aucun des livres So de zoologie, d'anatomie com- parée et d’herpétologie publiés depuis 1877 n’a daigné men- tionner celte imporlante circonstance de la présence, dans la classe des Reptiles, d’une vertèbre caudale complexe ankylosée. VERTÈBRES CERVICALES (PI. XLIV, fig, 20-25). Trois vertèbres atlas représentant deux types différents, l’un avec les arcs neuraux légèrement réunis et un corps perforé en forme d’anneau, les autres avec un corps imper- foré, entièrement plein, différences qui ne peuvent pas être expliquées par l’âge. Bien que l’atlas de différentes familles de Tortues présente beaucoup demodifications, lespécimenA, avec le corps plein, est particulier ; il ne contient pas le con- duit odontoïde parce que ce dernier a laissé les trois facettes typiques articulaires ou impressions sur le corps de l’atlas. Les spécimens B et C (1) se rapportent mieux aux vertèbres atlas figurées par le D' Günther. Les BASSINS se composent de cinq spécimens à peu près complets, numérotés de 1 à 5 (pl. XLIIT, fig. 4 et 5). Le BASSIN n° 1 a été assigné à la T”. riserrata conformément à la définition donnée par le D' Günther. C’est le plus grand connu ; il mesure 23 centimètres en hauteur sur 23 centi- mètres en largeur. Le pont entre le foramen obturateur est irès large, c’est-à-dire de 3.8 centimètres. Malheureusement. la tubérosité de la. symphise de l’ischion qui repose sur le plastron n'existe plus. Le sommet ventral de la symphise de l’'ischion est très proéminent. Le BASSIN n° 2 apparlient à un spécimen plus petit; ül (1) Ces spécimens sont figurés planche XLIV, n°° 20 à 25 du mémoire anglais. TORTUES ÉTEINTES DE MAURICE. 263 mesure 17 sur 15-5 centimètres. Les foramens obturateurs sont larges; le pont, conséquemment étroil, ressemble à ceux des Tortues aldabranes. Le sommet latéral ou la crête de la hampe de l'os iliaque est très proéminent, plus encore que dans la T. friserrata. Ce bassin diffère sensiblement, par deux particularités, de ceux qui ont été déterminés, comme appartenant à la 7°. ériserrata et à la T,, inepta. Premièrement, le sommet longitudinal sur le côté ventral de la symphyse de l’ischion est très bas, au lieu d'êlre très proéminent. Secondement, la tubérosité ischiatique a une profonde cavité sur sa surface ventrale, et elle est. raboleuse au lieu d’être unie, ce qui laisse croire qu'il s’ajustait et se fusionnait par- tiellement avec une tubérosité correspondante de la partie postérieure finale du plastron. Ce bassin est celui que j'ai distingué comme appartenant à la 7. Sumeirei (1). Les bassins 3, 4 et 5 se ressemblent ; et ceux dela T. inepta plus que d’autres espèces ; mais il est à remarquer qu'ils présentent un certain nombre de variations dans l'étendue du sommet latéral de l’iliaque ; en fait qu'ils sont intermé- diaires entre les spécimens typiques de la T°. #riserrata et de la T. inepta. Ts pourraient bien appartenir à la T°. /eptocnemis, dont le bassin, d’après les signes diagnostiques, ressemble à celui dela T°. triserrata, mais avec un iliaque plus étroit. LES OMOPLATES ET LES OS CORACOIDIENS Les quatre spécimens sont tous différents. Il y en a deux qui ressemblent plus à celui de 7”. inepta ; un autre davantage à celui de la T°. friserrata; le quatrième possède une hampe scapulaire très plate qui ressemble, dans sa configuration transversale, à celle de la T'. friserrata et encore plus, en général, à celles des espèces aldabranes. Je suis enclin à associer ce spécimen aux autres restes de la T”. Sumerrer. On doit cependant se rappeler que les os des ceintures (1) Ce bassin est représenté par les figures 4 et 5 de la planche XLIII. 264 HANS GADOW. scapulaires de toutes ces tortues éteintes sont sujets à un grand nombre de variations dans leur taille et leur configu- ration (1). Il ne serait pas difficile de choisir parmi les matériaux considérables qui sont à notre disposition, au moins une demi-douzaine de types différents, à la condition de négliger les formes intermédiaires ou de les supprimer. LES PHALANGES Elles se composent de trois grandes phalanges terminales et de sept médianes et proximales. LES CRANES (2). La collection de M. Sauzier contient 19 crânes et deux mandibules. Deux de ces crânes et une paire de mâchoires inférieures appartiennent à la T. friserrata, d’après la défi- nition du D° Günther. Six crânes et les autres paires de mâchoires inférieures ressemblent à ceux de la T’. inepta. Les sept crânes qui restent diffèrent de ceux de la T. triserrata et de la T. inepta, surtout par la configuration de la surface ventrale de la crête supra-occipitale. Cette surface est large, triangulaire et concave, tandis qu’elle est étroite et en forme de carène chez la T. nepta, étroite et doublement sillonnée ou, en d’autres termes, avec une étroite crête longitudinale chez la T. triserrata. Cependant, tous ces crânes présentent considérablement de variations dans leur aspect général, dans les dimensions de la crête, dans le développement relatif des différentes parties du crâne, dans le profil naso-frontal, etc. Beaucoup d’entre eux se rapprochent un peu des crânes Aldabrans par la convexité de leur région frontale, et, d'après le D' Günther, (4) Voir A.-C. Haddon, Trans. Linn. Soc., sér. 11, Zoology, vol. IT, 1879, p. 156-158. (L'auteur.) (2) Les crânes sont représentés dans la planche XLIIT par les figures 6a à 6 b : espèce indéterminée. Les figures 7 et 8 sont attribuées à la T. inepta et à la T. triserrata. (Note du traducteur.) TORTUES ÉTEINTES DE MAURICE. 265 « le bord postérieur de la crête paroxipitale est profondément échancré », chez la T. Daudini. Soit que ces variations soient dues à l’âge ou au sexe, ou soient de valeur spécifique ou sub-spécifique, on ne peut le déterminer. On doit se rappeler que nous n’avons absolument aucun critérium qui puisse nous permettre d'associer aucun de ces nombreux crânes à aucune forme particulière de carapace, de plastron ou de ceinture pelvienne. Il est bien possible que les crânes typiques de la T. friserrata appartiennent aux carapaces qui ont été distinguées comme étant celles de la 7”. inepta ou de la T. Sumeirei, ou vice versa, et cette même remarque s'applique tout aussi bien aux différentes sorles de bassins. Malheureusement, cette incertitude est inévitable, par ce fait qu'il fallait retirer de la Mare aux Songes beaucoup de ces os tels que les hommes qui les cherchaient les rencon- iraient dans ce marécage. Il était par conséquent impossible de prendre note de la juxtaposition de certains d’entre eux, et, de fait, on ne l’a pas fait. Jusqu'à ce que, par une heu- reuse chance, ou par des recherches plus étendues, on puisse rencontrer réunies toutes les parlies principales d’un même et incontestable individu, l'association de ces os restera une cause d'observations sans base solide. « Habt alle die Theile in der Hand, Fehlt leider nur das geistige Band. » DIDOSAURUS MAURITIANUS (1) Le D' Günther a décrit et figuré, dans le Journal de la Société Linnéenne, zoologie, vol. XIII, 1878, p. 322-324, un petit fragment, avec trois dents, de l'os maxillaire, cinq fragments de la mandibulé, sept fémurs plus ou moins en bon état et des portions de trois humérus. Tous ces os ont été recueillis dans la Mare aux Songes. M. Sauzier a obtenu dans la même localité beaucoup plus de spécimens, savoir : quatre mandibules du côté gauche (1) Représenté, dans la planche XLIV, par les figures (grandeur nature) n° 1 à 16: (Note du traducteur.) 266 HANS GADOW. complètes, quatre mandibules du côté droit complètes, dix portions de mandibules du côté droit avec les dents, et neuf de gauche; quatorze moitiés de mandibules proximales dé droite, et quatorze de gauche; trois os frontaux complets appartenant à deux grands spécimens et à un pelit; trois bases du crâne; une vertèbre atlas, trois vertèbres thoraci= ques dont deux se suivent et appartiennent au même individu; quatre vertèbres lombaires d’un spécimen plus petit; une côte lombaire ; un sacrum; deux vertèbres fusionnées ; quatre vertèbres sacrées postérieures(première, seconde, troisième ? et quatrième?) ; quatre humérus du côté droit ; quatre autres du côlé gauche; quatre cubitus; trois fémurs du côté droit, sept fémurs du côté ganche ; et trois os innominés ou moitiés de bassin du côté gauche dont un indique un petit spécimen. La plus grande des mâchoires inférieures complètes me- sure 76 millimètres de long. Ainsi qu'on devait s’y attendre, le nombre des dents est variable, savoir : 22, 23, 24, 25 dans les cinq mâchoires les plus complètes du côté gauche, et 20, 22, 23, 26 dans celles du côté droit. La conformation et les proportions de la mâchoire infé- rieure, de l'os frontal et de la base du crâne indiquent que, dans la conformation de la tête, le Didosaurus ressemblait au genre Cyclodus. | Le plus grand humérus mesure 42 millimètres de long ; le plus petit 35 millimètres. Tous les spécimens sont pourvus d’un foramen entepicondylaire. Les cubitus varient de 30-5 à 32 millimètres de long. Le plus grand fémur mesure 49 millimètres; le plus court 43 millimètres. P. S. — Depuis la lecture du présent Mémoire, M. Sauzier en a publié un qui contient, non seulement de nombreux renseignements historiques, mais aussi plusieurs excellentes gravures représentant la grande Tortue vivante à Port-Louis, Ile Maurice, vue de côté, de face et de derrière. Il est intitulé : Les Tortues de terre gigantesques des Mascareignes et de certaines autres îles de la mer des Indes. Paris, G. Masson, éditeur, 1893, in-8, 32 pages. SUR UNE NOUVELLE ESPÈCE D'IXODIDÆ DU CONGO AMPLYOMMA OUANTINI Par DOANNY REAIRTEIN. Parmi les envois reçus au Muséum d'Histoire naturelle et provenant des collections recueillies au Congo par M. Dy- bowski se trouvaient des peaux d'un bœuf de celle région, Dos brachyceros conservées dans le sel humide, et sur les- quelles M. Quantin, chef des travaux de {axidermie au Mu- séum, découvrit quelques tiques admirablement préservées. M. A. Milne-Edwards a bien voulu m'en confier l'étude. Le mâle de celte espèce nouvelle a été rencontré exclusi- vement dans les plis de l’aine du bœuf et sur le scrotum, là où l’épiderme est le plus facilement attaquable. Ilse distin- gue tout d’abord par les couleurs les plus brillantes et les plus variées dont son bouclier dorsal est orné. C’est une es- pèce relativement grande ; la aille moyenne que j'ai pu re- lever sur une quinzaine d'individus mis à ma disposition, m'a donné comme longueur totale, rostre compris, 6 millimètres sur 4 millimètres et demi de largeur. La têle el le rostre ne mesurent pas moins de { millimètre et demi. La forme générale du corps est ovalaire, la partie posté- rieure étant la plus large. La figure que j'en donne montre cette espèce amplifiée trois fois et demi, figure 1. Les Ixodidæ présentent, comme on le sait, un bouclier dorsal, ce qui les distingue des Argas qui n’en possèdent pas. 268 JOANNY MARTIN. Ce bouclier qui chez les mâles arrive à couvrir toute la por- tion dorsale du corps se trouve réduit chez les femelles à un petil écusson. C’est ce bouclier qui chez les mâles prend de si vives couleurs. La figure 1 donnera une excellente idée de leur répartition et de leur beauté. Je dois ajouter que la co- loration n’a subi aucune altération. Le mode de conserva- tion employé ici semble des meilleurs. L'alcool tout en con- servant la valeur des tonalilés des teintes paraît les brunir légèrement. Le bouclier présente tout d’abord, comme répartition des couleurs, la disposition suivante : deux languettes brunes partent, en arrière de la lête, de chaque côté de la ligne médiane et s’avancent symétriquement jusqu'au milieu du corps. D'autre part, les côtés marginaux sont bordés d’une bandeletie brune, qui au tiers antérieur, de chaque côté du corps se divise en deux portions, et tandis que l’une continue à suivre les bords du bouclier, l’autre se dirigeant un peu vers le centre va rejoindre et se fusionner, un peu plus loin, avec la bandelette lalérale, circonscrivant ainsi un îlot co- loré en rose chair. A la partie postérieure, la bandelette bor- dante envoie trois pointes brunes dirigées vers le centre du bouclier, une médiane et deux latérales un peu plus courtes. Les espaces compris entre les diverses bandes brunes sont de couleur chair surtout dans les porlions voisines de la périphérie tandis qu’au centre, c’est la couleur vert clair tendre qui domine avec des filets verts plus foncés le long des contours immédiats des bandelettes brunes. Enfin, au- dessus de la pointe médiane foncée qui s'échappe de la par- tie postérieure du corps, se trouve une tache rouge orangé bien caractéristique. Cette description de la répartition des couleurs sera terminée lorsque j'aurais dit que sur le bord postérieur du corps se trouvent quatre ou cinq ta- ches blanches de chaque côté de la ligne médiane et corres- pondant à autant de crênelures de la partie postérieure du bouclier. RosTRE. — La tête petite, bien nettement séparée du reste IXODIDÆ DU CONGO. 269 du corps se prolonge par le rostre 7 figure 2 et3 et figure 4. Celui-ci, fondamentalement le même chez tous les Ixodes, était enfoncé obliquement dans la peau de l'hôte. Au point de fixation, l’épiderme formait une sorte de bourrelet, limité par un sillon. C'est au centre de ce bourrelet que pénètre le rostre qui s'arrête juste à la couche de Malpighi. Ce rosire semble peut-être un peu plus long, relativement, que ceux des [xodidæ en général, et comme il sert le plus souvent à caractériser les espèces, je le décrirai avec quel- ques détails. Tel qu’on doit le concevoir, le rostre est cons- titué par l’ensemble de la portion lout entière du corps dans laquelle les organes de la bouche sont placés, et ne pas ré- server ce terme, comme le fait remarquer Michael(92) à l’or- gane de fixation seul, que Pagenstecher (61) dans son anato- mie des [xodes appelle radula. Quoiqu'il en soit, les pièces buccales, d’après Haller (81a) sont construites sur le même plan fondamental. Elles se composent d’un épisltome simple, qui enveloppe par-dessus, et sur les côlés seulement, les pièces centrales et mobiles de la bouche. Cet épistome très développé forme chez notre tique une membrane molle et très finement striée. Elle est divisée en deux parties sur la li- gne médiane, qui se soudent au milieu de la longueur du rostre. Cette portion est le prolongement des téguments de la tête et prend naissance, d’après Haller, par duplicature de la partie antérieure du corps. Ce demi-cylindre est fermé à la partie inférieure par une sorle de lèvre, le rostre d’après Mégnin (92). C’est une lèvre dard résultant, d’après le même auteur, de la soudure de la languette avec les deux maxilles. C’est l’homologue du labium des autres acariens, mais il ne correspond pas à celui des insectes. Il répond aux maxilles de ces derniers et aux pédipalpes des autres arachnides. Les figures 3 et 4 montrent cetle lèvre dard grossie. De chaque côté et à la base de ce dard, sont insérés les palpes maxillaires dont je parlerai plus loin p m figure 3. Cette lèvre à laquelle Mégnin (78) attache une grande impor- tance, parce qu'elle est souvent caractéristique des espèces, 270 FJOANNY MARTEN. ressemble à une cuiller spatuliforme, qui rapprochée comme je lai dit de la gaine supérieure constitue un camérostome. Elle présente deux portions symétriques soudées sur la ligne médiane. Chacune d'elles montre trois régions dislinctes figure 4, l’une antérieure « formée de très petites dents, bifides, trifides même et ne formant qu'un petit segment à la partie supérieure de la lèvre. Une seconde région, la plus large et la plus développée comprend une série de grosses dents à pointes dirigées en arrière 6. Dans la partie la plus dilalée, on compte trois rangées de ces dents, puis quatre un peu plus loin, en se rapprochant de la base de la lèvre, puis le nombre de ces rangées augmente en- core, mais les dents deviennent de moins en moins acéréeë et finissent déjà, même au milieu de la longueur de la lèvre par ne constituer que des écailles peu saillantes. Enfin la troisième région € qui s'étend jusqu’à la base de la lèvre ne présente plus qu'une faible différenciation. Comme on le voit cette constitution diffère sensiblement de celle que l’on rencontre ordinairement chez les Ixodidæ. Ce qui en fait surtout la particularité, c'est la présence de ces petites épines à plusieurs denis'à la partie supérieure de la lèvre. ManDiBuLes. — La paire de mandibules »2 et m' figure 4 et figures 5 et 6 qui glisse à l’intérieur du camérostome et qui peut êlre animée d'un mouvement de va-et-vient à la volonté de l’acarien, sont formées chacune d’une longue tige sur laquelle s'articule une paire de crochets acérés. On remar- quera que l’une des parties de la paire des crochets chez le mâle a la forme d'un harpon à deux pointes plus étroites mais situées plus haut que l’autre partie qui forme un crampon plus épais et plus robuste, avec en arrière, une plus petite épine (fig. 5). L'ensemble de ces mandibules ressemble assez au dessin qu'a donné Pagenstecher (61) pour l'Ixodes orni- thorhynchi. Enfin, j’ajouterai que la tige mandibulaire est creusée d’une cavité qui se prolonge jusqu'à une petite dis- tance de l’extrémité des crochets. Pazpes. — Les palpes maxillaires, qui s'insèrent à la base IXODIDÆ DU CONGO. FT du rostre, p m figure 3, sont aussi longs que celui-ci. Ils sont creusés en gouttière et formés de quatre articles. Le dernier, situé à l’extrémité et en dehors de la gouttière, n’est représenté que par un tout pelit bouton sensitif (ôs fig. 3), logé dans une dépression dont l’ouverlure est tournée vers la face ventrale. La largeur de ce bouton sensitif n’a pas plus de 4/100 de diamètre, la dépression mesure 1/10 de millimètre de diamètre sur 5/100 seulement de profon- deur.J’ai pu observer le même organe chez plusieurs espèces d’'Ixodes indéterminées mais communes, et beaucoup plus pelites que la tique précédente. Le bouton sensilif atleignait déjà là près de 4/100 de diamètre. Sans vouloir généraliser avec quelques exemples seulement, ces faits sembleraient indiquer que l’organe en question présente des dimensions à peu près constantes chez les Ixodidæ, quelle que soit leur taille. Ce qui fait croire que l’on a bien affaire ici à un organe sensoriel, c'est que chez notre tique, j'ai vu quelquefois ce dernier article faire saillie en dehors de la petite cavité où il est ordinairement logé et que de plus, il montre à sa sur- face cinq ou six prolongements des téguments, en forme de doigts de gant. ; | MeuBres. — Les pattes sont à six articles. Elles sont ro- bustes mais de taille inégale. La première paire est plus grêle et plus longue que les autres. Les trois paires qui sui- vent sont de plus en plus fortes jusqu’à la dernière. Les ar- Licles sont doublement colorés, moilié et quelques fois plus, en jaune brun tandis que le tégument de l’autre portion reste presque blanc. Les hanches de la première et de la der- nière paire de pattes présentent à leur base une épine chi- tineuse simple dirigée du côté interne (fig. 2). Le dernier article ou tarse des trois paires de pattes postérieures mon- trent deux forts crochels peu acérés cr figure 7, au voisi- nage de l'extrémité et dont l’un termine l’article. De plus . celui-ci porte un ambulacre sub-latéral constitué par deux petites griffes et d’un caroncule à leur base am, figure 7, comme on en voit également chez les autres Ixodidæ. 272 JOANNY MARTIN. Le dernier article de la première paire est un peu diffé- rent des autres, figure 8. Il porte bien à son extrémité l’am- bulacre à deux griffes mais il est plus grêle et plus long que ses homologues. De plus il n’est pas muni de ces crochets que nous avons vus sur les autres articles terminaux. Ici, cet article remplit un but tout à fait différent de celui des autres pattes. Cet article porte en effet l'organe de l’audilion que je vais décrire à propos des organes des sens. ORGANES DES SENS. — Les yeux sont très apparents et sont représentés par deux taches ocellaires blanches non sphé- riques placées sur le bord antérieur du céphalo-thorax à droite et à gauche de la têle et assez près de sa base. Les organes de l’audition sont placés chez les Ixodes, d’après Haller (81), sur le dernier article de la première paire de pattes. Je les ai retrouvés là, comme je l’ai dit plus haut, mais avec des caractères un peu différents. Dans notre es- pèce, avant l’inflexion qui se montfe à une petite distance de l'extrémité on voit, après un iraitement convenable, un groupe de trois vésicules v. a figure 8 placées sur une ligne qui est l'axe même de la patte. La vésicule médiane sphé- rique contient une petite masse compacte qui semble être un otolithe, tandis que les deux autres vésicules contiennent quelques poils chitineux. Comme on le voit celte constitution diffère sensiblement de celle figurée par Haller pour un Ixodes d'espèce indéter- minée. Il y a donc là une différence spécifique, peut-être même de genre. Je dois ajouter que j'ai retrouvé chez une espèce d’Ixodes le schéma exact donné par Haller. STIGMATES. — La face ventrale fournit quelques carac- tères. Les stigmates, au nombre de deux comme chez tous les Ixodidæ sont placés en arrière de la dernière paire de pattes s4, figures 2 et 10. Leur forme est celle d’un triangle aux angles arrondis (fig. 9). Chacun d'eux est constitué par un péritrème chitineux, épais, entourant une plage criblée de fines bulles d'air qui vues sous la loupe luisent comme au- tant de petites perles. Tout cel ensemble constitue l'écusson IXODIDAE DU CONGO. d'ha stigmatique au milieu duquel se trouve l'ouverture propre- ment dite dustigmate o figure 9, allongée et étroite, en forme de fente. C’est de cette ouverture que part le tronc trachéen. Les autres points moins caractéristiques sont : 1° L'ouverture anale arrondie, avec de chaque côté deux petites valves, semblable à celle que représente Audouin (32) pour l’Ixodes Erinacei. (Nob.); 2° l'ouverture des organes génitaux. . FemeLze. — La femelle de cette espèce trouvée au pli du membre antérieur de l’hôte mesure 9 millimètres de lon- gueur sur 6, 5 millimètres de largeur. Les figures 10 et 11 représentent la femelle vue sous les faces ventrale et dorsale. Les caractères de la lèvre inférieure du rostre sont exacte- ment les mêmes que chez le mâle. Il n’en est pas de même des mandibules. J'ai représenté, figure 6, les mandibules de - cette femelle à côté de celles du mâle figure 5. On peut voir que le petit crochet adventif a, placé au-dessus du plus ro- buste à et dont l’ensemble constitue le crampon inférieur _ chezle mâle, prend, chez la femelle, un développement égal à celui placé immédiatement au-dessous de lui. En outre les mandibules mâles et femelles ayant été dessinées à la chambre claire, sous le même grossissement, on peut cons- tater que l’ensemble des pièces femelles est plus fort, plus développé que l’ensemble des pièces mâles. Il faut voir là l'indication d’un parasitisme peut-être plus accentué chez la femelle que chez le mâle, La base du rostre présente des aires poreuses ou fovea que l’on ne peut voir qu'avec beau- coup d’attention. Les palpes sont semblables à ceux du mâle, mais les pattes paraissent un peu plus grêles que chez le mâle ; cependant elles en possèdent exactement ious les caractères. L’écusson dorsal a la forme d’un petit triangle équilatéral dont un des sommets est dirigé en arrière jusqu’au liers de l'abdomen sur la ligne médiane figure 11 ; la base borde la par- üe antérieure du corps. La coloration de cet écusson rappelle celle de la portion antérieure du céphalo-thorax du mâle. ANN. SG. NAT. ZOOL. XVIII, 48 274 JOANNY MARTIN. Quant à l'abdomen, sa couleur paraît noire, mais en déta- chant quelques minces esquilles à l’aide d’un scalpel, on re- connaît que le tégument est couleur vert-foncé, l’épaisseur de la chitine rendant cette teinte peu apparente. L'ouverture anale a ici la forme d’un croissant. Les yeux sont placés au même endroit que chez le mâle ; on les voit très apparents, aplatis et jaunâtres aux angles mêmes de la base de l’écusson triangulaire dorsal. Ainsi, bien que je n’ai pas trouvé cette femelle accouplée, Je n'hésite pas à dire que ces deux individus sont bien de même espèce. En effet, Les caractères différentiels se limi- tent ici à des différences sexuelles et rien de plus. Je dois cependant ajouter que ia hanche de la première paire de pattes porte seule une épine à sa base, figure 10. Ce caractère ne se reproduit pas comme chez le mâle à la hanche de la dernière paire. Mais son importance dispa- raît devant la concordance frappante de tous les autres. Les stigmates encore, ont même forme et les mêmes particu- larités. Enfin les organes de l'audition étudiés chez le mâle se présentent ici avec les mêmes caractères. D’après tout ce que nous venons dire est-il possible de rapporter l'espèce décrite à l’un des nombreux genres éta- blis dans le grand groupe des Mites? Grâce à l'extrême obligeance de M. Railliet, professeur à l'École vétérinaire d’Alfort, j'ai trouvé auprès de lui de nom- breux documents qui, joints à sa grande compétence sur ce sujet, m'ont permis de classer cetle espèce. Je rappellerai tout d’abord que le groupe des Tiques ou Ricinæ fut divisé par Koch (44) en trois familles d’impor- tance inégale : les Argasidæ, les Ixodidæ et les Rhipistomi- dæ. Plus récemment, Canestrini (91) en se fondant sur des caractères tirés principalement des stigmates rapporte dans un même groupe les Ixodidæ et les Argasidæ sous le nom de Metastigma. Quoi qu'il en soit, d'après ce que j'ai dit au commencement de celte élude notre espèce se range dans la famille des Ixodidæ. Des genres fondés par Koch dans IXODIDAE DU CONGO. 275 celle-ci nous ne retiendrons que les genres Ixodes, Hya- lomma et Amblyomma. Examinons maintenant les caractères communs ou diffé- rentiels de notre espèce avec chacun de ces trois genres : 1° Genre Zxodes (Lat.). — Ce groupe ne contient que des espèces aveugles. Ce caractère suffirait déjà à en éloigner notre tique, si l'absence totale d'écussons à la face ventrale du mâle n’accentuait encore cet éloignement. 2° Genre Hyalomma (K.). — On trouve dans Canestrini (90) -et dans l'ouvrage de Railliet (93) la définition suivante plus complète que celle de Koch : yeux distincts, sphériques, de couleur ambrée; base du roslre rectangulaire (vue en dessus). Palpes allongés aussi longs ou plus longs que la tête à pre- mier et troisième articles dentés inférieurement. Hanches de la première paire de paites fortement bidentés ; le mâle avec deux paires d'écussons à la face ventrale, des écussons pé- rianaux triangulaires assez grands, et des écussons externes plus petits. Bord postérieur crénelé ou festonné. Écusson stigmatique grand et triangulaire; orifice stigmatique étroit, allongé en virgule. Les pattes ont des tarses dentés au som- met avec un ambulacre sub-latéral. Enfin la femelle possède des aires poreuses distinctes à la base du rostre. J'ajouterai que ce groupe renferme des espèces de nos pays, sans cou- leurs bien brillantes comme le montrent les beaux dessins de Berlese (82). 3° Genre Amblyomma (K.). Il présente des yeux aplalis, troubles, blanchâtres ou jaunâtres, et pour le reste comme dans le genre Hyalomma. Mais ce groupe Amblyÿomma ne renferme exclusivement que des espèces exotiques, toutes pourvues, du moins chez les mâles, de couleurs ornementales très brillantes. Canestrini (91) dans son système des acariens dit cependant que ce genre mérite d'être supprimé. Et pour- tant il suffit de parcourir les belles planches de l'ouvrage de Koch (47) pour se convaincre de la nécessité de maintenir ce genre. D'ailleurs Canestrini n indique pas les raisons de cette suppression. 276 JOANNY MARTIN. Maintenant, la comparaison de notre tique devient facile. On voit aisément que tous ses traits la rapprochent de ce dernier genre Amblyomma, avec un caractère négalif ce- pendant : l’absence d’écussons ventraux chez le mâle. Chez quelques espèces ces écussons, on le sait, sont peu visibles. Malgré toutes mes recherches, je suis persuadé que notre tique n’en présente pas. Faudrait-il créer un genre nouveau à cause de ce fait... Je ne le pense pas, car il se pourrait que nous ayons affaire à un terme de passage, ou bien en- core, il pourrait arriver que la présence ou l’absence d'’é- cussons ne fut pas un caractère de haute valeur, de même que, par exemple, la présence d’une ou deux épines à la hanche de la première paire de pattes. Je n'hésiterai donc pas à rattacher notre espèce au genre Amblyomma, et je lui donnerai le nom de Amblyomma Quantini. TecaniQuEe. — Tous les dessins ont été exécutés à la chambre claire, d’après les pièces isolées, sans préparation d’abord, puis contrôlés après un traitement à chaud soit par la glycérine acétique, soit par la potasse caustique. J’ai également employé l’hypochlorite de soude pour éclaircir les téguments qui sont tous d’une grande résistance. Il faut user de ce dernier réactif avec prudence car on dépasse ai- sément le but. BIBLIOGRAPHIE 32. AUDOUIN (V.). — Lettres pour servir de matériaux à l'histoire des Insectes (Ann. sc. nat., vol. XXV, p. 401-425, 1832). 4k. Kocx (C.-L.). — Systematische Uebersicht über die Ordnung der Zecken (Archiv für Naturg., 10° année, vol. I, p. 217, 1844). 47. Kocx (C.-L.). — Uebersicht der Arachnidensystems, 4° part., 130 p., 30 pl. Nürnberg, 1847. EXPLICATION DE LA PLANCHE XIV. PTE 61. PaGexsrecuer (Al.). — Beiträge zur Anatomie der Milben, 2° partie. Leipzig, 1861. 78. MÉGnIN (P.). — Présentations d'Ixodes recueillis sur des bœufs algériens et marocains (Bull. entomol., p. xcr, 1878). 81. Hazzer (G.). — Vorläufige Bemerkungen über das Gehôrorgan der lxodiden (Zool. Anz., 1881, p. 165). 81a.HALLER (G.). — Die Mundtheile und systematische Stellung der Milben (Zuol. Anz., 1881, p. 380). 82. BERLESE (Ant.). — Acari, Myriapodu et Scorpiones hucusque in Italia reperta. Padova, 1882. : 90. CaNESTRINI (Giov.). — Prospetto dell’ Acarofauna Italiana. Famigliu degh Ixodini e degli Argasini (Atti R. Istit. Venet. Sc. (7), t. I, 1890, p. 165-230). | 94, CANESTRINI (Gi0v.). — Abbozzo del’ sistema acarologico, (Atti R. Istit. Venel. Sc. (7), 1. II, 1891, p. 699-725). 92. MÉenu (P.). — Les Acariens parasites, in-16, 182 pages. Paris, 1892. 92. MicxaEz (Alb.). — Ticks (Natural Science, vol. I, 1892, p. 200-204). 93. RaAiLLiET (A.). — Traité de zoologie médicale et agricole, 1'° part., gr. in-8. Paris, 1893. EXPLICATION DE LA PLANCHE XIV Fig. 4. — Amblyomma Quantini mâle, gross. ; 3,5. Fig. 2. — Face ventrale du même, gross. 9; r, rostre; an, ouverture anale; g, ouverture des organes génitaux. Fig. 3. — Rostre et palpes maxillaires, de A. Quantini mâle; r, rostre; p.m, palpe maxillaire ; b.s, bouton sensitif. Fig. 4. — Lèvre-dard très grossie pour montrer le détail des crochets ; a, région de petites dents bifides et trifides ; b, région des grosses dents ; ce, région écailleuse; m, m', mandibules. Fig. 5. — Mandibules de A.Quantini mâle; «a, crochet adventif; b, cro- “_ chet principal. Fig. 6. — Mandibules de A. Quantini femelle. Fig. 7. — Extrémité de l’une des trois paires de pattes postérieure; cr, crochets subterminaux ; am,ambulacre; ca, caroncule. Fig. 8. — Extrémité de la première paire de pattes; v.a, groupes des trois vésicules auditives ; am, ambulacre ; ca, caroncule. Fig. 9. — Stigmate très grossi ; o, ouverture du stigmate. Fig. 10. — A. Quantini femelle, vu du côté ventral ; sf, stigmate. Entre les figures 10 et 11 on a représenté les dimensions naturelles de la femelle. Fig. 11. — A. Quantini femelle, vu du côté dorsal ; gross. 4. RÉVISION DES CLADOCÈRES Par JULES RICHARD. INTRODUCTION Il existe depuis longtemps déjà à l'étranger des travaux consacrés spécialement à l’étude des Cladocères de telle ou telle contrée de l'Europe, il n’y en a point d’analogue en France. À l'heure actuelle on trouve des descriptions d’espè- ces répandues dans une foule de mémoires isolés, difficiles à se procurer ou à consulter. Les ouvrages généraux sont déjà anciens et le plus souvent écrits dans des langues peu connues. Cet état de choses n’est certainement pas fait pour encourager celui qui désire entreprendre l'étude des Crus- tacés dont il est ici question. C’est pourquoi on a pensé que le moment était venu de faire une révision générale des Cladocères dont le nombre augmente toujours. Ce mémoire a donc pour but de faire l'inventaire des espèces de cet ordre d'Entomotracés et de donner de chacune d’elles une description, le plus souvent accompagnée de figures, per- mettant de les reconnaître. Comme on le voit par ce qui précède, il s’agit spécialement ici d’une étude faunistique et systématique, on n’a pas l'intention d'écrire une histoire naturelle mais simplement une révision. Néanmoins, et sur- tout en raison de l’absence d'ouvrages spéciaux français, on a cru indispensable de donner d’abord un aperçu général et sommaire de l’organisation, du genre de vie, etc., des Crustacés qui font le sujet de ce travail. On trouvera en outre, 280 JULES RICHARD. avant ce chapitre même, une liste assez complète des mé- moires publiés jusqu'iei sur les Cladocères (1). Dans tout travail analogue à celui qu’on présente ici, et qui n'est qu'un premier essai, on doit s'attendre à trouver des lacunes plus ou moins nombreuses. On ne peut pas toujours parler d’après sa propre expérience de telle ou telle forme; cela n’a pas d’inconvénient quand les descriptions des auteurs sont bonnes. Il en est qui laissent malheureuse- ment fort à désirer et il n’est pas toujours possible, pour des raisons diverses, d'obtenir des LÉRÉFIERERENIS plus com- plets. D'autre part, on n’a pas craint de faire des emprunts à ceux des auteurs dont on a reconnu l'excellence des descrip- tions ou des dessins, estimant qu'il s’agit non pas tant de donner quelque chose de son cru que des documents aussi bons que possible sans perdre un temps utile. On s’est atta- ché à faire des descriptions uniformes, bien comparables entre elles pour les espèces d’un même genre, toutes les fois qu’on n'a pas été obligé de s’en tenir aux documents fournis per les auteurs. Je n'aurais certainement Dé pu songer à entreprendre cette révision si je n'avais eu à ma disposition que les Clado- cères que j'ai recueillis moi-même. Aussi suis-je heureux | d'exprimer ici ma reconnaissance et d'adresser mes remer- ciements aux nombreuses personnes (dont beaucoup sont bien connues pour leur dévouement à la science), qui ont bien voulu me permettre d'étudier les récoltes failes par elles dans les localités les plus différentes et les plus éloi- gnées du globe. Il me sera bien permis de citer 1ci leurs noms et d'indiquer les régions d’où ils ont rapporté les ma- (4) La disposition adoptée ici pour l'index bibliographique semble au premier abord prendre une place considérable. Si l’on y réfléchit, on voit bien vite qu’elle permet au contraire d'en économiser beaucoup, puisque au lieu de répéter constamment un grand nombre de titres d’une façon plus ou moins correcte et intelligible, il suffit d'inscrire le numéro corres- pondant de l'index. De plus avec l’index, ainsi disposé, on peut se rendre rapidement compte des progrès de nos connaissances sur le sujet, de l’im- portance et du nombre des travaux, elc. .: RÉVISION DES CLADOCÈRES. 281 tériaux utilisés dans ce mémoire (1) auquel M. le professeur À. Milne-Edwards veut bien donner l'hospitalité dans les Annales des Sciences naturelles. Je ne puis terminer sans remercier ceux qui ont bien voulu m'aider soit en me donnant des renseignements pré- cieux, soit en me communiquant des types qui me faisaient défaut, soit encore en me facilitant certaines recherches bibliographiques : MM. R. Blanchard, Bogdanow, Claus, Daday, Forbes, Fric, Girod, de Guerne, L.-B. de Kerhervé, Kôülbel, Lilljeborg, V. Marenzeller, A. Milne-Edwards, Mo- niez, A.-M. Norman, Nordquisl, Pavesi, S.-A. Poppe, G.-0. Sars, Th. Scott, Th. Studer, Geo. Thomson, Vavra, Wierzejski. Qu'ils veuillent bien agréer l'expression de ma vive reconnaissance. (1) S. A. $. le prince Albert de Monaco a fait de nombreuses récoltes à Marchais (Aisne) ; sur sa demande et grâce à l'intervention de M. de Brazza M. Mocquerys a exécuté des pêches au Congo. — MM. Alluaud : Haute- Vienne, Aden, Canaries. — Th. Barrois : Égypte, Syrie, Palestine. — E. Belloc: Pyrénées, Haute-Garonne, Gironde. — A. Berthoule : Sologne, lacs d'Auver- gne. — KR. Blanchard : Indre-et-Loire, île de Noirmoutier, Hautes-Alpes, Var, Alpes-Maritimes, Algérie, Tonkin (M. Dumas), etc. — Du Buysson : Allier. — Chaper : Bornéo. — E. Chevreux : Loire-Inférieure, Alpes-Maritimes, Pro- vence, Corse, Mahon, Tunisie, Canaries, Sénégal, etc. — Frère David : Haïti. — Delebecque : nombreux lucs du Jura, etc. — A. Dollfus : environs de Paris, Loire-Inférieure, Var, Corse. — Duchasseint et Givois : Loiret, Cher. — Dugès : Mexico. — Eusébio : Auvergne. — Baron J. de Guerne : nombreuses _ localités de l’est de la France, Oise, Yonne, Indre, Jura, environs de Paris, Açores, Sénégal (D' Collin), Madagascar (Sikora), Terre-Neuve (R. des Isles), Texas, Louisiane, îles Havaï (Desfontaine). — Hérou : Zante. — Hérouard : Roscojf. — G. Jacobsohn : lot de la mer Blanche. — J. Jullien : Saône-et-Loire, Vera- Cruz, Nouvelle-Orléans. — H. G. de Kerville : Seine-Inférieure. — Comte de Lamotte : lac Balaton. — R. Martin : Indre. — Max Weber : Sumatra, Cé- lèbes. — Modigliani : Sumatra. — Poppe : Chine, Japon, etc. (Schmaker). — Ch. Rabot : Ille-et-Vilaine, Russie, Sibérie, Norvège, Feroë, Islande, Groënland, Spitzberg, Jan Mayen.— Rigaud : Tonkin. — Roussel : Meuse. — L. Roubau : Haute-Garonne. — Ch. Robinet : Allier, Eure-et-Loire. — Sarrut : Lot. — Schlumberger : Marne, Villers-sur-mer. — K. Secques : environs de Paris, Haute-Loire. — Steindachner : Macédoine. — Topsent : Marne, Haute-Loire, Pyrénées-Orientales. — M. de Villepoix : Somme. — Voeltzkow : Madagascar. Enfin j'ai moi-même recueilli de nombreux matériaux : environs de Paris, Allier, Puy-de-Dôme, Corrèze, Belle-lle, Monte-Cristo, Corse, Ile d’Elbe, Sicile, Naples, Açores, Dar imouth, ces dernières localités ont été explo- rées en partie avec M. de Guerne, pendant les campagnes scientifiques de « l’Hirondelle » ou du yacht « Princesse Alice». 282 JULES RICHARD. INDEX BIBLIOGRAPHIQUE Avant de donner la liste des ouvrages qui concernent les Cladocères je crois bon de faire en quelques lignes un historique sommaire de nos connaissances sur cesanimaux (1). Le nombre des travaux publiés jusqu'en 1850 n’atteint pas cinquante, même en comptant un certain nombre d'ouvrages de zoologie générale, et dans la quantité beaucoup sont de peu d'importance. Swammerdam (1669), Redi (1684 et 1708) donnent les premières descriptions et les premiers dessins d’une Daphnie (Pulex aquaticus arborescens). C’est encore d’une Daphnie que s'occupe Joblot en 1754. Mais Schæffer (1755) donne le premier de bonnes descriptions et des dessins utilisables ; il distingue diverses espèces et donne des détails de plusieurs organes. Geoffroy (1762) et de Geer (1778) ne font pas faire beaucoup de progrès à nos connaissances et Linné (1766) range sous le même nom de Monoculus tous les Entomostra- cés connus de son temps. Mais O.-F. Müller (1785) établit les genres Daphnia, Lynceus, Polyphemus ; Slraus (1820) y joint Sida et Latona. Jurine (1820) revient au contraire en arrière et range encore comme Linné sous le nom de Monoculus non seulement tous les Cladocères mais encore les Copépodes et les Ostracodes. Néanmoins il reconnaît de nombreuses espèces et donne sur les mœurs, la reproduction et le déve- loppement des Daphnies des observations qu'on lit encore avec fruit aujourd’hui. | De 1820 à 1850 apparaissent les importants travaux de Baird, en Angleterre, de Liévin en Allemagne, de Fischer en Russie, etc. Aussi constate-t-on de grands progrès, non seulement au point de vue systématique, mais aussi au point de vue anatomique. Mais c’est surtout depuis 1850 que les Cladocères ont été le sujet de recherches nombreuses. Les (1) Le lecteur désireux de lire un historique plus complet se reportera à celui donné par Gerstäcker (nr, p. 808). RÉVISION DES CLADOCÈRES. | 283 travaux de Claus, de Leydig, de Lillejeborg, de Müller (P.-E). de Sars, de Weissmann, de Schôüdler, elc., sont classiques. Combien d’autres encore qu’il faudrait citer, mais ce serait reproduire avec commentaires en plus, une bonne partie de l'index qui suit et quel que soit l'intérêt de ce travail il ne peut avoir sa place ici (1). | 1. 1891. APstTEIN (C.), Uber die quantitative Bestimmung des Plankton in Süsswasser, in Zacharias, Das Thier-und Pflanzleben des Süss- wassers, Leipzig, p. 1-40. 2. 1892. ApPsTein (C.), Das Plankton des Süsswassers und seine quantitative Bestimmung, Schr. naturw. Ver. Schleswig-Holstein, vol. 9. 3. 1892. APsTEIN (C.), Uber das Plankton des Süsswassers, Ibid. 4. 1892. APsTEIN (C.), Quantilative Plankton Studien im Süsswasser, Biol. centralbl., vol. 12, p. 486-512. 5. 1893. APsTEIN (C.), Uber das Vorkommen von Cladocera Gymnomera in holsteinischen Seen, Schft. naturw. Ver. Schleswig-Holstein, vol. 10. , 6. 189%. APsTEIN C.), Vergleich der Plankton production in verschiedenen holsteinischen Seen, Ber. naturf. Ges. Freiburg 1. Br., val. 8, p. 70-88. 7. 1880. Asper (G.), Beilräge zur Kenntniss der Tiefseefauna der Schuwei- zerseen, Zool. Anz. p. 130 et 200. 8. 1880. Asper (G.), Die pelagische Fauna und die Tiefseefauna der Sch- weiz, Katal. CÆ/0771 1 e 1. NT nr CJLLETITUE erveau SRE é PF ___ Moelle nCRÉESTe Me ES 2*79 x DA ce HE æ (Æ ns" e © LL DOS LeTL EL O Li Sea er L LA € ana = * LR ESRET Ne PPS Moeile ven la PRE Grax. et 1mo.par Ch. Giuiot. Ann des Science. nat 7° Série Zoot Tome XVIII. PI. n N À SZ. N 7 SORT 700 e h a 4 At ; L'Eolecloner me \W\ S SA He MR Aypendice LAC = Graw. et Imp.par Ch.Cillot. Ann. des Science. nu. 7° Serie Soovc. Tome XVHE. PT: q. ETC — TS rare + à / 5 a i De  LFRES = N\- e é. / \ & : 254 L cloderme Les ÿ o / Q ‘. 7. Q , S > 7 : É 7 ® . | ra to __ LUN LAS £ ZT L'aoaerm € 22 = y A // S: cer e Graw.et 1mp.par Ch.Guéot Ann des Sciénc. nat. ÆZool. Tome XVIII. PI. uo A2p endices f: nlesÜn Doslerieur ! 7 flapalesaster Cavicauda LS Dermaturus hispidus a Neolithodes arimaldir ë.. Paralithodes camtschatica 6. Lithodes antarctica # Lithodes arctica à. À cantholithus hysTrix “ Paralomis aranvlosa FO: Rhñnolitho s bisca ensis tt Cryptelitaodes ti 12, PV Il lithodes papillosa PA Echidnocerus Ciharius (A, Arur. des Sc.nat. 7° Serie, Zool, T. XVIII. PL.11. EL. Bouvier at.nat.del Richard lit. Imp"*® Lemercier, Paris. Ann.des Sc. nat. 7 Serie. Pool. T'VENT, FT pl Æ 1. Bouvier ad. nat. del Richard lith. Împ'S Lemercier, Feris. Zoo. T' AVIIL. PL 13. Ann. des Sc. nat. 7 “Serie. Tic ri Richard GMasson, Edit. d. nat. del EL. Bouvier à ’ s et Lomistnes. » » « LüAodire Împ'%# Lemercier, Paris. Zool.TAVI PI. 14 Ann. des $c.nat. 7° Série Micolet lith. Richard et J Martin, del uantint (nov. sp) Ambljomma © mp. Lemercier,Paris. Zool.T. XVIIL PL.15. A des Sc. nat. Fa € Série LÉ) PEER — ae Mrs Et À c ES moe ANÈIEe PRES Q Pre SOA] Q he CSN ni 9% ETS SANT 50 HAT a Ÿ Er GMasson Edit. Révision des Cladocères. Împ'* Lemercier Paris. Zoot.T. XVIII. PL. 16. ES) cères CE 17 Wy, 1 SNA RL re \ + Paie AITE 2 RTE 5 Sr. A -. (# G. Masson Edit. Revision des Clado : ë Lo à $ N o1 F À à td V4 L À, 2 _ Ann. des Sc. nat.7* Sérte AURA: 0 LAINE AN ( D LA D'AEAN # PT on (EH RLA | Wu